Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

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Du 28 au 4 octobre 2008


Saint Paul et les apôtres
Le Concile de Jérusalem.

 

 

A- Saint Paul et les Apôtres.

Nous publions ci-dessous le texte intégral du discours prononcé le mercredi 24 septembre par le pape Benoît XVI au cours de l'audience générale, place Saint-Pierre.


Chers frères et sœurs !

Je voudrais parler aujourd'hui des relations entre saint Paul et les Apôtres qui l'avaient précédé à la suite de Jésus. Ces relations furent toujours marquées par un profond respect et par une franchise qui, chez saint Paul, dérive de la défense de la vérité de l'Evangile. Même s'il était, dans les faits, contemporain de Jésus de Nazareth, il n'eut jamais l'occasion de le rencontrer, au cours de sa vie publique. C'est pourquoi, après avoir été foudroyé sur le chemin de Damas, il ressentit le besoin de consulter les premiers disciples du Maître, qui avaient été choisis par Lui pour en porter l'Evangile jusqu'aux extrémités de la terre.
Dans la Lettre aux Galates, Paul rédige un compte-rendu important sur les contacts entretenus avec plusieurs des Douze : avant tout avec Pierre qui avait été choisi comme Kephas, le terme araméen qui signifie le roc sur lequel on édifiait l'Eglise (cf. Ga 1, 18), avec Jacques, « le frère du Seigneur » (cf. Ga 1, 19), et avec Jean (cf. Ga 2, 9): Paul n'hésite pas à les reconnaître comme « les colonnes » de l'Eglise. La rencontre avec Céphas (Pierre), qui eut lieu à Jérusalem, est particulièrement significative : Paul resta chez lui pendant 15 jours pour « le consulter » (cf. Ga 1, 19), c'est-à-dire pour être informé sur la vie terrestre du Ressuscité, qui l'avait « saisi » sur la route de Damas et qui était en train de lui changer l'existence, de manière radicale : de persécuteur à l'égard de l'Eglise de Dieu, il était devenu évangélisateur de cette foi dans le Messie crucifié et Fils de Dieu, que par le passé il avait cherché à détruire (cf. Ga 1, 23).
Quel genre d'informations Paul obtint-il sur Jésus Christ pendant les trois années qui suivirent la rencontre de Damas ? Dans la première Lettre aux Corinthiens nous pouvons noter deux passages, que Paul a découverts à Jérusalem, et qui avaient déjà été formulés comme éléments centraux de la tradition chrétienne, tradition constitutive. Il les transmet verbalement, tels qu'il les a reçus, avec une formule très solennelle : « Je vous ai transmis ceci, que j'ai moi-même reçu ». Il insiste sur la fidélité à ce qu'il a lui-même reçu et qu'il transmet fidèlement aux nouveaux chrétiens. Ce sont des éléments constitutifs et qui concernent l'Eucharistie et la Résurrection ; il s'agit de passages déjà formulés dans les années trente. Nous arrivons ainsi à la mort, la sépulture au cœur de la terre et la résurrection de Jésus (cf. 1 Co 15, 3-4). Prenons l'un et l'autre. Les paroles de Jésus au cours de la Dernière Cène (cf. 1 Co 11, 23-25) sont réellement pour Paul le centre de la vie de l'Eglise : l'Eglise s'édifie à partir de ce centre, en devenant ainsi elle-même. Outre ce centre eucharistique, dans lequel naît toujours à nouveau l'Eglise - également pour toute la théologie de saint Paul, pour toute sa pensée - ces paroles ont eu une profonde répercussion sur la relation personnelle de Paul avec Jésus. D'une part, elles attestent que l'Eucharistie éclaire la malédiction de la croix, la transformant en bénédiction (Ga 3, 13-14) et, de l'autre, elles expliquent la portée de la mort et de la résurrection de Jésus. Dans ses Lettres, le « pour vous » de l'institution eucharistique devient le « pour moi » (Ga 2, 20), personnalisant, sachant qu'en ce « vous » il était lui-même connu et aimé de Jésus, et d'autre part « pour tous » (2 Co 5, 14) : ce « pour vous » devient « pour moi » et « pour l'Eglise (Ep 5, 25) », c'est-à-dire également « pour tous » du sacrifice expiatoire de la croix (cf. Rm 3, 25). A partir de l'Eucharistie et dans celle-ci, l'Eglise s'édifie et se reconnaît comme « Corps du Christ » (1 Co 12, 27), nourri chaque jour par la puissance de l'Esprit du Ressuscité.

