Paroisse
catholique Saint Michel
Dirigée par |
06 80 71 71 01 |
Du 4 au 10 mai 2008 |
Une Regard sur Mai
68
Voici le commentaire que je faisais du livre de Georges Dillinger en 2004 dans le « Regard sur le monde » du 21 novembre 2004, le n° 18. Je termine de lire - ce n’est pas le
moindre des avantages de ma situation actuelle de pouvoir
lire - oui ! je termine le livre passionnant de Georges Dillinger
sur « Mai 68 ou la mauvaise graine ».(distribution
: Georges Dillinger, 10 Bd Diderot. 75012 Paris) Il appelle
cet événement « révolutionnaire
» : « l’embrasement libertaire » de
notre société politique . Il relit - ce qu’il
nomme avec Marcel de Corte, notre « dyssociété
actuelle » - aux événements de mai 68.
En quatre parties bien équilibrées, l’auteur brosse l’histoire de Mai 68, sa philosophie , ses conséquences politiques et sociales. A -Première partie. Il nous montre d’abord le « terreau » qui va préparer et expliquer Mai 68. C’est la première partie qu’il intitule : « le terreau : un terrain propice à un embrasement libertaire ». Là, en six chapitres, il va nous faire comprendre « les facteurs environnementaux qui ont favorisés les fermentations destructrices à un point jusqu’alors jamais atteints » (p12). Celles-ci ont été d’ordre spirituel, sociologique et politique. Il explique l’influence de la guerre d’Algérie qui se termine et du communisme asiatique(ch. 5). Il parle « d’une certaine nomenklatura juive »(ch.3), de l’influence du catholicisme progressiste (ch. 2 et 4). Il décrit la situation des parties politiques à la veille de Mai 68.(ch. 6). Mais j’ai retenu surtout son premier chapitre très spirituel sur la perte du sacré. C’est une de ses idées fortes. a- La perte du sacré Je retiens cette phrase : « D’autres forces ont convergé pour éradiquer le sacré, mettre à mal l’esprit de sacrifice, attaquer la religion ou la pervertir de l’intérieur ; force dont la franc-maçonnerie est une des plus actives et des plus redoutables. De nombreux auteurs en ont parlé. Mais il est vrai que le développement de la science et de la technique, à lui seul, rend compte d’une maladie profonde de toute forme de transcendance dans notre société moderne. Et sous l’effet de ce recul du sacré, tous les commandements, tous les préceptes, tous les tabous, toutes les règles qui s’imposaient auparavant se sont trouvés coupés de la force issue de la transcendance, se sont trouvés coupés de leurs racines, de leur légitimité. Tout cet héritage qui faisait l’armature même de notre société pouvait dès lors être remis en question par quiconque ». (p. 15) J’aime cette analyse qui montre à contrario combien est précieux le rôle de l’Eglise dans la vie sociale et politique. Elle montre également le langage que ses prêtres doivent tenir : un langage d’abord et avant tout religieux et nullement socio-politique. Il ne peut y avoir de vraies valeurs morales vécues sans le respect préalable du sacré. Notre auteur le dit avec un aplomb qui fait plaisir à lire : « En vérité, dès lors que le sacré et la religion étaient mis à mal, l’ordre moral perdait ses supports essentiels. Dans ces conditions, ils devenaient à la fois difficiles à supporter et infiniment vulnérables. C’est la situation critique dont Mai 68 allait largement profiter » (p. 18) Ou d’une manière encore plus
nette et vraiment étonnante : « Toujours est-il
que cette église occupée, ramollie, clairsemée,
à la foi calcinée, n’assure plus en rien
le rôle essentiel de ciment social. Recroquevillée
au rang subalterne d’un des protagonistes du combat
et du débat socio-politique, elle tente de compenser
son extrême faiblesse vis-à-vis des autres protagonistes
(syndicats, partis politiques…) par une radicalisation
de plus en plus irréaliste et de plus en plus intolérable
de nombre de ses positions anti-morales, antipatriotiques,
bref antisociales. Et comment sans aucune incitation surnaturelle,
sans aucun support transcendant, se seraient conservés
dans notre société contemporaine l’esprit
de sacrifice et toutes les vertus qu’il animait et vivifiait
