Paroisse catholique Saint Michel

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 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

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Du 25 au 31 janvier 2009



Les lettres pastorales de Saint Paul

Nous publions ci-dessous le texte intégral du discours prononcée le mercredi 28 janvier 2009 par le pape Benoît XVI au cours de l'audience générale, dans la salle Paul VI du Vatican. Ainsi que les trois communications. La première concernait l'élection du nouveau patriarche orthodoxe de Moscou, la deuxième la levée de l'excommunication des quatre évêques ordonnés sans mandat pontifical par Mgr Lefebvre en 1988 et la troisième, le souvenir de la Shoah.

A- Discours de Benoît XVI


Chers frères et sœurs,
Les dernières Lettres des écrits épistolaires pauliniens, dont je voudrais parler aujourd'hui, sont appelées Lettres pastorales, car elles ont été envoyées à des figures individuelles de pasteurs de l'Eglise : deux à Timothée, et une à Tite, collaborateurs étroits de saint Paul. Chez Timothée, l'apôtre voyait presque un alter ego ; en effet, il lui confia des missions importantes (en Macédoine : cf. Ac 19, 22 ; à Thessalonique : cf. 1 Ts 3, 6-7 ; à Corinthe : cf. 1 Co 4, 17 ; 16, 10-11), puis il écrivit à son propos un éloge flatteur : « Je n'ai vraiment personne qui saura comme lui s'intéresser d'un cœur sincère à votre situation » (Ph 2, 20). Selon l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée, du IVe siècle, Timothée fut ensuite le premier évêque d'Ephèse (cf. 3, 4). Quant à Tite, lui aussi devait avoir été très cher à l'apôtre, qui le définit explicitement « plus empressé que jamais... mon associé et coopérateur » (2 Co 8 ; 17.23), et même « mon véritable enfant en notre foi commune » (Tt 1, 4). Il avait été chargé de quelques missions très délicates dans l'Eglise de Corinthe, dont le résultat réconforta Paul (cf. 2 Co 7, 6-7.13 ; 8, 6). Par la suite, selon ce qui nous a été transmis, Tite rejoignit Paul à Nicopolis, en Epire, en Grèce (cf. Tt 3, 12) puis fut envoyé par lui en Dalmatie (cf. 2 Tm 4, 10). Selon la Lettre qui lui est adressée, il résulte ensuite avoir été Evêque de Crête (cf. Tt 1, 5).