L'autre texte sur la Résurrection nous transmet à nouveau la même formule de fidélité. Saint Paul écrit : « Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j'ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Ecritures, et il a été mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Ecritures, et il est apparu à Pierre, puis aux Douze » (1 Co 15, 3-5). Dans cette tradition transmise à Paul revient également ce « pour nos péchés », qui met l'accent sur le don que Jésus a fait de lui-même au Père, pour nous libérer des péchés et de la mort. De ce don de soi, Paul tirera les expressions les plus captivantes et fascinantes de notre relation avec le Christ : « Celui qui n'a pas connu le péché, Dieu l'a pour nous identifié au péché des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu » (2 Co 5, 21) ; « Vous connaissez en effet la générosité de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2 Co 8, 9). Il vaut la peine de rappeler le commentaire par lequel celui qui était alors un moine augustin, Martin Luther, accompagnait ces expressions paradoxales de Paul : « Tel est le mystère grandiose de la grâce divine envers les pécheurs : que par un admirable échange nos péchés ne sont plus les nôtres, mais du Christ, et la justice du Christ n'est plus du Christ, mais la nôtre » (Commentaire sur les Psaumes de 1513-1515). Et ainsi nous sommes sauvés.
Dans le kerygma original, transmis de bouche à oreille, il faut souligner l'usage du verbe « il est ressuscité », au lieu de « il fut ressuscité » qu'il aurait été plus logique d'utiliser, en continuité avec « il mourut.. et fut enseveli ». La forme verbale est choisie pour souligner que la résurrection du Christ influence jusqu'à l'heure actuelle l'existence des croyants : nous pouvons le traduire par « il est ressuscité et continue à vivre » dans l'Eucharistie et dans l'Eglise. Ainsi toutes les Ecritures rendent témoignage de la mort et de la résurrection du Christ car - comme l'écrira Ugo di San Vittore - « toute la divine Ecriture constitue un unique livre et cet unique livre est le Christ, car toute l'Ecriture parle du Christ et trouve dans le Christ son accomplissement » (De arca Noe, 2, 8). Si saint Ambroise de Milan peut dire que « dans l'Ecriture nous lisons le Christ », c'est parce que l'Eglise des origines a relu toutes les Ecritures d'Israël en partant du Christ et en revenant à Lui.
L'énumération des apparitions du Ressuscité à Céphas, aux Douze, à plus de cinq cent frères et à Jacques se termine par la mention de l'apparition personnelle, reçue par Paul sur le chemin de Damas : « Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l'avorton que je suis » (1 Co 15, 8). Ayant persécuté l'Eglise de Dieu, il exprime dans cette confession son indignité à être considéré apôtre, au même niveau que ceux qui l'ont précédé : mais la grâce de Dieu en lui n'a pas été vaine (1 Co 15, 10). C'est pourquoi l'affirmation puissante de la grâce divine unit Paul aux premiers témoins de la résurrection du Christ : « Bref, qu'il s'agisse de moi ou des autres, voilà notre message, et voilà notre foi » (1 Co 15, 11). L'identité et le caractère unique de l'Evangile sont importants : aussi bien eux que moi prêchons la même foi, le même Evangile de Jésus Christ mort et ressuscité qui se donne dans la Très Sainte Eucharistie.

