Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

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Du 8 au 16 mars 2008


Dans le cadre du 150 ème anniversaire des apparitions de Lourdes

Méditation du Rosaire
Les mystères joyeux

Nous poursuivons notre méditation du Rosaire en suivant les apparitions de Lourdes selon le récit du R.P. Michel Gasnier, tiré de son livre : « La divine comédie de Lourdes ».

A- Les mystères Joyeux

4ème apparition de Lourdes : 19 février 1858

1er épisode du mystère joyeux : l'annonciation

Il serait malséant de comparer l'enfant qui, le 19 février se rendit à la Grotte pour jouer le mystère de l'Annonciation, à la Vierge incomparable qui reçut la visite de l'Ange, ambassadeur de l'An¬nonciation. Qu'il nous soit permis pourtant de signaler quelques traits communs entre les deux « élues ».
Marie, au moment de l'Incarnation du Verbe, de¬vait avoir une quinzaine d'années. Elle était des¬cendante de la race royale de David, mais cette race depuis longtemps était déchue, et l'enfant sur qui seule ne pesait pas la tache originelle vivait ignorée des hommes, dans une petite ville perdue au milieu des montagnes de Juda. Cette ville était si mal fa¬mée qu'un dicton populaire disait : « De Nazareth, que peut-il sortir de bon ? » Il convenait, disent les Pères de l'Eglise, que celui qui allait s'incarner pour détruire le règne de Satan vînt l'attaquer dans son repaire, dès les premiers jours de son existence.

Semblablement, au moment des Apparitions, Ber¬nadette venait d'avoir quinze ans. Sa famille, très ancienne à Lourdes, après avoir joui d'une « très belle position », était alors « manifestement déchue ». Elle habitait Lourdes, petite bourgade per¬due au milieu des montagnes des Pyrénées. Lourdes avait assez mauvaise réputation, et les roches Massabielle étaient certainement le coin le plus déshérité du pays. Ces ronces et ces épines dont il est ques¬tion au début de l'histoire du monde y foisonnaient. Les serpents y avaient creusé leur repaire et le por¬cher de la ville y conduisait son troupeau.
Aussi, l'on disait par mode de mépris : « Une éducation faite à Massabielle ».
Ce coin de terre, disent les historiens de Lourdes, était l'image du péché originel.

Ce n'est point d'ailleurs le rôle de la Sainte Vierge que semble jouer Bernadette le 19 février, mais celui de l'Archange Gabriel. Dès que Berna¬dette, par le chemin du bois, fut parvenue au-dessus de la Grotte, la scène de l'Annonciation se déploya. Et d'abord, l'envol de l'Archange vers la terre. « Sur la pente du Rocher, dit un des témoins, où pour descendre il fallait à chaque pas s'appuyer des mains, faire du talon, un trou dans le sol, et où l'on glissait encore, Bernadette prit la volée, et en un clin d'oeil, arriva en bas comme s'il y eût eu un chemin bien tracé. Elle descendit comme une hi¬rondelle... Elle alla comme le vent. Sans un mira¬cle on ne peut marcher ainsi ».

Arrivée devant la Grotte, la voyante - nous pourrions dire l'Archange Gabriel - se mit à ge¬noux. Elle prit le cierge allumé d'une main, le cha¬pelet de l'autre et se mit à prier. Elle venait de réciter les trois Ave Maria qui précèdent le Chapelet, quand sur le point de commencer la première dizaine en l'honneur du mystère de l'An¬nonciation, la Sainte Vierge lui apparut. Aussitôt son sourire devint joli et sa physionomie changea. Puis elle salua avec les mains et la tête : c'était un plaisir de la voir. « C'était comme si toute sa vie elle n'avait pas fait autre chose ». Et, tout en saluant, ses lèvres redisaient la salutation de l'Ange : « Je vous salue Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous ». Et celle à qui s'adressait cette louange avait, en apparence, l'âge qu'elle devait avoir quand le Christ s'incarna en son sein.

« Le corps penché en avant », comme Fra An¬gelico nous peint Gabriel dans son « Annoncia¬tion », Bernadette continua de réciter son chapelet. Elle l'interrompit plusieurs fois, tandis qu'un dia¬logue semblait s'engager entre la Vierge et l'enfant.
Que fut, ce dialogue ? Bernadette ne nous l'a pas révélé. Peut-être rappelait-il le grand dialogue qui précéda l'Incarnation...

