Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

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Du 18 au 27 septembre

15ème dimanche après la Pentecôte

 

 

Le voyage du Pape en Bavière.


A- Audience générale du 20 septembre.

Le pape est revenu sur son voyage ressent en Bavière, lors de son audience générale du 20 septembre :

Il en fait la synthèse et revient tout particulièrement sur son discours à Ratisbonne.

Chers frères et sœurs,

Je voudrais aujourd'hui revenir en pensée aux divers moments du voyage pastoral que le Seigneur m'a permis d'accomplir, la semaine dernière, en Bavière. En partageant avec vous les émotions et les sentiments vécus en revoyant les lieux qui me sont chers, je ressens tout d'abord le besoin de rendre grâce à Dieu pour avoir rendu possible cette deuxième visite en Allemagne et pour la première fois en Bavière, ma terre d'origine. Je suis également sincèrement reconnaissant à tous ceux — pasteurs, prêtres, agents de pastorale, autorités publiques, organisateurs, forces de l'ordre et volontaires — qui ont travaillé avec dévouement et patience, afin que chaque événement se déroule le mieux possible.
Comme je l'ai dit à mon arrivée à l'aéroport de Munich, le samedi 9 septembre, le but de mon voyage était, dans le souvenir de ceux qui ont contribué à former ma personnalité, de réaffirmer et confirmer, comme Successeur de l'Apôtre Pierre, les liens étroits qui unissent le Siège de Rome à l'Eglise qui est en Allemagne. Ce voyage n'a donc pas été un simple « retour » au passé, mais également une occasion providentielle pour regarder avec espérance vers l'avenir. « Celui qui croit n'est jamais seul » : la devise de la visite voulait être une invitation à réfléchir sur l'appartenance de chaque baptisé à l'unique Eglise du Christ, au sein de laquelle on n'est jamais seul, mais en communion constante avec Dieu et avec tous nos frères.


Première étape : la ville de Munich
La première étape a été la ville de Munich, appelée « la Métropole avec un cœur » (Weltstadt mit Herz). Dans son centre historique se trouve la Marienplatz, la place de Marie, où s'élève la « Mariensaüle », la Colonne de la Vierge, qui porte à son sommet une statue de la Vierge Marie, en bronze doré. J'ai voulu commencer mon séjour bavarois par l'hommage à la Patronne de la Bavière, qui revêt pour moi une valeur hautement significative : là, sur cette place et face à cette image mariale, il y a environ trente ans j'ai été accueilli comme Archevêque, et j'ai commencé ma mission épiscopale par une prière à Marie ; c'est là que je suis revenu, au terme de mon mandat, avant de partir pour Rome. Cette fois-ci, j'ai voulu m'arrêter encore au pied de la Mariensaüle pour implorer l'intercession et la bénédiction de la Mère de Dieu non seulement pour la ville de Munich et la Bavière, mais pour toute l'Eglise et pour le monde entier.
Deuxième étape : sur l’esplanade de Neue Messe
Le lendemain, dimanche, j'ai célébré l'Eucharistie sur l'esplanade de la « Neue Messe » (Nouvelle Foire) de Munich, parmi les fidèles venus nombreux de différents lieux : m'appuyant sur l'Evangile du jour, j'ai rappelé à tous qu'il existe un « affaiblissement de la capacité auditive » à l'égard de Dieu, dont on souffre particulièrement aujourd'hui. C'est à nous, chrétiens dans un monde sécularisé, que revient la tâche de proclamer et de témoigner à tous le message d'espérance que la foi nous offre: dans Jésus crucifié, Dieu, Père miséricordieux, nous appelle à être ses fils et à surmonter toute forme de haine et de violence pour contribuer au triomphe définitif de l'amour.
Troisième étape : la rencontre avec les enfants de la première communion du diocèse, dans la cathédrale

« Rends-nous forts dans la foi »: tel a été le thème du rendez-vous de l'après-midi de dimanche, avec les enfants de la première communion et avec leurs jeunes familles, avec les catéchistes, les autres agents pastoraux et ceux qui coopèrent à l'évangélisation dans le diocèse de Munich. Ensemble, nous avons célébré les Vêpres dans la cathédrale historique, connue comme « cathédrale de Notre-Dame », où sont conservées les reliques de Saint Benno, patron de la ville, et où, en 1977, je fus ordonné Evêque. J'ai rappelé aux enfants et aux adultes que Dieu n'est pas loin de nous, dans un lieu de l'univers que l'on ne peut atteindre ; au contraire, en Jésus, Il s'est approché de nous pour établir avec chacun une relation d'amitié. Chaque communauté chrétienne, et en particulier la paroisse, grâce à l'engagement constant de chacun de ses membres, est appelée à devenir une grande famille, capable d'avancer unie sur le sentier de la vie véritable.
Quatrième étape : à Altötting, haut lieu de pèlerinage marial.

La journée du lundi 11 septembre a été en grande partie consacrée à la halte à Altötting, dans le diocèse de Passau. Cette petite ville est connue comme « Herz Bayerns » (le cœur de la Bavière), et c'est là qu'est conservée la « Vierge Noire », vénérée dans la Gnadenkapelle (Chapelle des Grâces), but de nombreux pèlerins provenant d'Allemagne et des pays d'Europe centrale. Dans les environs se trouve le couvent capucin de Sainte-Anne, où vécut saint Konrad Birndorfer, canonisé par mon vénéré prédécesseur, le Pape Pie XI, en 1934. Avec les nombreux fidèles présents à la messe, célébrée sur la place devant le sanctuaire, nous avons réfléchi ensemble sur le rôle de Marie dans l'œuvre du salut, pour apprendre d'Elle la bonté serviable, l'humilité et la généreuse acceptation de la volonté divine. Marie nous conduit à Jésus : cette vérité a été rendue encore plus visible, au terme du divin Sacrifice, par la pieuse procession lors de laquelle, portant avec nous la statue de la Vierge, nous nous sommes rendus dans la nouvelle chapelle de l'Adoration eucharistique (Anbetungskapelle), inaugurée pour l'occasion. La journée s'est terminée par les Vêpres mariales solennelles dans la basilique Sainte-Anne d'Altötting, en présence des religieux et des séminaristes de Bavière, ainsi qu'avec les membres de l'Œuvre pour les Vocations.
Cinquième étape : la conférence à Ratisbonne.

