Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

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Du 10 au 16 avril 2006

Dimanche de Pâques

 

 

A-Homélie

« Victimae paschali laudes
Immolent christiani ».

Le liturgie de la nuit pascal, de la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ et, à l’aube, de sa résurrection, est si riche que l’on ne sait où porter son regard, même plus, où laisser son regard pour méditer toutes ces richesses liturgiques. Serions-nous un peu comme l’abeille qui passe de fleur en fleur sans y demeurer…Resterons-nous sur la nuit pascal…Méditerons-nous sur le cierge pascal, symbole du Christ…Resterons-nous à méditer les inscriptions mises par le prêtre, solennellement, sur le cierge pascal au début de la veillée : « Christus hieri et hodie, Principium et Finis. Alpha et Omega ». Ces acclamations, avouez, auraient de quoi retenir notre regard contemplatif et admiratif…Resterons nous au contraire à méditer la lumière du Christ si joliment symbolisée, par la flamme du cierge qui, dans la nuit, éclaira les ténèbres : « Lumen Christi gloriose resurgentis, Dissipet tenebras cordis et mentis »…Nous le pourrions, l’idée est tellement belle…

Nous pourrions, aussi, il est vrai, méditer le très beau chant de l’ « Exultet ». Que de beautés ! Que de belles acclamations ! Quelle belle foi bien exprimée au mystère de la rédemption : « Voici la nuit où, brisant les chaînes de la mort, le Christ surgit en vainqueur du funèbre séjour…O admirable compassion de votre bonté envers nous. O admirable tendresse de votre amour ! Pour racheter l’esclave vous avez livré le Fils »…Nous retrouvons là tout l’enseignement de la parabole, si riche d’enseignements, des vignerons homicides…Ne croyez-vous pas que tout cela pourrait largement retenir notre regard contemplatif…Et toutes les lectures de la nuit pascale…Ne pensez-vous pas que nous pourrions y demeurer des heures…Et toute la magnifique prière de la bénédiction de l’eau baptismale…

Oui ! Vraiment, en ces jours, il y a comme trop de richesses à contempler, trop de belles choses à voir…On ne sait vraiment où reposer ses yeux. Il faut choisir…Il faut, je dirais malheureusement, choisir…

Aussi m’arrêterai-je, cette année, sur la séquence de la messe de la résurrection, sur le « Victimae pascali laudes ».

« Victimae pascali laudes ».
« Louanges à la victime pascale ».

Que de mon cœur montent les louanges dues à la victime sainte, à la victime pascale…au Christ, à Celui qui s’est immolé librement, parce qu’il l’a voulu… « Oblatus est Christus quia ipse voluit »…Louanges de mon cœur à Celui qui a souffert la Passion, qui a souffert dans son sacrifice pour mon rachat, pour ma rédemption, pour ma gloire, pour m’obtenir la béatitude éternelle…Pourrais-je rester, à cet instant, le cœur sec, sans reconnaissance, indifférent, occupé à moi-même, replié sur moi-même… ? Non ! Mon cœur doit chanter les louanges à ce Dieu de miséricorde, à ce Dieu de bonté….qui s’est immolé en ces jours de douleurs…Mon cœur doit penser à cette victime pascale…, à cette nuit, bienheureuse en vérité… « où se joignent les choses du Ciel à celles de la terre, celles de l’homme à celles de Dieu ». « O admirable compassion de votre bonté envers nous ! O admirable tendresse de votre amour ! Pour racheter l’esclave vous avez livré le Fils ». Tel est mon chant. Tel est mon chant intérieur. Telles sont mes louanges….toutes à l’honneur du Fils de Dieu, sainte Victime ressuscitée.

« Immolent christiani »

Tel est le chant des chrétiens en ce jour de Pâques…Tel est leur sacrifice, leur immolation… leurs actions de grâces. C’est aussi, de fait, le sens du sacrifice, une action de louange…un chant de gloire…une eucharistie…. Leurs chants expriment véritablement l’immolation de leurs cœurs. Ils sont tous occupés à la louange de la sainte Victime pascale.

« Agnus redemit oves »

L’Agneau sauve, rachète, paye le prix pour le rachat des brebis, des captifs, des esclaves.
Le Christ, l’innocence même, réconcilie avec le Père les pécheurs.

« Christus innocens Patri reconciliavit peccatores ».

« Reconciliavit »… La réconciliation : c’est le fruit de cette grande œuvre. Elle est rédemptrice. C’est le fruit de cette Pâques, de ce passage de la mort à la vie…de cette nuit pascale. Cette nuit, cette passion, cette mort, les souffrances de ce Christ sont une « rédemption », sont une libération de l’esclave. Cette œuvre est une réconciliation entre le ciel et la terre, entre les choses divines et les choses humaines.

