Homélie de M l’abbé Aulagnier
à l’occasion de ses 35 ans de sacerdoce.
En la solennité extérieure
de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus,
j’ai eu la joie de prononcer dans la belle église
de saint Eloi à Bordeaux, à l’invitation
de Monsieur l’abbé Laguérie, l’homélie
suivante.
Mes biens chers Frères,
Quelle meilleure date souhaiter,
pour fêter ses 35 ans de sacerdoce, que la fête
de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus,
elle qui aima tant le sacerdoce catholique, elle qui voulait
être prêtre, missionnaire pour évangéliser
et porter au loin le nom si doux de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Aussi vous pouvez imaginer la gratitude qui m’anime aujourd’hui
envers M l’abbé Philippe Laguérie qui a
eu la gentillesse de m’inviter en cette circonstance dans
cette si belle église maintenant restaurée !
35 ans de sacerdoce !
35 ans de joie
35 ans d’épreuves. L’une ne va pas sans l’autre.
C’est la vie.
35 ans de joie !
De joie d’avoir rencontré
Mgr Lefebvre et d’avoir reçu de lui, le 17 octobre
1971, le sacerdoce catholique, dans cette petite église
de Riddes dans le Valais en Suisse où le curé
Epinay enlevait pour la cérémonie, l’autel
face au peuple…Il ne le remit jamais…Il célébra
la messe au maître autel.
35 ans de joie et de labeurs pour
la messe tridentine. Oui ! Grâce à Mgr Lefebvre,
grâce aux prêtres de la FSSPX, grâce au soutien
des laïcs et de leurs associations saint Pie V, saint Pie
X, grâce à des prêtres plus âgés,
nous avons pu garder la messe tridentin tellement aimée,tellement
menacée. Nous avons pu garder le patrimoine grégorien,
comme un trésor précieux de l’Eglise et
de l’Occident. Vous le goûtez ici tous les dimanches
Et avec quelle magnificence…..Et cela grâce à
la création de prieurés et des écoles.
Voilà le but de toutes ces fondations qui commençaient
à quadriller la France. Garder la messe, Garder la source
de la grâce. Garder la foi. Garder le catéchisme.
Garder le patrimoine catholique, littéraire, artistique.
C’est grand ! Ce fut un travail passionnant pendant 18
ans, à la tête du District. J’en remercie
la Providence. J’en remercie mes confrères. Dans
cette œuvre, le rôle de Mgr Lefebvre fut déterminant.
Il nous donna des raisons claires, il nous fit comprendre l’importance
de la messe. Avec quelle passion, quel amour, il en parlait.
J’ai encore dans mes oreilles son accent pathétique…alors
qu’il fêtait à la Porte de Versailles son
jubilé sacerdotale… »Gardez le testament
de NSJC… ». Et dans ce combat, quelle humilité,
un modèle. Il était au service de l’Eglise.
Il nous donna l’amour de Rome. Nous ne combattions pas
contre Rome. Nous combattions pour Rome, pour l’amour
de Rome, de la papauté, pour ses trésors que nous
avions appris à aimer au séminaire.
Il me dit un jour, revenant de chez le dentiste qui lui avait
arraché une dent - C’est une simple anecdote mais
révélatrice d’un état d’esprit,
esprit qu’il ne faudrait pas perdre - « C’est
bizarre Il m’a arraché un dent…Pourtant je
n’ai de dent contre personne…même pas contre
le Pape ». Face aux destructeurs de l’Eglise, face
aux libéraux aux modernistes, nous nous sommes dressés…quoi
de plus naturel. Dans ce combat de « géants »,
je voudrais faire une mention toute particulière pour
la revue « Itinéraires » et son directeur
Jean Madiran. C’était notre lecture préférée.
Tous les mois, nous y puisions nos raisons de combat, nos convictions,
notre enthousiasme…Nous goûtions tous les articles
de ses brillants collaborateurs. De lui-même, d’abord.