Et, tandis que la scène se déroulait, le soleil s'était levé et la pluie s'était mise à tomber, com¬me pour faire écho au Rorate coeli desuper, et à l'antienne augurale des premières Vêpres de l'An¬nonciation : Orietur sicut sol Salvator mundi et des¬cendet in uterum Virginis sicut imber super gra¬men - le Sauveur du monde va se lever, semblable au soleil, et il descendra dans le sein d'une Vierge, comme la pluie sur le gazon.

Durant la vision, un fait étrange se produisit. Pendant que Bernadette priait, « un tumulte de voix sinistres, paraissant sortir des entrailles de la terre, était venu éclater au-dessus des eaux, du Gave. A ces cris, qui ressemblaient à des menaces, la Dame avait levé la tête et froncé le sourcil en re¬gardant vers la rivière. Sur ce simple mouvement, les voix s'étaient prises d'épouvante et avaient fui dans toutes les directions ».
Il eût été bien surprenant que le diable n'inter¬vînt pas à la scène de l'Annonciation, pour manifester sa rage contre Celle qui, en concevant le Sauveur du Monde, mettait fin à son règne, et dont il était écrit qu'elle lui écraserait la tête de son talon.
A Lourdes, Marie n'a pas même besoin de ce geste triomphant. Un seul de ses regards, terrible comme une armée rangée en bataille, suffit pour mettre l'ennemi en déroute.


5ème apparition de Lourdes : 20 février 1858

2ème épisode du mystère joyeux : la visitation

L'Evangile nous dit qu' « en ces jours-là, Marie se mit en chemin et s'en alla en grande hâte vers les montagnes, en une ville de Juda ». L'Eglise s'est plu à chanter, dans la liturgie de la fête de la Visitation, cette hâte de Marie qui court donner Jésus au monde, avant même de l'avoir enfanté : « J'entends, dit le Livre de la Sagesse, j'entends la voix de son bien-aimé. Le voici qui vient, bondissant sur les montagnes, franchissant les collines... Il me voit. Il me regarde : Lève-toi, ma bien-aimée, me dit-il; hâte-toi, ma jolie, viens vite... O ma co¬lombe, de la fente du rocher où tu t'es cachée, montre-moi enfin ton visage : fais-moi entendre ta voix, car, pour mes oreilles, ta voix est comme une mu¬sique, et pour mes yeux, ton visage est éclatant de beauté ».

A Lourdes, ce symbolisme va être au¬jourd'hui reproduit à la lettre. Bernadette, en effet, a entendu dans son coeur l'appel mystérieux :
« Viens vite, ma bien-aimée : hâte-toi ! » Et elle court vers Massabielle où, cachée dans une fente de la roche, la Colombe mystique lui apparaît. Elle descend la colline en bondissant comme une biche. Elle est avide d'entendre la voix de la « Dame », qui, dit-elle, est fine, fine, douce, douce... et de contempler son visage resplendissant de lumière et de beauté.

La scène de la Visitation, telle que les artistes se plaisent, depuis dix-neuf siècles, à la représenter, sans en varier la formule, telle d'ailleurs que l'Evangile nous la décrit, est gravée dans tous les esprits. Marie et Elisabeth sont en présence. Elles se courbent l'une vers l'autre en une respectueuse salutation, tandis qu'Elisabeth fait entendre ces paroles : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de votre sein est béni ».

Ce tableau vivant sera figuré à Massabielle durant tout le temps de la deuxième Apparition. Ber¬nadette joue le rôle de la Sainte Vierge. Qui va figurer Elisabeth ? Notre-Dame suggère à un té¬moin, Rosine Cazenave, d'aller « se placer vis-à-vis de Bernadette », et de dire l'Ave Maria, qui renferme la salutation de la cousine de Marie.
Puis tous les incidents du mystère de la Visita¬tion vont se résumer successivement dans la per¬sonne de Bernadette.

Et d'abord, on la voit se courber en « belles salutations » - belles comme du¬rent être les salutations de Marie et d'Elisabeth. - Puis le choeur des spectateurs interprète la joie de la voyante, comme Elisabeth avait chanté le bon¬heur de la Mère de Dieu. « Une rumeur confuse d'admiration, décrit Estrade, s'était élevée au milieu de la foule, et la plupart des assistants se haus¬saient sur la pointe des pieds pour mieux contem¬pler l'extatique ».