Souvenez-vous de l’enseignement de saint Paul aux Ephésiens. C’est le jour où jamais de relire son texte fameux, sublime qui nous donne le sens de la vie, de notre vie mortelle…Mortelle, certes. Mais sublime…Sublime ! Oui ! Car, par grâce, par pure bonté, par pure bienveillance, nous sommes sauvés…Oui ! Souvenons-nous au sujet de ce verset : « Agnus redemit oves. Christus reconciliavit Patri peccatores… » Souvenons-nous de ce beau passage de l’Epître de saint Paul aux Ephésiens…Cet enseignement est aussi pour nous. Il nous permet, vous dis-je, de comprendre le sens de notre vie :

« Et vous, vous étiez morts par vos offenses et vos péchés dans lesquels vous marchiez autrefois selon le train de ce monde…Nous tous aussi nous étions autrefois de ce nombre… Nous étions par nature enfants de colère comme les autres. Mais Dieu qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimé et alors que nous étions morts par nos offenses, nous a rendus vivants avec le Christ (C’est par grâce que vous êtes sauvés)… « Agnus redemit oves. Christus innocens Patri reconciliavit peccatores »… « Il nous a ressuscités ensemble et nous a fait asseoir ensemble dans les cieux en Jésus-Christ afin de montrer dans les siècles avenir l’infinie richesse de sa grâce par sa bonté envers nous en Jésus-Christ. Car c’est par grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi ; et cela ne vient pas de nous, c’est le don de Dieu. Nous sommes (alors) son ouvrage » … « Agnus redemit oves ».
Oh ! « Souvenez-vous…que nous étions en ce temps là sans Christ, en dehors de l’Etat d’Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance, sans Dieu dans le monde. Mais maintenant en Jésus-Christ - c’est mon chant, c’est celui de mon âme - vous qui étiez jadis éloignés, vous êtes rapprochés par le sang du Christ »… « Reconciliavit Patri… » Grâce au Christ, à son sang… « par le sang du Christ ».
« Car c’est lui qui est notre paix, qui des deux peuples n’en a fait qu’un : il a renversé le mûr de séparation, l’inimitié…afin de créer en lui même avec les deux, un seul homme nouveau en faisant la paix et de les réconcilier l’un et l’autre unis en un seul corps, avec Dieu par sa Croix…par lui nous avons accès les unes les autres auprès du Père, dans un seul et même esprit ». (Eph 2)

Ah ! Comme l’Eglise, en nous faisant chanter aujourd’hui le « Agnus redemit oves. Christus innocens Patri reconciliavit peccatores », a le sens des Ecritures et connaît le mystère de Dieu, de sa rédemption et de ses fruits… « Reconciliavit peccatores… » à tel point, poursuit saint Paul, que « nous sommes concitoyens des saints, faisant partie de la maison de Dieu ».
« Christus innocens reconciliavit peccatores… ». Oui ! Dans cette strophe, il y a exprimé tout le mystère de notre rédemption rappelée ici par saint Paul. Aux Romains, saint Paul avait déjà écrit : « Reconciliati sumus Deo per mortem Filii eius » (Rm 5 8). C’est le même enseignement. C’est même le même mot.

« Mors et vita duello conflixere mirando… »

Cette œuvre de réconciliation, d’union et de paix est le fruit de cette nuit pascal, de cette mort et de cette vie qui furent en conflit… « Mors et vita duello conflixere mirando… »

« Conflixere » veut dire « heurter, choquer, opposer, combattre, en venir aux mains ».

Oh Oui ! Quel conflit, en cette nuit…en cette passion ! Quel choque ! Quel heurt ! Quel combat, un combat mortel…un combat sanglant. Toutes deux, la vie et la mort, en vinrent aux mains…le sang coula en cette Passion…Mais c’est la vie qui l’emporta…Parce que Celui qui mena cette lutte est le principe même de Vie, Il a la vie en lui-même. Il est la Vie…Il terrassa alors la mort…mais quel duel… ! « O Mort où est ta victoire » pourra s’exclamer saint Paul…

« Dux vitae mortuus regnat vivus ».
« Mort, le prince de la vie règne vivant ».

Et les témoins de cette vie ressuscitée, de ce « Dux vitae », hier mort mais aujourd’hui vivant….sont nombreux. C’est d’abord Marie, Marie Madeleine.

« Dic nobis Maria quid vidisti in via ».
« Dis nous o Marie qui as-tu vu en chemin…J’ai vu le sépulcre du Christ vivant et la gloire du Ressuscité.

Elle est le témoin oculaire.
Saint Matthieu est formel : « Après le sabbat, dès l’aube du premier jour de la semaine, Marie Madeleine et l’autre Marie allèrent visiter le sépulcre. Et voilà qu’il se fit un grand tremblement de terre ; car un ange du Seigneur, étant descendu du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus. Son visage brillait comme l’éclair et son vêtement était blanc comme la neige. Les gardes furent frappés d’épouvante et devinrent comme morts et l’Ange s’adressant aux femmes dit : « Vous, ne craigniez rien ; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié. Il n’est point ici. Il est ressuscité comme il l’avait dit. Venez et voyez le lieu où le Seigneur avait été mis et hâtez vous d’aller dire à ses disciples qu’il est ressuscité des morts. Voici qu’il vous précède en Galilée…Aussitôt, elles sortirent du sépulcre avec crainte et grande joie et elles coururent porter la nouveau aux disciples. Et voilà que Jésus se présenta devant elles et leur dit : salut. Elles s’approchèrent et embrassèrent ses pieds, se prosternant devant lui » (Mt 28 1-9)
L’Eglise traduit joliment cette page d’Evangile en une belle phrase poétique : « Dic nobis Mariae quid vidisti in via. Sepulcrum Christi viventis et gloriam vidi resurgentis ».

