A- Un beau texte de Sainte Thérèse
de l’Enfant Jésus.
Le dimanche des Rameaux, en raison
du chant de la Passion, le prêtre n’assure pas de
prédication. Il laisse les fidèles dans la pieuse
méditation du récit des souffrances atroces supportées
par Notre Seigneur en sa Passion.
Aussi ai-je pensé à vous donner à lire
ce très beau récit de sainte Thérèse
de l’Enfant Jésus de Lisieux, tiré de son
livre autobiographique : la vie d’une âme.
« Me souvenant de la prière
d’Elisée à son Père Elie, lorsqu’il
osa lui demander SON DOUBLE ESPRIT, (NHA 925) je me suis présentée
devant les Anges et les Saints, et je leur ai dit : " Je
suis la plus petite des créatures, je connais ma misère
et ma faiblesse, mais je sais aussi combien les coeurs nobles
et généreux aiment à faire du bien, je
vous supplie donc, ô Bienheureux habitants du Ciel, je
vous supplie de M’ADOPTER POUR ENFANT, à vous seuls
sera la gloire que vous me ferez acquérir mais daignez
exaucer ma prière, elle est téméraire,
je le sais, cependant j’ose vous demander de m’obtenir
: VOTRE DOUBLE AMOUR. " (2R 2,9 Ap 8,3) Jésus, je
ne puis approfondir ma demande, je craindrais de me trouver
accablée sous le poids de mes désirs audacieux...
Mon excuse, c’est que je suis une enfant, les enfants
ne réfléchissent pas à la portée
de leurs paroles, cependant leurs parents, lorsqu’ils
sont placés sur le trône, qu’ils possèdent
d’immenses trésors, n’hésitent pas
à contenter les désirs des petits êtres
qu’ils chérissent autant qu’eux-mêmes
; pour leur faire plaisir, ils font des folies, ils vont jusqu’à
la faiblesse... Eh bien ! moi je suis l’Enfant de l’Eglise,
et l’Eglise est Reine puisqu’elle est ton épouse,
ô Divin Roi des Rois... Ce ne sont pas les richesses et
la Gloire, (même la Gloire du Ciel) que réclame
le coeur du petit enfant... La gloire, il comprend qu’elle
appartient de droit à ses Frères, les Anges et
les Saints... Sa gloire à lui sera le reflet de celle
qui jaillira du front de sa Mère. Ce qu’il demande
c’est l’Amour... Il ne sait plus qu’une chose,
t’aimer, ô Jésus... Les oeuvres éclatantes
lui sont interdites, il ne peut prêcher l’Evangile,
verser son sang... mais qu’importe, ses frères
travaillent à sa place, et lui, petit enfant, il se tient
tout près du trône (Ap 14,3) du Roi et de la Reine,
il aime pour ses frères qui combattent... Mais comment
témoignera-t-il son Amour, puisque l’Amour se prouve
par les oeuvres ? Eh bien, le petit enfant jettera des fleurs,
il embaumera de ses parfums le trône royal, il chantera
de sa voix argentine le cantique de l’Amour... Oui mon
Bien-Aimé, voilà comment se consumera ma vie...
Je n’ai d’autre moyen de te prouver mon amour, que
de jeter des fleurs, c’est-à-dire de ne laisser
échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune
parole, de profiter de toutes les plus petites choses et de
les faire par amour... Je veux souffrir par amour et même
jouir par amour, ainsi je jetterai des fleurs devant ton trône
; je n’en rencontrerai pas une sans l’effeuiller
pour toi... puis en jetant mes fleurs, je chanterai, (pourrait-on
pleurer en faisant une aussi joyeuse action ?) je chanterai,
même lorsqu’il me faudra cueillir mes fleurs au
milieu des épines et mon chant sera d’autant plus
mélodieux que les épines seront longues et piquantes.
