Je vous donne à méditer,
aujourd’hui, deux très belles homélies :
l’une de saint Léon le Grand sur les apôtres
Saint Pierre et Paul, et l’autre de Benoît XVI sur
saint Jacques le Majeur.
A-Homélie de Saint Léon
le Grand
sur la fête des
apôtres Pierre et Paul
« Tout l'univers, bien-aimés,
prend part aux fêtes de l'Église ; l'unité
de la foi exige que l'on célèbre de tous côtés
avec une joie commune les mystères qui ont été
accomplis pour le salut de tous. Mais la fête de ce jour,
outre la vénération générale qui
lui est due par toute la terre, demande de nous et de notre
cité des hommages tout particuliers. Dans ces lieux où
les premiers des apôtres ont souffert une mort si glorieuse,
nous devons, le jour de leur martyre, faire éclater notre
allégresse et notre amour d'une manière plus grande
que dans toutes les autres villes du monde. O Rome ! Ce sont
ces hommes illustres qui ont fait briller pour toi les lumières
de l'évangile ; tu étais le centre de l'erreur,
et par eux tu es devenue l'école de la vérité.
Ils sont tes pères et tes véritables pasteurs
; ils ont jeté sur ton sein les bases éternelles
d'un royaume qui ne périra jamais ; tu leur dois plus
qu'aux hommes qui ont creusé les fondements de tes premières
murailles, qu'à ces hommes dont l'un, celui qui t'a donné
ton nom, rougit ton sol du sang de son frère. Ce sont
ces glorieux apôtres qui t'ont donné cette gloire
dont tu brilles maintenant, pour que, nation sainte, peuple
élu, ville sacerdotale et impériale,... tu présides
plus largement par la religion divine que par la domination
terrestre. Quoique des victoires sans nombre aient porté
au loin les limites de ta puissance, que la terre et la mer
aient subi ton joug, cependant tu as fait moins de conquêtes
les armes à la main que par la paix chrétienne.
Dieu dont la puissance est infinie, qui est également
juste et bon, qui n'a jamais refusé sa Miséricorde
aux hommes, qui les a toujours comblés de bienfaits et
qui les a assistés de ses Grâces, afin qu'ils Le
connussent, a envoyé au monde son Verbe, qui Lui est
égal et coéternel, par compassion pour leur aveuglement
et le penchant qu'ils ont à faire le mal. Le Verbe S'est
fait chair et Il a uni la nature divine à la nature humaine
de telle sorte que l'abaissement de la Divinité faisait
la gloire de l'humanité. La divine Providence a étendu
les limites de l'Empire romain, afin que les effets de sa Grâce
ineffable se répandissent parmi tout l'univers. Dieu
a réuni ainsi en une seule toutes les nations de la terre;
cette unité convenait à ses Desseins ; il devait
être plus facile de prêcher l'évangile à
l'univers quand tous les empires, n'en formant plus qu'un seul,
seraient soumis aux lois d'une seule ville. Mais cette ville,
qui ne connaissait point l'Auteur de sa puissance, tandis qu'elle
commandait à tous les peuples du monde, pliait sous le
joug de l'erreur de toutes les nations, et elle croyait être
très religieuse parce qu'elle accueillait avec avidité
toutes les folies qui désolaient le monde ; aussi, plus
les liens avec lesquels le démon la tenait enchaînée
étaient solides, plus la liberté que Jésus
Christ lui a donnée doit paraître admirable.
Lorsque les douze apôtres eurent reçu du saint
Esprit le don des langues et qu'ils se partagèrent l'univers
pour y propager la parole divine, Pierre, le prince des apôtres,
eut en partage la capitale de l'Empire romain, afin que cette
lumière de la vérité, qui devait éclairer
tout le genre humain, étant placée au centre de
l'univers, répandît plus aisément ses rayons
de tous côtés. Y avait-il quelque nation au monde
dont il n'y eût alors des hommes dans cette ville, ou
qui ignorât ce que Rome avait appris ? C'était
donc là qu'il fallait terrasser la philosophie ! C'était
là qu'il fallait détruire les vains mensonges
de la sagesse humaine, là qu'il fallait renverser le
culte des démons, là enfin qu'il fallait anéantir
l'impiété de toutes les erreurs sacrilèges,
puisque dans cette ville toutes les superstitions et toutes
les erreurs étaient réunies !
Bienheureux apôtre Pierre, tu ne crains pas de venir dans
cette grande cité, tandis que l'apôtre Paul, ton
compagnon de gloire et de travaux, est occupé à
l'organisation d'autres églises ; tu entres dans cette
forêt remplie de bêtes féroces ; tu marches
sur cet océan tumultueux avec plus de constance que sur
la mer ; tu ne trembles point à l'aspect de cette maîtresse
du monde, toi qui fus saisi de crainte, dans la maison de Caïphe,
à la voix d'une simple servante. Est-ce que la tyrannie
de Claude et la férocité de Néron étaient
moins à craindre que le jugement de Pilate ou que la
méchanceté des Juifs ? Mais ton amour vainquit
tes craintes ; tu ne pensas point devoir céder à
la terreur alors que tu travaillais au salut de ceux que tu
avais pris en affection. Tu pris le sentiment de cette charité
intrépide, lorsque tu donnas des témoignages d'un
amour sincère à ton Maître, qui t'interrogea
par trois fois et qui te confia la garde de son troupeau, en
te recommandant de lui faire part de la même nourriture
dont tu avais été nourri toi-même.