Et c'est aujourd'hui encore que Bernadette ap¬prendra mot à mot de la Dame du Rocher, et réci¬tera pour la première fois, une prière personnelle que nul n'avait dite avant elle. La voyante ne nous a pas révélé les mots qui composent cette prière. Mais là n'est pas l'intérêt. Notre-Dame tenait à nous rappeler que c'est au mystère de la Visitation qu'el¬le nous a appris sa grande prière du Magnificat.

Et l'on peut bien soupçonner que la prière enseignée par Marie à l'humble enfant était un hymne de reconnaissance, tout comme le Magnificat, cette prière de Marie que chacun de nous, quand il la prononce, adapte à sa vie personnelle, de sorte que la multitude humaine qui l'a répétée depuis dix¬-neuf siècles ne l'a jamais redite...
Les termes mêmes du Magnificat étaient d'ail¬leurs si bien appropriés à l'âme de Bernadette que tous ses panégyristes, pour célébrer les merveilles que Dieu a faites en elle, n'ont pas cru mieux faire que de commenter, en lui en appliquant les paroles, le Cantique de la Visitation.

Enfin, dernier détail évocateur : pour rappeler que Marie demeura chez sa cousine trois mois, Ber¬nadette ne retournera pas chez elle, mais elle pren¬dra pension chez une étrangère, Mme Millet, chez qui « elle déjeune, dîne et couche » durant trois jours.


6ème apparition de Lourdes : 21 février 1858

3ème mystère joyeux : la naissance de Notre Seigneur

D'émouvants parallèles ont été souvent établis entre Lourdes et Bethléem, ces deux capitales du monde chrétien.
Leur site, leur histoire, leur des¬tinée ont de frappantes analogies. Des prophéties les ont de tout temps désignées à l'espérance des peuples. « Non, Bethléem, avait dit le prophète Michée, tu n'es pas l'une des moindres parmi les cités de Juda, car de toi sortira le chef qui doit régir mon peuple ».
Et pareillement, l'on annonçait de temps immémorial, à Lourdes, que des prodiges s'ac¬compliraient à la rive Massabielle.

A Lourdes comme à Bethléem, les prodiges prophétisés eurent pour cadre deux grottes d'aspect identique, jus¬qu'alors fréquentées par les animaux(1).
Comment ne pas évoquer ces ressemblances tan¬dis que nous voyons Bernadette se rendre le 21 février à la Grotte de Massabielle, pour y revivre le troisième mystère joyeux ?
Ce jour-là, Notre-Dame voulut que son peuple fût présent, de même que le Christ avait invité en premier lieu les humbles à venir l'adorer dans sa crèche.
Un groupe d'ouvriers, profitant des loisirs du dimanche, se trouvait là.

Bernadette arriva, enveloppée dans son capulet blanc. Elle traversa simplement la foule, qui s'écarta avec respect devant elle, commença la récitation du chapelet et entra soudain en extase.
Voici comment va se répercuter en tout son être le mystère qu'elle contemple.