Jésus, à quoi te serviront mes fleurs et mes chants
?... Ah ! je le sais bien, cette pluie embaumée, ces
pétales fragiles et sans aucune valeur, ces chants d’amour
du plus petit des coeurs te charmeront, oui, ces riens te feront
plaisir, ils feront sourire l’Eglise Triomphante, elle
recueillera mes fleurs effeuillées par amour et les faisant
passer par tes Divines Mains, ô Jésus, cette Eglise
du Ciel, voulant jouer avec son petit enfant, jettera, elle
aussi, ces fleurs ayant acquis par ton attouchement divin une
valeur infinie, elle les jettera sur l’Eglise souffrante
afin d’en éteindre les flammes, elle les jettera
sur l’Eglise combattante afin de lui faire remporter la
victoire !... O mon Jésus ! je t’aime, j’aime
l’Eglise ma Mère, je me souviens que : " Le
plus petit mouvement de PUR AMOUR lui est plus utile que toutes
les autres oeuvres réunies ensemble " (NHA 926)
mais le PUR AMOUR est-il bien dans mon coeur... Mes immenses
désirs ne sont-ils pas un rêve, une folie ?...
Ah ! s’il en est ainsi, Jésus, éclaire-moi,
tu le sais, je cherche la vérité... si mes désirs
sont téméraires, fais-les disparaître car
ces désirs sont pour moi le plus grand des martyres...
Cependant je le sais, ô Jésus, après avoir
aspiré vers les régions les plus élevées
de l’Amour, s’il me faut ne pas les atteindre un
jour j’aurai goûté plus de douceur dans mon
martyre, dans ma folie, que je n’en goûterai au
sein des joies de la patrie, à moins que par un miracle
tu ne m’enlèves le souvenir de mes espérances
terrestres. Alors laisse-moi jouir pendant mon exil des délices
de l’amour... Laisse-moi savourer les douces amertumes
de mon martyre... Jésus, Jésus, s’il est
si délicieux le désir de t’Aimer qu’est-ce
donc de posséder, de jouir de l’Amour ?... Comment
une âme aussi imparfaite que la mienne peut-elle aspirer
à posséder la plénitude de l’Amour
?... 0 Jésus ! mon premier, mon seul Ami, toi que j’aime
UNIQUEMENT, dis-moi quel est ce mystère ?. .. Pourquoi
ne réserves-tu pas ces immenses aspirations aux grandes
âmes, aux Aigles qui planent dans les hauteurs ?... Moi
je me considère comme un faible petit oiseau couvert
seulement d’un léger duvet, je ne suis pas un aigle
j’en ai simplement les yeux et le coeur car malgré
ma petitesse extrême j’ose fixer le Soleil Divin,
le Soleil de l’Amour et mon coeur sent en lui toutes les
aspirations de l’Aigle... Le petit oiseau voudrait voler
vers ce brillant Soleil qui charme ses yeux, il voudrait imiter
les Aigles ses frères qu’il voit s’élever
jusqu’au foyer Divin de la Trinité Sainte... hélas
! tout ce qu’il peut faire, c’est de soulever ses
petites ailes, mais s’envoler, cela n’est pas en
son petit pouvoir ! Que va-t-il devenir ? mourir de chagrin
se voyant aussi impuissant ?... Oh non ! le petit oiseau ne
va pas même s’affliger. Avec un audacieux abandon,
il veut rester à fixer son Divin Soleil ; rien ne saurait
l’effrayer, ni le vent ni la pluie, et si de sombres nuages
viennent à cacher l’Astre d’Amour, le petit
oiseau ne change pas de place, il sait que par delà les
nuages son Soleil brille toujours, que son éclat ne saurait
s’éclipser un seul instant. Parfois il est vrai,
le coeur du petit oiseau se trouve assailli par la tempête,
il lui semble ne pas croire qu’il existe autre chose que
les nuages qui l’enveloppent ; c’est alors le moment
de la joie parfaite pour le pauvre petit être faible.
