1- La Catéchèse du Pape,
A- La figure de saint Mathieu
Lors de l’audience du mercredi
30 aoùt, le pape a parlé de l’apôtre
Saint Mathieu.
Chers frères et sœurs,
En poursuivant la série
de portraits des douze Apôtres, que nous avons commencés
il y a quelques semaines, nous nous arrêtons aujourd'hui
sur Matthieu. En vérité, il est presque impossible
de saisir sa figure de façon complète, car les
informations qui le concernent sont peu nombreuses et fragmentaires.
Ce que nous pouvons faire cependant, ce n'est pas tant retracer
sa biographie que le profil que l'Evangile nous transmet de
lui.
Tout d’abord, il est toujours
présent dans les listes des Douze choisis par Jésus
(cf. Mt 10, 3; Mc 3, 18; Lc 6, 15; Ac 1, 13). Son nom juif signifie
« don de Dieu ». Le premier Evangile canonique,
qui porte son nom, nous le présente dans la liste des
Douze avec une qualification bien précise: « le
publicain » (Mt 10, 3). De cette façon, il est
identifié avec l'homme assis à son bureau de publicain,
que Jésus appelle à sa suite: « Jésus,
sortant de Capharnaüm, vit un homme, du nom de Matthieu,
assis à son bureau de publicain. Il lui dit: “Suis-moi”.
L'homme se leva et le suivit » (Mt 9, 9). Marc (cf. 2,
13-17) et Luc (cf. 5, 27-30) racontent eux aussi l'appel de
l'homme assis à son bureau de publicain, mais ils l'appellent
« Lévi ». Pour imaginer la scène décrite
dans Mt 9, 9, il suffit de rappeler le magnifique tableau du
Caravage, conservé ici, à Rome, dans l'église
Saint-Louis-des-Français. Dans les Evangiles, un détail
biographique supplémentaire apparaît: dans le passage
qui précède immédiatement le récit
de l'appel, nous est rapporté un miracle accompli par
Jésus à Capharnaüm (cf. Mt 9, 1-8; Mc 2,
1-12) et l'on mentionne la proximité de la mer de Galilée,
c'est-à-dire du Lac de Tibériade (cf. Mc 2, 13-14).
On peut déduire de cela que Matthieu exerçait
la fonction de percepteur à Capharnaüm, ville située
précisément « au bord du lac » (Mt
4, 13), où Jésus était un hôte fixe
dans la maison de Pierre.
Sur la base de ces simples constatations,
qui apparaissent dans l'Evangile, nous pouvons faire deux réflexions.
La première est que Jésus accueille dans le groupe
de ses proches un homme qui, selon les conceptions en vigueur
à l'époque en Israël, était considéré
comme un pécheur public. En effet, Matthieu manipulait
non seulement de l'argent considéré impur en raison
de sa provenance de personnes étrangères au peuple
de Dieu, mais il collaborait également avec une autorité
étrangère odieusement avide, dont les impôts
pouvaient également être déterminés
de manière arbitraire. C'est pour ces motifs que, plus
d'une fois, les Evangiles parlent à la fois de «
publicains et pécheurs » (Mt 9, 10; Lc 15, 1),
de « publicains et de prostituées » (Mt 21,
31). En outre, ils voient chez les publicains un exemple de
mesquinerie (cf. Mt 5, 46: ils aiment seulement ceux qui les
aiment) et ils mentionnent l'un d'eux, Zachée, comme
le « chef des collecteurs d'impôts et [...] quelqu'un
de riche » (Lc 19, 2), alors que l'opinion populaire les
associait aux « voleurs, injustes, adultères »
(Lc 18, 11). Sur la base de ces éléments, un premier
fait vient immédiatement à l’esprit : Jésus
n'exclut personne de son amitié. Au contraire, alors
qu'il se trouvait à table dans la maison de Matthieu-Lévi,
en réponse à ceux qui trouvaient scandaleux le
fait qu'il fréquente des compagnies peu recommandables,
il fait cette déclaration importante: « Ce ne sont
pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin,
mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes, mais
les pécheurs » (Mc 2, 17).
La bonne annonce de l'Evangile
consiste précisément en ceci : dans l'offrande
de la grâce de Dieu au pécheur ! Ailleurs, dans
la célèbre parabole du pharisien et du publicain
montés au Temple pour prier, Jésus indique même
un publicain anonyme comme exemple appréciable d'humble
confiance dans la miséricorde divine: alors que le pharisien
se vante de sa propre perfection morale, «le publicain...
n'osait même pas lever les yeux vers le ciel, mais il
se frappait la poitrine en disant: “Mon Dieu, prends pitié
du pécheur que je suis!”. Et Jésus commenta:
« Quand ce dernier rentra chez lui, c'est lui, je vous
le déclare, qui était devenu juste. Qui s'élève
sera abaissé; qui s'abaisse sera élevé
» (Lc 18, 13-14). Dans la figure de Matthieu, les Evangiles
nous proposent donc un véritable paradoxe: celui qui
est apparemment le plus éloigné de la sainteté
peut même devenir un modèle d'accueil de la miséricorde
de Dieu et en laisser entrevoir les merveilleux effets dans
sa propre existence. A ce propos, saint Jean Chrysostome formule
une remarque significative: il observe que c'est seulement dans
le récit de certains appels qu'est mentionné le
travail que faisaient les appelés. Pierre, André,
Jacques et Jean sont appelés alors qu'ils pêchent,
Matthieu précisément alors qu'il lève l'impôt.
Il s'agit de fonctions peu importantes — commente Jean
Chrysostome — « car il n'y a rien de plus détestable
que le percepteur d'impôt et rien de plus commun que la
pêche » (In Matth. Hom.: PL 57, 363). L'appel de
Jésus parvient donc également à des personnes
de basse extraction sociale, alors qu'elles effectuent un travail
ordinaire.
Une autre réflexion, qui
apparaît dans le récit évangélique,
est que Matthieu répond immédiatement à
l'appel de Jésus: « il se leva et le suivit ».
La concision de la phrase met clairement en évidence
la rapidité de Matthieu à répondre à
l'appel. Cela signifiait pour lui l'abandon de toute chose,
en particulier de ce qui lui garantissait une source de revenus
sûrs, même si souvent injuste et peu honorable.
De toute évidence, Matthieu comprit qu'être proche
de Jésus ne lui permettait pas de poursuivre des activités
désapprouvées par Dieu. On peut facilement appliquer
cela au présent: aujourd'hui aussi, il n'est pas admissible
de rester attachés à des choses incompatibles
avec la « sequela » de Jésus, comme c'est
le cas des richesses malhonnêtes. A un moment, Il dit
sans détour: « Si tu veux être parfait, va,
vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu
auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi
» (Mt 19, 21). C'est précisément ce que
fit Matthieu: il se leva et le suivit! Dans cette action de
« se lever », il est légitime de lire le
détachement d'une situation de péché et,
en même temps, l'adhésion consciente à une
nouvelle existence, droite, dans la communion avec Jésus.