Le cierge allumé qu'elle tient à la main droite, et qui, selon l'interprétation officielle de la liturgie, signifie la chair immaculée du Verbe incarné, fruit divin du sein de Marie, ne cessa, au début de l'Apparition, d'être souffleté par le courant d'air qui régnait ce matin-là dans les bas-fonds ténébreux des bords du Gave. La voyante le livrait chaque fois à la personne la plus proche pour qu'il fût rallumé. Peut-on rêver image plus saisissante des refus que le Christ rencontra à Bethléem quand il demanda une place pour naître (In propria venit et sui eum non receperunt), ou encore des humilia¬tions de la crèche, qui viennent comme narguer sa divinité (Vous trouverez un enfant emmailloté et couché dans une crèche), ou, plus précisément en¬core, de la lutte acharnée des ténèbres contre la Lumière qu'est le Verbe de Dieu (Et lux in tenebris lucet et tenebrae eum non comprehenderunt).
Le cierge que Bernadette confie successivement aux personnes qui l'entourent pour qu'elles le rallument, n'est-ce pas l'image du rôle que Marie a inauguré à Bethléem, et qu'elle continuera jusqu'à la fin des temps : donner Jésus au monde et demander à chacun de nous de reconnaître et d'ado¬rer sa divinité ?
Ces personnes enfin qui reçoivent le cierge des mains de la voyante (quotquot autem receperunt eum), et qui, en le rallumant, confessent que le Christ est Dieu, et réparent ainsi l'oeuvre des ténèbres, représentent ceux à qui « pouvoir a été donné de devenir enfants de Dieu », ou, comme saint Paul les appelle, les « fils de lumière ».
Bientôt, d'ailleurs, Bernadette, toujours en extase, se lève et se dirige vers la Grotte, où elle entre.
Il est remarquable que c'est la première fois qu'elle y pénètre depuis le début de la quinzaine des Apparitions, et c'est précisément le jour où se joue le mystère de la Grotte de Bethléem.
Et, tout aussitôt, le mystère de la nuit de Noël envahit son âme, au point que son visage, nous disent les témoins, ressemblait à celui « d'un enfant dans son berceau ».
Puis, pour nous évoquer les pleurs du nouveau-né, des larmes roulent sur ses joues, et elle s'attriste comme dut s'affliger la Vierge sainte, en voyant son Jésus pleurer.
C'est à cause de la malice de nos péchés, ô Vierge des douleurs, que votre enfant doit souffrir ainsi, dès son berceau. Il ne faut pas que ces douleurs¬-là soient perdues. Et c'est pour cela que vous avez dit à votre confidente, le 21 février, afin qu'elle nous le répète : « Priez pour les pécheurs ».
Nous répondrons à votre imploration et nous redirons sans fin sur les grains de notre Rosaire : « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs... »
L'Apparition terminée, les mêmes événements qui suivirent la naissance du Christ marquèrent à Lourdes la journée du 21 février.
Les témoins reviennent de la Grotte « en publiant leur admiration », et « leurs auditeurs applaudissaient à leur récit comme à l'annonce d'un événement patrioti¬que ». On croirait lire saint Luc, qui clôt ainsi l'Evangile de la Nativité : « Après avoir vu, les bergers racontèrent ce qui leur avait été dit au su¬jet de l'enfant. Tous ceux qui les entendirent fu¬rent dans l'admiration... »
On sait que les sentiments du roi Hérode furent tout autres. Peut-être les paroles des bergers étaient¬-elles parvenues jusqu'à lui ; en tous cas , il n'avait pu les prendre que pour des racontars, surtout quand on lui eût affirmé que l'Enfant mystérieux n'était que le fils d'un pauvre charpentier. Mais la visite qu'il reçut des rois mages l'impressionna au point de le troubler. Dès ce moment, la haine pour « le fils du Charpentier » s'enracina dans son coeur, et des plans de persécution germèrent en son esprit. Il rassembla les princes des prêtres et les scribes du peuple, et on connaît la double politique qu'il adopta. Il feignit d'abord d'entrer dans les vues des Mages, afin de gagner leur confiance. Mais quand il vit que les Mages s'étaient joués de lui, il entra en fureur et ordonna le massacre, dans Bethléem, des enfants ayant deux ans et au-dessous.

Les événements de Lourdes vont suivre pas à pas le récit évangélique.
« Les autorités chargées de veiller à la tranquillité locale, nous dit Estrade, étaient demeurées à l'écart, pensant que le bon sens public ferait justice des racontars qui circulaient, mais, en présence de l'animation bruyante qui mar¬qua la matinée du 21 février, quand elles apprirent. qu'une des personnes les plus considérables de Lourdes, le docteur Dozous(2), avait assisté à l'Apparition du matin, et que son jugement avait conclu à « une intervention surnaturelle de Dieu », « elles se prirent d'inquiétude », (le roi Hérode se troubla) ; le maire, le procureur impérial, le commissaire de police se réunirent à l'hôtel de la mai¬rie (il assembla tous les princes des prêtres et les scribes du peuple). Ils étaient plutôt mal disposés en faveur de la voyante, dont ils ne connaissaient que le nom. Un témoin écrit lui-même : « Le procureur impérial aurait eu quelque raison de dire « De la maison Soubirous, que peut-il sortir de bon ? »
Un incident récent avait jeté le discrédit sur le père de Bernadette. A tort ou à raison, quelques mois auparavant, le père Soubirous avait été accu¬sé d'avoir dérobé une poutre et, pour ce motif, avait été emprisonné. De même qu'on alléguait, pour nier le caractère messianique de Jésus, qu'il était le fils de Joseph le charpentier, de même on objectait, au caractère surnaturel des visions de Bernadette, le bois de charpente de son père.
M. Jacomet, le commissaire de police, celui pré¬cisément que plusieurs historiens appellent « le nouvel Hérode », fit appeler secrètement Berna¬dette dans son cabinet (Hérode fit alors appeler se¬crètement les Mages). Il lui posa des questions sans nombre et parut s'intéresser prodigieusement aux Apparitions dont l'enfant était témoin (il s'enquit d'eux avec soin du temps où l'étoile leur était « ap¬parue »...) Mais, s'apercevant bientôt que ce procédé n'aboutissait qu'à le confondre lui-même, il changea brusquement d'attitude (Hérode, voyant qu'il avait été joué par les Mages, entra dans une grande colère). Il « se dressa debout » et alla jusqu'à menacer l'enfant de la main, et l'on ne sait comment la scène se serait terminée si le père Sou¬birous ne fût soudain entré. Il réclama sa fille et l'emmena, la soustrayant ainsi à la fureur du « nou¬vel Hérode ».
Ainsi fit Joseph, quand l'Ange du Seigneur lui apparut et lui dit : « Lève-toi, prends l'Enfant et sa mère et fuis en Egypte, car Hérode cherche l'Enfant pour le faire mourir ».