Le lendemain, mardi, à Ratisbonne, diocèse érigé par saint Boniface en 739 et dont le Patron est l'Evêque saint Wolfgang, se sont déroulés trois rendez-vous importants. Le matin, la messe dans l'Islinger Feld, au cours de laquelle, reprenant le thème de la visite pastorale « Celui qui croit n'est jamais seul », nous avons réfléchi sur le contenu du Symbole de la foi. Dieu, qui est Père, veut recueillir, à travers Jésus Christ, toute l'humanité dans une unique famille, l'Eglise. C'est pourquoi celui qui croit n'est jamais seul ; celui qui croit ne doit pas avoir peur de finir dans une voie sans issue. Dans l'après-midi, je me suis ensuite rendu dans la cathédrale de Ratisbonne, également célèbre pour son chœur de voix blanches, les « Domspatzen » (passereaux de la cathédrale), qui s'enorgueillit de mille années d'activités et qui, pendant trente ans, a été dirigé par mon frère Georg. C'est là que s'est tenue la célébration œcuménique des Vêpres, à laquelle ont pris part de nombreux représentants des diverses Eglises et communautés ecclésiales en Bavière et les membres de la Commission œcuménique de la Conférence épiscopale allemande. Cela a été une occasion providentielle pour prier ensemble, afin qu'arrive au plus tôt la pleine unité entre tous les disciples du Christ et pour réaffirmer le devoir de proclamer notre foi en Jésus sans atténuation, mais de manière intégrale et claire, et surtout pour notre comportement d'amour sincère.

Une expérience particulièrement belle a été pour moi ce jour-là de tenir un discours devant un grand auditoire de professeurs et d'étudiants de l'Université de Ratisbonne, où j'ai enseigné comme professeur pendant de nombreuses années. J'ai pu rencontrer encore une fois avec joie le monde universitaire qui, pendant une longue période de ma vie, a été ma patrie spirituelle. J'avais choisi pour thème la question du rapport entre foi et raison. Pour présenter à l'auditoire le caractère dramatique et actuel du thème, j'ai cité quelques paroles d'un dialogue chrétien-musulman du XIVe siècle, avec lesquelles l'interlocuteur chrétien — l'empereur byzantin Manuel II Paléologue — d'une manière pour nous étonnamment abrupte — présenta à son interlocuteur musulman le problème du rapport entre la religion et la violence. Cette citation a malheureusement pu se prêter à un malentendu. Pour un lecteur attentif à mon texte, il apparaît cependant clairement que je ne voulais en aucune façon faire miennes les paroles négatives prononcées par l'empereur médiéval dans ce dialogue et que leur contenu polémique n'exprime pas ma conviction personnelle. Mon intention était bien différente : en partant de ce que Manuel II dit ensuite de manière positive, avec une très belle phrase, à propos de la raison qui doit guider dans la transmission de la foi, je voulais expliquer que ce n'est pas la religion et la violence, mais la religion et la raison qui vont de pair. Le thème de ma conférence — répondant à la mission de l'Université — fut donc la relation entre la foi et la raison : je voulais inviter au dialogue de la foi chrétienne avec le monde moderne et au dialogue de toutes les cultures et religions. J'espère qu'en divers moments de ma visite — par exemple, lorsque j'ai souligné à Munich combien il est important de respecter profondément ce qui est sacré pour les autres — est apparu clairement mon profond respect pour les grandes religions et, en particulier, pour les musulmans, qui « adorent le Dieu unique » et avec lesquels nous sommes engagés à « protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté » (Nostra Aetate, 3). Je suis donc certain que, après les réactions du premier moment, mes paroles à l'Université de Ratisbonne pourront constituer une impulsion et un encouragement à un dialogue positif, même autocritique, aussi bien entre les religions qu’entre la raison moderne et la foi des chrétiens.
Sixième étape : dans la Alte Kapelle de Ratsibonne : Bénédiction des orgues.

Le lendemain matin, mercredi 13 septembre, dans la « Alte Kapelle » (Vieille Chapelle) de Ratisbonne, dans laquelle est conservée une image miraculeuse de Marie, peinte selon la tradition locale de l'évangéliste Luc, j'ai présidé une brève liturgie pour la bénédiction du nouvel orgue. A partir de la structure de cet instrument musical formé de nombreux tuyaux de diverses dimensions, cependant tous en harmonie entre eux, j'ai rappelé aux personnes présentes la nécessité que les divers ministères, dons et charismes en œuvre dans la communauté ecclésiale convergent tous, sous la direction de l'Esprit Saint, pour former l'unique harmonie de la louange à Dieu et de l'amour pour nos frères.
La dernière étape : a Freising.

