Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

06 80 71 71 01

 

Du 13 au 19 octobre 2008


A- Paul et la vie terrestre de Jésus


Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée le mercredi 8 octobre par le pape Benoît XVI au cours de l'audience générale, place Saint-Pierre.

Chers frères et sœurs,


Au cours des dernières catéchèses sur saint Paul, j'ai parlé de sa rencontre avec le Christ ressuscité, qui a changé profondément sa vie, puis de sa relation avec les douze Apôtres, appelés par Jésus - en particulier avec Jacques, Céphas et Jean - et de sa relation avec l'Eglise de Jérusalem. Il reste à présent la question de ce que saint Paul a su du Jésus terrestre, de sa vie, de ses enseignements, de sa passion. Avant d'entrer dans cette question, il peut être utile d'avoir à l'esprit que saint Paul lui-même distingue deux façons de connaître Jésus et plus généralement deux façons de connaître une personne. Il écrit dans la Deuxième Lettre aux Corinthiens : « Ainsi donc, désormais nous ne connaissons personne selon la chair. Même si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant ce n'est plus ainsi que nous le connaissons » (5, 16). Connaître « selon la chair », de manière charnelle, cela veut dire connaître de manière seulement extérieure, avec des critères extérieurs : on peut avoir vu une personne plusieurs fois, en connaître ainsi l'aspect et les divers détails de son comportement : comment il parle, comment il bouge, etc. Toutefois, même en connaissant quelqu'un de cette manière on ne le connaît pas réellement, on ne connaît pas le noyau de sa personne. C'est seulement avec le cœur que l'on connaît vraiment une personne. De fait, les pharisiens et les saducéens ont connu Jésus de manière extérieure, ils ont appris son enseignement, beaucoup de détails sur lui, mais ils ne l'ont pas connu dans sa vérité. Il y a une distinction analogue dans une parole de Jésus. Après la Transfiguration, il demande aux apôtres : « Le Fils de l'homme, qui est-il, d'après ce que disent les hommes ? » (Mt 16, 13) et « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » (Mt 16, 15). Les gens le connaissent, mais de manière superficielle ; ils savent plusieurs choses de lui, mais ils ne l'ont pas réellement connu. En revanche, les Douze, grâce à l'amitié qui fait participer le cœur, ont au moins compris dans la substance et ont commencé à savoir qui est Jésus. Cette manière différente de connaître existe aussi aujourd'hui : il y a des personnes savantes qui connaissent Jésus dans ses nombreux détails et des personnes simples qui n'ont pas connaissance de ces détails, mais qui l'ont connu dans sa vérité : « le cœur parle au cœur ». Et Paul veut dire essentiellement qu'il faut connaître Jésus ainsi, avec le cœur et connaître de cette manière essentiellement la personne dans sa vérité ; puis, dans un deuxième temps, d'en connaître les détails.
Cela dit, une question demeure toutefois : qu'a connu saint Paul de la vie concrète, des paroles, de la passion, des miracles de Jésus ? Il semble confirmé qu'il ne l'a pas rencontré pendant sa vie terrestre. A travers les apôtres et l'Eglise naissante il a assurément connu aussi les détails sur la vie terrestre de Jésus. Dans ses Lettres, nous trouvons trois formes de référence au Jésus pré-pascal.