Rappelons enfin que la tradition
de l'Eglise antique s'accorde de façon unanime à
attribuer à Matthieu la paternité du premier Evangile.
Cela est déjà le cas à partir de Papia,
évêque de Gerapoli en Phrygie, autour de l'an 130.
Il écrit: « Matthieu recueillit les paroles (du
Seigneur) en langue hébraïque, et chacun les interpréta
comme il le pouvait » (dans Eusèbe de Césarée,
Hist. eccl. III, 39, 16). L'historien Eusèbe ajoute cette
information: « Matthieu, qui avait tout d'abord prêché
parmi les juifs, lorsqu'il décida de se rendre également
auprès d'autres peuples, écrivit dans sa langue
maternelle l'Evangile qu'il avait annoncé ; il chercha
ainsi à remplacer par un écrit, auprès
de ceux dont il se séparait, ce que ces derniers perdaient
avec son départ » (Ibid., III, 24, 6). Nous ne
possédons plus l'Evangile écrit par Matthieu en
hébreu ou en araméen, mais, dans l'Evangile grec
que nous possédons, continuons à entendre encore,
d'une certaine façon, la voix persuasive du publicain
Matthieu qui, devenu Apôtre, continue à nous annoncer
la miséricorde salvatrice de Dieu et écoutons
ce message de saint Matthieu, méditons-le sans cesse
pour apprendre nous aussi à nous lever et à suivre
Jésus avec détermination.
B- La figure de l’apôtre
: Saint Philippe.
Le mercredi 6 septembre, Benoît XVI parlait de l’Apôtre
Philippe
Chers frères et sœurs,
Poursuivant les descriptions des
figures des différents Apôtres, comme nous le faisons
depuis quelques semaines, nous rencontrons aujourd'hui Philippe.
Dans la liste des Douze, il est toujours placé à
la cinquième place (comme dans Mt 10, 3; Mc 3, 18; Lc
6, 14; Ac 1, 13), et donc substantiellement parmi les premiers.
Bien que Philippe soit d'origine juive, son nom est grec, comme
celui d'André, et cela constitue un petit signe d'ouverture
culturelle qui ne doit pas être sous-évalué.
Les informations à son sujet nous sont fournies par l'Evangile
de Jean. Il provenait du même lieu d'origine que Pierre
et André, c'est-à-dire de Bethsaïde (cf.
Jn 1, 44), une petite ville appartenant à la tétrarchie
de l'un des fils d'Hérode le Grand, lui aussi appelé
Philippe (cf. Lc 3, 1).
Le Quatrième Evangile rapporte
que, après avoir été appelé par
Jésus, Philippe rencontre Nathanaël et lui dit:
« Celui dont parlent la loi de Moïse et les Prophètes,
nous l'avons trouvé: c'est Jésus fils de Joseph,
de Nazareth » (Jn 1, 45). Philippe ne se rend pas à
la réponse plutôt sceptique de Nathanaël («
De Nazareth ! Peut-il sortir de là quelque chose de bon
? »), et riposte avec décision: « Viens,
et tu verras ! » (Jn 1, 46). Dans cette réponse,
sèche mais claire, Philippe manifeste les caractéristiques
du véritable témoin: il ne se contente pas de
proposer l'annonce, comme une théorie, mais interpelle
directement l'interlocuteur en lui suggérant de faire
lui-même l'expérience personnelle de ce qui est
annoncé. Les deux mêmes verbes sont utilisés
par Jésus lui-même quand deux disciples de Jean-Baptiste
l'approchent pour lui demander où il habite (cf. Jn 1,
39). Jésus répondit: « Venez et voyez »
(cf. Jn 1, 38, 39).
Nous pouvons penser que Philippe
s'adresse également à nous avec ces deux verbes
qui supposent un engagement personnel. Il nous dit à
nous aussi ce qu'il dit à Nathanaël: « Viens
et vois ». L'Apôtre nous engage à connaître
Jésus de près. En effet, l'amitié, la véritable
connaissance de l’autre, a besoin de la proximité,
elle vit même en partie de celle-ci. Du reste, il ne faut
pas oublier que, selon ce qu’écrit saint Marc,
Jésus choisit les Douze dans le but primordial qu'«
ils soient avec lui » (Mc 3, 14), c'est-à-dire
qu'ils partagent sa vie et apprennent directement de lui non
seulement le style de son comportement, mais surtout qui Il
est véritablement. Ce n'est qu'ainsi, en effet, en participant
à sa vie, qu'ils pouvaient le connaître et ensuite
l'annoncer. Plus tard, dans la Lettre de Paul aux Ephésiens,
on lira que l'important est d'« apprendre le Christ »
(4, 20), et donc pas seulement et pas tant écouter ses
enseignements, ses paroles, mais davantage encore, Le connaître
en personne; c'est-à-dire connaître son humanité
et sa divinité, son mystère, sa beauté.
En effet, il n'est pas seulement un Maître, mais un Ami,
et même un Frère. Comment pourrions-nous le connaître
à fond en restant éloignés ? L'intimité,
la familiarité, l'habitude nous font découvrir
la véritable identité de Jésus Christ.
Voilà: c'est précisément cela que nous
rappelle l'apôtre Philippe. Et ainsi, il nous invite à
« venir », à « voir », c'est-à-dire
à entrer dans une relation d'écoute, de réponse
et de communion de vie avec Jésus, jour après
jour.
Ensuite, à l'occasion de
la multiplication des pains, Jésus lui fit une demande
précise, pour le moins surprenante: savoir où
il était possible d'acheter du pain pour nourrir tous
les gens qui le suivaient (cf. Jn 6, 5). Philippe répondit
alors avec un grand réalisme: « Le salaire de deux
cents journées ne suffirait pas pour que chacun ait un
petit morceau de pain » (Jn 6, 7). On voit ici le caractère
concret et le réalisme de l'Apôtre, qui sait juger
les revers réels d'une situation. Nous savons comment
les choses se sont passées ensuite. Nous savons que Jésus
prit les pains et, après avoir prié, les distribua.