La dernière étape, le jeudi 14 septembre, a été la ville de Freising. Je me sens particulièrement lié à cette ville, car je fus ordonné prêtre précisément dans sa cathédrale consacrée à la Très Sainte Vierge Marie et à saint Corbinien, l'évangélisateur de la Bavière. C'est précisément dans la cathédrale que s'est tenue la dernière rencontre prévue, celle avec les prêtres et les diacres permanents. En revivant les émotions de mon ordination sacerdotale, j'ai rappelé aux personnes présentes le devoir de collaborer avec le Seigneur en suscitant de nouvelles vocations au service de la « moisson » qui aujourd'hui aussi, est très « abondante », et j'ai exhorté à cultiver la vie intérieure comme priorité pastorale, pour ne pas perdre le contact avec le Christ, source de joie dans le labeur quotidien du ministère.
Message final

Lors de la cérémonie de congé, en remerciant encore une fois ceux qui avaient collaboré à la réalisation de la visite, j'en ai à nouveau affirmé la finalité principale : reproposer à mes concitoyens les vérités éternelles de l'Evangile et confirmer les croyants dans l'adhésion au Christ, Fils de Dieu incarné, mort et ressuscité pour nous. Que Marie, Mère de l'Eglise, nous aide à ouvrir notre cœur et notre esprit à Celui qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 16). C'est pour cela que j'ai prié et c'est pour cela que je vous invite tous, chers frères et sœurs, à continuer de prier, en vous remerciant cordialement de l'affection avec laquelle vous m'accompagnez dans mon ministère pastoral quotidien. Je vous remercie tous.

B- Homélie du pape prononcée au cours de la messe à Altötting

Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée au cours de la messe qu’il a présidée le 11 septembre dernier sur la place du Sanctuaire d’Altötting.
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Chers confrères dans le ministère épiscopal et sacerdotal !
Chers frères et sœurs !

Dans la première lecture, dans le Psaume responsorial et dans le passage de l'Evangile de ce jour nous rencontrons trois fois, de manière toujours différente, Marie, la Mère du Seigneur, comme une personne qui prie. Dans le Livre des Actes, nous la rencontrons au milieu de la communauté des Apôtres, qui se sont réunis au Cénacle et qui invoquent le Seigneur qui est monté au Père, afin qu'il accomplisse sa promesse : « Mais vous, c'est dans l'Esprit Saint que vous serez baptisés sous peu de jours » (Ac 1, 5). Marie guide l'Eglise naissante dans la prière ; elle est presque l'Eglise priante en personne. Et ainsi, avec la grande communauté des saints et comme leur coeur, elle se trouve encore aujourd'hui devant Dieu et intercède pour nous, demandant à son fils d'envoyer à nouveau son Esprit dans l'Eglise et dans le monde et de renouveler la face de la terre.

Nous avons répondu à cette lecture en chantant avec Marie la grande louange qu'elle avait entonnée, quand Elisabeth l'appela bienheureuse en raison de sa foi. C'est une prière d'action de grâce, de joie en Dieu, de bénédiction pour ses grandes œuvres. La teneur de ce chant apparaît immédiatement dans la première parole : « Mon âme magnifie — c'est-à-dire rend grand — le Seigneur ». Rendre Dieu grand signifie lui faire de la place dans le monde, dans sa propre vie, le laisser entrer dans notre temps et dans notre action : telle est l'essence la plus profonde de la véritable prière. Là où Dieu devient grand, l'homme ne devient pas petit : là, l'homme aussi devient grand et le monde lumineux.

Enfin, dans le passage de l’Evangile Marie adresse à son Fils une demande en faveur de ses amis qui se trouvent en difficulté. A première vue, cela peut sembler une conversation tout à fait humaine entre une Mère et son Fils ; et, en effet, c'est également un dialogue rempli d’une profonde humanité. Toutefois, Marie ne s'adresse pas simplement à Jésus comme à un homme, en comptant sur son initiative et sa disponibilité à porter secours. Elle confie une nécessité humaine à son pouvoir — à un pouvoir qui va au-delà de l'habileté et de la capacité humaine. Et ainsi, dans le dialogue avec Jésus, nous la voyons réellement comme une Mère qui demande, qui intercède. Cela vaut la peine d'approfondir un peu plus la compréhension de ce passage de l’Evangile : pour mieux comprendre Jésus et Marie, mais précisément aussi pour apprendre de Marie à prier de manière juste. Marie n'adresse pas une véritable demande à Jésus. Elle dit simplement : « Ils n'ont pas de vin » (Jn 2, 3). En Terre Sainte, les noces étaient fêtées pendant une semaine entière ; tout le village y participait, et l'on consommait donc de grandes quantités de vin. Or, les époux se trouvent en difficulté, et Marie le dit simplement à Jésus. Elle ne demande pas une chose précise, et encore moins que Jésus exerce son pouvoir, accomplisse un miracle, produise du vin. Elle confie simplement le fait à Jésus et Lui laisse la décision sur la façon de réagir. Nous constatons ainsi deux choses dans les simples paroles de la Mère de Jésus : d'une part, sa sollicitude affectueuse pour les hommes, l'attention maternelle avec laquelle elle ressent la situation difficile d'autrui ; nous voyons sa bonté cordiale et sa disponibilité à aider. Telle est la Mère vers laquelle les fidèles se mettent en pèlerinage depuis des générations, ici à Altötting. C'est à Elle que nous confions nos préoccupations, les nécessités et les situations douloureuses. Cette bonté prête à aider de la Mère, à laquelle nous nous confions, c'est ici, dans l'Ecriture Sainte, que nous la voyons pour la première fois. Mais à ce premier aspect très familier à tous s'en ajoute un autre, qui nous échappe facilement : Marie remet tout au jugement du Seigneur. A Nazareth, elle a remis sa volonté, la plongeant dans celle de Dieu : « Je suis la servante du Seigneur ; qu'il m'advienne selon ta parole ! » (Lc 1, 38). Telle est son attitude permanente de fond. Ainsi, elle nous enseigne à prier : ne pas vouloir affirmer face à Dieu notre volonté et nos désirs, puissent-ils nous paraître importants, raisonnables ; mais les apporter devant Lui et le laisser décider ce qu'il veut faire. De Marie nous apprenons la bonté prête à aider, mais également l'humilité et la générosité d'accepter la volonté de Dieu, en ayant confiance en Lui, certains que sa réponse, quelle qu'elle soit, sera notre bien, mon bien véritable.