En premier lieu, des références explicites et directes. Paul parle de l'ascendance davidique de Jésus (cf. Rm 1, 3), il connaît l'existence de ses « frères » ou consanguins (1 Co 9, 5; Ga 1, 19), il connaît le déroulement de la Dernière Cène (cf. 1 Co 11, 23), il connaît d'autres paroles de Jésus, par exemple, sur l'indissolubilité du mariage (cf. 1 Co 7, 10 avec Mc 10, 11-12), sur la nécessité que celui qui annonce l'Evangile soit nourri par la communauté dans la mesure où l'ouvrier est digne de son salaire (cf. 1 Co 9, 14 et Lc 10, 7) ; Paul connaît les paroles prononcées par Jésus lors de la Dernière Cène (cf. 1 Co 11, 24-25 et Lc 22, 19-20) et il connaît aussi la croix de Jésus. Telles sont les références directes à des paroles et des faits de la vie de Jésus.
En deuxième lieu, nous pouvons entrevoir dans certaines phrases des Lettres pauliniennes plusieurs allusions à la tradition attestée dans les Evangiles synoptiques. Par exemple, les paroles que nous lisons dans la première Lettre aux Thessaloniciens, selon lesquelles « le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit » (5, 2), ne s'expliqueraient pas comme un renvoi aux prophéties de l'Ancien Testament, car la comparaison avec le voleur nocturne ne se trouve que dans l'Evangile de Matthieu et de Luc, donc elle est tirée précisément de la tradition synoptique. Ainsi, quand nous lisons que : « ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Jésus a choisi... » (1 Co 1, 27-28), on entend l'écho fidèle de l'enseignement de Jésus sur les simples et sur les pauvres (cf. Mt 5, 3; 11, 25; 19, 30). Il y a ensuite les paroles prononcées par Jésus dans la joie messianique « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25). Paul sait - c'est son expérience missionnaire - combien ces paroles sont vraies, c'est-à-dire que ce sont précisément les simples qui ont le cœur ouvert à la connaissance de Jésus. La mention de l'obéissance de Jésus « jusqu'à la mort », que l'on trouve dans Ph 2, 8, ne peut également que rappeler la totale disponibilité du Jésus terrestre à l'accomplissement de la volonté de son Père (cf. Mc 3, 35 ; Jn 4, 34). Paul connaît donc la passion de Jésus, sa croix, la manière dont il a vécu les derniers moments de sa vie. La croix de Jésus et la tradition sur cet événement de la croix sont au centre du Kerygme paulinien. Un autre pilier de la vie de Jésus connu par saint Paul est le Discours de la Montagne, dont il cite certains éléments presque à la lettre, quand il écrit aux Romains : « Aimez-vous les uns les autres... Bénissez ceux qui vous persécutent... Vivez en paix avec tous... Vainc le mal par le bien... ». Donc, dans ses lettres, on trouve un reflet fidèle du Discours de la Montagne (cf. Mt 5- 7).

Enfin, on peut trouver une troisième manière dont sont présentes les paroles de Jésus dans les Lettres de Paul : lorsqu'il opère une forme de transposition de la tradition pré-pascale à la situation d'après la Pâque. Le thème du Royaume de Dieu est un cas typique. Il se trouve sans aucun doute au centre de la prédication du Jésus historique (cf. Mt 3, 2 ; Mc 1, 15 ; Lc 4, 43). Chez Paul on trouve une transposition de cette thématique, parce qu'après la résurrection il est évident que Jésus en personne, le ressuscité, est le Royaume de Dieu. Le Royaume arrive donc là où Jésus arrive. Et ainsi, nécessairement, le thème du Royaume de Dieu, où était anticipé le mystère de Jésus, se transforme en christologie. Toutefois, les mêmes dispositions demandées par Jésus pour entrer dans le Royaume de Dieu sont tout à fait valables pour Paul en ce qui concerne la justification au moyen de la foi : autant l'entrée dans le Royaume que la justification exigent une attitude de grande humilité et disponibilité, libre de présomptions, pour accueillir la grâce de Dieu. Par exemple, la parabole du pharisien et du publicain (cf. Lc 18, 9-14) donne un enseignement que l'on retrouve tel quel chez Paul, lorsqu'il insiste sur le fait de devoir exclure toute vanterie à l'égard de Dieu. Les phrases de Jésus sur les publicains et les prostituées, plus disponibles que les pharisiens à accueillir l'Evangile (cf. Mt 21, 31 ; Lc 7, 36-50), et son choix de partager la table avec eux (cf. Mt 9, 10-13 ; Lc 15, 1-2) se retrouvent elles aussi entièrement dans la doctrine de Paul sur l'amour miséricordieux de Dieu envers les pécheurs (cf. Rm 5, 8-10 ; et aussi Ep 2, 3-5). Ainsi le thème du Royaume de Dieu est reproposé sous une forme nouvelle, mais toujours dans une pleine fidélité à la tradition du Jésus historique.