« Angelicos testes, sudarium et vestes »

Mais Marie n’est pas le seul témoin de la résurrection…Il y a aussi les anges, ses témoins fidèles, « testes ». Il y a le suaire, Il y a les linges.
C’est le récit de Saint Jean qu’il faut lire en ce dimanche :

Marie donc courut et « vint trouver Pierre et l’autre disciple que Jésus aimait et leur dit …Pierre sortit avec l’autre disciple et allèrent au sépulcre. Ils couraient tous deux, mais l’autre courut plus vite que Pierre et arriva le premier au sépulcre. Et s’étant penché, il vit les linceuls posés à terre ; mais il n’entra pas. Simon Pierre qui le suivait, arriva à son tour et entra dans le sépulcre. Il vit les linges posés à terre et le suaire qui couvrait la tête de Jésus, non pas avec les linges mais roulé en un lieu à part. Alors l’autre disciple qui était arrivé le premier au sépulcre entra aussi ; et il vit et il crut… »

Il crut…Car l’état dans lequel il trouva le suaire et les linges n’indiquait pas qu’on eut enlevé le corps….Ergo.

Aussi les témoins de cette résurrection sont bien les femmes, les disciples, les anges, les linges et le suaire. Notre séquence nous le dit aussi : « Angelicos testes, sudarium et vestes ».

« Surrexit Christus spes mea. Praecedet vos in Galileam »
« Scimus Christum surrexisse a mortuis vere ».


Et la séquence conclut sa louange par une profession de foi… « Surrexit Christus spes mea. Praecedet vos in Galileam »
Scimus Christum surrexisse a mortuis vere ».
Nous savons que le Christ est bien ressuscité des morts en vérité.
Seigneur, ayez pitié de nous. Amen Alleluia.

C’est merveilleux.
Retenez cette séquence.
Retenez les témoins : les anges, les femmes, les disciples, les linges pliées…Il ne put être simplement enlevé…les linges ne seraient pas là « bien pliés ».

Retenez ce « surrexit Christus spes mea ».

C’est tout le mystère du Christ.

C’est l’affirmation qu’il est notre seule espérance parce qu’il est notre seul sauveur. Il fallait qu’il connaisse la souffrance conformément aux Ecritures…et la mort…pour satisfaire surabondamment à la justice divine…en raison de nos offenses. Et par cette satisfaction, il nous a mérité la béatitude éternelle. Béatitude qui est mon étoile, mon guide, la raison de ma vie. Gagner le ciel en suivant l’Etoile, la Lumière, sa Loi, sa Volonté. Voilà toute ma vie. Je sais en qui j’ai mis mon espérance et ma raison d’être : le Christ, le triomphateur. Il a triomphé de la mort par sa puissance toute divine…Il l’a pu. Il est Dieu. Il est un Dieu d’amour.
Il est ressuscité « vere ». Je sais en qui j’ai mis ma confiance :« Je suis la Vérité et la Vie ». Qui me suis ne marche pas dans les ténèbres.

Scimus Christum surrexisse a mortuis vere ».


B- le texte de l’épiscopat français
suite à l’assemblée plénière tenue à Lourdes du 4 au 7 avril 2006

A l’issue de leur assemblée plénière de « printemps », les évêques de France ont publié un texte intitulé : « Les conclusions de notre assemblée plénière », sous la signature du cardinal Ricard, président de la Conférence des évêques de France.

Ce texte est très important. - Le paragraphe 2 concerne les « traditionalistes » dans toutes leurs diversités. Une vraie mosaïque - .

Il est l’expression d’une volonté.

A l’égard des « groupes traditionalistes », nos évêques déclarent vouloir travailler à « l’accueil des groupes « traditionalistes » au sein de nos diocèses ». Nous en prenons note avec satisfaction.

A l’égard de Rome, il est une protestation de docilité…mais aussi d‘autorité pour ne pas dire d’indépendance… Nos évêques n’entendent pas se laisser déposséder par les bureaux romains du règlement de cette affaire. Jusque ce jour, ils voulaient l’ignorer et avec quelle dureté… Mais, les choses sont telles aujourd’hui, - le nombre des traditionalistes augmentant et surtout le Pape Benoît XVI aujourd’hui régnant…Les donnes changent- qu’il faut faire avec…Bon gré mal gré. Ils ne veulent surtout pas de la solution romaine qui se chuchote de plus en plus depuis le nouveau pontificat de Benoît XVI : un solution canonique rattachant directement ces « groupes » à Rome…un peu comme la solution de Campos au Brésil avec la création de l’Administration Apostolique Saint Jean Marie Vianney. Ils le disent franchement : « Nous sommes prêts, comme évêques, à nous engager dans ce vrai travail de communion. C’est pourquoi la mise en place d’une structure juridique qui risquerait de distendre les liens de ces fidèles avec leur pleine appartenance à leur Eglise diocésaine ne nous paraît pas opportune ». Se voir dépouillé de la solution du problème les tracasse…Enfin…Il est grand temps que des solution soient proposées. Rome allait le faire…devant l’hostilité constante et opiniâtre des évêques, surtout français. Les évêques français réagissent…La crainte est le commencement de la sagesse. Que va faire le Saint-Siège ? Va-t-il attendre, pour la France, la solution épiscopale… Nous revoilà reportés au-delà de novembre prochain. Va-t-il passer outre ? C’est peu probable. Va-t-il influencer discrètement la solution ?

J’ai commenté le §2 de ce texte. Cliquez ici.
Vous pouvez également consulter le « Regard sur le monde » de la semaine dernière, intitulé « A l’orée d’une décision »

Quoi qu’il en soit, nous sommes proche d’un règlement. On parle même d’un texte de Benoît XVI pour le Jeudi Saint ?
Prions et gardons confiance…

Je ferai suivre ce texte du commentaire de Remi Fontaine dans Présent de mardi et de mercredi, 11 et 12 avril 2006.