Quel bonheur pour lui de rester là quand même,
de fixer l’invisible lumière qui se dérobe
à sa foi !... Jésus, jusqu’à présent,
je comprends ton amour pour le petit oiseau, puisqu’il
ne s’éloigne pas de toi... mais je le sais et tu
le sais aussi, souvent, l’imparfaite petite créature
tout en restant à sa place (c’est-à-dire
sous les rayons du Soleil,) (Lc 10,41-42) se laisse un peu distraire
de son unique occupation, elle prend une petite graine à
droite et à gauche, court après un petit ver...
puis rencontrant une petite flaque d’eau elle mouille
ses plumes à peine formées, elle voit une fleur
qui lui plaît, alors son petit esprit s’occupe de
cette fleur... enfin ne pouvant planer comme les aigles, le
pauvre petit oiseau s’occupe encore des bagatelles de
la terre. Cependant après tous ses méfaits, au
lieu d’aller se cacher dans un coin pour pleurer sa misère
et mourir de repentir, le petit oiseau se tourne vers son Bien-Aimé
Soleil, il présente à ses rayons bienfaisants
ses petites ailes mouillées, il gémit comme l’hirondelle
(Is 38,14) et dans son doux chant il confie, il raconte en détail
ses infidélités pensant dans son téméraire
abandon acquérir ainsi plus d’empire, attirer plus
pleinement l’amour de Celui qui n’est pas venu appeler
les justes mais les pécheurs... (NHA 927) (Mt 9,13) Si
l’Astre Adoré demeure sourd aux gazouillements
plaintifs de sa petite créature, s’il reste voilé...
eh bien ! la petite créature reste mouillée, elle
accepte d’être transie de froid et se réjouit
encore de cette souffrance qu’elle a cependant méritée...
O Jésus ! que ton petit oiseau est heureux d’être
faible et petit, que deviendrait-il s’il était
grand ?... " Jamais il n’aurait l’audace de
paraître en ta présence, de sommeiller devant toi...
Oui, c’est là encore une faiblesse du petit oiseau
lorsqu’il veut fixer le Divin Soleil et que les nuages
l’empêchent de voir un seul rayon, malgré
lui ses petits yeux se ferment, sa petite tête se cache
sous la petite aile et le pauvre petit être s’endort,
croyant toujours fixer son Astre Chéri. A son réveil,
il ne se désole pas, son petit coeur reste en paix, il
recommence son office d’amour, il invoque les anges et
les Saints qui s’élèvent comme des Aigles
vers le Foyer dévorant, objet de son envie et les Aigles
prenant en pitié leur petit frère, le protègent,
le défendent et mettent en fuite les vautours qui voudraient
le dévorer. Les vautours, images des démons, le
petit oiseau ne les craint pas, il n’est point destiné
à devenir leur proie, mais celle de l’Aigle qu’il
contemple au centre du Soleil d’Amour. 0 Verbe Divin,
(Jn 1,1-3) c’est toi l’Aigle adoré que J’aime
et qui m’attire ! c’est toi qui t’élançant
vers la terre d’exil as voulu souffrir et mourir afin
d’attirer les âmes jusqu’au sein de l’éternel
Foyer de la Trinité Bienheureuse, c’est toi qui
remontant vers l’inaccessible Lumière (Mc 16,19)
qui sera désormais ton séjour, c’est toi
qui restes encore dans la vallée des larmes, (Ps 84,7)
caché sous l’apparence d’une blanche hostie...
Aigle Eternel tu veux me nourrir de ta divine substance, moi,
pauvre petit être, qui rentrerais dans le néant
si ton divin regard ne me donnait la vie à chaque instant...
0 Jésus ! laisse-moi dans l’excès de ma
reconnaissance, laisse-moi te dire que ton amour va jusqu’à
la folie.. . Comment veux-tu devant cette Folie que mon coeur
ne s’élance pas vers toi ? Comment ma confiance
aurait-elle des bornes ?... Ah ! pour toi, Je le sais, les Saints
ont fait aussi des folies, ils ont fait de grandes choses puisqu’ils
étaient des aigles... Jésus, je suis trop petite
pour faire de grandes choses... et ma folie à moi, c’est
d’espérer que ton Amour m’accepte comme victime...
