Du 23 mai au 3 juillet 2003, le Souverain Pontife a
reçu les évêques de l’Inde de rite latin en visite
« ad limina », à Rome, en quatre groupes, successivement: les 23 mai,
3 juin, 26 juin et 3 juillet 2003.
Il est intéressant de connaître les
remarques et réflexions que le Pape leur a adressées. Nous le ferons en suivant
les différents discours que le Pape leur a adressés.
A) – Le 23 mai 2003.
Aux évêques des provinces
ecclésiastiques de Calcutta, de Guwahati, d’Imphal et
de Shillong, le Pape a rappelé :
a)- les conditions difficiles de la vie des catholiques face à l’hostilité
des autres religions,
b)- et a appelé les évêques à ne pas
se décourager dans leur élan missionnaire,
c)- a constaté la vitalité des
communautés catholiques
a)- les conditions difficiles de la vie des catholiques : le Pape leur a dit :
« Dans certaines parties de votre pays, le chemin vers une vie dans
le Christ est encore actuellement un chemin de grandes privations. Il est
plutôt déconcertant de constater que certaines personnes, qui désirent devenir
chrétiennes, doivent acquérir la permission des autorités locales, alors que
d’autres ont perdu leurs droits à l’assistance sociale et aux allocations
familiales. D’autres encore ont été bannies ou chassées de leur village.
Malheureusement, certains mouvements fondamentalistes créent une grande
confusion chez certains catholiques et vont même jusqu’à défier ouvertement
toute tentative d’évangélisation ».
b)- le Pape les appèlent donc à garder
courage :
« Mon espérance est que, en tant
que guides de la foi, vous ne soyez pas découragés par ces injustices, mais que
vous continuiez plutôt à faire participer la société de façon telle que ces
tendances alarmantes puissent être inversées ». (O.R. 1 juillet 2003. p.6)
Ce qui suppose que vos églises – les
prêtres, les religieux et les laïcs –
1) « travaillent ensemble et
collaborent avec leurs évêques qui est signe et source d’unité »
2) « deviennent toujours plus
missionnaires »
Tout ceci oblige les évêques - à
veiller à « la formation d’un
clergé local bien préparé » :
« Les candidats au sacerdoce,
dit le Pape, doivent comprendre de la manière la plus complète possible le
Mystère qu’ils célébreront et l’Evangile qu’ils
prêcheront ».(O.R. 1juillet2003)
-à
veiller à la formation permanente des laïcs, les catéchistes :
« Ces ouvriers de la vigne du Seigneur sont bien davantage que des
enseignants. Ils éduquent non seulement les personnes dans les principes de la
foi, mais ils accomplissent également beaucoup d’autres tâches qui complètent
la mission de l’Eglise. Parmi celles-ci
figurent : le travail avec les fidèles en petits groupes, l’assistance à
travers le service de la prière et de la musique, la préparation des fidèles à
recevoir les sacrements, notamment le mariage, la formation des autres
catéchistes, les rites funéraires et souvent l’assistance au prêtre dans
l’administration quotidienne de la paroisse ou du poste de mission. Afin d’être
efficaces dans cet apostolat, les catéchistes n’ont pas seulement besoin d’une
préparation adaptée, mais ils doivent également être certains que les évêques
et les prêtres sont présents pour leur offrir le soutien spirituel et moral
nécessaire afin de transmettre de façon efficace la Parole de Dieu ».
(O.R. 1 juillet 2003)
Et que, dans cet élan missionnaire,
tous, évêques, prêtres et laïcs, prennent, pour exemple de sainteté, Mère
Térésa de Calcutta et « sa vie de sacrifice joyeux et d’amour
inconditionné pour les pauvres »’O.R.1 juillet 2003)
Que tous, enfin, la jeunesse surtout
éprise par les illusions matérialistes, comprennent que « Dieu est la
véritable richesse du cœur humain »(O.R.1
juillet 2003).
c) vitalité de l’église en Inde
« Je suis heureux, a conclu le
Pape, d’apprendre que dans un grand nombre de vos diocèses, les fidèles
s’approchent souvent de la grâce du sacrement de la Réconciliation. Je vous
encourage à continuer à souligner l’importance de ce sacrement ».
