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Saint Paul et les apôtres
A- Saint Paul et les Apôtres. Nous publions ci-dessous le texte intégral du discours prononcé le mercredi 24 septembre par le pape Benoît XVI au cours de l'audience générale, place Saint-Pierre.
Je voudrais parler aujourd'hui des relations
entre saint Paul et les Apôtres qui l'avaient précédé
à la suite de Jésus. Ces relations furent toujours
marquées par un profond respect et par une franchise
qui, chez saint Paul, dérive de la défense de
la vérité de l'Evangile. Même s'il était,
dans les faits, contemporain de Jésus de Nazareth,
il n'eut jamais l'occasion de le rencontrer, au cours de sa
vie publique. C'est pourquoi, après avoir été
foudroyé sur le chemin de Damas, il ressentit le besoin
de consulter les premiers disciples du Maître, qui avaient
été choisis par Lui pour en porter l'Evangile
jusqu'aux extrémités de la terre. L'autre texte sur la Résurrection nous
transmet à nouveau la même formule de fidélité.
Saint Paul écrit : « Avant tout, je vous ai transmis
ceci, que j'ai moi-même reçu : le Christ est
mort pour nos péchés conformément aux
Ecritures, et il a été mis au tombeau ; il est
ressuscité le troisième jour conformément
aux Ecritures, et il est apparu à Pierre, puis aux
Douze » (1 Co 15, 3-5). Dans cette tradition transmise
à Paul revient également ce « pour nos
péchés », qui met l'accent sur le don
que Jésus a fait de lui-même au Père,
pour nous libérer des péchés et de la
mort. De ce don de soi, Paul tirera les expressions les plus
captivantes et fascinantes de notre relation avec le Christ
: « Celui qui n'a pas connu le péché,
Dieu l'a pour nous identifié au péché
des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons
identifiés à la justice de Dieu » (2 Co
5, 21) ; « Vous connaissez en effet la générosité
de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche,
il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous
deveniez riches par sa pauvreté » (2 Co 8, 9).
Il vaut la peine de rappeler le commentaire par lequel celui
qui était alors un moine augustin, Martin Luther, accompagnait
ces expressions paradoxales de Paul : « Tel est le mystère
grandiose de la grâce divine envers les pécheurs
: que par un admirable échange nos péchés
ne sont plus les nôtres, mais du Christ, et la justice
du Christ n'est plus du Christ, mais la nôtre »
(Commentaire sur les Psaumes de 1513-1515). Et ainsi nous
sommes sauvés. L'importance qu'il confère à
cette Tradition vivante de l'Eglise, qu'il transmet à
ses communautés, démontre à quel point
est erronée la vision de ceux qui attribuent à
Paul l'invention du christianisme : avant de porter l'évangile
de Jésus Christ, son Seigneur, il l'a rencontré
sur le chemin de Damas et il l'a fréquenté dans
l'Eglise, en observant sa vie chez les Douze et chez ceux
qui l'ont suivi sur les routes de la Galilée. Dans
les prochaines catéchèses, nous aurons l'opportunité
d'approfondir les contributions que Paul a apportées
à l'Eglise des origines ; mais la mission reçue
par le Ressuscité en vue d'évangéliser
les païens a besoin d'être confirmée et
garantie par ceux qui lui donnèrent leur main droite,
ainsi qu'à Barnabé, en signe d'approbation de
leur apostolat et de leur évangélisation et
d'accueil dans l'unique communion de l'Eglise du Christ (cf.
Ga 2, 9). On comprend alors que l'expression « nous
avons compris le Christ à la manière humaine
» ( 2 Co 5, 16) ne signifie pas que son existence terrestre
ait eu une faible importance pour notre maturation dans la
foi, mais qu'à partir du moment de sa Résurrection,
notre façon de nous rapporter à Lui se transforme.
Il est, en même temps, le Fils de Dieu, « né
de la race de David ; selon l'Esprit qui sanctifie, il a été
établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection
d'entre les morts, lui, Jésus Christ, notre Seigneur
», comme le rappellera Paul au début de la Lettre
aux Romains (1, 3-4). B- Saint Paul et le Concile de Jérusalem.
