Le Pape Jean-Paul II et le droit naturel
A l’occasion du 7ième centenaire de la naissance de
Saint Yves, Patron des juristes
Le
Pape Jean-Paul II a fait parvenir un message à Mgr Lucien Fruchaud, Evêque de
Saint-Brieux et Tréguier, à l’occasion des célébrations du 7ième
centenaire de la naissance de St Yves Helory de Kermartin, Patron des juristes,
qui se sont déroulées à Treguier en France, du 16 au 18 Mai 2003
Le
Cardinal M.F. Pompedda, Préfet de Tribunal suprême de la Signature Apostolique,
était présent comme envoyé spécial du Saint Pére.
Dans
son Message, le Pape a développé l’idée que les constructeurs de l’Europe
« des doits humains » doivent puiser les lois
positives dans le doit naturel. Heureux
rappel si important aujourd’hui qu’il vaut la peine de suivre la pensée du
Pape.
Il
a, tout d’abord, magnifier la belle figure de Saint Yves, « comme magistrat, comme avocat et comme
prêtre » :
« Saint Yves, a-t-il dit, s’est
engagé à défendre les principes de justice et d’équité, attentif à garantir les
droits fondamentaux de la personne, le respect de sa dignité première et
transcendante et la sauvegarde que la loi doit lui assurer. »(O.R. 27 Mai
2003)
Ces
valeurs, poursuit le Pape, proposées par Saint Yves, conservent une étonnante
actualité et le Pape invite les artisans de la construction européenne à s’en
inspirer :
« L’Europe des droits humains (
N.B. le Pape n’utilise pas ici l’expression des droits de l’homme, expression ç
connotation révolutionnaire) doit faire en sorte que les éléments objectifs de
la loi naturelle demeurent la base des lois positives. »(O.R . 27 Mai
2003)
Très heureux
rappel en cette période de subjectivisme absolu mettant la personne au-dessus
de tout, affirmant son indépendance absolue à l’égard de tout ordre
transcendant et objectif, faisant de la personne elle-même la norme de tout droit,
indépendamment de la loi divine et naturelle.
Mais
quel est ce droit naturel ici invoqué ? Celui que toute personne droite
peut découvrir au moyen de la raison :
« Saint
Yves fondait sa démarche de juge sur les principes du droit naturel, que toute conscience
formée, éclairée, attentive peut découvrir au moyen de la raison. »
C’est
une thèse parfaitement thomiste. Somme théologique I II 91.1,2. Cette référence
est donnée dans le texte du Message.
C’est
alors que le Pape parle de l’ordre qui doit exister entre le droit naturel et
le droit positif :
« Saint Yves fondait sa démarche
de juge sur les principes du droit naturel… et sur le droit positif qui puise
dans le droit naturel ses principes fondamentaux grâce auxquels on peut élaborer
des normes juridiques équitables, évitant ainsi que ces dernières soient un pur
arbitraire ou le simple fait du prince. »(O.R. 27 Mai 2003)
Très
beau jugement du Pape sur l’importance du droit naturel dans la vie sociale et
politique. Son respect est le seul moyen capable d’éviter tout totalitarisme de
la pensée et du pouvoir. Tout totalitarisme est, de fait, arbitraire faisant de
l’Etat la seule norme juridique, alors que c’est le droit naturel qui doit être
au cœur de l’ordre social et politique, l’Etat ayant pour fonction de le faire
appliquer.
Il
ne serait pas inutile de rapprocher ces paroles de ce Message pontifical sur
Saint Yves aux paroles que le Souverain Pontife adressait au nouvel
ambassadeur d’Australie le 15 Mai 2003 :
« S’il est vrai que l’accent
politique mis sur la subjectivité humaine a certainement concentré l’attention
sur les droits individuels, parfois la tendance au politiquement correct semble négliger le fait que les hommes
et les femmes sont appelés à se tourner vers une vérité qui les transcende.
Séparer de cette vérité qui est l’unique garantie de liberté et de bonheur, les
personnes sont à la merci de l’arbitraire et du pluralisme indifférencié,
perdant peu à peu la capacité d’élever leur regard vers les sommets de la
signification de la vie humaine. »(O.R. 27 Mai 2003)
Ce
qui permet au Pape de dire que la personne est seulement protégée par le
respect du droit naturel :
« Saint Yves nous rappelle aussi
que le droit est conçu pour le bien des personnes et des peuples et qu’il a
comme fonction primordiale de protéger la dignité inaliénable de l’individu
dans toutes les phases de son existence, depuis sa conception jusqu'à sa mort
naturelle. »(O.R. 27 Mai 2003)
Et
ce qui est dit de la personne vaut aussi pour la famille. Ce qui fait
comprendre que « le droit joue un rôle important dans les liens sociaux. »(id)
Tout cela peut
« aider nos contemporains à
comprendre la valeur positive et humanisante du droit naturel. ». Cela
fait apparaître, dit le Pape, que « toutes les branches du droit sont
un service éminent des personnes et des sociétés. »
C’est
pourquoi il faut sans cesse « poursuivre les recherches intellectuelles
afin de retrouver les racines, la signification anthropologique et le contenu
éthique du droit naturel et de la loi naturelle, dans la perspective
philosophique des grands penseurs de l’histoire, tel Aristote et Saint Thomas
d’Aquin. »( O.R. 27 Mai 2003).