Ainsi se réalisa la multiplication des pains. Mais il
est intéressant que Jésus se soit adressé
précisément à Philippe, pour avoir une
première indication sur la façon de résoudre
le problème: signe évident qu'il faisait partie
du groupe restreint qui l'entourait. A un autre moment, très
important pour l'histoire future, avant la Passion, plusieurs
Grecs qui se trouvaient à Jérusalem pour la Pâque
« abordèrent Philippe... Ils lui firent cette demande:
“Nous voudrions voir Jésus”. Philippe va
le dire à André; et tous deux vont le dire à
Jésus » (Jn 12, 20-22). Nous avons une fois de
plus le signe de son prestige particulier au sein du collège
apostolique. Dans ce cas, il sert surtout d'intermédiaire
entre la demande de plusieurs Grecs — il parlait probablement
grec et put servir d'interprète — et Jésus;
même s'il s'unit à André, l'autre Apôtre
qui porte un nom grec, c'est, quoi qu'il en soit, à lui
que ces étrangers s'adressent. Cela nous enseigne à
être nous aussi toujours prêts à accueillir
les demandes et les invocations, d'où qu'elles proviennent,
ainsi qu'à les orienter vers le Seigneur, le seul qui
puisse les satisfaire pleinement. Il est en effet important
de savoir que nous ne sommes pas les destinataires ultimes des
prières de ceux qui nous approchent, mais que c'est le
Seigneur: c'est à lui que nous devons adresser quiconque
se trouve dans le besoin. Voilà: chacun de nous doit
être une route ouverte vers lui!
Il y a ensuite une autre occasion,
toute particulière, où Philippe entre en scène.
Au cours de la Dernière Cène, Jésus ayant
affirmé que Le connaître signifiait également
connaître le Père (cf. Jn 14, 7), Philippe presque
naïvement lui demanda: « Seigneur, montre-nous le
Père; cela nous suffit » (Jn 14, 8). Jésus
lui répondit avec un ton de reproche bienveillant: «
Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais
pas, Philippe ! Celui qui m'a vu a vu le Père. Comment
peux-tu dire: “Montre-nous le Père?”. Tu
ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le
Père est en moi?... Croyez ce que je vous dis: je suis
dans le Père, et le Père est en moi » (Jn
14, 9-11). Ces paroles se trouvent parmi les plus importantes
de l'Evangile de Jean. Elles contiennent une véritable
révélation. Au terme du prologue de son Evangile,
Jean affirme: « Dieu, personne ne l'a jamais vu; le Fils
unique, qui est dans le sein du Père, c'est lui qui a
conduit à le connaître » (Jn 1, 18). Et bien,
cette déclaration, faite par l'évangéliste,
est reprise et confirmée par Jésus lui-même.
Mais avec une nouvelle nuance. En effet, alors que le prologue
de Jean parle d'une intervention explicative de Jésus,
à travers les paroles de son enseignement, dans la réponse
à Philippe, Jésus fait référence
à sa propre personne comme telle, laissant entendre qu'il
est possible de le comprendre non seulement à travers
ce qu'il dit, mais encore plus à travers ce qu'Il est
simplement. Pour nous exprimer selon le paradoxe de l'Incarnation,
nous pouvons dire que Dieu s'est donné un visage humain,
celui de Jésus, et qu’en conséquence dès
à présent, si nous voulons vraiment connaître
le visage de Dieu, nous n'avons qu'à contempler le visage
de Jésus ! Dans son visage, nous voyons réellement
qui est Dieu et comment est Dieu !
L'évangéliste ne
nous dit pas si Philippe comprit pleinement la phrase de Jésus.
Il est certain qu'il consacra entièrement sa vie à
Jésus. Selon certains récits postérieurs
(Actes de Philippe et autres), notre Apôtre aurait évangélisé
tout d'abord la Grèce, puis la Phrygie où il aurait
trouvé la mort, à Hiérapolis, à
travers un supplice décrit diversement comme crucifixion
ou lapidation. Nous voulons conclure notre réflexion
en rappelant le but auquel doit tendre notre vie: rencontrer
Jésus comme Philippe le rencontra, en cherchant à
voir en lui Dieu lui-même, le Père céleste.
Si cet engagement venait à manquer, nous serions toujours
renvoyés uniquement à nous-mêmes, comme
dans un miroir, et nous serions toujours plus seuls ! Philippe,
en revanche, nous enseigne à nous laisser conquérir
par Jésus, à être avec lui, et à
inviter également les autres à partager cette
indispensable compagnie. Et, en voyant, en trouvant Dieu, trouver
la vie véritable.
2- Benoît XVI et
les questions pastorales
Le 31 août dernier, le pape
Benoît XVI a reçu les membres du clergé
d’Albano (Italie) guidés par leur évêque,
Mgr Marcello Semeraro. Le pape improvisa des réponses
aux questions posées par les prêtres.
Je garde ici quelques réponses particulièrement
intéressantes du pape. Tout particulièrement ses
réponses sur l’apostolat, sur la paroisse et sur
la liturgie. Elles sont à méditer. Responsable
du prochain séminaire de l’Institut du Bon Pasteur,
j’en parlerai aux futurs séminaristes.
A- Sur l’apostolat
:
« … Je dirais alors
que notre première nécessité à tous
est de reconnaître avec humilité nos limites, de
reconnaître que nous devons laisser faire la plupart des
choses au Seigneur. Aujourd'hui, nous avons entendu dans l'Evangile
la parabole du serviteur fidèle (Mt 24, 42-51). Ce serviteur
— dit le Seigneur — donne la nourriture aux autres
en temps voulu. Il ne fait pas tout ensemble, mais c'est un
serviteur sage et prudent, qui sait distribuer dans les différents
moments ce qu'il doit accomplir dans cette situation. Il le
fait avec humilité, et il est également sûr
de la confiance de son maître. Ainsi, nous devons faire
tout notre possible pour chercher à être sage et
prudent, et également avoir confiance dans la bonté
de notre « Maître », du Seigneur, car à
la fin il doit lui-même guider son Eglise. Quant à
nous, nous nous insérons avec notre petit don et faisons
notre possible, surtout les choses qui sont toujours nécessaires:
les sacrements, l'annonce de la Parole, les signes de notre
charité et de notre amour. »
B- Sur la vie intérieure
« Quant à la vie intérieure, que vous avez
mentionnée, je dirais qu'elle est essentielle pour notre
service de prêtres. Le temps que nous nous réservons
pour la prière n'est pas un temps soustrait à
notre responsabilité pastorale, mais est réellement
un « travail » pastoral, c'est prier aussi pour
les autres. Dans le « Commun des pasteurs » on lit
comme étant caractéristique du bon Pasteur que
« multum oravit pro fratribus ». C’est le
propre du pasteur d'être un homme de prière, de
se tenir devant le Seigneur en priant pour les autres, en remplaçant
également les autres, qui ne savent peut-être pas
prier, qui ne veulent pas prier, qui ne trouvent pas le temps
de prier. Combien il apparaît ainsi évident que
le dialogue avec Dieu est une œuvre pastorale !
C- Sur la récitation
du bréviaire ou « célébration des
Heures », et la célébration de la messe.
