Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

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Du 5 au 18 novembre

L’enseignement de saint Paul.

 

 

L’enseignement de saint Paul.

Benoît XVI , dans les deux dernières audiences générales, a poursuivi sa le thème du Christ : Saint Paul et le Christ et celle du mercredi 15 novembre sur le thème du saint Esprit. : Saint Paul et le Saint Esprit.
Nous donnons en cette paroisse les deux homélies.

A- Saint Paul et le Christ.

Chers frères et sœurs,

Dans la catéchèse précédente, il y a quinze jours, je me suis efforcé de tracer les lignes essentielles de la biographie de l'Apôtre Paul. Nous avons vu de quelle manière la rencontre avec le Christ sur le chemin de Damas a littéralement révolutionné sa vie. Le Christ devint sa raison d'être et la motivation profonde de tout son travail apostolique. Dans ses lettres, après le nom de Dieu, qui apparaît plus de cinq cents fois, le nom qui est mentionné le plus souvent est celui du Christ (trois cent quatre-vingt fois). Il est donc important que nous nous rendions compte à quel point Jésus Christ peut influencer la vie d'un homme et donc également notre vie elle-même. En réalité, Jésus Christ est le sommet de l'histoire salvifique et donc la véritable marque de distinction dans le dialogue avec les autres religions.

En considérant Paul, nous pourrions formuler ainsi l'interrogation de fond : comment se produit la rencontre d'un être humain avec le Christ ? Et en quoi consiste la relation qui en découle ? La réponse donnée par Paul peut être divisée en deux temps. En premier lieu, Paul nous aide à comprendre la valeur absolument fondatrice et irremplaçable de la foi. Voilà ce qu'il écrit dans la Lettre aux Romains : « En effet, nous estimons que l'homme devient juste par la foi, indépendamment des actes prescrits par la loi de Moïse » (3, 28). Et il écrit ainsi dans la Lettre aux Galates : « Cependant nous le savons bien, ce n'est pas en observant la Loi que l'homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ ; c'est pourquoi nous avons cru en Jésus Christ pour devenir des justes par la foi au Christ, mais non par la pratique de la loi de Moïse, car personne ne devient juste en pratiquant la Loi » (2, 16). « Etre justifiés » signifie être rendus justes, c'est-à-dire accueillis par la justice miséricordieuse de Dieu, et entrer en communion avec Lui, et en conséquence, pouvoir établir une relation beaucoup plus authentique avec tous nos frères : et cela sur la base d'un pardon total de nos péchés. Eh bien, de manière tout à fait claire, Paul dit que cette condition de vie ne dépend pas des éventuelles bonnes œuvres, mais d'une pure grâce de Dieu : « Lui qui leur donne [aux hommes] d'être des justes par sa seule grâce, en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus » (Rm 3, 24).

A travers ces paroles, saint Paul exprime le contenu fondamental de sa conversion, la nouvelle direction de sa vie, qui résulte de sa rencontre avec le Christ Ressuscité. Paul, avant sa conversion, n'avait pas été un homme éloigné de Dieu et de sa Loi. Au contraire, il était observant, d'une observance fidèle jusqu'au fanatisme. A la lumière de la rencontre avec le Christ, il comprit cependant que de cette manière, il avait cherché à se construire lui-même, à construire sa propre justice, et qu'avec toute cette justice, il avait vécu pour lui-même. Il comprit qu'une nouvelle orientation de sa vie était absolument nécessaire. Et nous trouvons cette nouvelle orientation exprimée dans ces paroles : « Ma vie aujourd'hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et qui s'est livré pour moi » (Ga 2, 20). Paul ne vit donc plus pour lui, pour sa propre justice. Il vit du Christ et avec le Christ : en se donnant lui-même, non plus en se cherchant et en se construisant lui-même. Telle est la nouvelle justice, la nouvelle orientation donnée par le Seigneur, donnée par la foi. Devant la croix du Christ, expression extrême de son don de soi, personne ne peut s'enorgueillir de sa propre justice faite par lui, pour lui ! Ailleurs, Paul, faisant écho à Jérémie, explicite cette pensée en écrivant : « Celui qui veut s'enorgueillir, qu'il mette son orgueil dans le Seigneur » (1 Co 1, 31 = Jr 9, 22sq); ou bien : « Mais pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste mon seul orgueil. Par elle, le monde est à jamais crucifié pour moi, et moi pour le monde » (Ga 6, 14).