L'importance qu'il confère à cette Tradition vivante de l'Eglise, qu'il transmet à ses communautés, démontre à quel point est erronée la vision de ceux qui attribuent à Paul l'invention du christianisme : avant de porter l'évangile de Jésus Christ, son Seigneur, il l'a rencontré sur le chemin de Damas et il l'a fréquenté dans l'Eglise, en observant sa vie chez les Douze et chez ceux qui l'ont suivi sur les routes de la Galilée. Dans les prochaines catéchèses, nous aurons l'opportunité d'approfondir les contributions que Paul a apportées à l'Eglise des origines ; mais la mission reçue par le Ressuscité en vue d'évangéliser les païens a besoin d'être confirmée et garantie par ceux qui lui donnèrent leur main droite, ainsi qu'à Barnabé, en signe d'approbation de leur apostolat et de leur évangélisation et d'accueil dans l'unique communion de l'Eglise du Christ (cf. Ga 2, 9). On comprend alors que l'expression « nous avons compris le Christ à la manière humaine » ( 2 Co 5, 16) ne signifie pas que son existence terrestre ait eu une faible importance pour notre maturation dans la foi, mais qu'à partir du moment de sa Résurrection, notre façon de nous rapporter à Lui se transforme. Il est, en même temps, le Fils de Dieu, « né de la race de David ; selon l'Esprit qui sanctifie, il a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d'entre les morts, lui, Jésus Christ, notre Seigneur », comme le rappellera Paul au début de la Lettre aux Romains (1, 3-4).
Plus nous cherchons à nous mettre dans les traces de Jésus de Nazareth sur les routes de la Galilée, plus nous pouvons comprendre qu'il a pris en charge notre humanité, la partageant en tout, hormis le péché. Notre foi ne naît pas d'un mythe, ni d'une idée, mais bien de la rencontre avec le Ressuscité, dans la vie de l'Eglise.

B- Saint Paul et le Concile de Jérusalem.


Nous publions ci-dessous le texte intégral du discours prononcé le mercredi Ier octobre par le pape Benoît XVI au cours de l'audience générale, place Saint-Pierre.


Chers frères et sœurs,

Le respect et la vénération que Paul a toujours cultivés à l'égard des Douze ne font pas défaut lorsqu'il défend avec franchise la vérité de l'Evangile, qui n'est autre que Jésus Christ, le Seigneur. Nous voulons aujourd'hui nous arrêter sur deux épisodes qui démontrent la vénération et, dans le même temps, la liberté avec laquelle l'Apôtre s'adresse à Céphas et aux autres Apôtres : ce qu'on appelle le « Concile » de Jérusalem et l'incident d'Antioche de Syrie, rapportés dans la Lettre aux Galates (cf. 2, 1-10 ; 2, 11-14).

Chaque Concile et Synode de l'Eglise est « un événement de l'Esprit » et contient dans son accomplissement les instances de tout le peuple de Dieu : ceux qui ont reçu le don de participer au Concile Vatican II en ont fait personnellement l'expérience. C'est pourquoi saint Luc, en nous informant sur le premier Concile de l'Eglise, qui s'est déroulé à Jérusalem, commence ainsi la lettre que les Apôtres envoyèrent en cette circonstance aux communautés chrétiennes de la diaspora : « L'Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé... » (Ac 15, 28). L'Esprit, qui agit dans toute l'Eglise, conduit les Apôtres par la main pour entreprendre de nouvelles routes en vue de réaliser ses projets : c'est Lui l'artisan principal de l'édification de l'Eglise.