« Je dirais donc que l'Eglise nous donne, nous impose
presque — mais toujours comme une bonne Mère —
d'avoir du temps libre pour Dieu, avec les deux pratiques qui
font partie de nos devoirs: célébrer la Messe
et réciter le bréviaire. Mais plus que le réciter,
il faut le réaliser comme écoute de la Parole
que le Seigneur nous offre dans la Liturgie des Heures. Il faut
intérioriser cette Parole, être attentif à
ce que le Seigneur me dit à travers cette Parole, écouter
ensuite les commentaires des Pères de l'Eglise ou également
du Concile, dans la deuxième Lecture de l'Office des
Lectures, et prier avec cette grande invocation que sont les
Psaumes, à travers lesquels nous sommes insérés
dans la prière de tous les temps. Le peuple de l’ancienne
Alliance prie avec nous – et nous, nous prions avec lui
–. Nous prions avec le Seigneur, qui est le véritable
sujet des Psaumes. Nous prions avec l’Eglise de tous les
temps. Je dirais que ce temps consacré à la Liturgie
des Heures est un temps précieux. L'Eglise nous donne
cette liberté, cet espace libre de vie avec Dieu, qui
est également vie pour les autres.
« Et ainsi, il me semble important de voir que ces deux
réalités — la Messe célébrée
réellement en dialogue avec Dieu et la Liturgie des Heures
— sont des zones de liberté, de vie intérieure,
que l'Eglise nous donne et qui sont une richesse pour nous.
Nous y rencontrons, comme je l'ai dit, non seulement l'Eglise
de tous les temps, mais le Seigneur lui-même, qui parle
avec nous et attend notre réponse. Nous apprenons ainsi
à prier en nous insérant dans la prière
de tous les temps et nous rencontrons également le peuple.
Nous pensons aux Psaumes, aux paroles des Prophètes,
aux paroles du Seigneur et des Apôtres, nous pensons aux
commentaires des Pères. Nous avons aujourd'hui entendu
ce merveilleux commentaire de saint Colomban sur le Christ,
source d'« eau vive » à laquelle nous buvons.
En priant, nous rencontrons également les souffrances
du peuple de Dieu d'aujourd'hui. Ces prières nous font
penser à la vie de chaque jour et nous guident à
la rencontre avec les personnes d'aujourd'hui. Elles nous illuminent
au cours de cette rencontre, car nous n'y apportons pas seulement
notre petite intelligence, notre amour de Dieu, mais nous apprenons
également, à travers cette Parole de Dieu, à
leur apporter Dieu. C'est ce qu'elles attendent: que nous leur
apportions l'« eau vive », dont parle aujourd'hui
saint Colomban. Les gens ont soif. Et ils cherchent à
répondre à cette soif par différents divertissements.
Mais ils comprennent bien que ces divertissements ne sont pas
l'« eau vive » dont ils ont besoin. Le Seigneur
est la source de l' « eau vive ». Il dit cependant,
dans le chapitre 7 de Jean, que quiconque croit devient une
« source », car il a bu du Christ. Et cette «
eau vive » (v. 38) devient en nous eau jaillissante, source
pour les autres. Ainsi, nous cherchons à la boire dans
la prière, dans la célébration de la Messe,
dans la lecture: nous cherchons à boire à cette
source pour qu'elle devienne source en nous. Et nous pouvons
mieux répondre à la soif des gens d'aujourd'hui
en ayant en nous l'« eau vive », en ayant la réalité
divine, en ayant la réalité du Seigneur Jésus
qui s'est incarné. Ainsi, nous pouvons mieux répondre
aux besoins de notre peuple. Voilà, en ce qui concerne
la première question. Que pouvons-nous faire ? Faisons
toujours le possible pour nos frères — dans les
autres questions nous aurons la possibilité de revenir
sur ce point — et vivons avec le Seigneur pour pouvoir
répondre à la véritable soif des gens.
D- Le sacerdoce et l’espérance.
Ce passage est très beau.
« Votre deuxième question était : avons-nous
une espérance pour ce diocèse, pour cette portion
du peuple de Dieu qu'est ce diocèse d'Albano et pour
l'Eglise ? Je réponds sans hésitation : oui !
Naturellement nous avons de l'espoir : l'Eglise est vivante
! Nous avons derrière nous deux mille ans d'histoire
de l'Eglise, avec tant de souffrances et aussi avec de nombreux
échecs: pensons à l'Eglise en Asie mineure, la
grande et florissante Eglise de l'Afrique du Nord, qui a disparu
avec l'invasion musulmane. Des parties de l'Eglise peuvent donc
réellement disparaître, comme dit saint Jean dans
l'Apocalypse, ou le Seigneur à travers saint Jean: «
Je vais venir à toi et je déplacerai ton chandelier,
si tu ne te convertis pas » (2, 5). Mais, d'autre part,
nous voyons comment malgré tant de crises l'Eglise est
re-née avec une nouvelle jeunesse, avec une nouvelle
fraîcheur.
Au siècle de la Réforme,
l'Eglise catholique apparaissait, en vérité, presque
révolue. Le nouveau courant semblait triompher, affirmant:
maintenant l'Eglise de Rome est révolue. Mais nous voyons
qu'avec les grands saints, comme Ignace de Loyola, Thérèse
d'Avila, Charles Borromée et d'autres, l'Eglise renaît.
Elle trouve dans le Concile de Trente une nouvelle actualisation
et une revitalisation de sa doctrine. Et elle revit avec une
grande vitalité. Nous voyons le siècle des Lumières,
lorsque Voltaire a affirmé : Cette antique Eglise est
enfin révolue, vive l'humanité! Et que se passe-t-il
en revanche ? L'Eglise se renouvelle. Le XIXe siècle
devient le siècle des grands saints, d'une nouvelle vitalité
pour de nombreuses Congrégations religieuses, et la foi
est plus forte que tous les courants qui vont et viennent. Il
en a été de même au siècle dernier.
Hitler a un jour affirmé : « La Providence m'a
appelé, moi un catholique, pour qu'en on finisse avec
le catholicisme. Seul un catholique peut détruire le
catholicisme ». Il était sûr de posséder
tous les moyens pour détruire enfin le catholicisme.
De même, le grand courant marxiste était sûr
de faire la révision scientifique du monde et d'ouvrir
les portes à l'avenir: l'Eglise est arrivée à
sa fin, elle est révolue ! Mais l'Eglise est plus forte,
selon les paroles du Christ. C'est la vie du Christ qui vainc
dans son Eglise.
Même à une époque
difficile, alors que les vocations manquent, la Parole du Seigneur
demeure pour l'éternité. Et celui qui —
comme le dit le Seigneur lui-même — construit sa
vie sur ce « roc »de la Parole du Christ, construit
de manière solide. C'est pourquoi nous pouvons avoir
confiance. Nous voyons également à notre époque
des initiatives de foi. Nous voyons qu'en Afrique, l'Eglise,
malgré tous les problèmes, possède une
fraîcheur de vocations encourageante. Et ainsi, avec toutes
les diversités du paysage historique d'aujourd'hui, nous
voyons — et plus encore nous croyons — que les paroles
du Seigneur sont esprit et vie, ce sont des paroles de vie éternelle.