En réfléchissant sur ce que signifie la justification non par les œuvres, mais par la foi, nous en sommes ainsi arrivés à la deuxième composante, qui définit l'identité chrétienne décrite par saint Paul dans sa propre vie. Identité chrétienne, qui se compose précisément de deux éléments : le fait de ne pas se chercher soi-même, mais de se recevoir du Christ, et se donner avec le Christ, et ainsi participer personnellement à l'histoire du Christ lui-même, jusqu'à se plonger en Lui, et partager aussi bien sa mort que sa vie. C'est ce que Paul écrit dans la Lettre aux Romains : « C'est dans sa mort que nous avons été baptisés... nous avons été mis au tombeau avec lui... nous sommes déjà en communion avec lui... De même vous aussi : pensez que vous êtes morts au péché, et vivants pour Dieu en Jésus Christ » (Rm 6, 3.4.5.11). Cette dernière expression, précisément, est symptomatique : en effet, pour Paul, il ne suffit pas de dire que les chrétiens sont des baptisés ou des croyants ; pour lui, il est tout aussi important de dire qu'ils sont « en Jésus Christ » (cf. également Rm 8, 1.2.39; 12, 5; 16, 3.7.10; 1 Co 1, 2.3, etc.). Ailleurs, il inverse les termes et écrit que « le Christ est en nous/vous » (Rm 8, 10; 2 Co 13, 5) ou « en moi » (Gal 2, 20). Cette compénétration mutuelle entre le Christ et le chrétien, caractéristique de l'enseignement de Paul, complète son discours sur la foi. La foi, en effet, bien que nous unissant intimement au Christ, souligne la distinction entre nous et Lui. Mais, selon Paul, la vie du chrétien possède également une composante que nous pourrions appeler « mystique », dans la mesure où elle comporte une identification de notre personne avec le Christ et du Christ avec nous. Dans ce sens, l'Apôtre arrive même à dire que « nous avons largement part aux souffrances du Christ » (2 Co 1, 5), si bien que « partout et toujours, nous subissons dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus, elle aussi, soit manifestée dans notre corps » (2 Co 4, 10).

Nous devons appliquer tout cela à notre vie quotidienne en suivant l'exemple de Paul qui a toujours vécu avec ce grand souffle spirituel. D'une part, la foi doit nous maintenir dans une attitude d'humilité constante face à Dieu, et même d'admiration et de louange à son égard. En effet, ce que nous sommes en tant que chrétiens, nous le devons uniquement à Lui et à sa grâce. Etant donné que rien ni personne ne peut prendre sa place, il faut donc que nous ne rendions à rien d'autre ni à personne d'autre l'hommage que nous Lui rendons. Aucune idole ne doit contaminer notre univers spirituel, autrement, au lieu de jouir de la liberté acquise nous retomberions dans une forme d'esclavage humiliant. D'autre part, notre appartenance radicale au Christ et le fait que « nous sommes en Lui » doit susciter en nous une attitude de confiance totale et de joie immense. En définitive, en effet, nous devons nous exclamer avec saint Paul : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8, 31). Et la réponse est que rien ni personne « ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 8, 39). Notre vie chrétienne repose donc sur le roc le plus stable et le plus sûr que l'on puisse imaginer. Et de celui-ci nous tirons toute notre énergie, comme l'écrit précisément l'Apôtre : « Je peux tout supporter avec celui qui me donne la force » (Ph 4, 13).

Affrontons donc notre existence, avec ses joies et ses peines, soutenus par ces grands sentiments que Paul nous offre. En vivant cette expérience, nous pourrons comprendre à quel point est vrai ce que l'Apôtre lui-même écrit : « Je sais en qui j'ai mis ma foi, et je suis sûr qu'il est assez puissant pour sauvegarder jusqu'au jour de sa venue l'Evangile dont je suis le dépositaire », c'est à dire jusqu'au jour définitif (2 Tm 1, 12) de notre rencontre avec le Christ Juge, Sauveur du monde et notre Sauveur.


