Paroisse
catholique Saint Michel
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Du 10 au 17 mai 2008 |
Homélie prononcée par le Père Louis-Marie de Blignières, fondateur et Prieur de la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier ( www.chemere.org ), au cours de la Messe solennelle en rit dominicain, (1) pour la clôture du 26e pèlerinage de Notre-Dame de Chrétienté. Monseigneur, mes chers amis, I. L’Immaculée donne
la vie, parce qu’elle est Mère. Si la
Mère de Dieu a été préservée,
dès sa conception, de toute atteinte du péché,
c’est pour être le canal translucide de la naissance
de Dieu en ce monde : Marie est Immaculée, parce qu’elle
est la femme revêtue du Soleil de justice (cf. Ap 12,
1), qui est le Christ, elle est toute entière relative
au Christ, elle nous renvoie sans cesse à lui, elle
forme en nous ses vertus. Marie est l’icône incandescente
de la vie morale, elle lui donne son vrai sens : être
le rayonnement du mystère du Christ en nous ! C’est
elle qui nous revêt du Christ par sa médiation
maternelle. Or le Christ, l’Homme-Dieu, est le seul
qui puisse nous faire vivre de la vraie justice, qui est le
droit des autres, reconnu et respecté par nos devoirs.
En une époque marquée par un égocentricisme
souvent délirant, le Christ nous donne la clé
de la vie sociale : « fais à autrui ce que tu
désires qu’il te fasse » (cf. Mt 7, 12).
Et cette attention à l’autre, qui suppose le
renoncement, voire l’héroïsme, n’est
cependant pas une frustration, mais un épanouissement
: car le droit fondamental de chacun n’est pas une déclaration
abstraite, mais un devoir, attaché à la possibilité
concrète de respecter autrui et de faire grandir son
humanité. Eh bien, l’Immaculée, qui est
Mère, donc source et protectrice de vie, diffuse «
le climat de la grâce » (Péguy), où
le devoir est accompli de façon heureuse et vivante,
comme un exercice de piété filiale. Marie a
porté Dieu-Enfant en son sein (Notre Dame de Guadalupe
nous y renvoie), Marie a assisté avec Jésus
les derniers instants de saint Joseph (la vision de la Sainte
Famille à Fatima nous le rappelle), Marie enfin a offert
au Père la mort de son Fils : l’Immaculée
a ainsi fait du respect de la vie, de sa conception à
sa fin naturelle, l’élément fondamental
de toute existence épanouie, ouverte sur sa finalité
qui est Dieu. Aussi nous invite-t-elle, au-delà de
l’égoïsme institutionnalisé qui enferme
l’homme dans l’amertume d’une revendication
permanente, a bâtir une Cité de la piété
filiale, où nous aiderons toutes les mères à
recevoir le miracle de la vie comme une nouvelle aventure
de l’histoire du Christ total ; où nous accompagnerons
toutes les souffrances des fins de vie, comme rayonnantes
pour le salut de tous, en union avec la Passion de Jésus. II. L’Immaculée répand
la douceur, parce qu’elle est Vierge et Epouse.
Elle est la femme éternelle : « C’est par
Marie que le mystère métaphysique de la femme
se dévoile. Le dogme de l’Immaculée conception
plonge dans la splendeur de l’aurore de la création
» (Gertrud von Le Fort). L’Immaculée est
celle qui met de « l’ordre dans l’amour
». L’amour entre les hommes, à cause du
péché, est menacé par la domination et
la concupiscence. L’Immaculée structure l’amour
humain dans la force et la tempérance, elle le met
dans l’ordre : reposant dans l’amour de Dieu,
animé par la charité du Christ reçue
dans l’Esprit, ordonné aux joies éternelles.