? » (p. 17) J’aime, vous dis-je ce langage clair, net et viril. Ces caractéristiques ne sont pas les moindres qualités du style de Georges Dillinger que je ne connais pas sinon par téléphone. Il doit avoir même caractère. On est « son » style. On est à son image. Son chapitre sur l’aspect « sociologique » du phénomène de Mai 68 n’est pas, non plus, sans intérêt. Il vaut même le détour. Ses considérations sur la « faillite des idéologies et des utopies », sur « la société marchande », sur la « société conçue comme oppressive », sur les « hippies et les beatniks », sur l’influence de la « TV » sont vraiment « mordantes »…Le lecteur ne s’ennuie pas tout au long de ses pages. Je vous assure. La conclusion de cette première partie, vraiment, peut-être retenue. b- La vraie « nature » de Mai 68 Elle nous donne la véritable nature de Mai 68 : « Si en 1968 la révolution a semblé viser de Gaulle (« la chienlit, c’est lui ») et son gouvernement, en fait, le grand ennemi, objet de toutes les haines était l’ordre moral et lui seul » (p. 90). Voilà ce que notre auteur démontre fort bien dans cette première partie. C’est pourquoi il insiste tant - il le démontrera surtout dans sa quatrième partie - sur l’idée que le siècle que nous vivons…est le triste héritage de cette révolution de Mai 68. On comprend très bien mon sous-titre : « notre dyssociété est fille de Mai 68 ». Il est, du reste, de l’auteur lui-même. D’où l’intérêt de ce regard sur Mai 68. Ne serait-ce que pour mieux « comprendre » ce siècle commençant et pour mieux lui « parler ». Ne perdons jamais notre but « missionnaire ». Ces phénomènes sociaux - nouveaux et étonnants, avouez-le ! - de « Pacs », de « mariage homosexuelle »…de drogue…de destruction de la famille, d’union libre, d’avortement…de « gay pride »…trouvent leur racine dans la destruction de l’ordre moral, destruction acquise, du moins, déjà dans les esprits en Mai 68. B - La deuxième partie est plus historique. Elle est consacrée au déroulement historique de cette révolution de la « jeunesse estudiantine». La génération « actuelle », qui n’a pas connu cette « histoire », trouvera là un bon exposé. La violence, la destruction de l’ordre, la haine contre la police, le rôle des leaders « juifs », la destruction, la haine de toute autorité, de tout pouvoir politique mais aussi familiale sont bien rendus. L’attitude du partie communiste aussi. L’impuissance du général de Gaulle et de son gouvernement, sa « panique », son découragement, son entretien avec le général Massu…C’est le fameux chapitre 11 intitulé « la zizanie »… Tout cela se lit très vite, très bien , sans ennui. Un vrai « roman ». Le lecteur, il est vrai, n’en sortira pas « gaulliste ». Mais au delà de l’aspect purement historique, ce qui est intéressant aussi c’est la démonstration, de nouveau, fort bien faite, de la nature même de cette subversion. C’est cela surtout qui est important. Il ne s’agissait nullement de renverser le pouvoir politique. Il en donne de nombreuses preuves. Il y en a une particulièrement éclairante, c’est lors de la manifestation du 22 mai. Nous sommes à la page 123 du livre : « Un fait particulièrement révélateur de l’état d’esprit des dirigeants gauchistes a eu lieu pendant ces manifestations du 22 mai. Un nombre important de manifestants, bien structuré, ont pensé que, tant qu’à faire la guerre aux services d’ordre, autant être convenablement armés. Dans ce but, ils sont tentés de fracturer le rideau qui protégeait une armurerie. Or ce ne sont pas les forces de police, bien incapables d’intervenir dans cette armée humaine, qui les ont empêchés. Ce sont deux à trois cents hommes de Krivine, bien structurés. Il est intéressant de citer les paroles de celui-ci, telles que les a restituées l’émission de France-Culture. « On a mis notre service d’ordre à coup de matraques pour empêcher des gens de piquer les armes, parce qu’on avait la compréhension du mouvement et l’on savait jusqu’où on pouvait aller…On sentait bien que ce n’était pas une révolution ? On ne pouvait pas faire n’importe quoi…En fonction des conditions qui existaient à l’époque, l’idée d’une lutte armée n’existait pas à l’époque. Et Krivine d’ajouter : « c’est aussi pourquoi, tout au long du mois de mai, ils (les soixante-huitards) se sont refusés à occuper des bâtiments officiels comme les ministères pour ne rien dire de Matignon ou de l’Elysée, ou les commissariats ». Il précise enfin qu’ils ont voulu éviter toutes les actions qui auraient pu contraindre les forces de l’ordre à faire usage des armes ».