Paroisse
catholique Saint Michel
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Du 6 au 12 avril 2008 |
En l’audience générale du mercredi 9 avril, Benoît XVI, dans son discours, a évoqué la belle figure de saint Benoît. A cette occasion, il n’a pas pu ne pas parler de l’Europe, de l’Europe façonnée par le christianisme. Il a été très clair : l’Europe ne peut exister que chrétienne. Voici ses paroles : « Aujourd'hui, l'Europe - à peine sortie d'un siècle profondément blessé par deux guerres mondiales et après l'effondrement des grandes idéologies qui se sont révélées de tragiques utopies - est à la recherche de sa propre identité. Pour créer une unité nouvelle et durable, les instruments politiques, économiques et juridiques sont assurément importants, mais il faut également susciter un renouveau éthique et spirituel qui puise aux racines chrétiennes du continent, autrement on ne peut pas reconstruire l'Europe ». Voici qui est clairement dit.
Je voudrais parler aujourd'hui de saint Benoît,
fondateur du monachisme occidental, et aussi Patron de mon
pontificat. Saint Benoît de Nursie, par sa vie et par son œuvre, a exercé une influence fondamentale sur le développement de la civilisation et de la culture européenne. La source la plus importante à propos de la vie de ce saint est le deuxième livre des Dialogues de saint Grégoire le Grand. Il ne s'agit pas d'une biographie au sens classique. Selon les idées de son temps, il voulut illustrer à travers l'exemple d'un homme concret - précisément saint Benoît - l'ascension au sommet de la contemplation, qui peut être réalisée par celui qui s'abandonne à Dieu. Il nous donne donc un modèle de vie humaine comme ascension vers le sommet de la perfection. Saint Grégoire le Grand raconte également dans ce livre des Dialogues de nombreux miracles accomplis par le saint, et ici encore il ne veut pas raconter simplement quelque chose d'étrange, mais démontrer comment Dieu, en admonestant, en aidant et aussi en punissant, intervient dans les situations concrètes de la vie de l'homme. Il veut démontrer que Dieu n'est pas une hypothèse lointaine placée à l'origine du monde, mais qu'il est présent dans la vie de l'homme, de tout homme. Cette perspective du « biographe » s'explique également à la lumière du contexte général de son époque : entre le Ve et le VIe siècle, le monde était bouleversé par une terrible crise des valeurs et des institutions, causée par la chute de l'Empire romain, par l'invasion des nouveaux peuples et par la décadence des mœurs. En présentant saint Benoît comme un « astre lumineux », Grégoire voulait indiquer, dans cette situation terrible, précisément ici dans cette ville de Rome, l'issue de la « nuit obscure de l'histoire » (Jean-Paul II, Insegnamenti, II/1, 1979, p. 1158). De fait, l'œuvre du saint et, en particulier sa Règle, se révélèrent détentrices d'un authentique ferment spirituel qui transforma le visage de l'Europe au cours des siècles, bien au-delà des frontières de sa patrie et de son temps, suscitant après la chute de l'unité politique créée par l'empire romain une nouvelle unité spirituelle et culturelle, celle de la foi chrétienne partagée par les peuples du continent. C'est précisément ainsi qu'est née la réalité que nous appelons « Europe ». La naissance de saint Benoît se situe autour de l'an 480. Il provenait, comme le dit saint Grégoire, « ex provincia Nursiae » - de la région de la Nursie. Ses parents, qui étaient aisés, l'envoyèrent suivre des études à Rome pour sa formation. Il ne s'arrêta cependant pas longtemps dans la Ville éternelle. Comme explication, pleinement crédible, Grégoire mentionne le fait que le jeune Benoît était écœuré par le style de vie d'un grand nombre de ses compagnons d'étude, qui vivaient de manière dissolue, et qu'il ne voulait pas tomber dans les mêmes erreurs. Il voulait ne plaire qu'à Dieu seul ; « soli Deo placere desiderans » (II Dial. Prol. 1). Ainsi, avant même la conclusion de ses études, Benoît quitta Rome et se retira dans la solitude des montagnes à l'est de Rome. Après un premier séjour dans le village d'Effide (aujourd'hui Affile), où il s'associa pendant un certain temps à une « communauté religieuse » de moines, il devint ermite non loin de là, à Subiaco. Il y vécut pendant trois ans complètement seul dans une grotte qui, depuis le Haut Moyen-âge, constitue le « cœur » d'un monastère bénédictin appelé « Sacro Speco ». La période à Subiaco, une période de solitude avec Dieu, fut un temps de maturation pour Benoît. Il dut supporter et surmonter en ce lieu les trois tentations fondamentales de chaque être humain : la tentation de l'affirmation personnelle et du désir de se placer lui-même au centre, la tentation de la sensualité et, enfin, la tentation de la colère et de la vengeance. Benoît était en effet convaincu que ce n'était qu'après avoir vaincu ces tentations qu'il aurait pu adresser aux autres une parole pouvant être utile à leur situation de besoin. Et ainsi, son âme désormais pacifiée était en mesure de contrôler pleinement les pulsions du « moi » pour être un bâtisseur de paix autour de lui. Ce n'est qu'alors qu'il décida de fonder ses premiers monastères dans la vallée de l'Anio, près de Subiaco. En l'an 529, Benoît quitta Subiaco pour s'installer à Montecassino. Certains ont expliqué ce déplacement comme une fuite face aux intrigues d'un ecclésiastique local envieux. Mais cette tentative d'explication s'est révélée peu convaincante, car la mort soudaine de ce dernier n'incita pas Benoît à revenir (II Dial. 8). En réalité, cette décision s'imposa à lui car il était entré dans une nouvelle phase de sa maturation intérieure et de son expérience monastique. Selon Grégoire le Grand, l'exode de la lointaine vallée de l'Anio vers le Mont Cassio - une hauteur qui, dominant la vaste plaine environnante, est visible de loin - revêt un caractère symbolique : la vie monastique cachée a sa raison d'être, mais un monastère possède également une finalité publique dans la vie de l'Eglise et de la société, il doit donner de la visibilité à la foi comme force de vie. De fait, lorsque Benoît conclut sa vie terrestre le 21 mars 547, il laissa avec sa Règle et avec la famille bénédictine qu'il avait fondée un patrimoine qui a porté des fruits dans le monde entier jusqu'à aujourd'hui. Dans tout le deuxième livre des Dialogues,
Grégoire nous montre que la vie de saint Benoît
était plongée dans une atmosphère de
prière, fondement central de son existence. Sans la
prière, l'expérience de Dieu n'existe pas. Mais
la spiritualité de Benoît n'était pas
une intériorité en dehors de la réalité.
