Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

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Du 29 au 04 mars 2009


 

Prédication pour le dimanche de la Passion

Avec ce dimanche, nous entrons dans le temps de la Passion. Il convient d’unir plus particulièrement nos cœurs avec celui de NSJC pour l’aimer toujours davantage. Lui nous a tant aimé ! Aimons le en retour toujours un peu plus. Et dans ce but, il me plait de vous faire entrer dans le cœur de Jésus par ces paroles. Elles sont du Père Louis Chardon, dominicain du 17è siècle, tirées de son beau livre « la Croix de Jésus ».
Goûtez les et voyez comme est bon le Seigneur.

« Rien n’ jamais pu lasser l’amour de Jésus, quand il était sur la terre ; et, en mille occasions, il a fait voir une patience qui ne pouvait appartenir qu’à un Dieu. Cependant cet amour devient inexorable quand quelque chose veut s’opposer au désir qu’il a de mourir dans les supplices de la Croix. Nous voyons un exemple de cette disposition de Jésus dans sa conduite, envers le chef de ses Apôtres, en une circonstance que nous raconte l’Evangile.

Un jour que Jésus s’entretenait avec ses disciples, il leur demandait ce que les hommes disaient de lui…Après que plusieurs eurent répondu à cette question de diverse manières, saint Pierre, prenant la parole au nom de tous, s’écria plein de foi : Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. Alors, dit l’Evangéliste, Jésus défendit à ses disciples de publier ce qu’ils venaient d’entendre ; et il prit occasion de là pour leur apprendre comment il fallait qu’il allât à Jérusalem, afin d’y souffrir et d’y être mis à mort. Saint Pierre, entendant ces paroles est saisi d’horreur. Eh quoi ! le Fils de Dieu, le Fils d’une naissance éternelle, sera livré à d’affreux supplices ! La Foi lui donne la confiance de protester ; et fort de la révélation divine, il s’oublie lui-même ; il ne peut comprendre un Dieu de gloire humilié jusqu’aux ignominies de la Croix. Il ose donc représenter à son cher Maître, que les pensées qu’il nourrit sont indignes de sa condition ; que ses dernières paroles sont de nature à abaisser les grandeurs de sa filiation incréée : qu’il oublie l’honneur que l’on doit à son Père, et qu’il portait atteinte à l’opinion qu’il venait de faire naître dans l’esprit de tous ses disciples. Jésus se montre offensé de la censure précipitée de son apôtre ; et, sans avoir égard à la toute-puissante de sa parole qui vient d’établir cet apôtre la Pierre fondamentale de son Eglise, il fait violence à la douceur de son cœur ; il le regarde, non plus de ce regard conquérant qui l’avait, il y a quelque mois, entraîné sans hésitation à sa suite ; mais avec un visage sur lequel se reflète le mécontentement de son âme, contredite dans le dessein qui le presse d’accomplir sa plus vive inclination. Il l’écarte de sa présence ; il le nomme non seulement un sujet de scandale, mais il le compare à un démon, à Satan entre les démons. Eh quoi ! semble-t-il lui dire, faut-il que celui que j’ai choisi entre tous, pour être le fondement inébranlable de mon Eglise, soit une pierre de scandale à l’époux de cette Eglise ! Que celui à qui j’ai donné les clefs des cieux se serve tout de suite de sa prérogative, contre mon service, en me fermant les portes de la mort et les avenues de mes supplices ! Que le détenteur de la puissance dans laquelle j’ai voulu qu’on reconnût Dieu lui-même devienne l’ennemi de mon amour et entreprenne d’imposer des contraintes à une inclination qui n’en saurait souffrir ! Quand celui qui me parle ainsi serait un séraphin, je tiens entre mes mains la souveraineté qui peut l’abaisser autant qu’il a plus à ma bonté de l’élever ! On mesurera alors la profondeur de sa chute à la hauteur où il était élevé ; car rien ne saurait prévaloir contre la toute puissance inclination qui me porte à souffrir. Les démons et Satan lui-même deviendront mes alliés, s’ils viennent à me procurer la mort ; et mes meilleurs amis, je les considérerai comme de cruels et mortels ennemis, s’ils se hasardent tant soi peu à vouloir détourner ma pensée du souvenir de la Croix. Fussent-ils plongés dans le sein de mon Père, pour y adorer ma naissance éternelle, je les en tirerai pour les précipiter loin de moi.
…..

Pour une parole irréfléchie proférée par saint Pierre, nous (voyons Jésus) se départir de son habituelle mansuétude. Parce que le chef de ses Apôtres avait dit inconsidérément : à Dieu ne plaise qu’on fasse mourir son Fils unique ! Nous, ses disciples nous saurons bien empêcher l’exécution d’un tel dessein ! Jésus entre dans une disposition qu’il n’avait jamais montrée ; sa bonté devient inexorable envers celui pour qui il n’aura jamais de haine, alors même qu’il blasphémera. L’opposition que cet Apôtres veut mettre à l’exécution de ses desseins de mort lui parait plus haïssable que tout. Et on le verra par sa conduite envers lui. Il supportera avec patience la lâche et criminelle infidélité de son disciple. Il lui pardonnera sa faute et lui remettra les rigoureux châtiments qu’il avait si justement encourus ; et pour lui manifester sa miséricorde, il fera revivre sur son visage toutes les beautés que les soufflets et les crachats avaient obscurcies ; il chargera son regard de grâces triomphantes pour ramener à lui celui qui l’aura si odieusement abandonné.