Vous trouverez aussi le texte d’une réflexion « libre » de M l’abbé Barthe publié dans Présent du 12 avril 2006 sur le devenir de la réforme liturgique de Paul VI. Ce texte est très a propos. C’est une opinion qu’il faut connaître.

1- Conclusions de notre assemblé plénière.

Lourdes - Vendredi 7 avril 2006


Notre Assemblée de printemps s’achève. Elle a été dense, peut-être trop. Nous avons souvent exprimé le désir d’un autre rythme de travail. Mais, comme notre Assemblée est un temps d’information mutuelle, de consultation, d’échange sur des initiatives que nous souhaitons prendre, de multiples questions ont toujours tendance à meubler tout le temps disponible.

Une question a été reposée dans notre Assemblée, celle de faire de l’Assemblée de printemps une Assemblée où pourraient avoir lieu les élections aux différentes charges de notre Conférence. La prise de responsabilité en début d’année pastorale en serait facilitée. Cela impliquerait sans doute que nous transférions en avril le type d’Assemblée que nous avons au mois de novembre (avec la présence des évêques des DOM et des TOM, des autres évêques invités, des directeurs des services nationaux et de la presse). L’Assemblée de printemps serait un peu plus longue et celle de novembre plus brève, et à huis clos comme celle-ci. Cette hypothèse va être étudiée et, si les conditions sont réunies pour la valider, elle vous sera proposée au vote en novembre prochain.

Nous avons fourni au cours de cette Assemblée un travail important.

1) L’achèvement de la réforme des structures de notre Conférence

Tout d’abord, nous avons mené à bien le dernier volet de la réforme des structures de notre Conférence. Celle-ci a été une œuvre de longue haleine et certains ont pu se demander en cours de route si nous aboutirions. Avec plaisir nous en voyons aujourd’hui le terme. Un des signes symboliques de l’achèvement de ce travail a été hier le vote des statuts et du règlement intérieur de notre Conférence. Ils ont été adoptés. Nous pouvons donc présenter désormais le texte de ces nouveaux statuts à la Congrégation des Evêques pour approbation.

Au cours de cette Assemblée, nous devions parler des services nationaux. Il s’agissait de préciser à ces services la teneur de la mission que nous leur confions dans le contexte actuel de la vie et de la mission de l’Eglise en France. Ces services nationaux nous sont indispensables à bien des égards et nous remercions ceux et celles qui en assurent la direction et l’animation. Evêques diocésains, nous faisons appel à eux pour qu’ils nous fournissent des études, des documents, des avis autorisés en des domaines spécialisés. Souvent ils nous aident pour la formation de nos équipes diocésaines et, à notre demande encore, ils apportent leur concours à des initiatives pastorales locales. Au plan national ils assument un certain nombre de tâches qui facilitent l’exercice de notre commune responsabilité.

Depuis le mois de novembre un important travail s’est réalisé sous la responsabilité des présidents de commissions épiscopales et de conseils. Cela nous a permis de mettre la dernière main aux lettres de mission de ces services nationaux. Quelques fonctionnements méritent d’être encore précisés mais l’essentiel du travail est fait. Il est heureux que cette étape soit franchie. Car c’est bien la mission qui est première. Chacun va pouvoir s’y consacrer en toute sérénité.

Le regroupement de beaucoup de ces services dans la Maison de la Conférence, avenue de Breteuil, facilitera les concertations et les collaborations. Nous avons souhaité ce regroupement tant la synergie dans le travail de ces services nous paraît importante et nécessaire. Le sentiment d’œuvrer à une mission commune en sera renforcé.

Ce regroupement – nous le voyons bien – entraîne un lourd travail pour tous ceux qui y sont plus directement impliqués, salariés et bénévoles. Qu’il me soit permis de leur exprimer ce matin notre reconnaissance.

Au cours de notre Assemblée, nous avons eu une information sur l’état des chantiers des groupes de travail que nous avons demandé de mettre en œuvre au Comité Etudes et Projets. Ils nous fourniront sur les thèmes retenus (Enseignement catholique, anthropologie fondamentale, vie et ministère des prêtres aujourd’hui dans les communautés chrétiennes) des éléments de réflexion et de travail dans les mois qui viennent ou lors de notre prochaine Assemblée de novembre.

2) L’accueil des groupes « traditionalistes » au sein de nos diocèses

Nous avons voulu faire le point sur l’accueil et la place des groupes « traditionalistes » dans nos diocèses. Dans son motu proprio Ecclesia Dei adflicta de 1988, le pape Jean-Paul II demandait aux évêques de répondre « largement et généreusement » aux demandes de fidèles et de groupes de fidèles souhaitant une célébration de la messe selon le missel de 1962, appelée plus communément « messe de saint Pie V ». Or, depuis plus de 15 ans, la situation a beaucoup évolué. Des demandes nouvelles sont apparues, des sociétés de prêtres nouvelles se sont présentées pour se mettre au service de ces groupes, des jeunes sont entrés dans leurs séminaires, des écoles privées prises en charge directement par des parents se sont créées. Chaque évêque a du faire face pastoralement à cette situation en constante évolution. Notre échange a montré que beaucoup portaient la préoccupation de bien articuler l’accueil de la diversité avec la sauvegarde de l’unité de l’Eglise diocésaine : comment reconnaître la place dans l’Eglise d’une diversité de sensibilités liturgiques et d’animations ecclésiales, sans pour autant contribuer à faire naître des Eglises parallèles qui n’auraient pas de liens entre elles ? Nous sentons qu’il y a là un enjeu ecclésiologique et pastoral important. Nous sommes prêts, comme évêques, à nous engager dans ce vrai travail de communion. C’est pourquoi la mise en place d’une structure juridique qui risquerait de distendre les liens de ces fidèles avec leur pleine appartenance à leur Eglise diocésaine ne nous paraît pas opportune.