Ma folie consiste à supplier les Aigles mes frères,
de m’obtenir la faveur de voler vers le Soleil de l’Amour
avec les propres ailes de l’Aigle Divin... (Dt 32,10-11)
(NHA 928) Aussi longtemps que tu le voudras, ô mon Bien
Aimé, ton petit oiseau restera sans forces et sans ailes,
toujours il demeurera les yeux fixés sur toi, il veut
être fasciné par ton regard divin, il veut devenir
la proie de ton Amour... Un jour, j’en ai l’espoir,
Aigle Adoré, tu viendras chercher ton petit oiseau, (Dt
32,11) et remontant avec lui au Foyer de l’Amour, tu le
plongeras pour l’éternité dans le brûlant
Abîme de Cet Amour auquel il s’est offert en victime...
O Jésus ! que ne puis-je dire à toutes les petites
âmes combien ta condescendance est ineffable... je sens
que si par impossible tu trouvais une âme plus faible,
plus petite que la mienne, tu te plairais à la combler
de faveurs plus grandes encore, si elle s’abandonnait
avec une entière confiance à ta miséricorde
infinie. (Lc 10,21) Mais pourquoi désirer communiquer
tes secrets d’amour, ô Jésus, n’est-ce
pas toi seul qui me les as enseignés et ne peux-tu pas
les révéler à d’autres ?... Oui je
le sais, et je te conjure de le faire, je te supplie d’abaisser
ton regard divin sur un grand nombre de petites âmes...
Je te supplie de choisir une légion de petites âmes
dignes de ton AMOUR !... La toute petite Soeur Thérèse
de l’Enfant Jésus de la Sainte Face rel. carm.
ind. (NHA 929)
B- Homélie de
Benoît XVI à l’occasion du premier anniversaire
de la mort de Jean-Paul II.
Nous publions ci-dessous le texte
intégral de l’homélie que le pape Benoît
XVI a prononcée au cours de la messe célébrée
ce lundi 3 avril dans l’après-midi, place Saint-Pierre,
en mémoire de Jean-Paul II.
Chers frères et sœurs !
En ces jours est particulièrement
vivante dans l'Eglise et dans le monde la mémoire du
Serviteur de Dieu Jean-Paul II, à l'occasion du premier
anniversaire de sa mort. Avec la veillée mariale d'hier,
nous avons revécu le moment précis où,
il y a un an, a eu lieu son pieux départ, tandis que
nous nous retrouvons sur cette même Place Saint-Pierre
pour offrir le sacrifice eucharistique en mémoire de
son âme élue. Je salue avec affection, avec les
cardinaux, les évêques, les prêtres et les
religieux, les nombreux pèlerins venus de tant d'endroits,
en particulier de Pologne, pour lui témoigner leur estime,
leur affection et leur profonde reconnaissance. Nous voulons
prier pour ce bien-aimé Pontife, en nous laissant illuminer
par la Parole de Dieu que nous venons d'écouter.
Dans la première lecture,
tirée du Livre de la Sagesse, il nous a été
rappelé quel est le destin final des justes : un destin
de bonheur surabondant, qui récompense sans limite pour
les souffrances et les épreuves affrontées au
cours de la vie. « Dieu les a mis à l'épreuve
— affirme l'auteur sacré — et il les a trouvés
dignes de lui ; comme l'or au creuset, il les a éprouvés,
comme un parfait holocauste, il les a agréés »
(3, 5-6). Le terme d'« holocauste » fait référence
au sacrifice au cours duquel la victime était entièrement
brûlée, consumée par le feu ; il s'agissait
donc d'un signe de don total à Dieu. Cette expression
biblique nous fait penser à la mission de Jean-Paul II,
qui a fait don à Dieu et à l'Eglise de son existence
et a vécu la dimension sacrificielle de son sacerdoce
en particulier dans la célébration de l'Eucharistie.