Je crois que nous pouvons très bien comprendre l'attitude et les paroles de Marie ; il nous est cependant d'autant plus difficile de comprendre la réponse de Jésus. Déjà, l'appellation ne nous plaît pas : « Femme » — pourquoi ne dit-il pas : mère ? En réalité, ce titre exprime la position de Marie dans l'histoire du salut. Il renvoie à l'avenir, à l'heure de la crucifixion, où Jésus lui dira : « Femme, voici ton fils — Fils, voici ta mère » (cf. Jn 19, 26-27). Il indique donc à l'avance l'heure où Il rendra la femme, sa mère, mère de tous ses disciples. D'autre part, ce titre évoque le récit de la création d'Eve : Adam, au milieu de la création et de toute sa richesse, se sent seul comme être humain. Eve est alors créée, et en elle il trouve la compagne qu'il attendait et qu'il appelle du nom de « femme ». Ainsi, dans l'Evangile de Jean, Marie représente la femme nouvelle, définitive, la compagne du Rédempteur, notre Mère : l'appellation apparemment peu affectueuse exprime en revanche la grandeur de sa mission éternelle.

Mais ce que Jésus dit ensuite à Marie, à Cana, nous plaît encore moins : « Que me veux-tu, femme ? Mon heure n'est pas encore arrivée » (Jn 2, 4). Nous serions tentés de dire : Tu as beaucoup à voir avec elle ! C'est elle qui t'a fait chair et sang, qui t’a donné ton corps. Et pas seulement ton corps : avec son « oui », provenant du plus profond de son cœur, elle t'a porté dans son sein et avec amour maternel elle t'a donné le jour et introduit dans la communauté du peuple d'Israël. Mais si nous parlons ainsi avec Jésus, nous sommes déjà sur la bonne voie pour comprendre sa réponse. Car tout cela doit rappeler à notre esprit que lors de l'incarnation de Jésus, il existe deux dialogues qui vont de pair et se fondent l'un avec l'autre, et deviennent une seule chose. Il y a tout d'abord le dialogue que Marie entretient avec l'Archange Gabriel, et dans lequel elle dit : « Qu'il m'advienne selon ta parole ! » (Lc 1, 38). Mais il existe un texte parallèle à celui-ci, un dialogue, pour ainsi dire, à l'intérieur de Dieu, qui nous est rapporté par la Lettre aux Hébreux, quand il est dit que les paroles du Psaume 40 sont devenues comme un dialogue entre le Père et le Fils — un dialogue dans lequel commence l'incarnation. Le Fils éternel dit au Père : « Tu n'as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m'as façonné un corps... Voici je viens... pour faire [...] ta volonté » (He 10, 5-7 ; cf. Ps 40, 6-8). Le « oui » du Fils : « Je viens pour faire ta volonté », et le « oui » de Marie : « Qu'il m'advienne selon ta parole » — ce double « oui » devient un unique « oui », et ainsi le Verbe devient chair en Marie. Dans ce double « oui », l'obéissance du Fils prend corps ; Marie, avec son « oui » lui donne un corps. « Que me veux-tu, femme ? ». Ce qu'au plus profond ils ont à voir l'un avec l'autre, est ce double « oui », dans la concomitance duquel a eu lieu l'incarnation. C'est ce point de leur très profonde unité que le Seigneur vise avec sa réponse. C'est précisément là que renvoie la Mère. Là, dans ce « oui » commun à la volonté du Père, se trouve la solution. Nous devons nous aussi apprendre toujours à nouveau à nous acheminer vers ce point ; là apparaît la réponse à nos interrogations.

A partir de là, nous comprenons à présent également la deuxième phrase de la réponse de Jésus : « Mon heure n'est pas encore venue ». Jésus n'agit jamais seulement de lui-même ; jamais pour plaire aux autres. Il agit toujours en partant du Père, et c'est précisément cela qui l'unit à Marie, car là, dans cette unité de volonté avec le Père, elle a voulu elle aussi déposer sa demande. C'est pourquoi, après la réponse de Jésus, qui semble repousser la demande, elle peut dire de manière surprenante aux serviteurs avec simplicité : « Tout ce qu'il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5). Jésus n'accomplit pas un prodige, il ne joue pas de son pouvoir dans un événement qui est au fond entièrement privé. Non, Il accomplit un signe, avec lequel il annonce son heure, l'heure des noces, l'heure de l'union entre Dieu et l'homme. Il ne « produit » pas simplement du vin, mais il transforme les noces humaines en une image des noces divines, auxquelles le Père invite à travers le Fils et dans lesquelles Il donne la plénitude du bien, représentée dans l'abondance du vin. Les noces deviennent l'image de ce moment, où Jésus pousse l'amour jusqu'à l'extrême, laisse déchirer son corps et se donne ainsi à nous pour toujours, devient une seule chose avec nous — noces entre Dieu et l'homme. L'heure de la Croix, l'heure à laquelle naît le Sacrement dans lequel il se donne réellement à nous avec sa chair et son sang, où il place son Corps entre nos mains et dans notre cœur, telle est l'heure des noces. Ainsi, de manière véritablement divine, est également résolue la nécessité du moment et la demande initiale largement dépassée. L'heure de Jésus n'est pas encore arrivée, mais dans le signe de la transformation de l'eau en vin, dans le signe du don de fête, il anticipe déjà son heure à ce moment.