(p.123). Notre auteur, au cours de son récit historique, en donne d’autres preuves. Il semble certain que l’on puisse conclure : « Les leaders gauchistes n’ont jamais pensé à eux seuls tenter la moindre conquête politique. Leur objectif était ailleurs et ils l’ont atteint ». (p. 111) Il est donc acquis que Mai 68 n’est pas une révolution politique, pour renverser un pouvoir, le pouvoir du Général de Gaulle. Non ! Ce mouvement est d’une autre nature. De quelle nature ? Il s’agit d’un « complot intellectuel ». Georges Dillijnger l’écrit nettement : « S’il y a bien eu complot, il ne s’agit que d’un complot intellectuel ». Et il ajoute très justement : « Mais ce n’est pas le type le moins dangereux ». (p. 97). a-le rejet de la hiérarchie Il essaye d’en préciser le contours. Il insiste sur le rejet de la hiérarchie qui l’anime : « Fondamentalement, cette contestation universitaire est un refus et un rejet de la hiérarchie, récusant aussi bien les principes de l’autorité que le personnel enseignant et administratif qui détient celle-ci. A ce titre, l’état d’esprit qui sous-tend la révolte étudiante contient en germe le rejet de toute hiérarchie et autorité sociale. Le rejet qui a été le concept clé de la chienlit soixante-huitarde allait affecter tous les niveau de la société, depuis la famille jusqu’à la patrie » (p. 100). b-« libération sexuelle Il insiste aussi sur la « libération sexuelle ». Voilà une autre composante, dit-il, de ce programme « subversif ». A la page 101 il écrit : « De
même que la contestation universitaire n’était
que le germe de la contestation de toute autorité,
la revendication de la libération sexuelle - choisie
dans la mesure où la pulsion sexuelle est une des plus
fortes qui se manifeste chez l’homme - impliquait la
soif de détruire toute morale, d’éradiquer
tous les tabous, d’abolir tous les principes, de ruiner
toutes les contraintes, bref, tout ce que l’on a constaté
en Mai 68…et depuis ». c- la passivité des forces de l’ordre Il insistera, également, dans son récit historique, sur la passivité des forces de l’ordre. Faut-il conclure à la « concertation » ? à la « connivence » de l’autorité politique ? Il écrit : « l’harmonisation des tactiques entre d’une part Grimauid (et au dessus de lui Pompidou puis de Gaulle lui-même) et d’autres part les leaders de la subversion étaient donc aussi parfaite que si elle avait été arrêtée dans une concertation impliquant une complicité absolue. Sous réserve d’éviter le premier coup de feu ou de ne pas occuper les bâtiments officiels où se terraient des autorités de papier mâché, les casseurs pouvaient tout faire : saccager la voirie, brûler les voitures, piller les magasins, blesser parfois grièvement des centaines de policiers, déclencher une grève générale paralysant la France et lui coûtant des milliards sans que les forces de l’ordre n’interviennent avec la sévérité qui s’imposait. Jamais dans notre histoire un gouvernement n’a été aussi passif face à tant d’exactions et alors qu’il disposait de forces loyales considérables et du soutien d’une majorité de la population. D’un autre côté, Krivine et ses complices, au milieu des pires débordements de leurs troupes, savaient s’arrêter avec la plus extrême rigueur, exactement à la limite qui aurait acculé inévitablement les forces de police au rétablissement de l’ordre ».(p.123) Pour conclure d’un mot qui fait froid au corps : « Que de connivence entre des forces officiellement et apparemment ennemis ». (p. 124) C – la troisième partie. C’est sur ce constat que s’ouvre
la troisième partie du livre intitulée : «
Un Mai 68 aux multiples facettes ». Là, notre
auteur, dans un tout premier chapitre va donner la parole
à des représentants de la « Nouvelle Droite
». Comment ont-ils jugé cet événement
? On est surpris de la légèreté des jugements
! Jugements très superficiels ! On est intéressé
par le jugement d’Alain de Benoist. Beaucoup d’entre
eux n’en restent qu’à l’éphémère,
qu’à l’extérieur. Ils relèvent,
dans le mouvement de Mai 68, la « débauche »,
la « joie et la solidarité fraternelle et collective
», « la formidable expérience collective
de volontarisme de rupture avec le quotidien, d’abolir
le temps, les obligations » (p. 148), toute expérience
merveilleuse. Mais ils ne relèveront pas « l’irréalisme
complet », « l’utopie la plus débridée
», « la fantaisie la plus échevelée
». Et vouloir voir « l’ébauche de
nouvelles relations sociales, de nouveaux programmes de société
dépasse et de beaucoup la jobardise commune »