Ici au contraire, parce que ce même Apôtre encore tout ravi des gloires de la transfiguration du Sauveur, tout pénétré de ce qu’il a contemplé, de ce qu’il a appris de sa génération éternelle, et touché, jusqu’au fond de l’âme, de l’amour dont cette révélation avait embrasé son cœur ; parce que cet Apôtre a dit : « Non, ô Maître, vous ne pouvez mourir ainsi ! » Jésus lui retire le témoignage qu’il lui a donné tout à l’heure : « tu es bienheureux, Simon ! » en même temps que la louange qu’il contient. Il accuse son ignorance des choses de Dieu, quand il vient de reconnaître qu’il a eu pour maître dans la science le Père qu’il adore lui-même dans sa nature créée. Il lui reproche de faire céder les lumières qui lui sont venues de la révélation divine aux vues de la nature, aux sentiments qui naissent de la chair et du sang. Ne montre-t-il pas ainsi qu’il préfère la Croix à la dignité de Fils de Dieu, la mort à sa naissance éternelle, les ignominies de la passion aux splendeurs divines dans lesquelles il est engendré, et que son amour se porte plutôt aux plaies hideuses qui l’attendent qu’aux beautés souveraines qui représentent en sa personne l’image de la divine Bonté ?

Inclination rigoureuse ! qui dispose notre adorable Maître à éloigner, sinon à haïr, tout ce qui ne prépare pas l’avancement de sa Croix et l’oblige à convertir en motifs de douleurs ce qui serait capable de le réjouir ! Attrait vraiment cruel ! qui le contraint à devenir inexorable pour ses meilleurs amis ; tandis qu’il ne peut, ce semble, refuser les pus grandes faveurs aux méchants qui ont résolu sa perte…Jésus va au devant des bourreaux qui le cherchent pour le mettre à mort, il les salue, il se présente, il se livre librement à leur discrétion et n’a pour eux que des paroles d’une admirable douceur. Cette attitude du Sauveur frappe leur esprit d’un si violent étonnement que toute leur rage tombe comme par enchantement, et que, tout étourdis, alors qu’ils étaient venus pour le saisir, ils s’affaissent à la renverse. Ils seraient sans doute demeurés ainsi à terre, si pressé par cet attrait puissant qui le poussait vers la mort, Jésus n’eût permis à sa toute puissance de leur venir en aide, afin que, rendus à leur liberté, ils pussent exécuter sur lui tout le mal qu’ils avaient concerté. …..

C’est Judas qui fournit aux juifs le moyen d’accomplir le détestable dessein pour l’exécution duquel ils avaient toujours jusque là rencontrés quelque obstacle. ET, à cause de cela, Jésus lui accorde la plus grande faveur qu’une créature puisse recevoir sur la terre et au ciel. C’est beaucoup d’honneur pour les anges qu’on leur commande de l’adorer. Les saints Apôtres se féliciteront d’avoir eu l’honneur de le voir de leurs yeux, de l’entendre de leurs oreilles, et de le toucher de leurs propres mains. Saint Thomas se prévaudra d’avoir eu le privilège de mettre sa main dans la plaie de son côté. Jean, le disciple bien-aimé, rappellera souvent qu’il a eu la joie incomparable de reposer sur sa poitrine. L’autre Jean, le précurseur, avouera en tremblant que Jésus s’est incliné sous sa main, lorsqu’il lui a plu, lui, le roi de gloire, d’être baptisé. Madeleine se proclamera heureuse d’avoir baisé ses pieds divins. Glorieuses faveurs, mais qui sont dépassées par celle que NSJC accorde à Judas, puisqu’il lui permet de le baiser…Ce serait à Judas seul que Jésus aurait réservé le baiser de l’amitié ; et ce traite pourrait ainsi se prévaloir d’avoir reçu de lui un accueil qu’il n’a fait à personne. Eh quoi donc ? L’enfer rira-t-il du ciel ? Et le royaume de Bélial l’emportera-t-il sur celui de Dieu ? Jésus estime à un si haut prix le bien de mourir que Judas lui procure, qu’en lui se vérifie cette parole des saints Livres : Quand l’homme aura donné tout ce qu’il possède pour ce qu’il aime, il se croira encore plus riche qu’il ne l’était auparavant.
Aussi Jésus peut-il être comparé à ce riche marchand de l’Evangile qui, ayant trouvé un trésor dans un champ, vend tout ce qu’il possède pour acquérir ce champ. A la recherche de ce trésor de la mort qu’il ne pouvait trouver en lui-même, il vend tout ce qu’il a pour acheter le fonds où il est caché, et qui est la Croix. C’est pourquoi il ferme les yeux sur l’horrible perfidie de ce traite infâme, il les détourne du spectacle effroyable du désespoir où il se précipite ; mais il les ouvre pour voir que le crime du disciple lui fournit les moyens de satisfaire son amour, en le jetant au sein de son Père jusque dans ls souffrances cruelles de la Croix et de la mort. Quand Jésus consent à embrasser Judas, son amour l’emporte sur la justice ; son inclination à la Croix triomphe de sa sagesse ; il aime mieux qu’on doute de sa prudence que de sa fidélité. Il avait nommé saint Pierre, Satan ; il l’avait repoussé loin de lui. Il appelle Judas son ami ; il souffre qu’il l’étreigne entre ses bras, comme avait fait le démon ; et, de plus, il lui permet de le baiser. O amour de la Croix, plus fort que tout autre amour et vraiment tyrannique ».