Nous avons émis le désir de poursuivre notre réflexion et de chercher quel pourrait être, au niveau de notre Conférence, le cadre général et les points de recommandation qu’il serait bon de retenir pour cet accueil des groupes traditionalistes.

Pour donner une suite à cette réflexion, le Conseil permanent a demandé à un petit groupe de travail de présenter à notre Assemblée du mois de novembre un texte sur cette question.

La question des relations avec la Fraternité Saint Pie X mérite un traitement particulier. Nous savons que le pape Benoît XVI en porte le souci. Dans les semaines ou les mois qui viennent, il devrait donner des directives pour faciliter le chemin vers un retour possible à une pleine communion. Nous les accueillerons dans la foi et les mettrons en œuvre fidèlement. Evangéliquement, tout doit être fait pour que se réalise la parole du Seigneur : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17, 21).

Cette communion doit être recherchée dans la charité et la vérité. La charité implique qu’on cherche à se connaître, à se comprendre, à faire disparaître les images fausses que l’on peut avoir les uns des autres. Elle implique également l’abandon de toute polémique systématique et de toute volonté de confrontation sur le terrain. La vérité implique qu’on soit au clair sur nos points de dissension. Ceux-ci portent moins d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur celle de l’accueil du magistère, tout particulièrement de celui du concile Vatican II et des papes de ces dernières décennies. La communion peut s’accompagner de questions, de demandes de précision ou d’approfondissement. Elle ne saurait tolérer un refus systématique du Concile, une critique de son enseignement et un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrétée.

Certes, des abus ont pu voir le jour dans les années qui ont suivi le Concile ; certains ont pu se réclamer d’un « esprit du Concile » qui n’avait pas grand chose à voir avec lui, comme l’a souligné le pape Benoît XVI dans son discours à la Curie du 22 décembre dernier. Mais il ne faut pas oublier tous ces prêtres, religieux, religieuses et laïcs, qui ont mis en œuvre, avec sagesse et sens apostolique, les réformes conciliaires et ont contribué à la réception en profondeur du Concile dans l’Eglise. Il est important de leur dire aujourd’hui toute notre reconnaissance.

3) Le malaise de la jeunesse comme révélateur d’une crise profonde de notre société

Nous avions prévu de revenir lors de cette Assemblée sur « les violences urbaines » pour réfléchir sur qu’elles exprimaient de notre société, de ses problèmes, de l’échec d’un modèle d’intégration. Les événements liés à la loi sur le « Contrat Première Embauche » (CPE) ont légèrement déplacé notre réflexion. Ils ne l’ont pas pour autant rendu caduque. Car, c’est bien la même interrogation qui rebondit aujourd’hui avec plus de force encore : à travers ces événements que percevons-nous comme crise profonde de notre société ?

Notre pays se trouve, une fois encore, secoué par une crise sociale et politique de grande ampleur. En octobre et novembre derniers, c’étaient les « violences urbaines », expression de la souffrance de jeunes, en grande partie issus de l’immigration, en mal de formation et d’avenir, qui exprimaient leur refus de la discrimination et de la marginalisation. Aujourd’hui, à travers la contestation du CPE, c’est, de nouveau, la souffrance de la jeunesse qui s’exprime, mais cette fois dans le domaine des études et de l’entrée dans le monde du travail. Nous ne pouvons pas ne pas entendre cette souffrance des jeunes, cette angoisse face à leur avenir.

Au-delà du jugement technique que les uns et les autres peuvent porter sur un tel contrat de travail ou sur son efficacité supposée quant à l’emploi des jeunes, c’est bien sur sa portée symbolique que les critiques se concentrent : la perception, à tort ou à raison, d’une discrimination négative. Un certain nombre de jeunes savent désormais que, par-delà la difficulté à trouver un travail stable, ils ne pourront pas bénéficier d’un niveau de vie comparable à celui de leurs parents.

Cette contestation manifeste aussi fortement la crise du politique et de la représentativité. Les divisions de la classe politique et les postures, qui apparaissent trop souvent comme un jeu d’acteurs en vue des échéances électorales à venir, accentuent son discrédit. Au-delà des prises de position des uns et des autres, comment se trouve pris en compte l’intérêt général ? Seule une telle prise en compte devrait permettre à notre pays de faire les réformes qui s’avèreront inéluctables dans les années qui viennent. C’est tout l’enjeu de la détermination par le plus grand nombre d’un bien commun pour la cohésion de notre société.

Il n’en reste pas moins que le moment de tension que nous vivons exprime une anxiété majeure face à l’avenir, l’angoisse d’une classe d’âge qui traverse toutes les classes sociales.

Cette anxiété est sans doute en partie le fruit d’une forme d’éducation et de l’exacerbation du modèle de la société de consommation, alors que les évolutions technologiques et la mondialisation économique bouleversent les schémas d’activité et fragilisent l’organisation du travail. Mais ce malaise touche plus profondément les raisons de vivre. Une espérance qui donne le goût d’exister ne peut se réduire à la seule recherche de sécurité. Affirmer le contraire serait entretenir une illusion. La question radicale est de savoir à quoi nous accordons le plus de prix, qu’est-ce qui peut permettre une authentique maîtrise de notre vie, le développement des capacités de chacun, qu’est-ce qui peut nous conduire, au-delà de tous les faux-semblants, sur un chemin de bonheur véritable ?