B- Saint Paul et l’Esprit Saint...


Chers frères et sœurs,

Aujourd'hui aussi, comme dans les deux catéchèses précédentes, nous revenons à saint Paul et à sa pensée. Nous nous trouvons devant un géant non seulement du point de vue de l'apostolat concret, mais également de celui de la doctrine théologique, extraordinairement profonde et stimulante. Après avoir médité la dernière fois sur ce que Paul a écrit à propos de la place centrale que Jésus Christ occupe dans notre vie de foi, nous examinons aujourd'hui ce qu'il dit sur l'Esprit Saint et sur sa présence en nous, car ici aussi, l'Apôtre a quelque chose d'une grande importance à nous enseigner.

Nous connaissons ce que saint Luc nous dit de l'Esprit Saint dans les Actes des Apôtres, en décrivant l'événement de la Pentecôte. L'Esprit de Pentecôte apporte avec lui une impulsion vigoureuse à assumer l'engagement de la mission pour témoigner de l'Evangile sur les routes du monde. De fait, le Livre des Actes rapporte toute une série de missions accomplies par les Apôtres, tout d'abord en Samarie, puis sur la bande côtière de la Palestine, et enfin vers la Syrie. Ce sont surtout les trois grands voyages missionnaires accomplis par Paul qui sont rapportés, comme je l'ai déjà rappelé dans une précédente rencontre du mercredi. Cependant, dans ses Lettres, saint Paul nous parle de l'Esprit d'un autre point de vue également. Il n'illustre pas uniquement la dimension dynamique et active de la troisième Personne de la Très Sainte Trinité, mais il en analyse également la présence dans la vie du chrétien, dont l'identité en reste marquée. En d'autres termes, Paul réfléchit sur l'Esprit en exposant son influence non seulement sur l'agir du chrétien, mais également sur son être. En effet, c'est lui qui dit que l'Esprit de Dieu habite en nous (cf. Rm 8, 9; 1 Co 3, 16) et que « envoyé par Dieu, l'Esprit de son Fils est dans nos cœurs » (Ga 4, 6). Pour Paul donc, l'Esprit nous modèle jusque dans nos profondeurs personnelles les plus intimes. A ce propos, voilà quelques-unes de ses paroles d'une importance significative: « En me faisant passer sous sa loi, l'Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus m'a libéré, moi qui étais sous la loi du péché et de la mort... L'Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur; c'est un Esprit qui fait de vous des fils; poussés par cet Esprit, nous crions vers le Père en l'appelant: “Abba!” » (Rm 8, 2.15). On voit donc bien que le chrétien, avant même d'agir, possède déjà une intériorité riche et féconde, qui lui a été donnée dans le Sacrement du Baptême et de la Confirmation, une intériorité qui l'établit dans une relation de filiation objective et originale à l'égard de Dieu. Voilà notre grande dignité: celle de ne pas être seulement des images, mais des fils de Dieu. Et cela est une invitation à vivre notre filiation, à être toujours plus conscients que nous sommes des fils adoptifs dans la grande famille de Dieu. Il s'agit d'une invitation à transformer ce don objectif en une réalité subjective, déterminante pour notre penser, notre agir, et notre être. Dieu nous considère comme ses fils, nous ayant élevés à une dignité semblable, bien que n'étant pas égale, à celle de Jésus lui-même, l'unique véritable Fils au sens plein. En lui nous est donnée, ou restituée, la condition filiale et la liberté confiante en relation au Père.

Nous découvrons ainsi que pour le chrétien, l'Esprit n'est plus seulement l' « Esprit de Dieu », comme on le dit normalement dans l'Ancien Testament et comme l’on continue à répéter dans le langage chrétien (cf. Gn 41, 38; Ex 31, 3; 1 Co 2, 11.12; Ph 3, 3; etc.). Et ce n'est pas non plus un « Esprit Saint » au sens large, selon la manière de s'exprimer de l'Ancien Testament (cf. Is 63, 10.11; Ps 51, 13), et du Judaïsme lui-même dans ses écrits (Qumràn, rabbinisme). En effet, à la spécificité de la foi chrétienne appartient la confession d'un partage original de cet Esprit de la part du Seigneur ressuscité, qui est devenu Lui-même « l'être spirituel qui donne la vie » (1 Co 15, 45). C'est précisément pour cela que saint Paul parle directement de l' « Esprit du Christ » (Rm 8, 9), de l' « Esprit de Fils » (Ga 4, 6) ou de l' « Esprit de Jésus Christ » (Ph 1, 19). C'est comme s'il voulait dire que non seulement Dieu le Père est visible dans le Fils (cf. Jn 14, 9), mais que l'Esprit de Dieu s'exprime aussi dans la vie et dans l'action du Seigneur crucifié et ressuscité!