Aux évêques des provinces
ecclésiastiques de Bombay, Nagpur, Verapoly, Gandhinagar et de l’archidiocèse de Goa et Damao,
Le Pape a rappelé :
a) l’influence extraordinaire exercée en
Inde, dans cette région, par Saint François-Xavier dont récemment l’église
fêtait le 450 anniversaire de sa mort ;
b) la présence de la tradition latine et
de la tradition orientale dans cette région de l’Inde,
avec la présence d’évêques syro-malabars. A ce sujet,
le Pape a déclaré :
« La présence de la tradition latine
et de la tradition orientale, en contact si étroit, est une source profonde de
force et de vitalité pour l’église. Parfois, cette relation peut représenter un défi pour vos
communautés alors que vous cherchez à travailler ensemble pour trouver des façons
concrètes de servir le peuple de Dieu. Comme je l’ai dit aux évêques syro-malabars de votre pays, il est important de persévérer
pour renforcer les liens avec vos frères évêques des rites orientaux, à travers
un dialogue inter-rituel efficace, dans le but de
surmonter toute incompréhension qui peut occasionnellement se présenter.
Cela se produit en particulier dans les domaines concernant l’évangélisation et
le soin pastoral des catholiques orientaux en Inde ».(OR
1 juillet 2003 p.7)
Nota bene : Ce qui se fait aux Indes devrait pouvoir ce faire en
Europe. Ce qui est conseillé aux Indes devrait pouvoir être conseillé en
Europe ! On y arrive, mais avec quelles difficultés !
c) le Pape a constaté, là également, la
croissance et des vocations et de la pratique dominicale :
« Il est très encourageant de
voir le nombre impressionnant des
vocations religieuses et diocésaines dans vos provinces et le pourcentage élevé
des fidèles qui assistent à la messe dominicale » (O.R. 1 juillet 2003)
d) le Pape a également rappelé les
quatre principes de l’élan missionnaire :
« Les initiatives pastorales
doivent toujours comprendre les quatre piliers qui sont la sainteté, la prière,
les sacrements et la parole de Dieu » (O.R. 1 juillet 2003 p.7), en
rappelant toujours qu’il ne s’agit pas d’inventer une « nouveau programme.
Le programme existe déjà : c’est ce celui de toujours, tiré de l’évangile
et de la tradition vivante ». (O.R. I juillet 2003 p.7)
nota bene : cela doit valoir aussi pour
ce qu’on appelle « la nouvelle évangélisation » !
e) le Pape a affirmé que les évêques
doivent se dresser aussi en Inde contre « la culture de la mort »,
en puisant leurs principes dans la doctrine catholique. Il prononça des paroles
fortes :
« Comme de nombreux autres
pays, l’Inde se trouve également concernée par le
mouvement favorisant la culture de la mort, comme on le constate par
exemple à travers les menaces dangereuses à l’égard des nouveaux-nés, en
particulier des filles. Chers frères évêques, je vous encourage à rester
attentifs dans vos efforts visant à prêcher sans peur le solide enseignement
de l’église relatif au droit inviolable à la vie de tout être humain innocent.
L’engagement concerté pour freiner la culture de mort a besoin de la
participation de toute la communauté catholique. C’est pourquoi, toute
stratégie à ce propos doit amener la participation des individus, des familles,
des mouvements et des associations engagées dans l’édification d’une société
dans laquelle la dignité de chaque personne soit reconnue et protégée et la vie
de tous défendue et promue.
La mondialisation a elle aussi lancé
un défi aux coutumes et à l’éthique traditionnelle. On l’observe clairement dans les
tentatives d’imposer à la société asiatique des types de planification familiale et des mesures
sanitaires concernant la reproduction moralement inacceptables . Dans le même temps, une
compréhension erronée de la loi morale a conduit de nombreuses personnes à
justifier des activités sexuelles immorales sous le prétexte de la liberté, qui
a son tour a comporté une acceptation générale de la
mentalité favorable à la contraception. Les conséquences d’une telle
activité irresponsable menacent non
seulement l’institution de la famille, mais contribuent également à la
diffusion du HIV/SIDA, qui dans certaines régions de votre pays atteint
l’ampleur d’une épidémie. La réponse de l’église en Inde doit être de
continuer à promouvoir la sainteté de la vie conjugale et le « langage qui
exprime naturellement la donation réciproque et totale des époux ». L’église
est appelée à proclamer que l’amour véritable est chrétien, et l’amour
chrétien est un amour chaste. Je vous encourage à soutenir les programmes
éducatifs qui soulignent l’enseignement de l’église à ce propos ». (O.R. I
juillet 2003 p. 7)
f) Le Pape a rappelé, en fin de
discours, les difficultés qui se dressent, là aussi, contre l’évangélisation
catholique :
« Proclamer de façon
respectueuse mais avec courage l’évangile de Jésus-Christ… n’est pas une tache
facile, en particulier dans les régions où les personnes font l’expérience de
l’animosité, de la discrimination et même de la violence en raison de leur
propre conviction religieuse ou appartenance tribale. Ces difficultés sont
exacerbées par l’accroissement de l’activité de certains groupes fondamentalistes
Hindoux qui suscitent des soupçons à l’égard de
l’église et des autres religions. Malheureusement, dans plusieurs régions, les
autorités publiques ont cédé à la pression de ces extrémistes et ont approuvé
des lois injustes contre les conversions en interdisant le libre exercice
du droit naturel à la liberté religieuse ou en supprimant l’assistance
sociale aux membres de certaines castes qui ont choisi de se convertir au
christianisme ». (O.R. I juillet 2003)
Nota bene : Je souligne cette dernière
phrase pour la contester : la doctrine catholique ne permet pas d’affirmer
que la liberté religieuse soit un droit naturel. De plus, ce n’est pas au nom
de cette « liberté religieuse » et de son libre exercice qu’un
catholique en Inde peut exercer sa foi
publiquement. C’est bien au nom de la vérité qu’est le catholicisme. Face aux multiples dieux qui occupaient le
cœur de la Rome impériale, les Apôtres confessaient la Vérité évangélique . Ils ne demandaient pas de confesser leur
foi au nom du « droit naturel » à la « liberté
religieuse ». Voilà un point sur lequel nous sommes en total dissentiment
avec les autorités « conciliaires ». Il faudra bien
, un jour, que ce point soit éclairci par les autorités romaines. Je me
permets de renvoyer le lecteur, sur ce sujet capital, à ma lettre ouverte à Mgr
Tauran ( cf.