Un autre exemple de transformation fidèle du noyau doctrinal tel que l'entendait Jésus se trouve dans les « titres » qui lui sont attribués. Avant Pâques, il se qualifie lui-même de Fils de l'homme ; après la Pâque, il devient évident que le Fils de l'homme est aussi le Fils de Dieu. Par conséquent, le titre préféré par Paul pour qualifier Jésus est Kyrios, « Seigneur » (cf. Ph 2, 9-11), qui indique la divinité de Jésus. Avec ce titre le Seigneur Jésus apparaît dans toute la lumière de la résurrection. Sur le Mont des Oliviers, au moment de l'extrême angoisse de Jésus (cf. Mc 14, 36), les disciples avant de s'endormir avaient entendu comment il parlait avec le Père et l'appelait « Abbà-Père ». C'est un terme très familier, équivalent à notre « papa », utilisé uniquement par les enfants en communion avec leur père. Jusqu'à ce moment-là il était impensable qu'un juif utilise une parole semblable pour s'adresser à Dieu ; mais Jésus, étant vrai Fils, en ce moment d'intimité, parle ainsi et dit : « Abbà, Père ». Dans les Lettres de saint Paul aux Romains et aux Galates, de manière surprenante ce terme « Abbà », qui exprime le caractère exclusif de la filiation de Jésus, apparaît dans la bouche des baptisés (cf. Rm 8, 15; Ga 4, 6), parce qu'ils ont reçu l'« esprit du Fils » et à présent ils portent en eux-mêmes cet Esprit et ils peuvent parler comme Jésus et avec Jésus en vrais fils de leur Père, ils peuvent dire « Abbà » parce qu'ils sont devenus fils dans le Fils.
Et enfin, je voudrais évoquer la dimension salvifique de la mort de Jésus, que nous trouvons dans la phrase évangélique selon laquelle « le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10, 45 ; Mt 20, 28). Le reflet fidèle de cette parole de Jésus apparaît dans la doctrine paulinienne sur la mort de Jésus comme rachat (cf. 1 Co 6, 20), comme rédemption (cf. Rm 3, 24), comme libération (cf. Ga 5, 1) et comme réconciliation (cf. Rm 5, 10; 2 Co 5, 18-20). C'est là le centre de la théologie paulinienne, qui se fonde sur cette parole de Jésus.
En conclusion, saint Paul ne pense pas à Jésus en tant qu'historien, comme à une personne du passé. Il connaît assurément la grande tradition sur la vie, les paroles, la mort et la résurrection de Jésus, mais il ne traite pas de tout cela comme d'une chose du passé ; il le propose comme réalité du Jésus vivant. Pour Paul, les paroles et les actions de Jésus n'appartiennent pas au temps historique, au passé. Jésus vit maintenant et parle maintenant avec nous et vit pour nous. Telle est la vraie manière de connaître Jésus et d'accueillir la tradition le concernant. Nous devons nous aussi apprendre à connaître Jésus non selon la chair, comme une personne du passé, mais comme notre Seigneur et Frère, qui est aujourd'hui avec nous et nous montre comment vivre et comment mourir.


B- l’enseignement de saint Paul sur l’Eglise

Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse prononcée le mercredi 15 octobre par le pape Benoît XVI au cours de l'audience générale, place Saint-Pierre.