Saint Pierre a dit, comme nous l'avons entendu dimanche dernier
dans l'Evangile (Jn 6, 69) : « Tu as les paroles de la
vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et
nous savons que tu es le saint, le saint de Dieu ». Et
en voyant l'Eglise d'aujourd'hui, en voyant, avec toutes ses
souffrances, la vitalité de l'Eglise, nous pouvons nous
aussi affirmer : nous croyons et savons que tu nous donnes les
paroles de la vie éternelle, et donc une espérance
qui ne déçoit point.
E- Sur la vie paroissiale.
« Vous avez laissé entendre, dans votre question,
qu'il y a un niveau, disons, « classique » du travail
dans la paroisse au service des fidèles qui la fréquentent
encore — ou peut-être même qui sont en augmentation
— qui anime notre paroisse. Il s'agit de la pastorale
« classique » et elle est toujours importante. Je
distingue en général entre l’évangélisation
continue — parce que la foi se transmet, l'Eglise est
vivante — et l'évangélisation nouvelle,
qui essaie d'être missionnaire, d'aller au-delà
des frontières de ceux qui sont déjà des
« fidèles » et qui vivent dans la paroisse,
ou qui se servent, peut-être aussi avec une foi «
réduite », des services de la paroisse.
La paroisse , les sacrements et l’activité missionnaire
Au sein de la paroisse, il me semble
que nous avons trois tâches fondamentales, qui découlent
de l'essence de l'Eglise et du ministère sacerdotal.
La première est le service sacramentel. Je dirais que
le Baptême, sa préparation et l'engagement à
donner une continuité aux consignes baptismales, nous
met également déjà en contact avec ceux
qui ne sont pas trop croyants. Ce n'est pas un travail, disons,
pour conserver la chrétienté, mais une rencontre
avec des personnes qui vont peut-être rarement à
l'Eglise. L'engagement de préparer le Baptême,
d'ouvrir les âmes des parents, de la famille, des parrains
et des marraines, à la réalité du Baptême,
peut déjà être et devrait être un
engagement missionnaire, qui va bien au-delà des frontières
des personnes déjà « fidèles ».
En préparant le Baptême, nous essayons de faire
comprendre que ce sacrement fait entrer dans la famille de Dieu,
que Dieu est vivant, qu'il se préoccupe de nous. Il s'en
préoccupe au point d'avoir assumé notre chair
et d'avoir institué l'Eglise qui est son Corps, à
travers laquelle il peut, pour ainsi dire, à nouveau
s'incarner dans notre société. Le Baptême
est une nouveauté de vie dans le sens où, outre
le don de la vie biologique, nous avons besoin du don d'un sens
pour la vie qui soit plus fort que la mort et qui perdure même
si nos parents, un jour, ne sont plus là. Le don de la
vie biologique se justifie uniquement si nous pouvons ajouter
la promesse d'un sens stable, d'un avenir qui, même au
cours des crises qui surgiront — et que nous ne pouvons
pas connaître —, donnera une valeur à la
vie, afin que cela vaille la peine de vivre, d'être des
créatures.
Je pense que dans la préparation
de ce sacrement ou lors des entretiens avec les parents qui
se méfient du Baptême, nous sommes dans une situation
missionnaire. C'est un message chrétien. Nous devons
nous faire des interprètes de la réalité
qui commence avec le Baptême. Je ne connais pas suffisamment
bien le Rituel italien. Dans le Rituel classique, hérité
de l'Eglise antique, le Baptême commence par la question:
« Que demandez-vous à l'Eglise de Dieu ? ».
Aujourd'hui, tout au moins dans le rituel allemand, l'on répond
simplement : « Le Baptême ». Cela n'explicite
pas suffisamment ce qu'il y a à désirer. Dans
le Rituel antique, l'on disait : « La foi ». C'est-à-dire
une relation avec Dieu. Connaître Dieu. « Et pourquoi
— continue-t-on — demandez-vous la foi ? ».
« Parce que nous voulons la vie éternelle ».
C'est-à-dire que nous voulons une vie sûre même
au cours des crises à venir, une vie qui a un sens, qui
justifie l'être humain. Ce dialogue, quoi qu'il en soit,
doit selon moi déjà commencer, avec les parents,
avant le Baptême. Uniquement pour dire que le don du sacrement
n'est pas une « chose », n'est pas une simple «
chosification » comme disent les Français, mais
qu’il s’agit d’un travail missionnaire.
Paroisse et confirmation.
Puis il y a la Confirmation, qu'il faut préparer à
l'âge où les personnes commencent à prendre
des décisions, notamment à l'égard de la
foi. Nous ne devons certes pas transformer la Confirmation en
une sorte de « pélagianisme », comme si à
travers la Confirmation on se faisait catholique tout seul,
mais en un entrelacement de dons et de réponses.
Paroisse et Eucharistie
L'Eucharistie, enfin, est la présence permanente du Christ
dans la célébration quotidienne de la Messe. Elle
est très importante, comme on l'a dit, pour le prêtre,
pour sa vie sacerdotale, en tant que présence réelle
du don du Seigneur.
La paroisse et le mariage
Nous pouvons maintenant mentionner
à nouveau le mariage: celui-ci aussi se présente
comme une grande occasion missionnaire, parce qu'aujourd'hui
— grâce à Dieu — beaucoup de personnes
veulent encore se marier à l'église, même
si elles ne fréquentent pas beaucoup l'église.
C'est une occasion pour amener ces jeunes à se confronter
avec la réalité du mariage chrétien, le
mariage sacramentel. Cela me semble également une grande
responsabilité. Nous le voyons lors des procès
en nullité et nous le voyons surtout dans le grand problème
des divorcés remariés, qui veulent participer
à la Communion et qui ne comprennent pas pourquoi cela
n'est pas possible. Ils n’ont probablement pas compris,
au moment du « oui » devant le Seigneur, en quoi
consiste ce « oui ». C'est une manière de
faire alliance avec le « oui » du Christ avec nous.
Une manière d'entrer dans la fidélité du
Christ, c'est-à-dire dans le Sacrement qu'est l'Eglise
et ainsi dans le Sacrement du mariage. C'est pourquoi je pense
que la préparation au mariage est une occasion de très
grande importance, une occasion d'engagement missionnaire, pour
annoncer à nouveau dans le Sacrement du mariage le Sacrement
du Christ, pour comprendre cette fidélité et ainsi
faire comprendre ensuite le problème des divorcés
remariés.