L’Immaculée est Vierge, c’est-à-dire
femme passionnée de l’amour de son Créateur,
à tel point qu’il est la source vive de toutes
ses autres dilections ; elle est Epouse du Saint-Esprit, qui
la transforme dans l’esprit des Béatitudes du
Christ, condensé dans le Magnificat ; enfin elle est
épouse de saint Joseph, et elle place ce bel amour
humain dans le nimbe de la douceur divine. En un temps flétri
par la violence et la sexualité désordonnée,
où les pornocrates dégradent la femme en objet
de consommation, nos cœurs ont la nostalgie de la pudeur,
de l’onction, de la douceur féminines. La femme
doit être par sa distinction, par sa réserve,
par sa beauté sans séduction, la « sentinelle
de l’invisible » (Jean-Paul II), afin que l’homme
puisse – soutenu par sa compagne – être
le soldat des combats de ce monde visible. Eh bien, l’Immaculée,
la Vierge-Epouse, nous aidera à reconstruire une Cité
du respect de la femme. « C’est le catholicisme
qui a énoncé sur la femme les propositions les
plus fortes qui aient jamais été prononcées
» (Gertrud von Le Fort). Loin du modèle repoussant
de l’érotisme des sociétés occidentales,
loin de la dégradation révoltante de la condition
de la femme en islam, l’Immaculée fera refleurir
la discrétion, les modes et le langage qui sont ceux
de mères, d’épouses et de sœurs chrétiennes,
conscientes de leur immense influence sur leurs compagnons
masculins. L’Immaculée nous donnera de vivre
les combats du courage et de la belle chasteté, dans
une courtoisie qui est fleur de charité, et dans le
charme d’une douceur qui vient d’un autre monde. III. L’Immaculée ranime
l’espérance, car elle est l’Enfant
par excellence. Elle celle dont tout l’être, dès
le premier instant de la conception, est un don de grâce.
Au moment même où elle est créée,
le baiser du Verbe éternel la touche si intimement
qu’elle est rachetée « d’une façon
plus admirable encore » (Bx Pie IX) : elle est d’un
seul coup pleinement réussie, tant dans l’ordre
de la nature que dans celui de la grâce, elle est bellement
et simplement enfant de Dieu. Elle est celle qui sort en riant,
comme une aurore tout de suite brillante, des mains du Créateur,
celle qui charme son cœur, telle une enfant gracieuse
qui réjouit ses parents. C’est pourquoi elle
nous rafraîchit dans l’espérance, comme
le font tous les enfants. Le simple fait de la regarder, ou
plutôt de nous laisser regarder par elle, nous rassérène
et nous dynamise. « Le regard de la Vierge est le seul
regard vraiment enfantin, le seul regard d’enfant qui
se soit levé sur notre honte et notre malheur »,
nous dit Bernanos. Et ce regard transmet, de façon
appropriée à notre timidité, le pardon
du Christ, il fait refleurir en nous la petite sœur espérance
: « Ce regard est celui de la tendre compassion, de
la surprise douloureuse, d’on ne sait quel sentiment
encore, inconcevable, inexprimable, qui la fait plus jeune
que le péché, plus jeune que la race dont elle
est issue et, bien que Mère par la grâce, Mère
des grâces, la cadette du genre humain. » Nous
sentir regardés par elle, qui est totalement, comme
personne créée, de notre côté,
cela infuse en nous la certitude d’être aimés,
tels des enfants blessés, du Dieu dont elle est l’Enfant
toute innocente. Ce regard enfantin se porte sur tout être
humain, si handicapé, si douloureux et contradictoire
qu’il soit. Il nous rappelle la dignité incommensurable
de la personne humaine, dont la nature a été
créée à l’image de son Fils, et
qui est personnellement appelée à l’Alliance
éternelle. Quelles que soient ses misères, l’homme
a une certitude épanouissante, transmise par le beau
regard d’une Enfant : il est aimé d’un
mystérieux amour, éternel comme Dieu, et fidèle
comme le Christ. En un temps de relativisme, de fausse prudence,
de domination matérialiste de l’argent, quel
trésor à communiquer à tous que cette
certitude ! L’Immaculée nous aidera, par delà
les tristes cités de la désespérance,
bornées par l’injustice, l’absurde et la
mort, à construire, comme lieu de l’amitié
politique et de la prudence qui conduit vers le Ciel, une
Cité de l’admiration. Une société,
non plus obnubilée par la construction utopique du
« meilleur des mondes », mais responsable du prochain
concret, et ouverte sur l’éternel. Une cité
attentive à s’étonner, à remercier,
à combattre certes le mystère d’iniquité,
mais en s’extasiant d’abord du mystère
de bonté, dont l’Immaculée est le reflet
le plus pur. Une cité, non plus affairée autour
du seul rendement matériel et de l’efficacité
à tout prix, mais qui prend son temps pour la vie de
l’esprit, pour l’art, et pour l’étonnement
(car une société où plus rien n’étonne
serait le parvis de l’enfer). Une cité qui sait
que le réel est plus grand que nous, et qui fait de
la recherche du vrai le premier des droits, en respectant
les cheminements de chacun et le mystère des libertés.