Son « heure » est la Croix ; son heure définitive sera son retour à la fin des temps. Il anticipe également sans cesse précisément cette heure définitive dans l'Eucharistie, dans laquelle il vient toujours déjà maintenant. Et il le fait toujours à nouveau par l'intercession de sa Mère, par l'intercession de l'Eglise, qui l'invoque dans les prières eucharistiques : « Viens, Seigneur Jésus ! ». Dans le Canon, l'Eglise implore toujours à nouveau cette anticipation de l'« heure », elle demande qu'il vienne déjà à présent et qu'il se donne à nous. Ainsi, nous voulons nous laisser guider par Marie, par la Mère des grâces d'Altötting, par la Mère de tous les fidèles, vers l'« heure » de Jésus. Nous Lui demandons le don de le reconnaître et de le comprendre toujours davantage. Et faisons en sorte que le moment où l'on reçoit ne soit pas seulement limité à celui de la Communion. Il reste présent dans l'Hostie sainte et nous attend sans cesse. L'adoration du Seigneur dans l'Eucharistie a trouvé à Altötting, dans l'antique salle du trésor, un lieu nouveau. Marie et Jésus vont de pair. A travers Elle nous voulons continuer à dialoguer avec le Seigneur, en apprenant ainsi à mieux le recevoir. Sainte Mère de Dieu, prie pour nous, comme à Cana tu as prié pour les époux ! Guide-nous vers Jésus — toujours à nouveau ! Amen !

C- Homélie du pape lors des Vêpres dans la cathédrale de Munich

Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée au cours des Vêpres qu’il a présidées dans la cathédrale de Munich le 10 septembre dernier.
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Chers enfants de la Première Communion !
Chers parents et éducateurs !
Chers frères et sœurs !

La lecture que nous venons d'entendre est un passage du dernier livre des écrits du Nouveau Testament, que l'on appelle l'Apocalypse. Il est permis au voyant de jeter un regard vers le haut, dans le ciel, et en avant, vers l'avenir. Mais, précisément ainsi, il parle également de la terre et du présent, de notre vie. En effet, au cours de notre vie nous sommes tous en chemin, progressant vers l'avenir. Et nous voulons trouver la bonne voie : découvrir la vie véritable, non pas finir dans une voie sans issue ou dans le désert. Nous ne voulons pas avoir à dire, à la fin : j'ai pris la mauvaise route, ma vie est un échec, elle s'est mal passée. Nous voulons nous réjouir de la vie ; nous voulons, comme l'a dit une fois Jésus, « avoir la vie en abondance ».

Mais écoutons à présent le voyant de l'Apocalypse. Que nous a-t-il dit dans ce passage qui vient de nous être lu ? Il nous parle d'un monde réconcilié. D'un monde dans lequel les hommes « de toutes nations, races, peuples et langues » (7, 9), sont réunis dans la joie. Alors, nous nous demandons : « Comment cela peut-il se produire ? Quelle est la route qui y conduit ? ». Et bien, la première chose, la plus importante, est : ces personnes vivent avec Dieu ; Il a dressé « sur eux sa tente » (7, 15), dit notre Lecture. Et nous nous demandons encore : « Quelle est cette “tente de Dieu” ? Où se trouve-t-elle ? Comment pouvons-nous y arriver ? » Le voyant fait peut-être allusion au premier chapitre de l'Evangile de Jean, où l'on lit : « Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous » (1, 14). Dieu n'est pas loin de nous, dans un lieu très éloigné de l'univers, où personne ne peut arriver. Il a placé sa tente parmi nous : en Jésus il est devenu l'un de nous, de chair et de sang, comme nous. Telle est sa tente. Et lors de l'Ascension, il n'est pas allé dans un lieu éloigné de nous. Sa tente, Lui-même avec son Corps, reste parmi nous comme l'un de nous. Nous pouvons le tutoyer et parler avec Lui. Il nous écoute et, si nous sommes attentifs, nous l’entendons également nous répondre.

Je répète : en Jésus c'est Dieu qui « place sa tente » parmi nous. Mais je répète également : Où cela se passe-t-il précisément ? Notre Lecture apporte deux réponses à cette question. Elle dit à propos des hommes réconciliés qu'« ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau » (7, 14). Cela retentit de façon très étrange pour nous. Dans le langage codé du voyant, il s’agit d’une allusion au Baptême. La parole à propos du « sang de l'Agneau » fait allusion à l'amour de Jésus qu'Il a conservé jusqu'à sa mort sanglante. Cet amour divin et en même temps humain est le bain dans lequel Il nous plonge par le Baptême — le bain dans lequel il nous lave, nous rendant propres au point d'être dignes de Dieu, de pouvoir vivre en sa compagnie. Cependant, l'acte du Baptême n'est qu'un début. En marchant avec Jésus, dans la foi et dans la vie avec Lui, son amour nous touche pour nous purifier et nous rendre lumineux. Nous avons entendu que, dans le bain de l'amour, les vêtements sont devenus blancs. Dans l'esprit du monde antique, le blanc était la couleur de la lumière. Les vêtements blancs signifient que, dans la foi, nous devenons lumière, nous effaçons les ténèbres, le mensonge, la fausseté, le mal en général, nous devenons des personnes claires, dignes de Dieu. L'habit baptismal, ainsi que celui de la Première communion que vous portez, veulent nous le rappeler et nous dire : grâce à la coexistence avec Jésus et avec la communauté des croyants, avec l'Eglise, deviens toi aussi une personne lumineuse, une personne de vérité et de bonté — une personne dans laquelle transparaît la splendeur du bien, de la bonté de Dieu lui-même.