Les Lettres adressées à ces deux pasteurs occupent une place tout à fait particulière au sein du Nouveau Testament. La majorité des exégètes est aujourd'hui d'avis que les Lettres n'auraient pas été écrites par Paul lui-même, mais que leur origine se trouverait dans l'« école de Paul », et refléterait son héritage pour une nouvelle génération, en intégrant sans doute quelque bref écrit, ou parole de l'Apôtre lui-même. Par exemple, certaines paroles de la seconde Lettre à Timothée apparaissent tellement authentiques qu'elles ne peuvent venir que du cœur et de la bouche de l'Apôtre.
La situation ecclésiale qui ressort de ces Lettres est sans aucun doute différente de celle des années centrales de la vie de Paul. A présent, rétrospectivement, celui-ci se définit lui-même comme « héraut, apôtre et maître » des païens dans la foi et dans la vérité (cf. 1 Tm 2, 7 ; 2 Tm 1, 11) ; il se présente comme quelqu'un qui a obtenu la miséricorde, car - ainsi écrit-t-il - « en moi le premier, Jésus Christ manifestât toute sa patience faisant de moi un exemple pour ceux qui doivent croire en lui en vue de la vie éternelle » (1 Tm 1, 16). Il est donc essentiel que ce soit réellement en Paul, persécuteur converti par la présence du Ressuscité, qu'apparaisse la magnanimité du Seigneur pour nous encourager, pour nous pousser à espérer et à avoir confiance dans la miséricorde du Seigneur qui, en dépit de notre petitesse, peut faire de grandes choses. Outre les années centrales de la vie de Paul, il faut également considérer les nouveaux contextes culturels présupposés ici. En effet, on fait allusion à l'apparition d'enseignements qu'il faut considérer entièrement erronés et faux (cf. 1 Tm 4, 1-2 ; 2 Tm 3, 1-5), comme ceux des personnes qui prétendaient que le mariage n'était pas bon (cf. 1 Tm 4, 3a). Nous voyons combien cette préoccupation est moderne, car aujourd'hui aussi, on lit parfois l'Ecriture comme un objet de curiosité historique et non pas comme la parole de l'Esprit Saint, dans laquelle nous pouvons entendre la voix même du Seigneur et connaître sa présence dans l'histoire. Nous pourrions dire que, avec cette brève liste d'erreurs présentes dans les trois Lettres, sont anticipés certains traits de l'orientation successive erronée qui est connue sous le nom de gnosticisme (cf. 1 Tm 2, 5-6 ; 2 Tm 3, 6-8).
L'auteur répond à ces doctrines par deux rappels fondamentaux. L'un consiste à renvoyer à une lecture spirituelle des Saintes Ecritures (cf. 2 Tm 3, 14-17), c'est-à-dire à une lecture qui les considère réellement comme « inspirées » et provenant de l'Esprit Saint, pour qu'elles puissent « procurer la sagesse qui conduit au salut ». On lit l'Ecriture de manière juste en se plaçant dans un dialogue avec l'Esprit Saint, afin d'en tirer une lumière « pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice » (2 Tm 3, 16). En ce sens la Lettre ajoute : « ainsi l'homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute œuvre bonne » (2 Tm 3, 17). L'autre appel consiste à évoquer le bon « dépôt » (parathéke) : c'est un mot spécifique des Lettres pastorales par lequel est indiquée la tradition de la foi apostolique qu'il faut conserver avec l'aide de l'Esprit Saint qui habite en nous. Ce « dépôt » doit donc être considéré comme la somme de la Tradition apostolique et comme le critère de fidélité à l'annonce de l'Evangile. Et nous devons ici avoir à l'esprit que dans les Lettres pastorales comme dans tout le Nouveau Testament, le terme « Ecritures » signifie explicitement l'Ancien Testament, parce que les écrits du Nouveau Testament, ou bien n'existaient pas encore, ou ne faisaient pas encore partie d'un canon des Ecritures. Donc, la Tradition de l'annonce apostolique, ce « dépôt », est la clé de lecture pour comprendre l'Ecriture, le Nouveau Testament. En ce sens, Ecriture et Tradition, Ecriture et annonce apostolique comme clé de lecture sont rapprochées et se confondent presque, pour former ensemble les « solides fondations posées par Dieu » (2 Tm 2, 19). L'annonce apostolique, c'est-à-dire la Tradition, est nécessaire pour entrer dans la compréhension de l'Ecriture et y saisir la voix du Christ. Il faut en effet être « attaché à l'enseignement sûr, conforme à la doctrine » (Tt 1, 9). A la base de tout, il y a justement la foi dans la révélation historique de la bonté de Dieu, qui en Jésus Christ a manifesté concrètement son « amour pour les hommes », un amour qui dans le texte original grec est qualifié de manière significative comme filanthropía (Tt 3, 4 ; cf. 2 Tm 1, 9-10) ; Dieu aime l'humanité.