Les miracles que tu avais opérés, la grâce
dont tu étais comblé et l'épreuve que tu
avais faite de tes vertus, augmentaient ta confiance. Tu avais
déjà instruit les Juifs, qui avaient cru ; tu
avais déjà fondé l'Église d'Antioche,
où le nom de chrétiens fut donné aux premiers
fidèles ; tu avais déjà prêché
l'évangile dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l'Asie
et la Bythinie et tu ne doutais plus du succès de ton
ouvrage et du temps qui te restait pour l'accomplir, lorsque
tu faisais entrer l'étendard de la croix du Christ dans
les murs de la cité romaine, où la gloire de ton
martyre et l'honneur de ta dignité t'attendaient, selon
les décrets de la Providence.
Paul, ton collègue à l'apostolat, ce vase d'élection,
cet illustre docteur des Gentils, accourut alors et vint partager
tes travaux dans cette ville où la pudeur, l'innocence
et la liberté étaient aux abois sous la tyrannie
du cruel Néron, dont la rage, excitée par toutes
les mauvaises passions, en vint à cet excès de
folie de soulever le premier contre le nom chrétien les
fureurs d'une persécution générale, comme
s'il eût prétendu anéantir la Grâce
de Dieu en massacrant les saints. L'un des plus grands bienfaits
de cette grâce est que le mépris de cette vie temporelle
nous ouvre la porte des félicités éternelles.
La mort des saints du Seigneur est précieuse devant ses
Yeux. La religion fondée sur la Croix du Christ et cimentée
de son Sang ne peut être ébranlée par les
supplices les plus cruels. Les persécutions, loin d'abattre
l'Église, la font briller d'une nouvelle splendeur :
le champ du Seigneur produit alors au contraire une plus riche
moisson, tous les grains qui tombent renaissent multipliés.
Les milliers de martyrs qui reçurent les palmes du triomphe
prouvent d'une glorieuse manière combien se multiplièrent
ces deux illustres grains de la Semence divine ; ces dignes
émules des glorieux apôtres entourèrent
notre cité d'une vaste ceinture de tombeaux qui couronnent
son front comme un diadème composé de perles précieuses.
Nous devons nous réjouir, bien-aimés, d'une si
puissante protection, nous fortifier dans la foi et nous encourager
à la patience par leur exemple ; mais la fête des
bienheureux apôtres doit encore exciter notre joie ; Dieu
les a choisis entre tous les membres de son Église, et
Il en a fait les yeux mystiques du Corps dont la tête
est le Christ. Nous ne devons établir aucune différence
entre leurs mérites et leurs vertus qui sont inénarrables.
Leur élection, leurs travaux et leur mort les rendent
tous deux parfaitement égaux. Notre propre expérience
nous l'a appris et nos aînés nous l'ont confirmé
: les prières de ces deux illustres patrons nous sera
d'un grand secours pour obtenir la Miséricorde de Dieu
dans les travaux de cette vie ; car, si nous sommes accablés
par le poids de nos propres péchés, les mérites
des apôtres nous soutiennent par notre Seigneur Jésus
Christ, qui forme, avec le Père et le saint Esprit, une
seule Puissance et une seule Divinité dans les siècles
des siècles. Amen.
B- L’homélie
de Benoît XVI sur Saint Jacques le Majeur
Audience générale
du 21 juin : La figure de l’apôtre Jacques
Nous publions ci-dessous le texte intégral de la très
belle homélie que le pape Benoît XVI a prononcée
au cours de l’audience générale du mercredi
21 juin, sur l’apôtre Jacques le Majeur.
Chers frères et sœurs,
En poursuivant la série
de portraits des Apôtres choisis directement par Jésus
au cours de sa vie terrestre, nous avons parlé de saint
Pierre, de son frère André. Aujourd'hui, nous
rencontrons la figure de Jacques. Les listes bibliques des Douze
mentionnent deux personnes portant ce nom: Jacques fils de Zébédée
et Jacques fils d'Alphée (cf. Mc 3, 17.18; Mt 10, 2-3),
que l'on distingue communément par les appellations de
Jacques le Majeur et Jacques le Mineur. Ces désignations
n'entendent bien sûr pas mesurer leur sainteté,
mais seulement prendre acte de l'importance différente
qu'ils reçoivent dans les écrits du Nouveau Testament
et, en particulier, dans le cadre de la vie terrestre de Jésus.