La deuxième réponse à la question « où trouvons-nous Jésus ? », nous est à nouveau donnée par le voyant dans son langage codé. Il dit que l'Agneau guide la multitude de personnes de chaque culture et nation aux sources d'eau vive. Sans eau, il n'y a pas de vie. Les personnes dont la patrie côtoyait le désert le savaient bien. Ainsi, l'eau de la source est devenue pour elles le symbole de la vie par excellence. L'Agneau, c'est-à-dire Jésus, guide les hommes aux sources de la vie. L'Ecriture Sainte, à travers laquelle Dieu nous parle et nous dit comment vivre de manière juste, fait partie de ces sources. Mais ces sources possèdent davantage encore : en vérité, la source authentique est Jésus lui-même, en qui Dieu se donne à nous. Et il accomplit cela en particulier dans la sainte Communion, dans laquelle nous pouvons, pour ainsi dire, boire directement à la source de la vie : Il vient à nous et s'unit à chacun de nous. Nous pouvons le constater : à travers l'Eucharistie, le Sacrement de la Communion, se forme une communauté qui dépasse toutes les frontières et embrasse toutes les langues — nous le voyons ici : des évêques de toutes les langues et de toutes les parties du monde sont présents — à travers la communion se forme l'Eglise universelle, dans laquelle Dieu parle et vit avec nous. C'est de cette façon que nous devons recevoir la Communion : comme une rencontre avec Jésus, avec Dieu lui-même, qui nous guide aux sources de la vie véritable.

Chers parents ! Je voudrais vous inviter vivement à aider vos enfants à croire, vous inviter à les accompagner dans leur chemin vers la Première Communion, un chemin qui se poursuit ensuite, à les accompagner sur leur chemin vers Jésus et avec Jésus. Je vous en prie, allez avec vos enfants à l'église pour participer à la célébration eucharistique du dimanche ! Vous verrez que cela n'est pas du temps perdu ; c'est en revanche ce qui garde la famille véritablement unie, en lui donnant son centre. Le dimanche devient plus beau, toute la semaine devient plus belle, si vous participez ensemble à la liturgie dominicale. Et, s'il vous plaît, priez aussi ensemble à la maison : à table et avant d'aller vous coucher. La prière nous conduit non seulement vers Dieu, mais également l'un vers l'autre. C'est une force de paix et de joie. La vie en famille devient plus joyeuse et acquiert un plus grand souffle si Dieu y est présent et que l'on ressent sa proximité dans la prière.

Chers professeurs de religion et chers éducateurs ! Je vous prie de tout cœur de garder vivante à l'école la recherche de Dieu, de ce Dieu qui en Jésus Christ s'est rendu visible à nous. Je sais que dans notre monde pluraliste il est difficile d'établir un discours sur la foi à l'école. Mais il n'est absolument pas suffisant que les enfants et les jeunes n'acquièrent à l'école que des connaissances et des capacités techniques, et non les critères qui donnent aux connaissances et aux capacités une orientation et un sens. Stimulez les élèves pour qu'ils posent des questions non seulement sur telle ou telle chose — ce qui est également positif — , mais qu'ils interrogent en particulier pour savoir « d'où » et « vers où » va notre vie. Aidez-les à se rendre compte que toutes les réponses qui ne parviennent pas jusqu'à Dieu sont trop courtes.

Chers pasteurs d'âmes et vous tous qui exercez des activités d'assistance dans les paroisses, je vous demande de faire tout votre possible pour rendre la paroisse une patrie intérieure pour les hommes — une grande famille, dans laquelle nous vivons en même temps l'expérience de la famille encore plus grande qu'est l'Eglise universelle, en apprenant à travers la liturgie, la catéchèse et toutes les manifestations de la vie paroissiale à marcher ensemble sur le chemin de la vie véritable.

Les trois lieux de la formation — famille, école et paroisse — vont de pair et nous aident à trouver la route vers les sources de la vie ; en vérité, chers enfants, chers parents, chers éducateurs, nous tous désirons « la vie en abondance ».


D- Homélie du pape prononcée au cours de la messe à Munich

Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée au cours de la messe qu’il a présidée le 10 septembre dernier sur l’esplanade de la Nouvelle Foire de Munich.
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Chers frères et soeurs !

Avant tout, je voudrais, une fois de plus, vous saluer tous avec affection : je suis heureux, et je l'ai déjà dit, de pouvoir me trouver à nouveau parmi vous et de célébrer la Messe avec vous. Je suis heureux de pouvoir visiter une fois de plus les lieux qui me sont familiers, qui ont eu une influence déterminante sur ma vie, formant ma pensée et mes sentiments : les lieux dans lesquels j'ai appris à croire et à vivre. C'est l'occasion pour moi de remercier tous ceux — vivants et morts — qui m'ont guidé et m'ont accompagné. Je rends grâce à Dieu pour cette belle patrie et pour les personnes qui l'ont faite devenir ma patrie.