dossier Mgr Tauran sur le site ITEM)
g) et le Pape d’encourager les autorités
religieuses, ses évêques, de garder contacts avec les autorités locales pour
remédier à cela :
« Vous devez entretenir un
dialogue effectif avec les autorités locales et nationales pour assurer que l’Inde continue à promouvoir et à sauvegarder les droits
humains fondamentaux de tous ses citoyens. Une partie intégrante de cette
démocratie qui sert véritablement le bien des individus et des peuples consiste
dans le respect de la liberté religieuse car il s’agit d’un droit qui touche à
la liberté intérieure la plus intime et suprême de l’individu.(
Discours au Nouvel ambassadeur de l’Inde le 13.12.
2002 ) (O.R. I juillet 2003)
Nota bene : C’est peut être l’opinion de
Mgr Tauran, je doute que ce soit la saine doctrine traditionnelle catholique. Voir
toujours sur ce sujet « ma lettre ouverte à Mgr Tauran »
Ce langage est un langage nouveau dans l’église !
b)- Il les a engagés également aux dialogues inter-religieux :
« Toujours respectueux des
différentes cultures, l’église cherche à interpeller les frères et les sœurs
des autres religions dans le but de promouvoir un rapport d’ouverture et de
dialogue. Considéré de ce point de vue, le dialogue inter-religieux
accroîtra non seulement la compréhension réciproque et le respect mutuel mais
il aidera également à développer une société en harmonie avec les droits et la
dignité de tous ».
« L’église fonde cet effort de
dialogue inter-religieux sur le sens qu’elle a de la
dignité inaliénable de la personne humaine dont ses nombreuses œuvres sociales
en Inde en font et donnent la preuve ».(O.R. 8
juillet 2003.)
c)- Aussi, le Pape
regrette-t-il de nouveau, d’autant, les
obstacles que les évêques rencontrent sur le terrain :
« Malheureusement, certaines des
tentatives honnêtes accomplies par l’église pour développer un dialogue inter-religieux au niveau le plus élémentaire ont parfois
été entravées par le manque de coopération de la part du gouvernement et par
les problèmes créés par certains groupes fondamentalistes. L’Inde possède une longue tradition de respect des diversités
religieuses. Je souhaite que, pour le bien de la nation, on ne permette pas le développement de tendances
contraires. »
Nota bene : Il me semble que le Pape précise les
finalités de ce dialogue inter-religieux ; ce
dialogue aurait pour but de permettre une compréhension réciproque, de
favoriser un respect mutuel, mieux de créer une société, en harmonie avec les
droits et la dignité de la personne. Donc le dialogue inter-religieux
aurait une simple finalité sociale et politique et nullement syncrétiste.
d)- En effet, le Pape
précise que ce dialogue ne doit en rien développer ou fomenter l’indifférentisme
religieux. Il écrit clairement :
« Toutefois, alors que vous vous
engagez dans cet échange réciproque, vous ne devez jamais permettre qu’il soit
conditionné par l’indifférentisme religieux . Il
est très important que l’appel du Christ à le suivre soit prêché et vécu avec
conviction de la part de chaque chrétien ». (O.R. 8 juillet 2003 p.4, n.5)
Aussi, le Pape en profite-t-il pour
rappeler aux évêques :
e)- qu’ils ne doivent pas
accepter que le christianisme soit réduit à « une sagesse purement
humaine, en quelque sorte une science pour bien vivre »(O.R.