Notes
(1) Le Porcatier de l'époque, dit Samson, a déclaré : « Les ani¬maux que je menais à la rive Massabielle demeuraient le long de la rive ou près de la Grotte, et dans l'intérieur même de la ca¬vité ». Il ajoute même que les porcs, à force de se frotter contre la grotte, en avaient poli les parois.
(2) Ce sont précisément les Mages que l'Abbé Archelet a vus dans la personne du Docteur Dozous. « C'était, écrit-il, le premier suffrage de la science en faveur des Apparitions. Tels autrefois les Mages, savants de l'Orient, étaient venus aux clartés d'une étoile, à la suite des bergers, adorer l'enfant Dieu. Ainsi procède le Ciel en ses épiphanies ».

7ème apparition de Lourdes : 22 février 1858

Les deux épisodes du 4ème mystère joyeux

Le quatrième mystère joyeux comprend deux épisodes que l'on énonce distinctement : la Purification de Marie et la Présentation de Jé¬sus au Temple. Il fallait que ces deux épisodes fussent représentés séparément à Lourdes, de ma¬nière néanmoins à ne comporter qu'une seule Apparition, puisqu'ils sont médités au cours du Rosaire sur la même dizaine d'Ave. Rien n'est difficulté pour la Sagesse divine. L'absence de vision du 22 février nous dira les leçons du mystère de la Purification, et l'Apparition du 23 évoquera le mystère de la Présentation.

I - La Purification de Marie

L'obéissance à la loi et à l'autorité légitimement constituée, telle est, si l'on s'en tient au texte ins¬piré, la leçon primordiale de la Purification de Marie. Elle aurait eu de bonnes raisons de ne point se rendre à Jérusalem, comme l'y obligeait « la loi de Moïse ». L'alternative avait dû certainement se présenter à son esprit : ou bien se dispenser d'une loi qui n'était pas faite pour elle - purifie-t-on la neige du sommet des montagnes ? - ou bien obéir à la loi, mais en offensant ainsi en quelque sorte les prérogatives que l'Ange de l'Annonciation avait saluées en elle.
Marie, avec son admirable rectitude de jugement, n'hésite pas. Elle opte pour la « loi de Moïse », contre ses privilèges, ayant en vue l'édification des Juifs, qui n'auraient rien compris à son abstention, et, bien plus encore, pour l'édification des chrétiens, qu'elle engage ainsi à un parfait respect de la loi de Dieu.
Et Bernadette fut sa parfaite imitatrice le 22 février. Elle aussi, selon l'expression de l'abbé Archelet, « opte pour le Décalogue contre la dévo¬tion ». Ce jour-là, en effet, elle reçoit l'ordre de ses parents « non seulement de ne pas retourner à Massabielle, mais d'aller à l'école et de ne dévier ni à droite ni à gauche ». Cruelle alternative pour l'enfant ! « Elle nous disait, raconte Basile Casterot : ça me fait bien de la peine. Il faut que je désobéisse ou à vous ou à cette Dame ». Elle avait, sem¬ble-t-il, une raison suffisante pour transgresser l'or¬dre de ses parents. N'avait-elle pas promis d'aller à la Grotte durant quinze jours, et cette promesse ne l'avait-elle pas faite à une Dame mystérieuse dont l'autorité transcendait celle de ses parents ? Que devait-elle faire ? Si l'on se réfère au mystère de la Purification, elle devait se soumettre à la loi du Décalogue, qui veut qu'un enfant obéisse à ses parents. Et c'est ce qu'elle fit.
C'est plutôt ce qu'elle se proposait de faire, mais quand, l'après-midi, se rendant à l'école, elle fut parvenue à quelques pas de la caserne de gendarmerie, elle est arrêtée par une main mystérieuse qui l'empêche d'avancer et l'entraîne vers la Grot¬te. C'est en vain qu'elle résiste. Elle n'est pas res¬ponsable. Dieu a besoin d'elle pour nous mettre sous les yeux, dans un saisissant relief, la leçon du quatrième mystère joyeux.