Le Père Calmel, Melle Luce Quénette avaient pour
moi une place de choix. Madiran a formé une « génération
»…La notre…Celle des abbés Laguérie,
de Tanouarn…Alors nous pouvons comprendre un peu l’émotion
que les journalistes de « La Vie » ont ressenti
à l’annonce de la création du Bon Pasteur
et de notre « réception » dans l’Eglise.
Si Mgr Ricard se montre courtois et bienveillant, Jean Pierre
Denis, éditorialiste à la Vie, ne l’imite
guère. Dans son éditorial du 14 septembre il exprime
sa crainte et son hostilité …Il ose même
déclarer dans un esprit peu amène : « Cette
église (qui nous reçoit) la nôtre (dit-il
? comme si elle n’était pas l’Eglise de tout
baptisé) depuis toujours ne se laissera pas miner de
l’intérieur ». Il craint. Il faut s’attendre
à bien des combats. Qu’il sache que nous voulons
seulement porter à l’Eglise notre dévouement.
35 ans de joie, joie d’avoir
soutenu Mgr Lefebvre dans le choix des sacres épiscopaux.
Il les fallait. Je ne change pas d’avis. Ce n’est
pas parce que « les quatre évêques »
sont infidèles, pour l’instant, à la pensée
de Mgr Lefebvre, à sa « praxis » qu’ils
deviennent une erreur. Il les fallait. Je ne voyais pas comment
la Tradition catholique, le sacerdoce catholique, la messe tridentine
pouvaient survivre sans la succession épiscopale assurée.
C’est l’évêque qui fait le prêtre.
C’est le prêtre qui offre le sacrifice de la messe,
lequel renouvelle le sacrifice de la Croix et ce sacrifice de
la Croix est au cœur de l’Eglise comme il est au
cœur du plan divin du salut, raison de l’Incarnation.
La messe est, dès lors, essentielle à l’Eglise,
au monde à toute cité. La messe, la vraie messe,
celle qu’il n’est pas besoin de réformer,
abolie, ce serait la fin de l’Eglise, la fin du salut
éternel. Cela ne se peut. L’épiscopat est
donc essentiel à l’Eglise et donc au prêtre,
au sacrifice de la messe.
C’est comme cela. Or historiquement, la FSSPX est née
au moment de la subversion liturgique Et cette subversion mena
historiquement son train d’enfer. La Providence confiait
ainsi à la FSSPX la garde de la messe tridentine.
C’est comme cela.
Mgr Lefebvre parti, nul évêque
n’aurait eu le courage de soutenir son œuvre créée
pour le maintien de la messe tridentine. Rome ne l’aurait
pas permis. Il ne faut jamais oublier cela. Le Cardinal Villot,
à l’époque, en 1976, était intervenu
pour qu’aucun évêque ne donne à Mgr
Lefebvre les lettres « dimissoriales » pour les
ordinations. Rome ayant échoué à faire
plier notre prélat n’attendait, à l’époque,
que sa mort. C’est peut-être dur de dire cela mais
c’est la vérité. A cette époque –ne
l’oublions pas ! – le Vatican voulait toujours la
disparition de la messe traditionnelle, même encore en
1988. Aucun indice ne nous permettait de dire le contraire.
Si la Fraternité Saint Pierre et les « autres »
ont trouvé quelques évêques après
1988, ils le doivent pour beaucoup à la pérennité
de la Fraternité Saint Pie X et à sa croissance.
Dom Gérard, M. l’abbé Bisig, le Père
de Bligniéres, Mgr Wladimir…ont eu toutes les faveurs
de Rome, certainement en raison de leurs qualités, mais
aussi parce qu’il fallait absolument réduire l’influence
de Mgr Lefebvre, sinon la détruire et que les inonder
de privilèges était un moyen d’attirer le
monde traditionnel vers eux et déstabiliser la Fraternité
Saint Pie X. Pourquoi donc Rome ne leur donnait-elle pas, avant
les Sacres, tous les privilèges qu’ils ont reçu
après ? Ils n’avaient pas moins de qualités
avant qu’après. Ainsi si Mgr Lefebvre n’avait
pas fait les sacres en 1988, son œuvre sacerdotale, à
terme, était finie. Comment voulez vous tenir un séminaire
si vous ne pouvez plus ordonner les séminaristes ?