Cela est le premier domaine, le
domaine « classique » des Sacrements, qui nous donne
l'occasion de rencontrer des personnes qui ne vont pas tous
les dimanches à l'Eglise, et donc l'occasion d'une annonce
réellement missionnaire, d'une « pastorale intégrée
».
La paroisse l’annonce de la Parole : l’homélie
et la catéchèse.
Le deuxième domaine est l'annonce de la Parole, avec
ses deux éléments essentiels : l'homélie
et la catéchèse. Lors du Synode des Evêques
de l'année dernière, les Pères ont beaucoup
parlé de l'homélie, en soulignant combien il est
difficile aujourd'hui de trouver le « pont » entre
la Parole du Nouveau Testament, écrite il y a deux mille
ans, et notre présent. Je dois dire que l'exégèse
historique et critique n'est souvent pas suffisante pour nous
aider dans la préparation de l'homélie. Je le
constate moi-même, en essayant de préparer des
homélies qui actualisent la Parole de Dieu : ou mieux
— étant donné que la Parole a une actualité
en elle-même — pour faire voir, ressentir aux personnes
cette actualité. L'exégèse historique et
critique nous dit beaucoup sur le passé, sur le moment
où est née la Parole, sur la signification qu'elle
a eu au temps des Apôtres de Jésus, mais elle n'aide
pas toujours suffisamment à comprendre que les paroles
de Jésus, des Apôtres ainsi que celles de l'Ancien
Testament, sont esprit et vie : le Seigneur parle encore aujourd'hui.
Je pense que nous devons « défier » les théologiens
— le Synode l'a fait — et aller de l'avant, pour
mieux aider les prêtres à préparer les homélies,
à faire voir la présence de la Parole: le Seigneur
parle avec moi aujourd'hui et pas uniquement dans le passé.
J'ai lu, ces derniers jours, le projet de l'Exhortation apostolique
post-synodale. J'ai vu avec satisfaction que se présente
à nouveau ce « défi » de préparer
des modèles d'homélies. En fin de compte, le curé
prépare l'homélie dans son contexte, parce qu'il
parle à « sa » paroisse. Mais il a besoin
d'aide pour comprendre et pour faire comprendre ce « présent
» de la Parole, qui n'est jamais une Parole du passé,
mais de l'« aujourd'hui ».
La paroisse et l’exercice de la charité.
Enfin, le troisième domaine:
la caritas, la diakonia. Nous sommes toujours responsables des
personnes qui souffrent, des malades, des laissés-pour-compte,
des pauvres. A partir du portrait qui m'a été
fait de votre diocèse, je constate qu'ils sont nombreux
à avoir besoin de notre diakonia et cela aussi constitue
toujours une occasion missionnaire. Il me semble que la pastorale
paroissiale « classique » se transcende elle-même
dans ces trois secteurs et devient pastorale missionnaire.
La paroisse et les aides pastorales.
« Je passe à présent au deuxième
aspect de la pastorale, du point de vue des agents de la pastorale
ainsi que du travail à accomplir. Le curé ne peut
pas tout faire ! C'est impossible ! Il ne peut pas être
un « soliste », il ne peut pas tout faire, mais
il a besoin des autres agents de la pastorale. Il me semble
qu'aujourd'hui, à la fois dans les mouvements et au sein
de l'Action catholique, dans les nouvelles communautés
qui existent, nous avons des agents qui doivent être des
collaborateurs dans la paroisse pour une pastorale « intégré
e». Je voudrais dire qu'aujourd'hui il est important pour
cette pastorale « intégrée », que
les autres agents qui sont présents, non seulement soient
actifs, mais s'intègrent dans le travail de la paroisse.
Le curé ne doit pas seulement « faire »,
mais il doit aussi « déléguer ». Les
agents doivent apprendre à s'intégrer réellement
dans l'engagement commun au service de la paroisse, et naturellement,
également dans la « transcendance de soi-même
» que la paroisse doit accomplir dans un double sens:
transcendance de soi au sens où les paroisses collaborent
au sein du diocèse, parce que l'Evêque est leur
pasteur commun et aide également à coordonner
leurs efforts; et transcendance de soi au sens où ils
travaillent pour tous les hommes de ce temps et où ils
cherchent également à faire arriver le message
aux agnostiques, aux personnes qui sont en recherche. Et cela
est le troisième niveau, dont nous avons déjà
longuement parlé précédemment. Il me semble
que les occasions indiquées nous donnent la possibilité
de rencontrer et de dire une parole missionnaire à ceux
qui ne fréquentent pas la paroisse, qui n'ont pas la
foi ou qui n’ont pas une grande foi. Ce sont surtout ces
nouveaux sujets de la pastorale, et les laïcs qui vivent
dans le monde professionnel de notre époque, qui doivent
apporter la Parole de Dieu également dans les lieux qui
sont souvent inaccessibles au curé. Coordonnés
par l'Evêque, nous essayons ensemble de coordonner les
différents secteurs de la pastorale, de rendre actifs
les différents agents et sujets de la pastorale dans
l'engagement commun: d'une part d'aider la foi des croyants,
qui est un trésor de très grande valeur et, de
l'autre, de faire parvenir l'annonce de la foi à tous
ceux qui cherchent avec un cœur sincère une réponse
satisfaisante à leurs questions existentielles.
F- Le Sacerdoce et la liturgie.
« Ars celebrandi : ici aussi, je dirais qu'il existe diverses
dimensions. La première dimension est que la celebratio
est une prière et un dialogue avec Dieu : Dieu avec nous
et nous avec Dieu. La première exigence pour une bonne
célébration est donc que le prêtre entre
réellement dans ce dialogue. En annonçant la Parole,
il se sent lui-même en dialogue avec Dieu, Il écoute
la Parole et annonce cette Parole, dans le sens où il
devient un instrument du Seigneur et cherche à comprendre
cette Parole de Dieu qui doit ensuite être transmise au
Peuple. Il est en dialogue avec Dieu, car les textes de la Messe
ne sont pas des textes de théâtre ou quelque chose
de semblable, mais ce sont des prières grâce auxquelles,
avec l'assemblée, je parle avec Dieu. Entrer dans ce
dialogue est donc important. Saint Benoît, dans sa «
Règle », dit aux moines, en parlant de la récitation
des Psaumes: « Mens concordet voci ». La vox, les
paroles, précèdent notre esprit. D'habitude, ce
n'est pas comme cela : d'abord on doit penser, puis la pensée
devient parole. Mais ici, la parole précède. La
Sainte Liturgie nous donne les paroles ; et nous, nous devons
entrer dans ces paroles, trouver l'harmonie avec cette réalité
qui nous précède.
A côté de cela, nous
devons également apprendre à comprendre la structure
de la Liturgie et la raison pour laquelle elle est organisée
ainsi. La Liturgie s'est développée à travers
deux millénaires et même après la Réforme.