Nous venons d'écouter les trois lectures bibliques que la liturgie de l'Eglise a choisies pour ce dimanche. Toutes trois développent un double thème, qui, au fond, demeure un thème unique, qui en accentue — selon les circonstances — tel ou tel aspect. Les trois lectures parlent de Dieu comme centre de la réalité et comme centre de notre vie personnelle. « Voici votre Dieu ! » crie le prophète Isaïe dans la première lecture (35, 4). La Lettre de Jacques et le passage de l’Evangile disent à leur façon la même chose. Ils veulent nous guider vers Dieu, nous conduisant ainsi sur le droit chemin de la vie. Mais le thème de « Dieu » est lié au thème social : notre responsabilité réciproque, notre responsabilité pour la suprématie de la justice et de l'amour dans le monde. Cela est exprimé de façon dramatique dans la seconde lecture, dans laquelle Jacques, un proche parent de Jésus, nous parle. Il s'adresse à une communauté dans laquelle commence à apparaître l'orgueil, car dans celle-ci se trouvent également des personnes aisées et distinguées, tandis que l'attention au droit des pauvres court le risque de disparaisse. Dans ses paroles, Jacques laisse entrevoir l'image de Jésus, de ce Dieu qui se fit homme et, tout en étant d'origine davidique, c'est-à-dire royale, devint un homme simple parmi les hommes simples ; il ne s'assit pas sur un trône et à la fin, mourut dans la pauvreté extrême de la Croix. L'amour du prochain, qui est en premier lieu sollicitude pour la justice, est la pierre angulaire de la foi et de l'amour de Dieu. Jacques l'appelle « la loi royale » (cf. 2, 8) laissant entrevoir la parole préférée de Jésus : la royauté de Dieu, la domination de Dieu. Cela n'indique pas un royaume quelconque qui arrivera un jour ou l'autre, mais cela signifie que Dieu doit devenir à présent la force déterminante de notre vie et de nos actions. C'est ce que nous demandons lorsque nous prions : « Que ton Règne vienne ». Nous ne demandons pas quelque chose d'éloigné, dont nous-mêmes ne voulons pas même au fond faire l'expérience. Nous prions au contraire pour que la volonté de Dieu détermine à présent notre volonté et qu'ainsi, Dieu règne dans le monde ; nous prions donc afin que la justice et l'amour deviennent des forces décisives dans l'ordre du monde. Une telle prière s'adresse naturellement en premier lieu à Dieu, mais ébranle également notre cœur lui-même. Au fond, le voulons-nous vraiment ? Sommes-nous en train d'orienter notre vie dans cette direction ? Jacques appelle la « loi royale » la loi de la royauté de Dieu, également « loi de la liberté » : si tous pensent et vivent selon Dieu, alors, nous devenons tous égaux, nous devenons libres et ainsi naît la véritable fraternité. Isaïe, dans la première lecture, en parlant de Dieu — « Voici votre Dieu ! » — parle dans le même temps du salut pour les personnes qui souffrent, et Jacques, en parlant de l'ordre social comme expression incontournable de notre foi, parle logiquement également de Dieu, dont nous sommes les fils.

Mais nous devons à présent tourner notre attention vers l'Evangile qui rapporte la guérison d'un sourd-muet par Jésus. Là aussi, nous rencontrons à nouveau les deux aspects du thème unique. Jésus se consacre aux personnes souffrantes, à celles qui sont exclues de la société. Il les guérit, et, leur ouvrant ainsi la possibilité de vivre et de décider ensemble, les introduit dans l'égalité et la fraternité. Cela nous concerne évidemment tous : Jésus nous indique à tous la direction de nos actions, la façon dont nous devons agir. Tout cela, cependant, revêt également une autre dimension, que les Pères de l'Eglise ont mise en lumière de façon particulière, et qui nous concerne également aujourd'hui de façon spéciale. Les Pères parlent des hommes et pour les hommes de leur temps. Mais ce qu'ils disent nous concerne d'une façon nouvelle également nous, hommes modernes. Il n'existe pas que la surdité physique, qui isole l'homme en grande partie de la vie sociale. Il existe également un affaiblissement de la capacité auditive à l'égard de Dieu, dont nous souffrons en particulier à notre époque. Tout simplement, nous n'arrivons plus à l'entendre — trop de fréquences différentes parasitent nos oreilles. Ce que l'on dit de Lui nous semble pré-scientifique, plus adapté à notre temps. Avec le manque de capacité auditive ou même la surdité à l'égard de Dieu, nous perdons naturellement également notre capacité de parler avec Lui ou à Lui. De cette façon, toutefois, nous perdons une perception décisive. Nos sens intérieurs courent le risque de s'éteindre. Avec la disparition de cette perception, l'étendue de notre rapport avec la réalité en général est également limitée de façon drastique et dangereuse. L'horizon de notre vie se réduit de façon préoccupante.

L'Evangile nous raconte que Jésus posa les doigts dans les oreilles du sourd-muet, il mit un peu de sa salive sur la langue du malade, et dit : « Effatà » — « Ouvre-toi ! ». L'évangéliste a conservé pour nous la parole araméenne originale que Jésus prononça alors, nous ramenant ainsi directement dans cette époque. Ce qui y est raconté est une chose unique, et toutefois, n'appartient pas à un passé lointain : Jésus réalise la même chose de façon nouvelle et répétée aujourd'hui aussi. Dans notre Baptême, Il a réalisé sur nous ce geste du toucher et a dit : « Effatà » — « Ouvre-toi ! » pour nous rendre ainsi capables d'entendre Dieu et pour nous redonner ainsi la possibilité de Lui parler. Mais cet événement, le Sacrement du Baptême, ne possède rien de magique. Le Baptême ouvre un chemin. Il nous introduit dans la communauté de ceux qui sont capables d'écouter et de parler ; il nous introduit dans la communion avec Jésus lui-même qui, lui seul, a vu Dieu et a donc pu parler de Lui (cf. Jn, 1, 18) : à travers la foi, Jésus veut partager avec nous sa vision de Dieu, son écoute du Père et son dialogue avec Lui. Le chemin du baptisé doit devenir un processus de développement progressif, dans lequel nous mûrissons dans la vie de communion avec Dieu, parvenant ainsi également à avoir un regard différent sur l'homme et sur la création.