Les gendarmes, de leurs fenêtres, remarquent ses hésitations et ses piétinements devant l'obstacle invisible. Dès qu'ils voient l'enfant faire volte-face, ils se hâtent de la suivre.
En chemin, Bernadette demande qu'on aille lui chercher le cierge de sa marraine, dont elle se ser¬vait aux cérémonies de la Chandeleur. Cette de¬mande trahit son dessein. Bientôt des enfants et des femmes la rejoignent. Et le « cortège » se rend à Massabielle. En avant, marche la voyante « cal¬me, modeste et sereine », son cierge de Chandeleur à la main. Deux gendarmes, représentants de la Loi, tels deux acolytes, l'encadrent. Et la foule suit, composée d'une « cinquantaine de femmes, filles et pe¬tits garçons ».

Et de ce petit cortège, le symbolisme se dégage grandiose. Il évoque les processions qui se font le 2 février... Il évoque Marie, la mère par excellence, la femme qui a enfanté la lumière du monde, s'en allant au Temple pour une Purification dont elle n'a pas besoin, simplement par respect pour la loi. « La loi reconnaissante, écrit l'abbé Bonner lui-même, qui semble avoir pénétré la signification surnaturelle de ces événements, lui forme un cortège d'honneur, tandis que les femmes mariées, dont c'est aujourd'hui la fête, lui crient leur admiration et sont fières de s'affirmer, publiquement, suivantes de Notre-Dame de la Chandeleur, de la mère purifiée ».
Bernadette, arrivée devant la niche, se met à ge¬noux, allume son cierge et récite le chapelet; mais cette fois, la Dame ne vient pas. Après avoir prié longtemps, elle comprit qu'il n'y aurait pas vision, et elle en parut très affligée. « Je ne sais pas, dit¬-elle, en quoi j'ai manqué à cette Dame ».
Rassure-toi, Bernadette. Tu n'as point failli. Tu es venue à la Grotte malgré la défense de tes parents, mais tu ne leur as pas pourtant désobéi puis¬que « tu n'as pu faire aller tes jambes que vers la Grotte ». Une force mystérieuse t'a fait dévier de ton chemin. Ta volonté demeurait soumise à l'autorité paternelle. Mais extérieurement et légalement, aux yeux des hommes, tu n'étais pas dans l'ordre. La Dame céleste, responsable pourtant de cet apparent désordre, se gardera néanmoins de le couvrir de ses faveurs. Elle veut faire entendre aux hommes la leçon du mystère de la Purification.
Comme Marie, aimons passionnément la loi de Dieu, sans croire jamais que rien puisse nous en dispenser.

II - La Présentation de Jésus au Temple

Le mystère de la Présentation est, avant tout, le mystère de la vocation de Jésus. C'est aujourd'hui qu'il se donne à son Père, sans réserve et sans re¬tour. C'est aujourd'hui qu'il prononce les paroles qui résument tout le mystère de son Incarnation. « Vous n'avez voulu ni sacrifice ni offrande, mais vous m'avez formé un corps. Alors j'ai dit : Voici, je viens pour faire, ô Dieu, votre volonté ».

Et c'est aujourd'hui que Bernadette entend le même appel et qu'elle y répond pareillement. « Tandis que je priais, raconte-t-elle elle-même, la Dame m'appela, je répondis : me voici ! »
L'état d'obéissance, de soumission, de totale oblation de Jésus à son Père va être exprimé par l'attitude d'absorption qui va caractériser plus spécia¬lement aujourd'hui l'extase de Bernadette. Tout son être est comme suspendu à sa chère vision. « On aurait dit, déclare Estrade, qu'elle craignait de bais¬ser les paupières, de peur de perdre de vue l'objet ravissant de ses contemplations. C'était un de ces êtres privilégiés, à figure céleste, que l'apôtre des grandes visions nous représente en extase devant ¬le Trône de Dieu... »