Il est grand temps que notre société se donne les moyens de mettre en œuvre cette réflexion, dans une perspective européenne, ouverte sur toutes nos solidarités internationales. Cela ne peut se faire sans donner la parole, sans échange. L’Eglise, dans le plein respect de la laïcité, est prête, pour sa part, à y contribuer.

Notre Assemblée s’achève. Nous allons regagner nos diocèses pour entrer dans la grande Semaine sainte. Nous allons suivre le Christ dans son mystère pascal. N’oublions pas que c’est lui, le Ressuscité, qui combat toute fatalité, ouvre l’avenir qui paraissait bouché et fait surgir la flamme de l’espérance. Repartons témoins de cette espérance auprès de tous. Bonne fête de Pâques !

+ Jean-Pierre Cardinal RICARD
Archevêque de Bordeaux
Président de la Conférence des évêques de France

2- Commentaire de Rémi Fontaine

A dans Présent du 11 avril 2006

« La place des « traditionalistes »

Tandis que s’achevait le 7 avril la Conférence des évêques de France, où a été notamment abordée la question de « l’accueil et la place des “groupes traditionalistes” dans les diocèses », se tenait la deuxième réunion des chefs de dicastères de la Curie romaine autour de Benoît XVI sur la restauration possible de la pleine communion avec la Fraternité Saint-Pie X (FSSPX). La première avait eu lieu le 13 février. Le cardinal Dario Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation pour le clergé et président de la Commission Ecclesia Dei, avait déjà résumé les conclusions de la réunion des cardinaux du 23 mars en affirmant que l’Eglise « attend à bras ouverts » les disciples de Mgr Lefebvre. « Nous étudions maintenant le meilleur moyen », avait-il ajouté en réponse à une question sur la possibilité d’accorder seulement une « prélature » dépendant du Pape. De son côté, le cardinal Ricard, président de la Conférence des évêques de France, confirme (dans son discours de clôture de Lourdes) que « dans les semaines ou les mois qui viennent, [le Pape] devrait donner des directives pour faciliter le chemin vers un retour possible à une pleine communion » (avec la FSSPX). « Nous les accueillerons dans la foi et les mettrons en œuvre fidèlement », précise t-il. Non sans émettre quelques réserves à cette bonne volonté, tant pour l’accueil de la FSSPX (qui « mérite un traitement particulier ») que des communautés dites inadéquatement Ecclesia Dei (Présent du 7 avril). Par exemple : « La vérité implique qu’on soit au clair sur nos points de dissension. Ceux-ci portent moins d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur celle de l’accueil du magistère, tout particulièrement de celui du concile Vatican II et des papes de ces dernières décennies. La communion peut s’accompagner de questions, de demandes de précision ou d’approfondissement. Elle ne saurait tolérer un refus systématique du Concile, une critique de son enseignement et un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrétée. »
Mais, de Mgr Lefebvre à Mgr Fellay, il n’a jamais été question d’un refus systématique du Concile pris comme une entité majusculaire. Ce sont plusieurs points, certes importants, de ce concile pastoral (comme le nœud gordien de la liberté religieuse) qui sont discutés. En outre, ces points de dissension commencent bien avec la question liturgique qui n’est pas la moindre pomme de discorde (comme le laisse accroire Mgr Ricard), selon l’adage classique qui résume le lien substantiel entre la prière et la foi : lex orandi, lex credendi. Si la liturgie est la foi qui chante, force est d’admettre que la foi n’est plus tout à fait chantée comme avant, comme l’a du reste souvent concédé le cardinal Ratzinger. En matière de réception du magistère (y compris celui de Vatican II et de sa mauvaise traduction systématique), on peut d’ailleurs facilement retourner le reproche : au nom de « l’esprit du Concile », la réforme liturgique « que le Concile a décrétée » (comme dit improprement Mgr Ricard : la nouvelle messe est de 1969) a commencé par ne pas correspondre, sur des points essentiels, à la volonté clairement exprimée des Pères conciliaires, avec l’exemple éloquent du latin liturgique (Présent du 6 janvier)... Sans développer davantage tous ces paradoxes et ces contradictions que Jean Madiran a par ailleurs expliqués ici même à plusieurs reprises (notamment en commentant le fameux discours papal à la Curie du 22 décembre dernier), on saisit qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème de « sensibilités » : « Comment reconnaître la place dans l’Eglise d’une diversité de sensibilités liturgiques et d’animations ecclésiales, sans pour autant contribuer à faire naître des Eglises parallèles qui n’auraient pas de liens entre elles ? », demande le cardinal Ricard. On peut néanmoins se réjouir, comme l’abbé de Cacqueray (supérieur du District de France de la FSSPX), de ce changement de ton des évêques de France – ils disent vouloir rechercher une communion « dans la charité et la vérité » en cherchant à « faire disparaître les images fausses que l’on peut avoir les uns des autres » – et de l’attention nouvelle qu’ils portent aux fidèles « traditionalistes ». L’abbé de Cacqueray ajoute cependant (dans le Figaro de samedi) : « Nous ne souhaitons pas d’accords pratiques » mais des « modus vivendi, sur le terrain, au cas par cas ».