Une cité de l’espérance, où l’enfant
et le jeune sont heureux, parce que, au lieu de se voir enfermés
dans leur narcissisme, ils aperçoivent un but qui les
dépasse : aimés sans être adulés,
ils sont encouragés et sanctionnés, et reçoivent
les repères de la loi naturelle et de la loi du Christ,
conditions de leur liberté. Une cité de l’admiration
est une cité où l’éducation est
la première charité, car elle prépare
des « amants de la beauté spirituelle »
(S. Augustin), à l’image de Celle qui gardait
sans cesse, au milieu des plus humbles tâches, le regard
de son cœur sur la Beauté souffrante et transfigurée
du Christ (cf. Lc 2, 19 et 51). Conclusion. Mes chers amis,
l’Immaculée, notre vie, notre douceur et notre
espérance, nous demande d’être les apôtres
des vertus qu’elle met sous nos yeux de façon
si enthousiasmante. Après ces trois jours si riches,
que faire ? Si ce n’est donner aux autres la joie de
ce trésor ! La chrétienté est précisément
une Cité de la piété filiale, du respect
de la femme et de l’admiration, dont l’Immaculée
nous révèle la splendeur et le rayonnement apostolique.
L’Immaculée nous a donné à Fatima
un grand moyen pour faire rayonner sur les autres le bonheur
de connaître le Christ, et ainsi obtenir la conversion
de nos nations et la paix : c’est la communion réparatrice
des cinq premiers samedis du mois. Une croisade de pèlerins
sanctifiant les premiers samedis, en l’honneur du Cœur
immaculé, s’associant massivement aux Rosaires
pour la vie dans nos Cathédrales, en accord avec les
pasteurs, produira des fruits immenses de sainteté.
Pourquoi négliger ce pacifique moyen, qui serait aussi
un puissant témoignage d’unité spirituelle
de tous ceux qui – dans la communion de l’Eglise
– sont attachés aux pédagogies traditionnelles
de la foi ? Amis pèlerins, en ce cent-cinquantième
anniversaire de Lourdes, l’heure est favorable ! Le
monde fatigué, issu des fausses Lumières, se
fissure, et ne diffuse plus qu’impuissance à
aimer et angoisse de l’âme. Ceux qui gémissent
sous la dictature du relativisme, sous la tyrannie de l’hédonisme,
ou sous le joug mental de l’islam, attendent que vous
les meniez, par la grâce de la communion réparatrice,
à l’Immaculée. Pour eux aussi, la tristesse
du vieux monde doit s’effacer devant la joie de l’Immaculée,
notre vie, notre douceur et notre espérance. (1)Le rit dominicain La Fraternité Saint-Vincent-Ferrier
utilise le rit dominicain, en vertu d’un indult du Saint-Siège.
C’est l’une des formes traditionnelles du rit
latin. Lorsqu’en 1570, saint Pie V restaura le rit romain
connu sous son nom et le rendit obligatoire pour les latins,
il autorisa tous les rits qui pouvaient prouver une ancienneté
de plus de 200 ans. Ainsi ont pu se maintenir les rits propres
de certains diocèses (Lyon, Milan, Tolède) et
de certains ordres religieux (Chartreux, Carmes, Dominicains).
Remarquons que ces religieux disaient toujours la messe dans
le rit de leur Ordre, même dans le ministère
paroissial. Quelles sont les différences pour les
fidèles ? A la messe solennelle, elles sont minimes
: -on ne répond pas Deo gratias à la fin du
chant de l’épître ;
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