Chers frères et sœurs,


Dans la catéchèse de mercredi dernier j'ai parlé de la relation de Paul avec le Jésus pré-pascal dans sa vie terrestre. La question était : « Qu'a su Paul de la vie de Jésus, de ses paroles, de sa passion » ? Aujourd'hui je voudrais parler de l'enseignement de saint Paul sur l'Eglise. Nous devons commencer par la constatation que le mot « Eglise » en français - comme en italien « Chiesa » et en espagnol « Iglesia » - est tiré du grec « ekklésía » ! Il vient de l'Ancien Testament et signifie l'assemblée du peuple d'Israël, convoquée par Dieu, en particulier l'assemblée exemplaire au pied du Sinaï. Ce mot signifie à présent la nouvelle communauté des croyants par le Christ qui se sentent assemblée de Dieu, la nouvelle convocation de tous les peuples par Dieu et devant Lui. Le terme ekklésia ne fait son apparition que sous la plume de Paul, qui est le premier auteur d'un écrit chrétien. Cela a lieu dans l'incipit de la première Lettre aux Thessaloniciens, où Paul s'adresse textuellement « à l'Eglise des Thessaloniciens » (cf. ensuite également « l'Eglise de Laodicée » dans Col 4, 16). Dans d'autres Lettres il parle de l'Eglise de Dieu qui est à Corinthe ( 1 Co 1, 2 ; 2 Co 1, 1), qui est en Galatie (Ga 1, 2 etc.) - des Eglises particulières donc - mais il dit aussi avoir persécuté « l'Eglise de Dieu » : non pas une communauté locale déterminée, mais « l'Eglise de Dieu ». Ainsi, nous voyons que ce mot « Eglise » a une signification pluridimensionnelle : il indique, d'une part, les assemblées de Dieu dans des lieux déterminés (une ville, un pays, une maison), mais il signifie aussi toute l'Eglise dans son ensemble. Et ainsi nous voyons que « l'Eglise de Dieu » n'est pas seulement une somme de différentes Eglises locales, mais que les différentes Eglises locales sont à leur tour une réalisation de l'unique Eglise de Dieu. Toutes ensemble elles sont « l'Eglise de Dieu », qui précède les Eglises locales singulières et s'exprime, se réalise en elles.
Il est important d'observer que le mot « Eglise » apparaît presque toujours avec l'adjonction de la qualification « de Dieu » : ce n'est pas une association humaine, née d'idées ou d'intérêts communs, mais d'une convocation de Dieu. Il l'a convoquée et c'est pourquoi elle est une dans toutes ses réalisations. L'unité de Dieu crée l'unité de l'Eglise dans tous les lieux où elle se trouve. Plus tard, dans la Lettre aux Ephésiens, Paul élaborera longuement le concept d'unité de l'Eglise, en continuité avec le concept de Peuple de Dieu, Israël, considéré par les prophètes comme « épouse de Dieu », appelée à vivre une relation sponsale avec Lui. Paul présente l'unique Eglise de Dieu comme « épouse du Christ » dans l'amour, un seul corps et un seul esprit avec le Christ lui-même. On sait que le jeune Paul avait été un adversaire acharné du nouveau mouvement constitué par l'Eglise du Christ. Il avait été un adversaire de ce mouvement, parce qu'il y avait vu une menace à la fidélité à la tradition du peuple de Dieu, animé par la foi dans le Dieu unique. Cette fidélité s'exprimait surtout dans la circoncision, dans l'observance des règles de la pureté cultuelle, dans l'abstention de certains aliments, dans le respect du Sabbat. Cette fidélité, les Israélites l'avaient payée avec le sang des martyrs, pendant la période des Maccabées, quand le régime hellénistique voulait obliger tous les peuples à se conformer à l'unique culture hellénistique. Beaucoup d'Israélites avaient défendu avec leur sang la vocation propre d'Israël. Les martyrs avaient donné leur vie pour l'identité de leur peuple, qui s'exprimait à travers ces éléments. Après la rencontre avec le Christ ressuscité, Paul comprit que les chrétiens n'étaient pas des traîtres ; au contraire, dans la nouvelle situation, le Dieu d'Israël avait élargi son appel, à travers le Christ, à toutes les nations, en devenant le Dieu de tous les peuples. De cette manière se réalisait la fidélité au Dieu unique ; les signes distinctifs constitués par les règles et les observances particulières n'étaient plus nécessaires, parce que tous étaient appelés, dans leur variété, à faire partie de l'unique peuple de Dieu de « l'Eglise de Dieu » dans le Christ.

Une chose fut pour Paul immédiatement claire dans la nouvelle situation : la valeur fondamentale et fondatrice du Christ et de la « parole » qui L'annonçait. Paul savait que non seulement on ne devient pas chrétien par la force, mais également que dans la configuration interne de la nouvelle communauté la composante institutionnelle était inévitablement liée à la « parole » vivante, à l'annonce du Christ vivant dans lequel Dieu s'ouvre à tous les peuples et les unit en un unique peuple de Dieu. Il est symptomatique que dans les Actes des Apôtres, Luc emploie plusieurs fois, également à propos de Paul, le syntagme « annoncer la parole » (Ac 4, 29.31 ; 8, 25 ; 11, 19 ; 13, 46 ; 14, 25 ; 16, 6.32), avec l'intention évidente de souligner au maximum la portée décisive de la « parole » de l'annonce. Concrètement, cette parole est constituée par la croix et la résurrection du Christ, dans lesquelles les Ecritures se sont réalisées. Le mystère pascal, qui a provoqué le tournant de sa vie sur le chemin de Damas, se trouve bien sûr au centre de la prédication de l'apôtre (cf. 1 Co 2, 2 ; 15, 14). Ce Mystère annoncé dans la parole se réalise dans les sacrements du baptême et de l'Eucharistie et devient ensuite réalité dans la charité chrétienne. L'œuvre évangélisatrice de Paul n'a pas d'autre finalité que celle d'implanter la communauté des croyants dans le Christ. Cette idée est comprise dans l'étymologie même du terme ekklésia, que Paul, et avec lui tout le christianisme, a préféré à l'autre terme de « synagogue » : non seulement parce qu'à l'origine le premier est plus « laïc » (dérivant de la pratique grecque de l'assemblée politique et pas précisément religieuse), mais également parce qu'il implique directement l'idée plus théologique d'un appel ab extra, et donc pas seulement l'idée de simplement se retrouver ensemble ; les croyants sont appelés par Dieu, qui les réunit en une communauté, son Eglise.