35 ans de joie Oui ! Joie d’avoir
voulu prendre la main de Rome…Joie d’avoir soutenu
les abbés de Campos au Brésil dans la création
de l’Administration Apostolique Saint Jean Marie Vianney.
Joie d’avoir participé à la réalisation
de la création de l’Institut du Bon Pasteur. Et
oui !
Les choses humaines ne sont jamais immuables ni dans le bien
ni dans le mal. Elles peuvent évoluer. Elles ont évolué
à Rome. Devant la situation catastrophique de l’Eglise
en Occident, en Europe, les prélats romains commençaient
de changer…de changer en particulier sur le problème
de la messe…Vous vous souvenez de la fameuse célébration
à Rome de la messe tridentine, le 24 mai 2003. O quelle
joie ! Cette acte était l’aboutissement d’une
longue évolution qui a commencé en 1992, peut-être
même en 1988, avec les réflexions du cardinal Ratzinger,
du cardinal Stickler, la publication de leurs livres et conférences.
O quelle joie de lire tout cela ! J’étudiais tout
cela dans « Nouvelles de Chrétientés ».
Passionné de caractère, je me passionnais de ses
études. Nous nous éloignons peu à peu de
la fameuse interdiction de Paul VI ordonnant à chaque
communauté , la célébration de la Messe
Nouvelle….jusqu’au jour où, sous la plume
du cardinal Ratzinger nous lisions qu’il fallait arrêter
ce conflit de la messe, cette opposition de la messe tridentine.
Il écrivait même qu’il ne comprenait pas
pourquoi beaucoup de ses confrères dans l’épiscopat
maintenaient cette lutte. Quelle joie ! Quelle joie lorsque
celui qui écrivait cela, fut élu pontife suprême…Alors
ceux qui étaient contre la messe tridentine…devenaient
plus réservés…. Ceux qui étaient
timorés devenaient plus forts…C’est humain.
C’est la force du chef. C’est son rôle. Assurez
l’unité
35 ans de prêtrise…35
ans de joie… de joie de voir une situation s’améliorer
avec Rome. Car je suis de ceux qui pense t qu’il y a,
qu’il y avait, de fait, un danger pour nous de voir ce
conflit s’éterniser et de voir s’éloigner
une solution d’entente avec Rome. Voilà pourquoi
je fus dans la joie profonde lors de la création de l’Administration
apostolique saint Jean Marie Vianney et de l’Institut
de Bon Pasteur… Il ne faut pas oublier de fait que l’Eglise
est une «hiérarchie et qu’on ne peut éternellement
vivre sans risque en dehors d’elle….
35 ans de joie…de joie de
voir enfin un combat pour la messe reconnue dans sa légitimité.
Car c’est aussi cela Campos. C’est cela L’institut
de Bon Pasteur.
C’est cela Campos. Car Rome
lui reconnaissait le droit, « la facultas » de célébrer
dans toutes les églises de son administration, la messe
tridentine. J’ai étudié leur statut avec
application…Ainsi les choses allaient dans le bon sens.
Quelle joie ! Nous avons perdu beaucoup de combat…En 2002,
avec Campos et son Administration nous mettions le coin dans
l’arbre…On leur demandait de reconnaître seulement
la validité de la Nouvelle Messe, ce que nous avons toujours
affirmés, mais il n’était plus question
de reconnaître la « légitimité »
et « l’orthodoxie » du NOM. Ces deux mots
étaient passés sous silence et pour cause…Lorsque
vous avez un cardinal qui ne cesse de vous parler de la «
Réforme de la réforme de la messe », c’est
bien que la reforme, elle, pose problème et qu’elle
n’est peut-être pas si « légitime »
et « orthodoxe » que cela.