L'assemblée de Jérusalem se déroula pourtant à un moment de tension importante au sein de la Communauté des origines. Il s'agissait de répondre à la question s'il fallait demander la circoncision aux païens qui adhéraient à Jésus Christ, le Seigneur, ou s'il était licite de les laisser libres par rapport à la Loi mosaïque, c'est-à-dire par rapport à l'observance des normes nécessaires pour être des hommes justes, qui obtempèrent à la Loi, et surtout libres par rapport aux normes concernant les purifications cultuelles, les aliments purs et impurs et le Sabbat. Saint Paul parle également de l'assemblée de Jérusalem dans Ga 2, 1-10 : quatorze ans après la rencontre avec le Ressuscité à Damas - nous sommes dans la deuxième moitié des années 40 ap. J. C. - Paul part avec Barnabé d'Antioche de Syrie et se fait accompagner par Tite, son fidèle collaborateur qui, bien qu'étant d'origine grecque, n'avait pas été obligé de se faire circoncire pour entrer dans l'Eglise. A cette occasion, Paul expose aux Douze, définis comme les personnes les plus remarquables, son évangile de la liberté de la Loi (cf. Ga 2, 6). A la lumière de la rencontre avec le Christ ressuscité, il avait compris qu'au moment du passage à l'Evangile de Jésus Christ, pour les païens, la circoncision, les règles sur la nourriture, sur le sabbat comme signes de la justice, n'étaient plus nécessaire : Christ est notre justice et tout ce qui lui est conforme est « juste ». Il n'y a pas besoin d'autres signes pour être des justes. Dans la Lettre aux Galates, en quelques lignes, il rapporte le déroulement de l'assemblée : il rappelle avec enthousiasme que l'évangile de la liberté par rapport à la Loi fut approuvé par Jacques, Céphas et Jean, « les colonnes », qui lui offrirent ainsi qu'à Barnabé la main droite de la communion ecclésiale dans le Christ (cf. Ga 2, 9). Si, comme nous l'avons remarqué, pour Luc le Concile de Jérusalem exprime l'action de l'Esprit Saint, pour Paul il représente la reconnaissance décisive de la liberté partagée entre tous ceux qui y participèrent : une liberté par rapport aux obligations provenant de la circoncision et de la Loi ; cette liberté pour laquelle « le Christ nous a libérés, pour que nous restions libres » et pour que nous ne nous laissions plus imposer le joug de l'esclavage (cf. Ga 5, 1). Les deux modalités avec lesquelles Paul et Luc décrivent l'assemblée de Jérusalem ont en commun l'action libératrice de l'Esprit, car « là où l'Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté », dira-t-il dans la deuxième Lettre aux Corinthiens (cf. 3, 17).
Toutefois, comme il apparaît avec une grande clarté dans les Lettres de saint Paul, la liberté chrétienne ne s'identifie jamais avec le libertinage ou avec le libre arbitre de faire ce que l'on veut ; elle se réalise dans la conformité au Christ et donc dans le service authentique des frères, en particulier des plus indigents. C'est pourquoi, le compte-rendu de Paul sur l'assemblée se termine par le souvenir de la recommandation que les Apôtres lui adressèrent : « Ils nous demandèrent seulement de penser aux pauvres de leur communauté, ce que j'ai toujours fait de mon mieux » (Ga 2, 10). Chaque Concile naît de l'Eglise et retourne à l'Eglise : à cette occasion, il y retourne avec une attention pour les pauvres qui, selon les diverses annotations de Paul dans ses Lettres, sont tout d'abord ceux de l'Eglise de Jérusalem. Dans sa préoccupation pour les pauvres, attestée en particulier dans la deuxième Lettre aux Corinthiens (cf. 8-9) et dans la partie finale de la Lettre aux Romains (cf. Rm 15), Paul démontre sa fidélité aux décisions qui ont mûri pendant l'assemblée.

Peut-être ne sommes-nous plus en mesure de comprendre pleinement la signification que Paul et ses communautés attribuèrent à la collecte pour les pauvres de Jérusalem. Ce fut une initiative entièrement nouvelle dans le cadre des activités religieuses : elle ne fut pas obligatoire, mais libre et spontanée ; toute les Eglises fondées par Paul vers l'Occident y prirent part. La collecte exprimait la dette de ses communautés à l'égard de l'Eglise mère de la Palestine, dont elles avaient reçu le don extraordinaire de l'Evangile. La valeur que Paul attribue à ce geste de partage est tellement grande qu'il l'appelle rarement simplement « collecte » : pour lui celle-ci est plutôt « service », « bénédiction », « amour », « grâce », et même « liturgie » (2 Co 9). On est en particulier surpris par ce dernier terme, qui confère à la collecte d'argent une valeur également cultuelle : d'une part, celle-ci est un geste liturgique ou « service », offert par chaque communauté à Dieu, de l'autre, elle est une action d'amour accomplie en faveur du peuple. Amour pour les pauvres et liturgie divine vont ensemble, l'amour pour les pauvres est liturgie. Les deux horizons sont présents dans chaque liturgie célébrée et vécue dans l'Eglise, qui par sa nature s'oppose à la séparation entre le culte et la vie, entre la foi et les œuvres, entre la prière et la charité pour les frères. Le Concile de Jérusalem naît ainsi pour résoudre la question sur la façon de se comporter avec les païens qui adhéraient à la foi, en optant pour la liberté à l'égard de la circoncision et des observances imposées par la Loi, et elle se résout dans l'instance ecclésiale et pastorale, qui place en son centre la foi dans le Christ et l'amour pour les pauvres de Jérusalem et de toute l'Eglise.