Dans l'ensemble, on voit bien que la communauté chrétienne se configure progressivement en termes très nets, selon une identité qui non seulement prend ses distances avec des interprétations incongrues, mais surtout affirme son propre ancrage sur les points essentiels de la foi, qui est ici synonyme de « vérité » (1 Tm 2, 4.7 ; 4, 3 ; 6, 5 ; 2 Tm 2, 15.18.25 ; 3, 7.8 ; 4, 4 ; Tt 1, 1.14). Dans la foi apparaît la vérité essentielle de qui nous sommes, de qui est Dieu, de comment nous devons vivre. Et de cette vérité (la vérité de la foi) l'Eglise est définie comme la « colonne et support » (1 Tm 3, 15). Quoi qu'il en soit, elle reste une communauté ouverte, au souffle universel, qui prie pour tous les hommes de tout ordre et degré, pour qu'ils parviennent à la connaissance de la vérité : Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité », parce que « le Christ Jésus s'est livré en rançon pour tous » (1 Tm 2, 4-5). Par conséquent, le sens de l'universalité, même si les communautés sont encore petites, est fort et déterminant pour ces Lettres. En outre cette communauté chrétienne « n'outrage personne » et « témoigne à tous les hommes une parfaite douceur » (Tt 3, 2). Telle est la première composante importante de ces Lettres : l'universalité et la foi comme vérité, comme clé de lecture de l'Ecriture Sainte, de l'Ancien Testament et ainsi se dessine une unité d'annonce et d'Ecriture et une foi vivante ouverte à tous et témoin de l'amour de Dieu pour tous.
Une autre composante typique de ces Lettres est leur réflexion sur la structure ministérielle de l'Eglise. Ce sont elles qui pour la première fois présentent la triple subdivision d'épiscopes, presbytres et diacres (cf. 1 Tm 3, 1-13 ; 4, 13 ; 2 Tm 1, 6 ; Tt 1, 5-9). Nous pouvons observer dans les Lettres pastorales la confluence de deux structures ministérielles différentes et ainsi la constitution de la forme définitive du ministère de l'Eglise. Dans les Lettres pauliniennes des années centrales de sa vie, Paul parle d'« épiscopes » (Ph 1, 1), et de « diacres » ; c'est la structure typique de l'Eglise qui s'est formée à l'époque dans le monde païen. Mais la figure de l'apôtre lui-même demeure toutefois dominante et ce n'est donc que peu à peu que se développent les autres ministères.

Si, comme on l'a dit, dans les Eglises formées dans le monde païen nous avons des épiscopes et des diacres, et non des prêtres, dans les Eglises formées dans le monde judéo-chrétien les prêtres sont la structure dominante. A la fin, dans les Lettres pastorales, les deux structures s'unissent : à présent apparaît « l'épiscope », (l'évêque) (cf. 1 Tm 3, 2 ; Tt 1, 7), toujours au singulier, accompagné par l'article déterminatif « l'épiscope ». Et à côté de « l'épiscope », nous trouvons les prêtres et les diacres. La figure de l'Apôtre est toujours encore déterminante, mais les trois Lettres, comme je l'ai déjà dit, ne sont plus adressées à une communauté, mais à des personnes : Timothée et Tite, qui, d'une part, apparaissent comme des évêques et, de l'autre, commencent à prendre la place de l'Apôtre.
On remarque ainsi, à son début, la réalité qui, plus tard, s'appellera « succession apostolique ». Paul dit sur un ton d'une grande solennité à Timothée : « Ne néglige pas le don de Dieu qui est en toi, ce don que tu as reçu grâce à l'intervention des prophètes, quand l'assemblée des Anciens a imposé les mains sur toi » (1 Tm 4, 14). Nous pouvons dire que dans ces mots apparaît également à son début le caractère sacramentel du ministère. Et ainsi, nous avons l'essentiel de la structure catholique : Ecriture et Tradition, Ecriture et annonce, forment un ensemble, mais à cette structure, pour ainsi dire doctrinale, doit s'ajouter la structure personnelle, les successeurs des Apôtres, comme témoins de l'annonce apostolique.
Il est enfin important de noter que dans ces Lettres, l'Eglise se comprend elle-même en termes très humains, en analogie avec la maison et la famille. En particulier, dans 1 Tm 3, 2-7, on peut lire des instructions très détaillées sur l'épiscope, comme celles-ci : il doit être « irréprochable, époux d'une seule femme, homme mesuré, raisonnable et réfléchi, ouvrant sa maison à tous, capable d'enseigner, ni buveur ni violent, mais plein de sérénité, pacifique et désintéressé. Il faut qu'il mène bien sa propre famille, qu'il se fasse écouter et respecter par ses enfants. Car un homme qui ne sait pas mener sa propre famille, comment pourrait-il prendre en charge une Eglise de Dieu ? [...] Il faut aussi que les gens du dehors portent sur lui un bon témoignage ». On doit ici surtout remarquer l'aptitude importante à l'enseignement (cf. aussi 1 Tm 5, 17), dont on trouve également des échos dans d'autres passages (cf. 1 Tm 6, 2c ; 2 Tm 3, 10 ; Tt 2, 1), et ensuite une caractéristique personnelle particulière, celle de la « paternité ». L'épiscope est en effet considéré comme le père de la communauté chrétienne (cf. également 1 Tm 3, 15). Du reste, l'idée de l'Eglise comme « maison de Dieu » plonge ses racines dans l'Ancien Testament (cf. Nb 12, 7) et se trouve reformulée dans He 3, 2.6, alors qu'ailleurs on peut lire que tous les chrétiens ne sont plus des étrangers ni des invités, mais des concitoyens des saints et des membres de la maison de Dieu (cf. Ep 2, 19).
Prions le Seigneur et saint Paul pour que nous aussi, en tant que chrétiens, nous puissions toujours plus nous caractériser, en relation avec la société dans laquelle nous vivons, comme des membres de la « famille de Dieu ». Et prions également afin que les pasteurs de l'Eglise acquièrent toujours plus des sentiments paternels, à la fois tendres et forts, dans l'édification de la maison de Dieu, de la communauté, de l'Eglise.