Divers incidents marquèrent, à Jérusalem, la Présentation de Jésus. On va les voir se renouveler dans la quatrième Apparition joyeuse.
Un homme « juste et craignant Dieu », du nom de Siméon, fut poussé par l'Esprit-Saint à venir dans le Temple, à Jérusalem, à l'heure où les pa¬rents de Jésus y arrivaient eux-mêmes. Dès qu'il aperçut l'Enfant dans les bras de sa Mère, une se¬crète intuition lui révéla que c'était là le Messie attendu. Et c'est alors qu'il prononça l'émouvant cantique du Nunc dimittis.
Pareillement, l'Esprit-Saint, en la personne du Curé de Lourdes, poussa, le 23 février, M. Estrade, « homme juste et craignant Dieu », à se rendre à Massabielle. Immédiatement il fut sous le charme. Son émoi fut identique à celui de Siméon. Il publia son témoignage. « Je ne pouvais, a-t-il écrit, retenir mon émotion... La Dame avait eu beau se voiler, j'avais senti sa présence... O heure solennelle de ma vie ! »
Et c'est à l'occasion du récit de cette Apparition qu'il entonne un cantique dont la contexture et les sentiments sont ceux du Nunc Dimittis : « O Mère, mes cheveux ont blanchi et je suis près de la tombe. Je n'ose arrêter mes regards sur mes iniquités et plus que jamais j'ai besoin de me réfugier sous le manteau de vos miséricordes. Quand, à l'heure suprême, je paraîtrai devant votre auguste Fils, daignez vous faire ma protectrice et vous souvenir que vous m'avez vu, aux jours de vos manifestations, à genoux et croyant, sous la voûte sacrée de votre Grotte de Lourdes ».

Le vieillard Siméon ne se contenta pas de chan¬ter son propre bonheur, mais, se tournant vers la Mère de l'Enfant, il lui confia, concernant sa vo¬cation, trois douloureux secrets : « Cet enfant est au monde pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. - Il sera un signe de contradiction. -Pour toi, ton âme sera transpercée par un glaive à deux tranchants ».
Et c'est aujourd'hui, pour continuer le parallè¬le, que trois secrets sont confiés à Bernadette. Des indiscrets ont cherché plus tard, par tous les moyens, à lui arracher les révélations de la Vierge. Peine perdue ! La fidèle enfant a emporté avec elle ses secrets dans la tombe. Mais ceux qui ont vécu en son intimité s'accordent à penser qu'ils avaient trait à sa vocation et à son existence, qui ne lui épargnera ni douleurs ni contradictions. Quoi qu'il en soit, le vieillard Siméon avait annoncé à Marie qu' « un glaive à deux tranchants transpercerait son âme ». Or il est remarquable que le ler mars, jour où se jouera à la Grotte le mystère du Crucifie¬ment, un témoin lira sur le visage de Bernadette « une tristesse vive comme un glaive à deux tran¬chants, profonde comme un abîme ».
Le 23 février, les spectateurs des Apparitions no¬teront seulement sur sa physionomie des sentiments « d'admiration, de joie, de crainte et de tristesse ». Ce sont bien là les émotions qui durent se faire jour dans l'âme de Marie, au jour de la Présentation :
L'admiration : Le Père et la Mère de l'Enfant étaient, dans l'admiration des choses qu'on disait de lui.
La joie et la tristesse : Cet Enfant a été établi pour la chute et le relèvement d'un grand nombre ,en Israël.
La crainte : Un glaive transpercera votre âme.
Signalons enfin que c'est encore aujourd'hui que Bernadette trace sur elle, « par intervalles, ces si¬gnes de Croix si pieux et si nobles, comme on ne peut les faire qu'au Ciel », ces signes de Croix qui résument toute la Passion - cette Passion qui point déjà lugubrement au matin de la Présentation de Jésus au Temple...

8ème apparition de Lourdes : 24 février 1858

Le recouvrement de Jésus au Temple

Lorsque Jésus eut douze ans, ses parents l'emmenèrent avec eux, célébrer la Pâque à Jérusalem. Les solennités terminées, ils s'en retournèrent, mais Jé¬sus resta à Jérusalem et ils ne s'en aperçurent point. Pensant qu'il était avec quelqu'un de leur compagnie, ils marchèrent durant un jour, puis ils le cher¬chèrent parmi leurs parents et connaissances. Mais ils ne le trouvèrent pas. - Leur anxiété devint alors très vive. Le chagrin de Marie devait surtout faire peine à voir. Il gagna sans doute les gens de Nazareth. La désolation fut générale. Marie et Jo¬seph revinrent à Jérusalem, à la recherche de Jésus. Ce n'est qu'au troisième jour que Marie, pénétrant dans les cours du Temple, pousse un cri. Elle vient d'apercevoir son enfant assis au milieu d'un groupe. Dieu soit béni ! Ses larmes soudain se transforment en éclair de joie.