Dans la tourmente et la confusion de son temps, il vivait
sous le regard de Dieu et ne perdit ainsi jamais de vue les
devoirs de la vie quotidienne et l'homme avec ses besoins
concrets. En voyant Dieu, il comprit la réalité
de l'homme et sa mission. Dans sa Règle, il qualifie
la vie monastique d'« école du service du Seigneur
» (Prol. 45) et il demande à ses moines de «
ne rien placer avant l'Œuvre de Dieu [c'est-à-dire
l'Office divin ou la Liturgie des Heures] » (43, 3).
Il souligne cependant que la prière est en premier
lieu un acte d'écoute (Prol. 9-11), qui doit ensuite
se traduire par l'action concrète. « Le Seigneur
attend que nous répondions chaque jour par les faits
à ses saints enseignements », affirme-t-il (Prol.
35). Ainsi, la vie du moine devient une symbiose féconde
entre action et contemplation « afin que Dieu soit glorifié
en tout » (57, 9). En opposition avec une réalisation
personnelle facile et égocentrique, aujourd'hui souvent
exaltée, l'engagement premier et incontournable du
disciple de saint Benoît est la recherche sincère
de Dieu (58, 7) sur la voie tracée par le Christ humble
et obéissant (5, 13), ne devant rien placer avant l'amour
pour celui-ci (4, 21 ; 72, 11) et c'est précisément
ainsi, au service de l'autre, qu'il devient un homme du service
et de la paix. Dans l'exercice de l'obéissance mise
en acte avec une foi animée par l'amour (5, 2), le
moine conquiert l'humilité (5, 1), à laquelle
la Règle consacre un chapitre entier (7). De cette
manière, l'homme devient toujours plus conforme au
Christ et atteint la véritable réalisation personnelle
comme créature à l'image et à la ressemblance
de Dieu. Benoît qualifie la Règle de « Règle minimale tracée uniquement pour le début » (73, 8) ; en réalité, celle-ci offre cependant des indications utiles non seulement aux moines, mais également à tous ceux qui cherchent un guide sur leur chemin vers Dieu. En raison de sa mesure, de son humanité et de son sobre discernement entre ce qui est essentiel et secondaire dans la vie spirituelle, elle a pu conserver sa force illuminatrice jusqu'à aujourd'hui. Paul VI, en proclamant saint Benoît
Patron de l'Europe le 24 octobre 1964, voulut reconnaître
l'œuvre merveilleuse accomplie par le saint à
travers la Règle pour la formation de la civilisation
et de la culture européenne. Aujourd'hui, l'Europe
- à peine sortie d'un siècle profondément
blessé par deux guerres mondiales et après l'effondrement
des grandes idéologies qui se sont révélées
de tragiques utopies - est à la recherche de sa propre
identité. Pour créer une unité nouvelle
et durable, les instruments politiques, économiques
et juridiques sont assurément importants, mais il faut
également susciter un renouveau éthique et spirituel
qui puise aux racines chrétiennes du continent, autrement
on ne peut pas reconstruire l'Europe. Sans cette sève
vitale, l'homme reste exposé au danger de succomber
à l'antique tentation de vouloir se racheter tout seul
- une utopie qui, de différentes manières, a
causé dans l'Europe du XXe siècle, comme l'a
remarqué le Pape Jean-Paul II, « un recul sans
précédent dans l'histoire tourmentée
de l'humanité » (Insegnamenti, XIII/1, 1990,
p. 58). En recherchant le vrai progrès, nous écoutons
encore aujourd'hui la Règle de saint Benoît comme
une lumière pour notre chemin. Le grand moine demeure
un véritable maître à l'école de
qui nous pouvons apprendre l'art de vivre l'humanisme véritable.
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