B- COMMUNICATIONS DE BENOIT XVI

Première communication :

J'ai appris avec joie la nouvelle de l'élection du métropolite Kirill comme nouveau patriarche de Moscou et de toutes les Russies. J'invoque sur lui la lumière de l'Esprit Saint pour un généreux service à l'Eglise orthodoxe russe, en le confiant à la protection spéciale de la Mère de Dieu.

Deuxième communication :

Dans l'homélie prononcée à l'occasion de l'inauguration solennelle de mon pontificat, je disais que l'« appel à l'unité » est la tâche « explicite » du pasteur, et en commentant les paroles évangéliques relatives à la pêche miraculeuse, j'ai dit : « bien que les poissons furent si nombreux, le filet ne se déchira pas », et je poursuivais après ces paroles évangéliques : « Hélas, bien-aimé Seigneur, celui-ci - le filet - s'est à présent déchiré, dirions-nous pleins de douleur ». Et je poursuivais : « Mais non, nous ne devons pas être tristes ! Réjouissons-nous pour ta promesse qui ne déçoit pas et faisons tout notre possible pour parcourir la route vers l'unité que tu nous as promise... Ne permets pas, Seigneur, que ton filet se déchire et aide-nous à être les serviteurs de l'unité ».
Précisément pour accomplir ce service à l'unité, qui caractérise de manière spécifique mon ministère de Successeur de Pierre, j'ai décidé il y a quelques jours d'accorder la levée de l'excommunication dont avaient fait l'objet les quatre évêques ordonnés en 1988 par Mgr Lefebvre sans mandat pontifical. J'ai accompli cet acte de miséricorde paternelle, car à plusieurs reprises ces prélats m'ont manifesté leur vive souffrance pour la situation dans laquelle ils se trouvaient. Je souhaite que mon geste soit suivi par un prompt engagement de leur part à accomplir les pas supplémentaires nécessaires pour réaliser la pleine communion avec l'Eglise, en témoignant ainsi de la véritable fidélité et de la véritable reconnaissance du magistère et de l'autorité du Pape et du Concile Vatican II.

Troisième communication :

En ces jours où nous rappelons la Shoah, me reviennent en mémoire les images recueillies lors de mes visites répétées à Auschwitz, l'un des camps dans lesquels a eu lieu le massacre atroce de millions de juifs, victimes innocentes d'une haine raciale et religieuse aveugle. Alors que je renouvelle avec affection l'expression de ma pleine et indiscutable solidarité avec nos frères destinataires de la Première Alliance, je souhaite que la mémoire de la shoah incite l'humanité à réfléchir sur la puissance imprévisible du mal lorsqu'il conquiert le cœur de l'homme. Que la Shoah soit pour tous un avertissement contre l'oubli, contre la négation ou le réductionnisme, car la violence contre un seul être humain est une violence contre tous. Aucun homme n'est une île, a écrit un poète célèbre. Que la Shoah enseigne en particulier aux anciennes et aux nouvelles générations que seul le chemin difficile de l'écoute et du dialogue, de l'amour et du pardon conduit les peuples, les cultures et le religions du monde à l'objectif souhaité de la fraternité et de la paix dans la vérité. Que jamais plus la violence n'humilie la dignité de l'homme!