Aujourd'hui, nous consacrons notre attention au premier de ces
deux personnages homonymes.
Le nom de Jacques est la traduction
de Iákobos, forme grécisée du nom du célèbre
Patriarche Jacob. L'apôtre ainsi appelé est le
frère de Jean et, dans les listes susmentionnées,
il occupe la deuxième place immédiatement après
Pierre, comme dans Marc (3, 17), ou la troisième place
après Pierre et André dans les Evangiles de Matthieu
(10, 2) et de Luc (6, 14), alors que dans les Actes, il vient
après Pierre et Jean (1, 13). Ce Jacques appartient,
avec Pierre et Jean, au groupe des trois disciples préférés
qui ont été admis par Jésus à des
moments importants de sa vie.
Comme il fait très chaud,
je voudrais abréger et ne mentionner ici que deux de
ces occasions. Il a pu participer, avec Pierre et Jean, au moment
de l'agonie de Jésus dans le jardin du Gethsémani,
et à l'événement de la Transfiguration
de Jésus. Il s'agit donc de situations très différentes
l'une de l'autre: dans un cas, Jacques avec les deux Apôtres
fait l'expérience de la gloire du Seigneur. Il le voit
en conversation avec Moïse et Elie, il voit transparaître
la splendeur divine en Jésus; dans l'autre, il se trouve
face à la souffrance et à l'humiliation, il voit
de ses propres yeux comment le Fils de Dieu s'humilie, en obéissant
jusqu'à la mort. La deuxième expérience
constitua certainement pour lui l'occasion d'une maturation
dans la foi, pour corriger l'interprétation unilatérale,
triomphaliste de la première: il dut entrevoir que le
Messie, attendu par le peuple juif comme un triomphateur, n'était
en réalité pas seulement entouré d'honneur
et de gloire, mais également de souffrances et de faiblesse.
La gloire du Christ se réalise précisément
dans la Croix, dans la participation à nos souffrances.
Cette maturation de la foi fut
menée à bien par l'Esprit Saint lors de la Pentecôte,
si bien que Jacques, lorsque vint le moment du témoignage
suprême, ne recula pas. Au début des années
40 du Ier siècle, le roi Hérode Agrippa, neveu
d'Hérode le Grand, comme nous l'apprend Luc, «
se mit à maltraiter certains membres de l'Eglise. Il
supprima Jacques, frère de Jean, en le faisant décapiter
» (Ac 12, 1-2). La concision de la nouvelle, privée
de tout détail narratif, révèle, d'une
part, combien il était normal pour les chrétiens
de témoigner du Seigneur par sa propre vie et, de l'autre,
à quel point Jacques possédait une position importante
dans l'Eglise de Jérusalem, également en raison
du rôle joué au cours de l'existence terrestre
de Jésus. Une tradition successive, remontant au moins
à Isidore de Séville, raconte un séjour
qu'il aurait fait en Espagne, pour évangéliser
cette importante région de l'empire romain. Selon une
autre tradition, ce serait en revanche son corps qui aurait
été transporté en Espagne, dans la ville
de Saint-Jacques-de-Compostelle. Comme nous le savons tous,
ce lieu devint l'objet d'une grande vénération
et il est encore actuellement le but de nombreux pèlerinages,
non seulement d'Europe, mais du monde entier. C'est ainsi que
s'explique la représentation iconographique de saint
Jacques tenant à la main le bâton de pèlerin
et le rouleau de l'Evangile, caractéristiques de l'apôtre
itinérant et consacré à l'annonce de la
« bonne nouvelle », caractéristiques du pèlerinage
de la vie chrétienne.
Nous pouvons donc apprendre beaucoup
de choses de saint Jacques: la promptitude à accueillir
l'appel du Seigneur, même lorsqu'il nous demande de laisser
la « barque » de nos certitudes humaines, l'enthousiasme
à le suivre sur les routes qu'Il nous indique au-delà
de toute présomption illusoire qui est la nôtre,
la disponibilité à témoigner de lui avec
courage, si nécessaire jusqu'au sacrifice suprême
de la vie. Ainsi, Jacques le Majeur se présente à
nous comme un exemple éloquent de généreuse
adhésion au Christ. Lui, qui avait demandé au
début, par l'intermédiaire de sa mère,
à s'asseoir avec son frère à côté
du Maître dans son Royaume, fut précisément
le premier à boire le calice de la passion, à
partager le martyre avec les Apôtres.
Et à la fin, en résumant,
nous pouvons dire que le chemin non seulement extérieur,
mais surtout intérieur, du mont de la Transfiguration
au mont de l'agonie, symbolise tout le pèlerinage de
la vie chrétienne, entre les persécutions du monde
et les consolations de Dieu, comme le dit le Concile Vatican
II. En suivant Jésus comme saint Jacques, nous savons
que, même dans les difficultés, nous marchons sur
la bonne voie.
© Copyright du texte original
en italien : Libreria editrice vaticana
Traduction réalisée par Zenit