Parmi les invocations qui lui étaient chères,
en figure une, tirée des « Litanies de Jésus
Christ Prêtre et Victime », qu'il voulut placer
au terme du livre Don et Mystère, publié à
l'occasion du 50e anniversaire de son sacerdoce (cf. pp. 113-116).
Voici ce que dit cette invocation : « Iesu, Pontifex qui
traddisti temetipsum Deo oblationem et hostiam - Jésus,
Pontife qui t'offris toi-même à Dieu comme don
et victime, prends pitié de nous ». Combien de
fois a-t-il répété cette invocation ! Celle-ci
exprime bien le caractère profondément sacerdotal
de toute sa vie. Il n’a jamais fait mystère de
son désir de devenir toujours plus une seule chose avec
le Christ Prêtre, à travers le sacrifice eucharistique,
source d'inlassable dévouement apostolique.
A la base de ce don total de soi
figurait naturellement la foi. Dans la deuxième Lecture,
que nous venons d'écouter, saint Pierre utilise lui aussi
l'image de l'or éprouvé par le feu et l'applique
à la foi (1 P 1, 7). En effet, dans les difficultés
de la vie, c'est surtout la qualité de la foi de chacun
qui est éprouvée et vérifiée : sa
solidité, sa pureté, sa cohérence avec
la vie. Eh bien, le regretté Pontife, que Dieu avait
doté de multiples dons humains et spirituels, en passant
à travers le creuset des difficultés apostoliques
et de la maladie, est apparu toujours plus comme un «
roc » dans la foi. Ceux qui ont eu l'occasion de le fréquenter
de près ont pu presque toucher du doigt sa foi honnête
et solide qui, si elle a impressionné le cercle de ses
collaborateurs, n'a pas manqué de diffuser, au cours
de son long pontificat, son influence bénéfique
sur toute l'Eglise, dans un crescendo qui a atteint son point
culminant au cours des derniers mois et jours de sa vie. Une
foi convaincue, forte et authentique, libre des peurs et des
compromis, qui a contaminé le cœur de tant de personne,
grâce également aux nombreux pèlerinages
apostoliques dans tant de parties du monde, et en particulier
grâce à ce dernier « voyage » qu'a
été son agonie et sa mort.
La page de l'Evangile qui a été
proclamée nous aide à comprendre un autre aspect
de sa personnalité humaine et religieuse. Nous pourrions
dire que, en tant que successeur de Pierre, il a imité
de façon particulière, parmi les Apôtres,
Jean, le « disciple bien-aimé » qui demeura
sous la croix auprès de Marie, à l'heure de l'abandon
et de la mort du Rédempteur. Les voyant près de
la croix — raconte l'évangéliste —
Jésus les confia l'un à l'autre : « Femme,
voici ton Fils !... Voici ta mère » (Jn 19, 26-27).
Ces paroles du Seigneur mourant étaient particulièrement
chères à Jean-Paul II. Comme l'apôtre évangéliste,
lui aussi a voulu prendre Marie chez lui : « et ex illa
hora accepit eam discipulus in sua, dit l’évangéliste
— Dès cette heure là, le disciple l'accueillit
chez lui » (Jn 19, 27). L'expression accepit eam in sua
est particulièrement riche de sens : elle indique la
décision de Jean de faire participer Marie à sa
vie afin de faire l'expérience que celui qui ouvre son
cœur à Marie, est en réalité accueilli
par Elle et devient à elle. La devise inscrite sur le
blason du pontificat du pape Jean-Paul II, Totus tuus, résume
bien cette expérience spirituelle et mystique, dans une
vie totalement tournée vers le Christ à travers
Marie: ad Iesum per Mariam.