Le respect et la vénération que Paul a toujours cultivés à l'égard des Douze ne font pas défaut lorsqu'il défend avec franchise la vérité de l'Evangile, qui n'est autre que Jésus Christ, le Seigneur. Nous voulons aujourd'hui nous arrêter sur deux épisodes qui démontrent la vénération et, dans le même temps, la liberté avec laquelle l'Apôtre s'adresse à Céphas et aux autres Apôtres : ce qu'on appelle le « Concile » de Jérusalem et l'incident d'Antioche de Syrie, rapportés dans la Lettre aux Galates (cf. 2, 1-10 ; 2, 11-14). Chaque Concile et Synode de l'Eglise est « un événement de l'Esprit » et contient dans son accomplissement les instances de tout le peuple de Dieu : ceux qui ont reçu le don de participer au Concile Vatican II en ont fait personnellement l'expérience. C'est pourquoi saint Luc, en nous informant sur le premier Concile de l'Eglise, qui s'est déroulé à Jérusalem, commence ainsi la lettre que les Apôtres envoyèrent en cette circonstance aux communautés chrétiennes de la diaspora : « L'Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé... » (Ac 15, 28). L'Esprit, qui agit dans toute l'Eglise, conduit les Apôtres par la main pour entreprendre de nouvelles routes en vue de réaliser ses projets : c'est Lui l'artisan principal de l'édification de l'Eglise. L'assemblée de Jérusalem se
déroula pourtant à un moment de tension importante
au sein de la Communauté des origines. Il s'agissait
de répondre à la question s'il fallait demander
la circoncision aux païens qui adhéraient à
Jésus Christ, le Seigneur, ou s'il était licite
de les laisser libres par rapport à la Loi mosaïque,
c'est-à-dire par rapport à l'observance des
normes nécessaires pour être des hommes justes,
qui obtempèrent à la Loi, et surtout libres
par rapport aux normes concernant les purifications cultuelles,
les aliments purs et impurs et le Sabbat. Saint Paul parle
également de l'assemblée de Jérusalem
dans Ga 2, 1-10 : quatorze ans après la rencontre avec
le Ressuscité à Damas - nous sommes dans la
deuxième moitié des années 40 ap. J.
C. - Paul part avec Barnabé d'Antioche de Syrie et
se fait accompagner par Tite, son fidèle collaborateur
qui, bien qu'étant d'origine grecque, n'avait pas été
obligé de se faire circoncire pour entrer dans l'Eglise.
A cette occasion, Paul expose aux Douze, définis comme
les personnes les plus remarquables, son évangile de
la liberté de la Loi (cf. Ga 2, 6). A la lumière
de la rencontre avec le Christ ressuscité, il avait
compris qu'au moment du passage à l'Evangile de Jésus
Christ, pour les païens, la circoncision, les règles
sur la nourriture, sur le sabbat comme signes de la justice,
n'étaient plus nécessaire : Christ est notre
justice et tout ce qui lui est conforme est « juste
». Il n'y a pas besoin d'autres signes pour être
des justes. Dans la Lettre aux Galates, en quelques lignes,
il rapporte le déroulement de l'assemblée :
il rappelle avec enthousiasme que l'évangile de la
liberté par rapport à la Loi fut approuvé
par Jacques, Céphas et Jean, « les colonnes »,
qui lui offrirent ainsi qu'à Barnabé la main
droite de la communion ecclésiale dans le Christ (cf.
Ga 2, 9). Si, comme nous l'avons remarqué, pour Luc
le Concile de Jérusalem exprime l'action de l'Esprit
Saint, pour Paul il représente la reconnaissance décisive
de la liberté partagée entre tous ceux qui y
participèrent : une liberté par rapport aux
obligations provenant de la circoncision et de la Loi ; cette
liberté pour laquelle « le Christ nous a libérés,
pour que nous restions libres » et pour que nous ne
nous laissions plus imposer le joug de l'esclavage (cf. Ga
5, 1). Les deux modalités avec lesquelles Paul et Luc
décrivent l'assemblée de Jérusalem ont
en commun l'action libératrice de l'Esprit, car «
là où l'Esprit du Seigneur est présent,
là est la liberté », dira-t-il dans la
deuxième Lettre aux Corinthiens (cf. 3, 17). Peut-être ne sommes-nous plus en mesure de comprendre pleinement la signification que Paul et ses communautés attribuèrent à la collecte pour les pauvres de Jérusalem. Ce fut une initiative entièrement nouvelle dans le cadre des activités religieuses : elle ne fut pas obligatoire, mais libre et spontanée ; toute les Eglises fondées par Paul vers l'Occident y prirent part. La collecte exprimait la dette de ses communautés à l'égard de l'Eglise mère de la Palestine, dont elles avaient reçu le don extraordinaire de l'Evangile. La valeur que Paul attribue à ce geste de partage est tellement grande qu'il l'appelle rarement simplement « collecte » : pour lui celle-ci est plutôt « service », « bénédiction », « amour », « grâce », et même « liturgie » (2 Co 9). On est en particulier surpris par ce dernier terme, qui confère à la collecte d'argent une valeur également cultuelle : d'une part, celle-ci est un geste liturgique ou « service », offert par chaque communauté à Dieu, de l'autre, elle est une action d'amour accomplie en faveur du peuple. Amour pour les pauvres et liturgie divine vont ensemble, l'amour pour les pauvres est liturgie. Les deux horizons sont présents dans chaque liturgie célébrée et vécue dans l'Eglise, qui par sa nature s'oppose à la séparation entre le culte et la vie, entre la foi et les œuvres, entre la prière et la charité pour les frères. Le Concile de Jérusalem naît ainsi pour résoudre la question sur la façon de se comporter avec les païens qui adhéraient à la foi, en optant pour la liberté à l'égard de la circoncision et des observances imposées par la Loi, et elle se résout dans l'instance ecclésiale et pastorale, qui place en son centre la foi dans le Christ et l'amour pour les pauvres de Jérusalem et de toute l'Eglise.
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