(p. 149). C’est le chapitre 12. Dans son chapitre 15, notre auteur revient sur le problème de la finalité politique de mai 68. Mais c’est pour confirmer son jugement. Jamais ne fut constatée la volonté du renversement du régime gaulliste. Certes le pouvoir fut tenu en échec. Et comment ! Certes Lénine, Trotski furent invoqués, leurs portraits brandis au milieu des défilés. Mais « la seule motivation qui tenait aux tripes la plupart de ces soixante-huitards était la soif de détruire cette « société oppressive », locution qui revient comme un leitmotiv…Les jeunes cependant avaient un vernis politique : on a pu s’étonner de voir des étudiants et même des lycéens brandir des portraits de Lénine et de Trotski, dont les programmes, les objectifs et les réalisations n’avaient pas le moindre rapport direct avec la situation de la France en 1968. C’est là le fruit de l’intoxication marxiste, méthodiquement développée par les médias et plus encore par les enseignants, chez lesquels la mythologie des révolutions - depuis la Révolution française - a valeur de credo. Mais, après les désenchantements consécutifs au rapport Khrouchtchev, après les normalisations successives et l’écrasement militaire des pays de l’Est, il devenait difficile d’avaler tout le credo marxiste-léniniste ; on gardait la soif de détruire habitant tous les révolutionnaires ; mais on ne croyait plus à l’utopie d’une construction qui suivrait » (p. 167) Par contre - et c’est là l’idée essentielle que cherche à démontrer Georges Dillinger : avec Mai 68 « un phénomène considérable avait surgi avec la contestation sociale : la remise en question de l’ordre moral qui structure la société »(p. 174) Voilà ce que notre auteur va démontrer dans le magnifique chapitre 16 - chapitre charnière du livre –. Il faudrait le citer et le lire en entier. Il y a là 10 pages qui font vibrer. Il a pour titre : « la sape des piliers de la société au profit de l’individu roi ». Il va dénoncer « cette œuvre quasiment satanique de dynamitage de la société » (p. 180) qui s’est inspirée « de l’idéologie partagée depuis quelques années par les groupes hippies. Il écrit tout au début de son chapitre son idée fondamentale : « Le mouvement de Mai 68 a été l’explosion à l’échelle de nations entières de l’idéologie partagée depuis quelques années par les groupes hippies. Ce mouvement s’est attaqué à certains piliers de la société humaine qui soutenaient la civilisation occidentale en générale et française en particulier : le sacré, la charité, la morale, le civisme, la culture… »(p. 179) Voilà sa thèse clairement affirmée: « Dans les révolutions politiques du XXe siècle, les acteurs cherchaient à arracher les populations au joug de l’impérialisme et de l’exploitation capitalistes. La révolution de 68 avait un objectif infiniment plus radical et global : elle était la négation de toute autorité, de toute hiérarchie, de tout ordre, de toute contrainte, de tout tabou. On s’en est pris à toutes les formes de pouvoir ». (p. 179). Mais attention, n’oubliions jamais ce caractère« avec une violence destructrice extrême ». Mai 68 ne fut pas un jeu de fillettes. Ceux qui ne l’ont pas vu, ne peuvent se l’imaginer. Il faut pourtant qu’ils le sachent et s’en souviennent. Georges Dillinger y insiste a juste titre. Il écrit : « Au chapitre du civisme encore, je dois revenir sur les comportements des soixantes-huitards à l’égard des forces de maintien de l’ordre. Au delà de la stupidité, de la monstruosité de slogans tels que « C.R.S.= S.S. », il y a eu pendant près d’un mois ces affrontements toujours suscités par les émeutiers d’une violence inouïe. On ne saurait imaginer pire incitation à la haine meurtrière à l’égard de compatriotes, une telle rage de faire couler le sang, de déchaîner le mal à l’encontre de leurs prochains qui ne faisaient que leur devoir et qui, comme l’a remarqué justement Pasolini en Italie, étaient en général plus prolétaires et plus fils de pauvres que ces petits salopards de fils de bourgeois qui leur assénaient billes de fonte et pavés avant d’aller retrouver, leurs forfaits accomplis, la quiétude l’home paternel. Ces attitudes induites par des meneurs pervers dénotent chez ceux-ci à la fois la haine de l’homme, la haine de l’ordre et, par dessus tout la haine de la France ». (p. 180) Et notre auteur passe en revue les différents piliers de la société qui furent rejetés, attaqués. a- le rejet de toute tradition Il commence d’abord par citer : « le rejet de toute tradition ». et plus particulièrement par le rejet de la culture et du travail. Ce rejet de toute tradition, de la culture transmise, du travail aimé a été « développé à titre expérimental chez les hippies ». Il se trouve, aujourd’hui , dans tout le système scolaire. Là on fait « l’apologie systématique » et l’on voit « le