Paul nous enseigne également une autre chose importante: il dit qu'il n'existe pas de véritable prière sans la présence de l'Esprit en nous. Il écrit en effet: « Bien plus, l'Esprit vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L'Esprit lui-même intervient pour nous par des cris inexprimables. Et Dieu, qui voit le fond des cœurs, connaît les intentions de l'Esprit: il sait qu'en intervenant pour les fidèles, l'Esprit veut ce que Dieu veut » (Rm 8, 26-27). C'est comme dire que l'Esprit Saint, c'est-à-dire l'Esprit du Père et du Fils, est désormais comme l'âme de notre âme, la partie la plus secrète de notre être, d'où s'élève incessamment vers Dieu un mouvement de prière, dont nous ne pouvons pas même préciser les termes. En effet, l'Esprit, toujours éveillé en nous, supplée à nos carences et offre au Père notre adoration, avec nos aspirations les plus profondes. Cela demande naturellement un niveau de grande communion vitale avec l'Esprit. C'est une invitation à être toujours plus sensibles, plus attentifs à cette présence de l'Esprit en nous, à la transformer en prière, à ressentir cette présence et à apprendre ainsi à prier, à parler avec le Père en tant que fils dans l'Esprit Saint.

Il existe également un autre aspect typique de l'Esprit que nous enseigne saint Paul: il s'agit de son lien avec l'amour. En effet, l'Apôtre écrit: « Et l'espérance ne trompe pas, puisque l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5). Dans ma Lettre encyclique Deus caritas est, je citais une phrase très éloquente de saint Augustin: « Tu vois la Trinité quand tu vois la charité » (n. 19), et je poursuivais en expliquant: « En effet, l'Esprit est la puissance intérieure qui met leur cœur [des croyants] au diapason du cœur du Christ, et qui les pousse à aimer leurs frères comme Lui les a aimés » (ibid.). L'Esprit nous introduit dans le rythme même de la vie divine, qui est vie d'amour, en nous faisant personnellement participer aux relations qui existent entre le Père et le Fils. Le fait que Paul, lorsqu'il énumère les divers fruits de l'Esprit, place l'amour à la première place, a une signification : «Mais voici ce que produit l'Esprit: amour, joie, paix, etc.» (Ga 5, 22). Et puisque par définition l'amour unit, cela signifie tout d'abord que l'Esprit est Créateur de communion au sein de la communauté chrétienne, comme nous le disons au début de la Messe selon une expression paulinienne: « Que la communion de l'Esprit Saint [c'est-à-dire celle qu'Il opère] soit avec vous tous » (2 Co 13, 13). D'autre part, cependant, il est également vrai que l'Esprit nous incite à nouer des relations de charité avec tous les hommes. C'est pourquoi, lorsque nous aimons, nous donnons de l'espace à l'Esprit, nous lui permettons de s'exprimer en plénitude. On comprend ainsi pourquoi Paul rapproche dans la même page de la Lettre aux Romains les deux exhortations: « Laissez jaillir l'Esprit » et « Ne rendez à personne le mal pour le mal » (Rm 12, 11.17).

Enfin, l'Esprit constitue selon saint Paul des arrhes généreuses qui nous ont été données par Dieu lui-même, comme avance et comme garantie de notre héritage futur (cf. 2 Co 1, 22); 5, 5; Ep 1, 13-14). Nous apprenons ainsi de Paul que l'action de l'Esprit oriente notre vie vers les grandes valeurs de l'amour, de la joie, de la communion et de l'espérance. C'est à nous qu'il revient d'en faire chaque jour l'expérience, en suivant les suggestions intérieures de l'Esprit, aidés dans notre discernement par la direction éclairante de l'Apôtre.