Dans cette optique, nous pouvons également comprendre le concept original, exclusivement paulinien, de l'Eglise comme « Corps du Christ ». A cet égard, il faut avoir à l'esprit les deux dimensions de ce concept. L'une est à caractère sociologique. Selon cette dimension, le corps est constitué par ses composantes et n'existerait pas sans elles. Cette interprétation apparaît dans la Lettre aux Romains et dans la première Lettre aux Corinthiens, où Paul reprend une image qui existait déjà dans la sociologie romaine : il dit qu'un peuple est comme un corps avec divers membres, dont chacun à sa fonction, même les plus petits et apparemment les plus insignifiants, sont nécessaires pour que le corps puisse vivre et réaliser ses fonctions. De manière opportune, l'apôtre observe que dans l'Eglise il y a beaucoup de vocations : prophètes, apôtres, maîtres, personnes simples, tous appelés à vivre chaque jour la charité, tous nécessaires pour construire l'unité vivante de cet organisme spirituel. L'autre interprétation fait référence au Corps même du Christ. Paul soutient que l'Eglise n'est pas seulement un organisme, mais devient réellement corps du Christ dans le sacrement de l'Eucharistie, où tous nous recevons son Corps et nous devenons réellement son Corps. Ainsi se réalise le mystère sponsal que tous deviennent un seul corps et un seul esprit dans le Christ. Ainsi la réalité va bien au-delà de l'image sociologique, en exprimant sa véritable essence profonde, à savoir l'unité de tous les baptisés dans le Christ, considérés par l'Apôtre « un » dans le Christ, conformés au sacrement de son Corps.
En disant cela, Paul montre qu'il sait bien et il nous fait comprendre à tous que l'Eglise n'est pas sienne et n'est pas nôtre : l'Eglise est corps du Christ, elle est « Eglise de Dieu », « champ de Dieu, édification de Dieu, ...temple de Dieu » (1 Co 3, 9.16). Cette dernière qualification est particulièrement intéressante, car elle attribue à un tissu de relations interpersonnelles, un terme qui servait communément à indiquer un lieu physique, considéré comme sacré. Le rapport entre Eglise et temple finit donc par assumer deux dimensions complémentaires : d'une part, la caractéristique de dimension séparée et de pureté qui revenait à l'édifice sacré, est appliquée à la communauté ecclésiale, mais, de l'autre, le concept d'un espace matériel est également dépassé, pour transférer cette valeur à la réalité d'une communauté de foi vivante. Si auparavant les temples étaient considérés comme des lieux de la présence de Dieu, à présent on sait et on voit que Dieu n'habite pas dans des édifices faits en pierres, mais le lieu de la présence de Dieu dans le monde est la communauté vivante des croyants.

La qualification de « peuple de Dieu », qui chez Paul est appliquée substantiellement au peuple de l'Ancien Testament, puis aux païens qui étaient « le non peuple » et sont devenus eux aussi le peuple de Dieu grâce à leur insertion dans le Christ à travers la Parole et le sacrement, mériterait un discours à part. Et enfin, une dernière nuance. Dans la Lettre à Timothée, Paul qualifie l'Eglise de « maison de Dieu » (1 Tm 3, 15) ; et il s'agit d'une définition vraiment originale, car elle se réfère à l'Eglise comme structure communautaire où l'on vit de chaleureuses relations interpersonnelles à caractère familial. L'apôtre nous aide donc a comprendre toujours plus profondément le mystère de l'Eglise dans ses différentes dimensions d'assemblée de Dieu dans le monde. Telle est la grandeur de l'Eglise et la grandeur de notre appel : nous sommes temple de Dieu dans le monde, lieu où Dieu habite réellement, et nous sommes, dans le même temps, communauté, famille de Dieu dont Il est charité. Comme famille et maison de Dieu, nous devons réaliser dans le monde la charité de Dieu et être ainsi avec la force qui vient de la foi, le lieu et le signe de sa présence. Prions le Seigneur afin qu'il nous accorde d'être toujours davantage son Eglise, son Corps, le lieu de la présence de sa charité dans notre monde et dans notre histoire.