Chers frères et sœurs,
ce soir, notre pensée retourne avec émotion vers
le moment de la mort du bien-aimé Pontife, mais dans
le même temps, notre cœur est comme poussé
à se tourner vers l'avenir. Nous sentons résonner
dans notre âme ses invitations répétées
à avancer sans avoir peur sur le chemin de la fidélité
à l'Evangile pour être les messagers et les témoins
du Christ au cours du troisième millénaire. Ses
exhortations incessantes à coopérer généreusement
à la réalisation d'une humanité plus juste
et plus solidaire, à être des artisans de paix
et des bâtisseurs d'espérance nous reviennent à
l'esprit. Notre regard reste toujours fixé sur le Christ
qui est « le même hier, aujourd'hui et à
jamais » (He 13, 8), qui guide solidement son Eglise.
Nous avons cru à son amour et c'est la rencontre avec
Lui « qui donne à la vie un nouvel horizon et par
là son orientation décisive » (Deus caritas
est, n. 1). Que la force de l'Esprit de Jésus soit pour
tous, chers frères et sœurs, comme elle le fut pour
le pape Jean-Paul II, une source de paix et de joie. Et que
la Vierge Marie, Mère de l'Eglise, nous aide à
être en toute circonstance, comme lui, des apôtres
inlassables de son divin Fils et des prophètes de son
amour miséricordieux. Amen!
C- Discours du Pape lors de l’audience
générale du mercredi 5 avril 2006.
Nous publions ci-dessous le texte
intégral de la catéchèse que le pape a
prononcée ce mercredi, 5 avril, en italien.
Chers frères et sœurs,
Dans la nouvelle série de
catéchèses, commencée il y a quelques semaines,
nous voulons considérer les origines de l’Eglise,
pour comprendre le dessein originel de Jésus, et comprendre
ainsi ce qui est essentiel à l’Eglise, ce qui subsiste
au fil des temps qui changent. Nous voulons ainsi comprendre
également pourquoi nous sommes dans l’Eglise et
comment nous devons nous engager à vivre cela au début
d’un nouveau millénaire chrétien.
Considérant l’Eglise
naissante, nous pouvons en découvrir deux aspects : un
premier aspect est fortement mis en lumière par saint
Irénée de Lyon, martyr et grand théologien
à la fin du IIe siècle, le premier à avoir
donné une théologie en quelque sorte systématique.
Saint Irénée écrit : « Là
où se trouve l'Eglise, il y a aussi l'Esprit de Dieu
; et là où se trouve l'Esprit de Dieu, il y a
l'Eglise, ainsi que toute grâce ; car l'Esprit est vérité
» (Adversus haereses, III, 24, 1: PG VII, 966). Il existe
donc un lien profond entre l’Esprit Saint et l’Eglise.
L’Esprit Saint construit l’Eglise et lui donne la
vérité, répand l’amour – comme
le dit saint Paul – dans les cœurs des croyants (cf.
Rm 5, 5). Puis il y a un deuxième aspect.
Ce profond lien avec l’Esprit
n’efface pas notre humanité avec toute sa faiblesse,
et ainsi, la communauté des disciples connaît dès
le début non seulement la joie de l’Esprit Saint,
la grâce de la vérité et de l’amour,
mais également l’épreuve, constituée
surtout par les oppositions aux vérités de foi,
avec les atteintes à la communion qui s’ensuivent.
De même que la communion dans l'amour existe depuis les
origines et existera jusqu’à la fin (cf. 1 Jn 1,
1sq), ainsi, malheureusement dès le début surgit
aussi la division. Nous ne devons pas nous étonner que
celle-ci existe également aujourd’hui : «
Ils sont sortis de chez nous – dit la Première
Lettre de Jean – mais ils n'étaient pas des nôtres
; s'ils avaient été des nôtres, ils seraient
restés avec nous. Mais pas un d'entre eux n'est des nôtres,
et cela devait être manifesté » (1 Jn 2,
19). Il existe donc toujours le risque, dans la vie du monde
et également dans les faiblesses de l’Eglise, de
perdre la foi, et ainsi de perdre aussi l’amour et la
fraternité. Celui qui croit à l’Eglise de
l’amour et veut vivre dans cette Eglise a donc le devoir
précis de reconnaître également ce danger
et d’accepter que la communion avec celui qui s’est
éloigné de la doctrine du salut n’est pas
possible (cf. 2 Jn 9-11).