RÉMI FONTAINE

b- dans Présent du 12 avril 2006

La place des « traditionalistes » (2)

Les « traditionalistes », combien de divisions ? C’est la question (largement insuffisante sinon inadéquate) qui a été notamment posée à la Conférence des évêques de France (du 4 au 7 avril) dont l’ordre du jour comprenait « l’accueil et la place des “groupes traditionalistes” dans les diocèses de France » (Présent d’hier).

Dans sa lettre d’informations religieuses Aletheia (16, rue du Berry, 36250 Niherne), Yves Chiron révèle qu’à la demande du cardinal Ricard, l’association Oremus, dirigée par Loïc Mérian, animateur également du Centre international d’études liturgiques (Ciel), avait envoyé à tous les évêques une Etude statistique sur le nombre de fidèles “traditionalistes” dans les diocèses français. En s’efforçant d’être exhaustive, et en prenant les précautions d’usage
dans le maniement des chiffres, cette enquête, résume Aletheia, estime que les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle sont environ 80 000 en France : une centaine de lieux de culte pour les messes autorisées par les évêques et environ 45 000 fidèles ; et quelque 200 lieux de culte et environ 35 000 fidèles pour la FSSPX et les communautés qui lui sont liées. 120 séminaristes (15 % sur les 800 séminaristes français), environ 400 prêtres au total (dont 250 séculiers) et une quinzaine d’ordinations en France (en additionnant les clercs des fraternités et communautés dits Ecclesia Dei et ceux de la FSSPX et des communautés qui dépendent d’elles). L’étude évoque aussi les écoles hors contrat (79), les mouvements de jeunes, les groupes scouts, etc., qui sont liés à ces mouvances « traditionalistes », toutes tendances confondues. Dans le dernier numéro de La nef, Loïc Mérian, qui revient sur ces statistiques et sur d’autres plus locales mais tout aussi révélatrices d’une dynamique et d’une pyramide des âges projetée vers l’avenir, indique au demeurant que ces chiffres font l’impasse sur plusieurs phénomènes importants, notamment l’importance des fidèles qui voudraient bien assister à la messe traditionnelle mais n’en ont pas la possibilité matérielle ; l’importance de ceux qui ont cessé de pratiquer et se sont éloignés de l’Eglise à cause des « changements » et de cette
impossibilité... « Les évêques de France, commente Yves Chiron, ont été assez impressionnés, semble-t-il, par cette réalité qui leur était largement méconnue dans sa globalité. » A tel point que le cardinal Ricard déclare (dans son discours de conclusion) : « Or, depuis plus de 15 ans, la situation a beaucoup évolué. Des demandes nouvelles sont apparues, des sociétés de prêtres nouvelles se sont présentées pour se mettre au service de ces groupes, des jeunes sont entrés dans leurs séminaires, des écoles privées prises en charge directement par les parents se sont créées. Chaque évêque a dû faire face pastoralement [sic] à cette situation en constante évolution... » Si la situation est effectivement en constante évolution positive, elle n’a en vérité pas vraiment changé de nature depuis quinze ans et davantage. Il suffit de regarder les deux pèlerinages de la Pentecôte pour se rendre compte chaque année de la vitalité et de la jeunesse des populations « traditionalistes ». Or, en 2006 Loïc Mérian peut constater, comme Patrice de Plunkett en 1992, que l’annuaire officiel de l’Eglise de France ignore totalement ces populations. Reconnus ou non par le Motu proprio de 1988, les « traditionalistes » demeurent « les sans-papiers de l’Eglise de France ». Là où l’on recence par exemple les différentes communautés charismatiques, mouvements divers et variés, eux n’existent pas officiellement : silence du guide sur le Motu proprio, sur les fraternités sacerdotales, sur les monastères, sur les mouvements de jeunes, le pèlerinage de Chartres, les revues... et surtout les lieux de culte ! Tout ce courant profond, phénomène significatif, avec un peuple nombreux, « pourquoi un annuaire officiel – œuvre collective et hétéroclite sans doute, mais publié au nom de la conférence épiscopale – feint-il de le mépriser ? », demandait déjà l’ancien journaliste du Figaro Magazine dans un premier bilan de l’application du Motu proprio édité par La nef en 1992. Quatorze ans après, Loïc Mérian enchaîne – avec le réveil (?) de Lourdes 2006 : « Il semble donc clair que les “traditionalistes” constituent une composante d’avenir pour l’Eglise de France. Il serait donc regrettable et dommageable en ces temps de crise de continuer à ignorer officiellement leur existence. Un accueil bienveillant ne peut que favoriser leur implication dans les diocèses au service de l’Eglise et de l’évangélisation. »
Assurément. En rappelant une fois encore, au-delà de l’intérêt et de l’appui réels de ces chiffres, que la question de la tradition (pas plus que le pouvoir de Rome !) ne se pose pas d’abord en termes de « divisions », ni en termes de générosité, d’ouverture, de sensibilité, d’accueil ou d’intégration des fidèles « traditionalistes ». Elle se pose essentiellement en termes de justice, d’accueil de la messe catholique traditionnelle, elle-même, latine et grégorienne selon le missel romain de saint Pie V : « La messe sera sauvée par la messe », avait écrit
Jean Madiran (le 3 juin 1998) dans un jugement qui pourrait bien rejoindre l’intuition profonde de Benoît XVI aujourd’hui.