Elle n'est pas devenue une chose élaborée uniquement
par une poignée de liturgistes. Elle demeure toujours
la continuation de cette croissance permanente de l'adoration
et de l'annonce. Ainsi, il est très important, pour pouvoir
être en pleine harmonie, de comprendre cette structure,
qui s'est développée dans le temps, et entrer
ainsi avec notre mens dans la vox de l'Eglise. Dans la mesure
où nous avons intériorisé cette structure,
compris cette structure, assimilé les paroles de la Liturgie,
nous pouvons entrer dans cette harmonie intérieure et
ainsi, non seulement parler avec Dieu comme des personnes individuelles,
mais entrer dans le « nous » de l'Eglise qui prie.
Et de cette façon, transformer également notre
« moi » en entrant dans le « nous »
de l'Eglise, en enrichissant, en élargissant ce «
moi », en priant avec l'Eglise, avec les paroles de l'Eglise,
en étant réellement en dialogue avec Dieu.
Telle est la première condition
: nous devons nous-mêmes intérioriser la structure,
les paroles de la Liturgie, la Parole de Dieu. Ainsi, notre
célébration devient réellement une célébration
« avec » l'Eglise : notre cœur s'élargit
et nous ne faisons pas simplement quelque chose, mais nous sommes
« avec » l'Eglise et en dialogue avec Dieu. Il me
semble que les personnes savent percevoir si nous sommes véritablement
en dialogue avec Dieu, avec elles et, en quelque sorte, si nous
attirons les autres dans notre prière commune, si nous
attirons les autres dans la communion avec les fils de Dieu
; ou si, au contraire, nous faisons uniquement quelque chose
d'extérieur. L'élément fondamental du véritable
ars celebrandi est donc cet accord, cette harmonie entre ce
que nous disons avec nos lèvres et ce que nous pensons
avec le cœur. Le Sursum corda, qui est une très
ancienne parole de la Liturgie, devrait venir bien avant la
Préface, bien avant la Liturgie, la « voie »
de nos paroles et de notre pensée. Nous devons élever
notre cœur au Seigneur, non seulement comme une réponse
rituelle, mais comme une expression de ce qui a lieu dans ce
cœur, qui s'élève vers le haut et qui attire
vers le haut également les autres.
En d'autres termes, l'ars celebrandi
n'entend pas inviter à une sorte de théâtre,
ni de spectacle, mais à une intériorité
qui se fait sentir et qui devient acceptable et évidente
pour les personnes présentes dans l'assemblée.
Ce n'est que si les personnes voient qu'il ne s'agit pas d'un
ars extérieur, spectaculaire — nous ne sommes pas
des acteurs ! — mais qu'il s'agit de l'expression du chemin
de notre cœur qui attire également leur cœur,
qu'alors la Liturgie devient belle, qu'elle devient une communion
de toutes les personnes présentes avec le Seigneur.
Naturellement, à cette condition
fondamentale, exprimée dans les paroles de saint Benoît
: Mens concordet voci — que le cœur monte, s'élève
réellement vers le Seigneur — doivent également
correspondre des éléments extérieurs. Nous
devons apprendre à bien prononcer les paroles. Parfois,
lorsque j'étais encore professeur dans mon pays, les
jeunes lisaient les Ecritures Saintes. Mais ils les lisaient
comme on lit le texte d'un poète que l'on n'a pas compris.
Naturellement, pour apprendre à bien prononcer, il faut
avant tout avoir compris le texte dans sa dimension dramatique,
dans son présent. Il en est de même pour la Préface.
Et la Prière eucharistique. Il est difficile pour les
fidèles de suivre un texte aussi long que notre Prière
eucharistique. C'est pourquoi naissent toujours ces nouvelles
« inventions ». Mais on ne répond pas au
problème avec des Prières eucharistiques sans
cesse nouvelles. Le problème est de faire en sorte que
ce soit un moment qui invite également les autres au
silence avec Dieu et à prier avec Dieu. Les choses ne
peuvent donc s’améliorer que si la Prière
eucharistique est correctement prononcée, avec les temps
de silence appropriés, que si elle est prononcée
avec intériorité, mais également avec l'art
de parler.
La récitation de la Prière
eucharistique exige donc un moment d'attention particulière,
pour être prononcée de façon à toucher
les autres. Je pense que nous devons également trouver
des occasions, que ce soit dans la catéchèse,
dans les homélies ou à d'autres occasions, pour
bien expliquer au peuple de Dieu cette Prière eucharistique
afin qu'il puisse en suivre les grand moments : le récit
et les paroles de l'institution, la prière pour les vivants
et pour les défunts, l'action de grâce au Seigneur,
l'épiclèse, pour faire réellement participer
la communauté à cette prière.
Ensuite, les paroles doivent être
bien prononcées. Et une préparation adéquate
est nécessaire. Les servants d'autel doivent connaître
leur rôle, les lecteurs doivent savoir réellement
comment prononcer. Et le chœur, le chant, doivent être
préparés ; l'autel doit être correctement
décoré. Tout cela fait partie — même
s'il s'agit de nombreux aspects pratiques — de l'ars celebrandi.
Mais, pour conclure, l'élément fondamental est
cet art d'entrer en communion avec le Seigneur, que nous préparons
à travers toute notre vie de prêtres.
3- La liturgie et le
beau.
Ces paroles de Benoît XVI
sur la liturgie vous feront apprécier cet article de
Jeanne Smits, dans Présent du 5 septembre.
Et s’il était plus utile aujourd’hui d’aider
le pape à restaurer la liturgie de l’intérieur
que dans une perpétuelle critique.
Pas de concert de Noël au
Vatican…
Mais n’oublions pas celui de juin
La presse italienne l’annonçait
jeudi : pour Noël, cette année, il n’y aura
pas de concert de variétés dans la salle Paul
VI, et l’on mettra fin ainsi à une habitude qui
s’était installée depuis douze ans avec
l’approbation de Jean-Paul II. La Stampa croit savoir
que l’événement, qui réunit des vedettes
italiennes et internationales pour un spectacle de bienfaisance,
se repliera sur Monaco.
Benoît XVI a-til personnellement
pris la décision d’en terminer avec la… zic-mu
?
C’est en tout cas son peu
d’attrait pour la musique pop qui a motivé le renvoi
des artistes vers des cieux plus profanes. En décembre
dernier, déjà, le Pape avait omis de se déplacer
pour l’événement et il n’avait même
pas, à la grande déception des chanteurs, composé
un vidéo-message enregistré comme le faisait son
prédécesseur lorsqu’il était empêché.
Ce concert annulé rappelle
que Benoît XVI, fin connaisseur de musique, amateur de
Mozart et pianiste, dit-on, de talent, a des vues très
précises sur l’art et l’Eglise, la contemplation
de la beauté comme chemin vers Dieu.
