LA REFORME DU NOM DE FAMILLE CONTRE LA FAMILLE

 

 

 

Apparemment, c’est une de ces réformes « gadget » dont les gouvernements sont friands parce qu’elles ne leur coûtent rien et qu’elles donnent une image « moderne » à moindre frais. La loi 1er janvier 2005 sur les patronymes est de celles-là. Elle permet de donner au nouveau-né soit le nom du père et de la mère soit au choix, l’un ou l’autre. Il y a même possibilité de rétroactivité pour les autres enfants du couple.

Pourquoi cette réforme que personne, en France, ne demandait vraiment ? D’abord parce que l’Union européenne, sans l’exiger, le suggérait fortement. Ensuite et surtout, pour étendre la parité, afin qu’il y ait égalité entre le père et la mère, comme généralement entre l’homme et la femme. C’est ce que dit la socialiste

Ségolène Royal qui applaudit l’initiative du gouvernement Raffarin : « Comme les femmes ont désormais la possibilité de transmettre leur nom à leurs enfants, elles pourront du même coup garder leur patronyme de naissance. » (Le Parisien du 3 janvier) Quelle victoire !

Cela traduit un étonnant manque de culture historique ! Nos gouvernants légifèrent dans un domaine très délicat sans s’être interrogés sur la raison pour laquelle l’enfant portait le nom du père. Il s’agit d’une pratique millénaire puisqu’elle date du XIè siècle. Elle fut instaurée par souci de l’enfant et, accessoirement, pour assurer ce qu’on appellerait aujourd’hui « l’égalité »… entre le père et la mère mais au profit du premier ! En effet, on savait toujours qui était la mère de l’enfant puisque sa grossesse était publique et que les « matrones » pouvaient constater, à la naissance, qu’elle était bien la mère. Pas besoin donc que le bébé ait le nom de celle qui le portait à la vue de tous ; en revanche, afin que l’enfant ait une claire conscience de son identité totale, il fallait qu’il porte le nom de son père.

L’autre raison invoquée en faveur de cette réforme est l’extinction progressive des noms, laquelle serait enrayée par la possibilité que l’enfant porte le nom de sa mère, ou conjointement celui de son père et de sa mère. Mais la disparition des patronymes est due à la baisse du nombre des naissances ! Quand on a plusieurs enfants, l’un d’entre eux est généralement un garçon qui deviendra père à son tour, mais lorsque l’on n’en a qu’un et que c’est une fille, évidemment, le patronyme disparaît si elle se marie et qu’elle est mère. Si l’on veut restaurer la pluralité patronymique, c’est une politique nataliste qu’il convient de mettre en oeuvre résolument et non concocter une loi de circonstance qui ne résout pas le problème.

Loin de porter remède à cet appauvrissement patronymique, la nouvelle loi risque de l’accentuer, comme on l’a vu dans les pays qui l’ont déjà mise en oeuvre. Le président de la fédération française de généalogie le rappelle : « On peut craindre cependant, à l’image de la Suède et du Danemark où une législation similaire est appliquée, une floraison de reprise de noms aristocratiques au détriment de nos bons vieux patronymes issus du terroir. » Quelles seront les conséquences de la disparition de cette coutume millénaire, abandonnée à la sauvette ? Le président de la fédération française de généalogie l’a expliqué ainsi : « Nos habitudes vont être profondément modifiées dans un sens à mon avis défavorable pour nos descendants généalogistes, sans parler des problèmes psychologiques et des conflits familiaux qui découleront de cette loi. Restons uniquement sur le plan généalogique : concrètement que peut-il se passer pour un nouveau-né ? Ses parents auront quatre options pour choisir son patronyme : celui du père, celui de la mère, celui du père suivi de celui de la mère, celui de la mère suivi de celui du père. A la génération suivante, si les deux conjoints ont un double nom, soit quatre patronymes, ils ne devront en choisir qu’un ou deux sur les quatre, la filiation patronymique est perdue si le choix s’arrête sur celui des grands-mères ou du grand-père maternels et ainsi de suite au bout de trois ou quatre générations les recherches en ligne paternelle risquent d’être impossibles. »

Autrement dit, cette possibilité, si les parents en usent, aboutira à l’effacement des origines familiales, aux racines qui, en partie, ont fait ce que nous sommes. Le petit d’homme sera un déraciné à l’identité incertaine, celle de son père disparaissant. C’est, à l’échelon individuel, ce qui est entrepris à l’échelle de la société et du continent européen car tout va dans le même sens. Alors qu’une monnaie participe de l’identité d’un peuple, on a supprimé le franc, le mark, la lire, la peseta, etc., au profit d’un euro artificiel, anonyme et technocratique. De même, les constituants ont banni du projet de Constitution les références aux origines chrétiennes de l’Europe. Ainsi, fabrique-t-on un individu sans histoire ni racine, sans identité constitutive, sans âme temporelle, un apatride culturel en quelques sorte. Un tel individu est mûr pour tous les embrigadements totalitaires et risque de ne plus exister que comme consommateur, pour le plus grand profit d’une société marchande. D’autant que Ségolène Royal, si elle revenait au pouvoir, n’entend pas en rester là qui souhaite que l’enfant « puisse carrément changer de patronyme ».

Ajoutons que c’est introduire une dialectique destructrice au sein du couple et de la famille. Le 1er janvier, également, la nouvelle loi sur le divorce « simplifiée » est entrée en vigueur. Son but, selon le garde des

Sceaux, est de favoriser une séparation « apaisée », purgée le plus possible de sa dimension conflictuelle.

Ce n’est pas encore le divorce dans la joie mais c’est déjà la rupture sans peine. Or, à la même date, on

introduit une source supplémentaire de conflit ! Pour donner le nom de l’enfant, il faudra choisir entre la lignée

paternelle et la maternelle. Si les conjoints sont d’accord, tant mieux, mais s’ils ne le sont pas, c’est

un nouveau contentieux qui s’ouvre. Déjà, un féminisme exacerbé se nourrissait de l’opposition artificielle homme/femme. Voilà qu’elle est désormais étendue au duo père/mère, menacé de devenir duel, en conséquence de cette funeste loi faisant de la naissance d’un enfant, qui devrait unir davantage le couple, une occasion de division.

 

Le Bulletin d'André Noël : 9 Janvier 2005