RÉMI FONTAINE

PS : Au moment où le Saint-Père s’apprête à publier un Motu proprio sur le rite de la messe, selon La Croix du 7 avril (peut-être ce Jeudi saint, selon Aletheia), l’abbé Claude Barthe (conseiller religieux de la revue Catholica) rappelle
dans une tribune en page 2 – « De deux messes l’une » – la pensée du cardinal Ratzinger sur le sujet, après celle des cardinaux Ottaviani et Bacci dans le Bref examen critique.


3- Le texte de M l’abbé Barthe

« De deux messes l’une »

La libéralisation espérée de la messe tridentine, quels que soient ses limites et les attendus qui l’accompagneront sans doute (« l’identité intime » de l’ancien et du nouveau missel) confirmera, de facto, que la messe de Paul VI ne se prévaut pas à proprement parler du statut de lex orandi. Ceci importe au plus haut point dans la considération de la fin à poursuivre : la restauration des choses liturgiques. Tout le monde connaît l’adage : lex orandi, lex credendi, qui rappelle que le culte divin est un vecteur privilégié de la profession de foi. Or, depuis quarante ans, la réforme est contestée, dans sa capacité à exprimer la foi. A l’origine de la critique « dure », le Bref examen critique des cardinaux Ottaviani et Bacci s’alarmait de l’éloignement « impressionnant » de la doctrine émanant du nouveau missel par rapport à celle exprimée par le concile de Trente. Ce que j’ai traduit par le terme de profanation, au sens de pénétration, bien évidemment pas totale, du profane dans le culte. Profanation : par la refabrication de rites où le subjectif de la célébration du groupe centré sur lui-même s’impose ; par un abandon de l’hiératisme rituel, de la langue sacrée, de la prière « vers le Seigneur », de l’adoration exprimée par la gestuelle et le silence. Il est patent qu’on a procédé à une atténuation de ce que le monde actuel n’entend plus : la valeur de la messe comme sacrifice pour les péchés, la présence réelle du Christ, la hiérarchie sacerdotale exprimant l’action du Christ-Tête. Mais en même temps, s’est développée une autre forme de nonréception, que l’on pourrait qualifier de critique « douce ». Lors du Katholikentag de 1966, le professeur Ratzinger avait prononcé un discours très critique vis-à-vis de la réforme en préparation. De même, le P. Louis Bouyer était très vite entré en opposition. Et bien d’autres encore, dont le flot s’est grossi ces dernières années (Nicola Giampietro publiant les mémoires du cardinal Antonelli, Forum, 2004 ; le P. Aidan Nichols, dans Liturgie et modernité, Ad Solem, 1998 ; etc.). Tous se retrouvant derrière celui qui est devenu Benoît XVI et n’a cessé d’affirmer que la réforme « de Bugnini » n’était pas dans la ligne de l’harmonieuse évolution qu’exprimaient les réformes de Pie XII. Qui plus est, selon lui, la manière « révolutionnaire » de la réforme de Paul VI, a fait que la liturgie antérieure ne pouvait être considérée comme abrogée. Par conséquent, la réforme n’ayant pas donné les fruits que l’on en espérait, il fallait, en douceur et avec patience, procéder à une « réforme de la réforme ».
Tous donc, ottavianiens et ratzinguériens, ont de fait remis en cause le caractère de référence incontestable pour la confession de foi de la nouvelle messe. Tous la considèrent comme relative, susceptible de recevoir une « mauvaise interprétation » – largement dominante –, et nécessitant une interprétation traditionnelle. En d’autres termes, la liturgie
nouvelle apparaît comme n’étant que « pastorale », à la manière, ce qui est logique, du concile dont elle s’est voulue l’expression. Elle n’a pas davantage voulu être, à proprement parler, une lex orandi, une loi de prière, que les textes novateurs de Vatican II (par exemple, sur l’œcuménisme) n’ont voulu être une loi de la foi, un dogme. On sait aujourd’hui que, le 18 mars 1984, le cardinal Casaroli, secrétaire d’Etat, avait écrit au cardinal Casoria, préfet de la Congrégation pour le culte divin, pour lui demander de préparer la première en date des concessions de l’usage du missel traditionnel : « Une absolue interdiction de l’usage du missel susdit ne peut être justifiée ni du point de vue théologique ni du point de vue juridique. » Théologiquement, l’interdiction du rite de saint Pie V ne peut être justifiée.
D’où une situation inouïe : la coexistence non pas de deux rites catholiques distincts (par exemple, comme en Espagne, celle du rite romain et du rite mozarabe), mais la coexistence de deux formes successives du même rite. Cette coexistence ne souligne-t-elle pas que la forme récente n’a pas vraiment remplacé la forme ancienne ? Et que la forme récente – ce que démontre au reste sa fluidité – est par essence relative ? Ce qui permet de qualifier le projet de « réforme de la réforme » : il devrait viser la transmutation du rite de Paul VI. Il ne concernera pas la liturgie traditionnelle, dont au contraire, l’extension sera un moyen de peser sur la situation générale. La « réforme de la réforme » devrait concerner les paroisses ordinaires. Tous les catholiques de bonne volonté accepteront-ils de
la favoriser malgré le « risque » de voir bousculer leurs « positions » respectives, spécialement psychologiques ? Qu’on le veuille ou non, quarante ans de liturgie paroissiale nouvelle sont un fait avec lequel il faut désormais compter. Il conviendra donc d’aider concrètement, dans la liturgie des paroisses ordinaires, les prêtres qui ne demandent qu’à faire évoluer progressivement le rite réformé, c’est-à-dire à le redresser peu à peu en fonction de
la tradition liturgique romaine, de la lex orandi en sa plénitude

Abbé Claude Barthe