L'Evangile nous invite à nous rendre compte qu'il existe en nous un déficit en ce qui concerne notre capacité de perception — une carence qu'au début nous ne ressentons pas comme telle, car tout le reste s'impose précisément par son urgence et sa nécessité ; car apparemment, tout procède normalement, même si nous n'avons plus d'oreilles et d'yeux pour Dieu et que nous vivons sans Lui. Mais est-il vrai que tout est simple, lorsque Dieu est absent de notre vie et de notre monde ? Avant de poser d'autres questions, je voudrais vous faire part de quelques-unes de mes expériences au cours de mes rencontres avec les évêques du monde entier. L'Eglise catholique d'Allemagne fait preuve de générosité dans ses activités sociales, et sa disponibilité à aider partout où cela apparaît nécessaire. Au cours de leur visite ad limina, les évêques, et ces derniers temps ceux d'Afrique, me parlent toujours à nouveau avec gratitude de la générosité des catholiques allemands, et me chargent de me faire l'interprète de leur gratitude — c'est ce que je voudrais faire à présent publiquement. Même les évêques des pays baltes, venus avant les vacances, m'ont parlé de la façon grandiose dont les catholiques allemands les ont aidés dans la reconstruction de leurs églises gravement détériorées à cause des décennies de domination communiste. Parfois, cependant, certains évêques africains me disent : « Si je présente en Allemagne des projets sociaux, je trouve immédiatement les portes ouvertes. Mais si je viens avec un projet d'évangélisation, je me heurte plutôt à des réserves ». Il existe à l'évidence chez certains l'idée que les projets sociaux doivent être promus avec la plus grande urgence, tandis que les affaires qui concernent Dieu ou même la foi catholique sont des choses plutôt particulières et moins prioritaires. Toutefois, l'expérience de ces évêques est précisément que l'évangélisation doit avoir la priorité, que le Dieu de Jésus Christ doit être connu, cru et aimé, qu’il doit convertir les cœurs, afin que les affaires sociales puissent progresser pour que commence la réconciliation, afin que — par exemple — le SIDA puisse être combattu en affrontant véritablement ses causes profondes et en soignant les malades avec toute l'attention et l'amour nécessaires. Le fait social et l'Evangile sont tout simplement indissociables. Là où nous n'apportons aux hommes que des connaissances, le savoir-faire des capacités techniques et des instruments, nous apportons trop peu. Alors apparaissent très tôt les mécanismes de la violence, et la capacité de détruire et de tuer devient prédominante, elle devient une capacité d'atteindre le pouvoir — un pouvoir qui, un jour ou l'autre, devrait apporter le droit, mais qui n'en sera jamais capable. De cette façon, nous nous éloignons toujours plus de la réconciliation, de l'engament commun pour la justice et l'amour. Les critères, selon lesquels la technique entre au service du droit et de l'amour disparaissent alors ; mais c'est précisément de ces critères que tout dépend : des critères qui ne sont pas seulement des théories, mais qui illuminent le cœur, conduisant ainsi la raison et l'action sur le droit chemin.

Les populations d'Afrique et d'Asie admirent certes les prestations technologiques de l'Occident, ainsi que notre science, mais elles sont effrayées face à un type de raisonnement qui exclut totalement Dieu de la vision de l'homme, en considérant qu'il s'agit de la forme la plus sublime de la raison, qu'il faut enseigner également à leur culture. La véritable menace pour leur identité n'est pas selon eux la foi chrétienne, mais le mépris de Dieu et le cynisme qui considère la dérision du sacré comme un droit de la liberté et élève l'utilité au rang de critère suprême pour les futures victoires de la recherche. Chers amis, ce cynisme n'est pas le type de tolérance et d'ouverture culturelle que les peuples attendent et que nous désirons tous ! La tolérance dont nous avons un besoin urgent comprend la crainte de Dieu — le respect de ce qui est sacré pour l'autre. Mais ce respect pour ce que les autres considèrent comme sacré présuppose que nous aussi apprenions à nouveau la crainte de Dieu. Ce sens du respect ne peut être régénéré dans le monde occidental que si la foi en Dieu grandit à nouveau, si Dieu est à nouveau présent pour nous et en nous.

Nous n'imposons notre foi à personne. Ce genre de prosélytisme est contraire au christianisme. La foi ne peut se développer que dans la liberté. Mais c'est la liberté des hommes, que nous appelons à s'ouvrir à Dieu, à le chercher, à lui prêter attention. Nous tous ici réunis demandons au Seigneur de tout notre cœur de prononcer à nouveau son « Effatà ! », de guérir notre manque d'écoute à l'égard de Dieu, de son action et de sa parole, et de nous rendre capables de voir et d'écouter. Nous lui demandons de nous aider à retrouver la parole de la prière, à laquelle nous invite la Liturgie et dont il nous a enseigné la formule essentielle dans le Notre Père.

Le monde a besoin de Dieu. Nous avons besoin de Dieu. De quel Dieu avons-nous besoin ? Dans la première lecture, le prophète s'adresse à un peuple opprimé en disant : « La vengeance de Dieu viendra » (Ev. 35, 4). Nous pouvons facilement deviner comment les personnes s'imaginaient cette vengeance. Mais le prophète lui-même révèle ensuite ce en quoi elle consiste : dans la bonté de Dieu qui guérit. Et nous trouvons l'explication définitive de la parole du prophète dans Celui qui est mort pour nous sur la Croix : en Jésus, le Fils de Dieu incarné qui nous regarde avec tant d'insistance. Sa « vengeance » est la Croix : le « Non » à la violence, « l'amour jusqu'au bout ». Tel est le Dieu dont nous avons besoin. Nous ne manquons pas de respect à l'égard des autres religions et cultures, nous n'offensons pas le profond respect pour leur foi, si nous confessons à haute voix et sans demi-mesures le Dieu qui a opposé sa souffrance à la violence, qui, face au mal et à son pouvoir, élève sa miséricorde comme limite et dépassement. C'est à Lui que nous adressons notre supplique, afin qu'Il soit parmi nous et qu'il nous aide à être ses témoins crédibles. Amen !