8 juillet 2003 p.4, n.5)
f)- qu’ils doivent veiller à ce que la préparation
théologique dans leurs séminaires donne « une instruction qui, tout en
respectant la part de vérité rencontrée dans les autres traditions religieuses,
continue toujours infailliblement à proclamer que Jésus est le Chemin, la
Vérité et la Vie (Jn 14,6)… Les éducateurs et
les professeurs sont obligés d’enseigner le message du Christ dans son
ensemble, comme l’unique voie et non comme une voie parmi tant d’autres ».
(O.R. 8 juillet 2003 p.4,n.5)
g)- Enfin, et pour
conclure ses considérations, le Pape condamne toute « discriminations
tribales ou ethniques » encore présentes en Inde :
« Il est décourageant de
constater que le travail de l’église est souvent compromis par un tribalisme
persistant dans certaines parties de l’Inde. Parfois
le tribalisme a été tellement fort que certains groupes se sont même refusés de
recevoir des évêques et des prêtres qui n’appartenaient pas à leur clan,
compromettant ainsi le fonctionnement correct des structures ecclésiastiques et
obscurcissant la nature fondamentale de la communion de l’église. Les
différences tribales ou ethniques ne doivent
jamais être utilisées comme un motif pour repousser celui qui apporte la
Parole de Dieu. Tous les chrétiens ont la responsabilité d’effectuer un examen
de conscience pour être certains d’aimer toujours et partout tous les fils de
Dieu, y compris ceux qui sont différents ». (O.R. 8 juillet 2003. p.4, n.6 )
Aux évêques des provinces ecclésiastiques de Bingalore, Hyderabad et Visakhapatnam :
le Pape les a encouragés
a)- à s’adonner hardiment à l ‘apostolat
missionnaire. Il leur a dit :
« Rendre témoignage
de Jésus-Christ est le service suprême que l’église peut offrir aux peuples de
l’Asie. Vivre parmi tant de personnes qui ne connaissent pas le Christ nous
convainc toujours davantage de la nécessité de l’apostolat de l ‘apostolat
missionnaire ».
b)- à préciser l’objet de
leur prédication :
« Dans le sous-continent indien,
vous vous trouvez face à des cultures riches de traditions religieuses et
philosophiques. Dans ce contexte, nous voyons combien il est absolument
indispensable de proclamer Jésus-Christ comme Fils incarné de Dieu. C ‘est
en vertu de cette compréhension de l’unité du Christ comme deuxième personne de
la Très Sainte Trinité, totalement Dieu, totalement homme, que notre foi doit
être pêchée et embrassée. Toute théologie de la mission qui omet l’appel à une conversion radicale au Christ
et qui nie la transformation cultuelle que cette conversion comporte, déforme
la réalité de notre foi, qui est toujours un nouveau début dans la vie de celui
qui lui seul est « le chemin, la vérité et la vie »(Jn.14,6).
c)- Il leur a dit aussi
qu’il ne fallait pas confondre la « mission ad gentes » et le dialogue
inter-religieux :
« A ce propos, nous réaffirmons
que le dialogue inter-religieux ne remplace pas la
mission ad gentes mais qu’il est plutôt une partie de celle-ci.( Déclaration :Dominus Jesus n.2). De même, il faut observer que les explications relativistes du
pluralisme religieux, qui affirment que la foi chrétienne n’a aucune valeur
différente par rapport à toute autre foi, vident en fait le Christianisme de
son noyau christologique, qui le définit : la foi séparée de notre
Seigneur Jésus-Christ comme unique sauveur n’est plus chrétienne, n’est plus
théologique. Un interprétation encore plus erronée de notre foi a lieu lorsque
le relativisme conduit au syncrétisme : une « construction
spirituelle » artificielle, qui manipule et, en conséquence, déforme la
nature fondamentale objective et révélatrice du christianisme. Ce qui rend
l’église missionnaire de par sa nature même est précisément le caractère
définitif et complet de la Révélation de Jésus-Christ comme Fils de Dieu. Tel
est le fondement de notre foi. Tel est ce qui rend le témoignage chrétien
crédible. Nous devons accueillir avec joie et humilité le devoir qui nous
revient, « nous qui avons la grâce de croire au Christ, révélateur du
« Père et Sauveur du monde », de montrer à quelles profondeurs peut
porter la relation avec Lui » ( O.R. 22 juillet 2003 p.2, n.3)
d)- Le Pape enfin rend
grâce –là aussi- à Dieu « pour les nombreux signes de croissance et de
maturité dans les diocèses de l’Inde (O.R. 22 juillet
2003. n.6). « Outre l’engagement souvent altruiste de vos prêtres,
religieux et catéchistes et la générosité de vos populations, ce développement
a été également le fruit du ministère des missionnaires et de la générosité
économique des bienfaiteurs étrangers ».(O.R. 22
juillet 2003. n.6)