Alors vous pouvez imaginer la joie
de la création de l’Institut du Bon Pasteur qui
a stipulé dans ses statuts que le droit propre de l’Institut
c’est le rite tridentin et qu’il en a un usage exclusif.
Et ce n’est pas seulement statutaire
Ce n’est pas laissé à une libre exégèse.
Ce ne peut être contesté. C’est l’interprétation
romaine. Le décret d’érection le confirme
: « aux membres de cet institut, l’Eglise confère
le droit de célébrer la liturgie sacrée
en utilisant et vraiment comme leur rite propre les livres liturgiques
en vigueur en 1962 ».
Le cardinal Ricard, lui-même le confesse au journaliste
de la Croix : « Ce qui est accordé est un usage
exclusif du rite de la messe en vigueur en 1962 ».
« Exclusif » signifie-t-il que ces prêtres
peuvent refuser de célébrer dans le rite de Paul
VI ? demande le journaliste
« Oui, puisque l’usage de leur rite est exclusif
»
Joie du prêtre de voir enfin un combat sur le point d’être
gagné
Mais je dois confesser que mon
souhait profond est de voir ce que l’on pourrait appeler
l‘émergence d’un épiscopat propre
de rite saint Pie V. Je crois que c’était la grande
idée de Mgr Lefebvre
Mgr Lefebvre désirait voir Rome créer une sorte
d’Administration apostolique personnel « universel
» avec droit exclusif du rite tridentin.
Mgr Lefebvre désirait que Rome nous prenne « tels
que nous sommes », avec notre attachement à la
messe tridentine, avec notre attachement à la Tradition
catholique de toujours. Il souhaitait que Rome organise comme
un « dicastère » au Vatican pour aider au
développement des communautés nombreuses et actives
des traditionalistes et pour régler leurs problèmes,
commission composée d’une majorité de membres
favorables à Rome et à la Tradition. Il proposait
alors que soit crée comme une Administration apostolique
personnelle,un vrai diocèse, où les évêques,
à sa tête, jouissent d’une juridiction cumulative
avec les évêques du lieu. Il indiquait dans sa
lettre et son projet remis dans les mains du cardinal Gagnon
à l’issue de la visite canonique en 1987, que Rome
s’inspire, en cette affaire, de ce que Jean Paul II venait
de faire pour les « ordinariats aux armées. Cette
juridiction cumulative était à imiter.
Cette administration apostolique engloberait, regrouperait toutes
les diverses communautés traditionalistes avec leur spécificité
et leurs originalités, leurs libertés. En un mot,
il proposait à Rome de « canoniser » ce que
concrètement, nous vivions avec la FFSPX et les autres
oeuvres…C’est ce vers quoi il faut tendre….
Et c’est ce que Rome a fait
avec les pères de Campos. Et Mgr Rangel et Mgr Rifan
ont bien fait de poursuivre leurs négociations avec Rome
pour aller jusqu’au terme…Et il faut le reconnaître
Rome s’est fort inspiré, en cette affaire, des
idées de Mgr Lefebvre. Pour quoi ne pas les reprendre…Et
je n’ai pas compris pourquoi les autorités de la
FFSPX aient refusé les propositions romaines. Elles ont
eu tort. Elles ont été sur ce sujet infidèles,
sans le vouloir, je le pense, à la pensée de Mgr
Lefebvre.
Alors, moi, je veux continuer à travailler dans ce sens.
Il faut arriver à cette situation. La messe tridentine
sera définitivement sauvée lorsq’elle sera
« gardée » par un épiscopat aimant
cette messe et la célébrant habituellement…Mais
pourquoi donc les prêtres et les évêques
de la FSSPX ne veulent pas encore entendre ce langage ? Ce serait
tout à leur honneur ! et bien dans la ligne de Mgr Lefebvre.
Amen.