La première Lettre de Jean
montre clairement que l'Eglise naissante fut bien consciente
de ces tensions possibles dans l'expérience de la communion
: il n'y a pas de voix dans le Nouveau Testament qui ne s'élève
avec plus de force pour souligner la réalité et
le devoir de l'amour fraternel entre les chrétiens ;
mais cette même voix s'adresse avec une grande sévérité
aux adversaires, qui ont été membres de la communauté
et qui, à présent, ne le sont plus. L'Eglise de
l'amour est aussi l'Eglise de la vérité, entendue
d'abord comme fidélité à l'Evangile qui
a été confié par le Seigneur Jésus
aux siens. La fraternité chrétienne naît
du fait d'avoir été constitués enfants
du même Père par l'Esprit de vérité
: « En effet, tous ceux qui se laissent conduire par l'Esprit
de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu » (Rm 8, 14).
Mais la famille des fils de Dieu, pour vivre dans l'unité
et dans la paix, a besoin d'être gardée dans la
vérité et guidée avec un sage discernement
faisant autorité: c'est ce qu’est appelé
à faire le ministère des Apôtres. Et ici
nous arrivons à un point important. L’Eglise est
entièrement de l’Esprit, mais elle possède
une structure, la succession apostolique, dont la responsabilité
est de garantir le fait que l’Eglise demeure dans la vérité
donnée par le Christ, de laquelle vient également
la capacité d’aimer.
Le premier sommaire des Actes exprime
avec une grande efficacité la convergence de ces valeurs
dans la vie de l'Eglise naissante : « Ils étaient
fidèles à écouter l'enseignement des Apôtres
et à vivre en communion fraternelle (koinonìa),
à rompre le pain et à participer aux prières
» (Ac 2, 42). La communion naît de la foi suscitée
par la prédication apostolique, se nourrit de la fraction
du pain et de la prière, et s'exprime dans la charité
fraternelle et dans le service. Nous nous trouvons face à
la description de la communion de l'Eglise naissante dans la
richesse de ses dynamiques internes et de ses expressions visibles
: le don de la communion est conservé et favorisé
en particulier par le ministère apostolique, qui est
à son tour un don pour toute la communauté.
Les Apôtres et leurs successeurs
sont donc les gardiens et les témoins autorisés
du dépôt de la vérité remis à
l'Eglise, de même qu'ils sont également les ministres
de la charité : deux aspects qui vont ensemble. Ils doivent
toujours penser au caractère inséparable de ce
double service, qui est en réalité un seul : vérité
et charité, révélées et données
par le Seigneur Jésus. Dans ce sens, leur service est
tout d'abord un service d'amour : et la charité qu'ils
vivent et promeuvent est inséparable de la vérité
qu'ils gardent et transmettent. La vérité et l'amour
sont deux visages du même don qui vient de Dieu et qui,
grâce au ministère apostolique, est conservé
dans l'Eglise et nous parvient jusqu'à aujourd'hui !
A travers le service des Apôtres et de leurs successeurs
également, l'amour de Dieu Trinité nous rejoint
pour nous communiquer la vérité qui nous rend
libres (cf. Jn 8, 32) ! Tout ce que nous voyons dans l’Eglise
naissante nous encourage à prier pour les successeurs
des Apôtres, pour tous les évêques et pour
les successeurs de Pierre, afin qu’ils soient vraiment
ensemble gardiens de la vérité et de la charité
; afin qu’ils soient, en ce sens, vraiment des apôtres
du Christ, pour que sa lumière, la lumière de
la vérité et de la charité, ne s’éteigne
jamais dans l’Eglise et dans le monde.