triomphe de la subjectivité, de la spontanéité, de la créativité et de la liberté individuelle, toutes valeurs( ?) nouvelles substituées à l’enseignement de l’instituteur ou du professeur à l’élève, du maître au disciple. Laisser s’écouler sa créativité devenait plus important que le travail visant au progrès et au développement d’une tradition toujours respectée et toujours source de formation ». Tel est l’esprit actuel qui domine toute pédagogie dans notre enseignement et public et privé et religieux. Et bien cet esprit, cause du délabrement profond de notre enseignement public… « est dû en grande partie aux métastases de plus en plus totales de l’esprit de 68. Le refus de toute autorité - celle de la discipline, celle des connaissances, celle des vertus -, la perte du goût de l’effort, l’horreur de l’émulation, un égalitarisme avilissant et ramenant tout le monde au plus bas niveau, tels ont été les chevaux de bataille » de Mai 68. Tout cela enfonce notre jeunesse dans une misère poignante ». (p. 182) b- rejet de la famille L’esprit soixante-huitard : c’est le refus de la famille. Plus encore l’ennemi par excellence c’est la famille. Ce qui donne lieu a un magnifique passage que je ne résiste pas à vous faire lire : « Dans cette entreprise de destruction radicale de la société, la famille - la famille dite patriarcale - devait être l’ennemi par excellence. La famille traditionnelle est le fondement de la société, l’autorité et l’ordre y sont indissociablement unis à l’affection et à l’amour. C’est la famille qui fait d’un nouveau-né, vagissant et ne possédant rien si ce ne sont ses virtualités, l’ébauche d’une personne humaine dont l’éducation sera complétée - mais seulement complétée - par l’école et par la société. Il n’est donc pas étonnant que de nombreux penseurs gauchistes –dont Wilhelm Reich - ont même pensé que la destruction de la famille était un préalable à toute véritable révolution et toute émancipation totale. Pendant des siècles, la famille a communiqué l’esprit du sacré et de la charité. Elle a transmis la morale, y compris ses interdits et ses tabous. Elle a été le berceau du civisme. Elle a été le premier lieu de transmission de la culture et elle a vénéré le travail dont elle donnait l’exemple. En vérité, il fallait détruire la famille. Un slogan suffira pour donner le ton du combat soixante-huitards dans ce domaine éminemment sacré : « papa pue ». Rappelons que ce slogan a même été prononcé - devant témoins – par des jeunes filles de bonne famille, dit-on, mais probablement de toutes petites cervelles. Il atteste de cette volonté de contestation familiale attisée jusqu’à la haine ». (p. 183) c- rejet de la morale L’esprit soixante-huitards c’est
aussi « le rejet catégorique de la morale, de
ses interdits, de ses idéaux » (p. 183) d- idéologie antisociale Si donc Mai 68 peut se définir comme étant le « triomphe de l’hédonisme, du matérialisme de cet appétit de vivre et de jouir sans entraves et sans contraintes, sans tabous et sans morale » cet esprit ne peut pas ne pas engendrer l’individualisme le plus absolu. Voilà un autre caractéristique de Mai 68 : « l’esprit d’anarchie allait gangrené toute notre société et y développer un individualisme absolu » (p. 188) laissant l’individu dans une solitude terrible, nourri qu’il est par cette « idéologique antisociale » (190) qui ne peut finir que par être fatale. D – La quatrième partie Et c’est sur ces paroles que s’ouvrent la quatrième partie intitulée : « Et enfin de la mauvaise graine foisonne l’ivraie ». Là, il développe l’idée fondamentale du livre : l’importance majeure de l’idéologie de Mai 68 dans la vie sociale actuelle. Il écrit - et le démontre tout au long de cette quatrième partie- : « Je crois l’évènement important, porteur de bien d’autres choses que des utopies plus ou moins folkloriques véhiculées et proclamées par quelques étudiants immatures » (p. 203). L’idéologie subversive de Mai 68, à savoir sa soif libertaire, son rejet de toutes les contraintes, de toute autorité, la satisfaction de toutes les pulsions, l’égocentrisme le plus cynique, a subverti les valeurs traditionnelles qui faisaient vivre la société d’hier, a conquis toute la classe politique. Non Mai 68 n’est pas obsolète. Mais bien au contraire triomphant. Il est devenu une composante essentielle de l’esprit moderne et mondialiste. Voilà la thèse essentielle de ce livre . Georges Dillinger écrit : « C’est partout le triomphe de l’esprit de 68 ! Cet