Fin juin, le Pape a... orchestré
un événement dont on a peu parlé en France,
mais qui donne en quelque sorte le la de ses idées en
matière de musique sacrée et de liturgie. C’était
à la chapelle Sixtine. Tirant de son repos forcé
l’ancien maître de chapelle de la salle la plus
prestigieuse de la Ville éternelle, il fit donner un
concert où des morceaux de grégorien et des polyphonies
de Palestrina voisinèrent avec les compositions contemporaines,
mais tout aussi
classiques de celui-ci : Mgr Domenico Bartolucci.
C’était, en l’occurrence,
une sorte de déclaration d’intention, en même
temps qu’une étape de la « rééducation
» liturgique conduite pas à pas par Benoît
XVI. C’est ainsi qu’il commenta le concert, auquel
il assista avec un plaisir manifeste
: « Toutes les œuvres
que nous venons d’écouter (…) concourent
à confirmer la conviction que la polyphonie sacrée,
en particulier celle de ce qu’on appelle “l’école
romaine”, constitue un héritage qui doit être
préservé avec soin, gardé vivant, et mieux
connu, pour le bénéfice non seulement des savants
et des spécialistes, mais de la communauté ecclésiale
dans son ensemble. (…) Une mise à jour authentique
de la musique sacrée ne pourra avoir lieu que dans le
lignage de la grande tradition du passé, celle du chant
grégorien et de la polyphonie sacrée. »
Déclaration d’intention…
mais aussi, si l’on veut bien excuser la trivialité
de l’expression, un pied de nez à d’aucuns.
Maître Bartolucci avait été dans les dernières
décennies au centre d’une polémique où
seul le cardinal Ratzinger, ou quasi, prit son parti contre
son élimination de la chapelle Sixtine en même
temps que l’on chassait le grégorien et la polyphonie
sacrée de la liturgie de l’Eglise. Nommé
maître de chapelle en 1959 par Pie XII, Mgr Bartolucci
s’était
trouvé marginalisé par le cérémoniaire
des cérémonies pontificales Mgr Piero Marini,
qui finit par obtenir
en 1997 de Jean-Paul II le renvoi de cet homme qui ne participait
pas à ses innovations musicales.
Le maître de chapelle avait
certes déjà quatre-vingts ans passés. Mais
il était plein de vigueur, comme nous allons le voir.
Le geste de Benoît XVI, rappelant
ce nonagénaire à la place qu’il avait dû
quitter bien à regret, revêt donc une importance
symbolique certaine. D’autant que ce fut un concert réussi…
Quelques semaines plus tard, Mgr Bartolucci donna une interview
en ligne sur le site du vaticaniste Sandro Magister pour commenter
l’événement. Pour lui, parmi les six papes
qui ont assisté à ses concerts, c’est Benoît
XVI qui fait
preuve de la plus grande « expertise musicale »,
même si Pie XII était un grand amateur et jouait
fréquemment
du violon. Jean XXIII ? « La chapelle Sixtine lui doit
beaucoup » : c’est avec sa permission que le Maître
put restaurer véritablement le chœur. Paul VI ?
« Il n’avait pas d’oreille…» Puis
Mgr Bartolucci évoque le goût moderne des chants
d’Eglise inspirés du « pop » : «
La faute en incombe surtout aux pseudo-intellectuels qui ont
manigancé cette
dégénérescence de la liturgie, et partant
de la musique, en renversant et en méprisant l’héritage
du passé avec l’idée d’obtenir on
ne sait quel avantage pour le peuple. »
Mgr Bartolucci apprécie
l’interprétation « virile » du grégorien,
né en des « temps violents », et a des mots
très durs pour la réforme de Solesmes qui aboutit
« aux adaptations douces et consolantes de nos jours »
: quoi que l’on pense
de ce jugement, son langage carré est en accord avec
son choix musical… Pour lui, il n’y a pas de place
dans la nouvelle liturgie pour le grand répertoire qui
nous vient de siècles où l’on ne concevait
pas la liturgie sans musique :
« Cette nouvelle liturgie est un brouhaha discordant –
et il ne sert à rien de prétendre que c’est
faux. C’est
comme si on avait demandé à Michel- Ange de peindre
le Jugement dernier sur un timbre-poste. Dites-moi, s’il
vous plaît, comment il est possible aujourd’hui
de donner un Credo, ou même un Gloria. Il nous faudrait
d’abord, au moins pour les messes solennelles des fêtes,
une liturgie qui donne à la musique sa vraie place
et s’exprime dans le langage universel de l’Eglise,
le latin. A la Sixtine, après la réforme liturgique,
je n’ai pu maintenir son répertoire traditionnel
que pour des concerts. »
Certes, l’événement
de juin ne fut qu’un concert, point une messe. Pour Sandro
Magister, le Saint-Père ne peut avancer qu’en «
rééduquant » pas à pas. Ainsi l’exprime
Mgr Bartolucci : « Je suis optimiste de nature, mais je
juge la situation présente avec réalisme, et je
pense qu’un Napoléon sans généraux
ne peut pas faire beaucoup.
Aujourd’hui on obéit à ce slogan : “Allez
vers le peuple, regardez- le dans les yeux”, mais ce n’est
qu’un tas de paroles creuses. Ce faisant nous finissons
par nous célébrer nous-mêmes, et le mystère
et la beauté de Dieu
nous sont cachés. En réalité, nous sommes
témoins du déclin de l’Occident. Un évêque
africain me dit un jour : “Nous espérons que le
Concile n’enlèvera pas le latin de la liturgie,
car sinon, dans mon pays, un Babel de dialectes va s’affirmer.”
»
En tant que musicien, Mgr Bartolucci
a une reconnaissance profonde à l’égard
de l’Eglise : « La musique est l’Art avec
un A majuscule. A la sculpture il faut le marbre, à l’architecture
l’édifice. On ne voit la musique qu’avec
les yeux de l’esprit, elle entre en vous. Et l’Eglise
a le mérite de l’avoir cultivée dans ses
manécanteries, de lui avoir donné sa grammaire
et sa syntaxe. La musique est l’âme de la parole
qui devient art. Elle dispose très certainement à
découvrir et à accueillir la beauté de
Dieu. Pour cela, aujourd’hui plus que jamais l’Eglise
doit apprendre à la retrouver.»
Au cours de l’interview,
Mgr Bartolucci rappelle qu’il quitta un jour une cérémonie
pontificale agrémentée de danses et de tambour,
en lançant : « Appelez-moi quand le spectacle sera
fini. »
Le « spectacle » serait-il en train de s’achever
? Nous allons peut-être découvrir ce que peut l’amour
du beau…
JEANNE SMITS