Le deuxième épisode est le célèbre incident d'Antioche, en Syrie, qui atteste la liberté intérieure dont Paul jouissait : comment se comporter à l'occasion de la communion à la table entre les croyants d'origine juive et ceux d'origine païenne ? Ici se fait jour l'autre épicentre de l'observance mosaïque : la distinction entre les aliments purs et impurs, qui divisaient profondément les juifs observants des païens. Au début, Céphas, Pierre partageait sa table avec les uns et les autres ; mais avec l'arrivée de plusieurs chrétiens liés à Jacques, « le frère du Seigneur » (Ga 1, 19), Pierre avait commencé à éviter les contacts à table avec les païens, pour ne pas scandaliser ceux qui continuaient à observer les lois sur les aliments purs ; et le choix avait été partagé par Barnabé. Ce choix divisait profondément les chrétiens venus de la circoncision et les chrétiens venus du paganisme. Ce comportement, qui menaçait réellement l'unité et la liberté de l'Eglise, suscita les réactions enflammées de Paul, qui parvint à accuser Pierre et les autres d'hypocrisie ; « Toi, tout juif que tu es, il t'arrive de suivre les coutumes des païens et non celles des Juifs ; alors, pourquoi forces-tu les païens à faire comme les Juifs ? » (Ga 2, 14). En réalité, les préoccupations de Paul, d'une part, et celles de Pierre et Barnabé, de l'autre, étaient différentes : pour ces derniers la séparation des païens représentait une manière de protéger et de ne pas scandaliser les croyants provenant du judaïsme ; pour Paul, elle constituait en revanche un danger de mauvaise compréhension du salut universel en Christ, offert aussi bien aux païens qu'aux juifs. Si la justification ne se réalise qu'en vertu de la foi dans le Christ, de la conformité avec lui, sans aucune œuvre de la Loi, quel sens cela a-t-il d'observer la pureté des aliments à l'occasion du partage de la table ? Les perspectives de Pierre et de Paul étaient probablement différentes : pour le premier ne pas perdre les juifs qui avaient adhéré à l'Evangile, pour le deuxième ne pas diminuer la valeur salvifique de la mort du Christ pour tous les croyants.
Cela paraît étrange, mais en écrivant aux chrétiens de Rome, quelques années après (vers le milieu des années 50 ap. J.C.), Paul lui-même se trouvera face à une situation analogue et demandera aux forts de ne pas manger de nourriture impure pour ne pas perdre ou pour ne pas scandaliser les faibles : « C'est bien de ne pas manger de viande, de ne pas boire de vin, bref de ne rien faire qui fasse tomber ton frère » (Rm 14, 21). L'incident d'Antioche se révéla donc une leçon aussi bien pour Pierre que pour Paul. Ce n'est que le dialogue sincère, ouvert à la vérité de l'Evangile, qui a pu orienter le chemin de l'Eglise : « En effet, le Royaume de Dieu ne consiste pas en des questions de nourriture ou de boisson ; il est justice, paix et joie dans l'Esprit Saint » (Rm 14, 17). C'est une leçon que nous devons apprendre nous aussi : avec les différents charismes confiés à Pierre et à Paul, laissons-nous guider par l'Esprit, en cherchant à vivre dans la liberté qui trouve son orientation dans la foi en Christ et se concrétise dans le service à nos frères. Ce qui est essentiel c'est d'être toujours plus conformes au Christ. C'est ainsi qu'on devient réellement libres, c'est ainsi que s'exprime en nous le noyau le plus profond de la Loi : l'amour pour Dieu et pour notre prochain. Prions le Seigneur pour qu'il nous enseigne à partager ses sentiments, pour apprendre de Lui la vraie liberté et l'amour évangélique qui embrasse tout être humain.