esprit de 68 reste présent et fait même preuve d’une extrême vigilance dans toute l’intelligentsia, qu’elle soit politicienne ou médiatique. Ses tables de la loi sont la doctrine des droits de l’homme ou plus exactement, l’esprit des droits de l’homme, c’est-à-dire un souci obsessionnel en faveur de l’individu et mieux encore - pour assurer la prééminence absolue de l’individu - en faveur de quiconque a transgressé les habitudes, les normes, les lois, les tabous de la société : le marginal, l’inactif, le délinquant, le criminel, le « hors-modèle » en règle général ». (p. 208) C’est l’idée central de son important chapitre 18. Et il poursuivra cette idée pour en montrer le bien fondé dans tout son chapitre 20 qui contient des affirmations particulièrement pertinentes. Donnons-en quelques unes. Au début du Chapitre 20, vous pouvez lire : « Mai 68 et ses slogans - dont le fameux « Il est interdit d’interdire - n’a été qu’un cri en faveur de la liberté, de toutes les libertés. Et les séquelles de 68…résultent pour la plupart de cette exaspération de l’esprit libertaire, la liberté débouchant sur un hédonisme sans freins et sans limites, liberté de piétiner les commandements, la morale, ses interdits, ses tabous, ses devoirs, ses satisfactions, liberté à l’égard de toutes les contraintes, de tous les devoirs imposés par l’encadrement social et en particulier par la patrie, liberté de se détruire par les risques inconsidérés et stupides, par le suicide ou pire encore par la drogue, liberté de s’affranchir de toute famille, de toute communauté, liberté de mépriser et d’ignorer même tout un immense patrimoine culturel .. En 68, les contestataires, dans leur fureur de détruire tout ordre moral, étaient animés d’une rage homicide à l’encontre des forces de l’ordre. Depuis les clameurs se sont tues et la haine de tout ordre, de toute tradition, de toute morale, de tout patrimoine s’exerce autrement, recourant à des voies légales, sûres d’elles-mêmes et dominatrices, iniques et monstrueuses. Et ces lois si scandaleuses sont utilisées systématiquement par des associations anti-françaises, par des lobbies haineux, trouvant trop souvent des magistrats complaisants à leurs desseins ou acquis aux mêmes convictions. Et c’est la chasse au français fier de l’être, sous le prétexte mensonger de racisme et de xénophobie. C’est la pensée unique, substituée à la plus élémentaire liberté d’expression avec les lois Pleven et Gayssot. C’est le Code pénal de mars 1994, qui punit de la façon la plus lourde, sous le nom de discrimination, toute distinction opérée au motif de la nationalité. Dans le même esprit, c’est la télévision et l’ensemble des médias, c’est l’école qui combattent notre passé, tout ce qui a fait notre armature morale par la culpabilisation, par le mensonge, par la dérision ». (p. 214) ; Beaucoup des chapitres de cette quatrième partie sont de cette veine. Il faut lire le chapitre 21. Il le consacre à la morale, à la femme, à la famille. C’est le titre même du chapitre. Il démontre qu’en tous ces domaines « Mai 68 a ouvert une ère nouvelle »(p. 222) Nous nous limiterons à ce constat terrifiant et pourtant véridique : « Les premières réunions aux Beaux-arts des pédérastes et des lesbiennes ont rempli d’aise certains leaders de la contestation. Ils ne s’y trompaient pas : ils savaient quelle machine infernale ils mettaient en route. Et, effectivement, au cours des trente années écoulées depuis, on est passé de pratiques honteuses, dissimulées à des attitudes impudentes, arrogantes, agressives. Pour finir, au cours de ces toutes dernières années, à des invraisemblables défilés de pédérastes qui ont déshonoré nos grandes villes et en particulier notre capitale. Et, là encore, le mal spirituel qui gangrenait notre intelligentsia et nos lobbies s’est propagé sans obstacles, sans limites, à ceux qui devraient être nos élites et en particulier au corps législatif. Et enfin, en cette année 1999, avec le trop fameux PACS, notre République française a accordé à ces couples et ces pratiques contre-nature un statut le rapprochant de celui du mariage : une sorte de singerie de mariage assortie de nombreux avantages sociaux, sinon successoraux et autres. Ainsi les mêmes pratiques qui ont déchaîné la colère de Dieu et la destruction de Sodome et Gomorrhe reçoivent en cette fin de millénaire un label de normalité et de respectabilité qui suffit à déshonorer notre époque ». (p. 222). Tout ce chapitre est de la même veine.