On va voir comment tout l'essentiel de cette scène va se retrouver le 24 février, adapté en jeu scénique, devant le rocher de Massabielle. Notre-¬Dame va pousser la condescendance jusqu'à se faire actrice. Elle tiendra le rôle de Jésus, tandis qu'elle confiera son propre rôle à Bernadette. Elle se ca¬chera et sa voyante entreprendra pour la retrouver une recherche « anxieuse » et « gémissante ».

Après un moment d'extase, en effet, les spectateurs la voient qui se lève et qui se rend à pas lents vers l'intérieur de la Grotte, donnant l'impression très nette d'être à la recherche de Notre-Dame. « J'entendis, dit un témoin, à trois ou quatre re¬prises, des gémissements... Elle était allée voir sous le rocher si la Dame n'était pas venue à la cavité de la voûte; ne l'y trouvant pas, elle est redescen¬due avec deux larmes sur les joues, comme pla¬quées ». D'autres témoins affirment qu'elle « pleurait à chaudes larmes ».
Et voilà que son chagrin se communique à la foule. Les hommes eux-mêmes sont tellement pris par l'émotion que pour la mieux cacher, ils quittent la Grotte.
« Tout à coup, nous dit Dominiquette Cazenave, la figure de Bernadette s'éclaira. On entendit sortir de sa bouche un ah ! doux, à peine articulé, comme si elle eût dit : « Ah ! quel bonheur ! la voilà ! »
« Pendant une heure de temps que dura l'Ap¬parition, raconte Fanny Nicolau, cela se reproduisit quatre ou cinq fois ». Les témoins eurent donc tout le loisir pour observer les transformations qui se produisirent sur le visage de la voyante, suivant les péripéties du jeu divin. Et les observations qu'ils nous ont rapportées sont du plus haut intérêt. L'on sait en effet les leçons que tous les auteurs mystiques tirent de la méditation du cinquième mystère joyeux.
« Jésus, dit par exemple le R. P. Roupain, aime à se dérober. Il fait alors comme une mère qui se soustrait aux caresses de son enfant, pour voir com¬bien elle en est aimée ».
C'est exactement ce que disent les témoins du 24 février. « Il semblait, dit Fanny Nicolau, que la Sainte Vierge faisait comme une mère à son en¬fant, quand elle se cache pour se faire chercher ».

Le pire malheur pour une âme, continuent les exégètes mystiques, c'est d'avoir perdu Jésus par le péché ou la négligence coupable. « Etre sans Jésus, dit l'auteur de l'Imitation, c'est un enfer intolé¬rable. Etre avec Jésus, c'est un doux paradis ». Les changements de physionomie de Bernadette vont illustrer cette doctrine. Quand la Sainte Vierge disparaissait - quand Jésus n'est plus là - les larmes. coulaient le long de ses joues, « une sorte de nuage lui descendait du front jusqu'au menton... sa figure s'assombrissait comme la terre quand le soleil se cache ».
Quand la vision lui réapparaissait - quand Jé¬sus est présent à l'âme ou quand on le retrouve - « il y avait comme un mouvement doux de tout son corps en avant, puis venaient un beau sourire et de beaux saluts, qu'elle faisait sans détacher le regard d'en haut. Son visage se tranfigurait et de¬venait d'une blancheur merveilleuse. Ou aurait dit que la lumière qui environnait la Vierge Marie se reflétait sur son angélique figure... »
De longues dissertations ont été faites pour expli¬quer comment le mystère du Recouvrement prend place, malgré les inexprimables douleurs qui en sont la préparation, parmi les mystères joyeux du Rosaire.
L'Apparition du 24 février va nous le révéler en quelques mots, aussi brefs que suggestifs. « Les yeux encore tout mouillés de larmes, Bernadette se mit à rire avec une grâce charmante. Après l'Ap¬parition, elle ne se rappelle plus d'avoir pleuré ».
Le Mystère du Recouvrement, c'est une joie après des larmes. On oublie les larmes versées pour ne se rappeler que la joie que l'on a d'avoir retrouvé Jésus...