C’est à lire. Le chapitre 24, tout consacré à la jeunesse et à l’enseignement, est particulièrement « poignant ». Là, on peut mesurer le drame que nous vivons en France. Notre auteur revient sur la pédagogie contemporaine qui anime la « transmission du savoir ». L’auto discipline a supplanté la discipline. L’auto évaluation a supplanté l’évaluation. L’enfant doit lui-même construire son savoir et s’épanouir librement suivant son projet personnel. On ne veut parler aujourd’hui que de « spontanéité » et de « créativité ». Il écrit : « ce qui affecte le plus gravement l’école, c’est l’éradication de l’autorité ; c’est-à-dire précisément la caractéristique fondamentale de l’esprit de 68 » (p. 247) La conclusion du livre est à la fois terrible et plein d’espérance. Je veux vous la donner intégralement
: « L’hégémonie de plus en plus
totale du rationalisme, de la technique, de la science et
du matérialisme propres à notre modernité
a ébranlé, voire détruit, les fondements
de la société traditionnelle, sacralisée
équilibrée. Ce sont là les conditions
profondes qui sont à la source de Mai 68. Mais, suivant
un phénomène de rétroaction classique,
Mai 68 avec sa haine farouche de toute autorité humaine,
civique, morale, spirituelle, transcendante, avec ses débordements
et ses désordres et l’impunité dans laquelle
ils se sont déroulés, a auto-aggravé
cette désagrégation sociale, phénomène
majeur de notre époque. Le crépuscule précède la nuit qui, normalement, va voir renaître l’aurore. Mais, en ce tournant de millénaire, qui pourra affirmer qu’il y aura une aurore, et dans l’affirmative, sous quelle forme ? Il reste cependant une question. Et cette
question révèle non point une lumière
mais une lueur d’espérance dans les ténèbres
qui nous entourent. Mai 68 proclamait : « il est interdit
d’interdire ». Et, depuis trente ans, cet esprit
libertaire a totalement triomphé, pourquoi ces gens
là nous appliquent-ils l’intolérance absolue
? Pourquoi Mai 68, qui dénonçait avec fureur
la société oppressive, a-t-il pour descendance
le totalitarisme du politiquement correct ? Pourquoi l’intelligentsia,
qui tient tous les pouvoirs en mains, est-elle aussi acharnée
par exemple à l’encontre de la tradition catholique,
attaché non point au passé - comme on le dit
- mais à un progrès quoi s’enracine dans
la tradition et qui est le seul qui ne soit pas utopique ?
28 août 1998- 10 mars 2000. Georges Dillinger. Ma conclusion : ce livre est une bonne analyse
politique de la situation dans laquelle se trouve notre pays.
Il doit être lu. Vous trouverez également sur le site
ITEM, dans la rubrique LNDC au 9 mai un article intitulé
: « Notre dyssociété est fille de Mai
68 » qui, finalement est un merveilleux résumé
de ce livre par Georges Dillinger lui-même. Il l’avait
publié, cet article, voici quelques mois dans «
Présent ». Cet article m’avait plus avant
même que je connaisse son livre . Si vous n’avez
pas le temps de lire le livre, lisez au moins cet article.
Il est très riche et substantiel. Il vous donnera le
goût d’aller acheter le livre lui-même.
|