Le cardinal Vingt-Trois s'adresse
aux catholiques de France
Le cardinal Vingt-Trois, au nom de tous les
évêques, s'adresse en ces termes aux catholiques
de France, ce vendredi 3 avril.
Discours du cardinal André Vingt-Trois,
archevêque de Paris,
président de la Conférence des évêques
de France,
« Au terme de cette assemblée
de printemps, nous pouvons rendre grâce à Dieu
et nous féliciter du travail accompli, non seulement
pour la richesse de nos échanges sur les différents
sujets abordés, mais aussi, et peut-être surtout,
pour le climat fraternel qui nous a permis de partager dans
la liberté nos préoccupations et nos réflexions
sur la période difficile que nous venons de traverser.
Ce fut un moment de réflexion profonde sur la vie de
notre Église qui est indissociable du temps liturgique
que nous vivons.
Dans nos diocèses respectifs, nous allons célébrer
la fête des Rameaux et entrer dans la célébration
de la sainte semaine de la Passion et de la Résurrection
du Seigneur. Nous aurons la grande joie de célébrer
la Messe Chrismale, entourés par notre presbyterium
avec les diacres et les consacrés et de nombreux fidèles
de nos diocèses. Ce sera une occasion de vivre et de
manifester la communion qui nous unit aux prêtres, nos
collaborateurs directs et nos frères dans le sacerdoce
ministériel, de renouveler et raviver les liens sacramentels
qui nous unissent et de fortifier l'amitié qui nous
lie. Rassemblés aujourd'hui, les évêques
de France veulent dire à tous les prêtres vivant
et agissant en France, qu'ils soient de chez nous ou d'ailleurs,
notre grande confiance et notre profonde affection dans le
Seigneur. La prochaine ouverture de l'année du prêtre
sera une occasion pour tous les catholiques de mieux prendre
conscience du ministère des prêtres dans l'Église
et pour des jeunes de répondre à l'appel que
nous leur adressons : venez au service de l'Eglise en France
et de sa mission, comme prêtres diocésains.
La Résurrection du Christ est la source et le cœur
de notre foi. C'est elle qui engendre l'Église par
le don de l'Esprit, c'est elle qui suscite et développe
notre mission, c'est elle qui alimente notre espérance
et qui fonde le regard d'amour et de confiance que nous portons
sur les hommes et les femmes de notre temps et sur le monde
qui est le nôtre et dans lequel Dieu nous envoie témoigner
de la Bonne Nouvelle du salut.
C'est pourquoi notre évaluation et notre discernement
sur la vie de notre Église ne se réduisent pas
à une analyse de son fonctionnement institutionnel,
- même si nous le faisons aussi quand c'est nécessaire
-, ni à une confrontation permanente aux images de
nous-mêmes qui nous sont renvoyées par la société
globale et ses idéologies. C'est un retour permanent
vers la croix du Christ qui est notre critère d'évaluation
et de discernement. Comment sommes-nous mieux ajustés
au témoignage que nous devons rendre à l'Évangile
? Comment vivons-nous l'unité ecclésiale entre
nous et avec toutes les Églises en communion avec le
Successeur de Pierre qui en est le garant et le serviteur
?
La récente épreuve que nous venons de traverser
nous a peut-être encouragés à revenir
au cœur de la mission qui est la nôtre, sans nous
laisser emporter et détourner de cette mission par
la violence des polémiques. Car notre première
mission est bien d'annoncer au monde que l'amour de Dieu a
été jusque là : « Dieu a tant aimé
le monde qu'Il a envoyé son Fils, son Unique, afin
que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie
éternelle. Car Dieu n'a pas envoyé son Fils
dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde
soit sauvé par son entremise. » (Jean 3, 16-17).
Nous sommes les premiers témoins de cette miséricorde
de Dieu et c'est notre premier engagement pastoral d'exprimer
cet amour en toute circonstance. C'est cet amour de charité
qui est aussi le fondement du témoignage que nous devons
rendre à l'ambition de Dieu pour les hommes. Le Christ
ne s'est pas présenté pour rallier les opinions
majoritaires ou se conformer à la pensée correcte
de son temps. Il est venu pour dévoiler une ambition
plus haute : appeler les pécheurs à la conversion
et à la sainteté.
Cet appel scandalisait ceux qui se croyaient justes dans leurs
certitudes et qui prétendaient savoir ce qui est bon
pour l'homme. Il faisait bondir de joie ceux qui étaient
guéris et pardonnés et les entraînaient
sur les chemins exigeants de l'amour. Aujourd'hui, nous sommes
envoyés pour actualiser cet appel adressé à
tout être humain de mener une vie digne de sa grandeur
unique et pour susciter chez lui la confiance et l'espérance
qu'il en est capable.
C'est ce que nous faisons quand nous invitons nos contemporains,
et surtout les plus jeunes, à vivre une sexualité
digne de la raison et de la responsabilité humaines
en ne cédant pas au mythe de relations irresponsables,
supposées sans risque, qui finissent par éteindre
la joie de l'amour d'un homme et d'une femme et par le réduire
à une conduite mortifère qui suscite l'angoisse.
C'est encore ce que nous faisons quand nous encourageons celles
et ceux qui sont engagés dans la recherche scientifique
et médicale en rappelant l'exigence du respect de la
dignité humaine, y compris dans les hommes et les femmes
qui ne correspondent pas aux critères d'une super humanité.
Comment se satisfaire de l‘élimination des individus
non-conformes aux ratios d'une normalité supposée
? On ne sauve pas l'homme si on ne respecte pas les plus faibles
ou si on rejette les plus diminués ou les plus exposés.
Il en va du bien commun de notre société à
venir.
C'est enfin ce que nous faisons quand les membres de nos communautés
s'engagent généreusement pour le service des
plus pauvres : malades, vieillards, chômeurs, immigrés,
etc. Nous voulons poursuivre ce service en étant plus
attentifs aux nouvelles pauvretés générées
par notre société : enfants de foyer monoparental,
réfugiés et immigrés, personnes rejetées
et marginalisées, etc.
C'est encore le service de l'homme qui nous a conduits à
réfléchir sur la crise économique qui
frappe notre société. Des experts nous ont aidés
à comprendre mieux les méfaits d'un fonctionnement
financier sans régulations suffisantes. Nous avons
mesuré le risque de croire à une fatalité
plutôt qu'à la capacité humaine de maîtriser
une situation par des décisions démocratiques.
Nous avons mieux compris qu'il est illusoire de confondre
le rôle des experts, qui ne sont pas infaillibles, avec
celui des décideurs et l'importance du fonctionnement
des corps intermédiaires dans la gestion des aspirations
et des conflits inévitables. Nous avons surtout mesuré
qu'il y a des actions à mener, et donc à soutenir
: réévaluer les priorités humaines de
l'économie et du système financier, développer
la solidarité envers les plus démunis, solidarité
publique et initiatives privées et associatives, encourager
les initiatives, les porteurs et les acteurs de projets. Si
cette crise marque la fin d'une époque, elle n'est
pas la fin du monde. Nous avons à aider nos compatriotes
à percevoir l'opportunité qui s'offre de revoir
nos modes de vie et nos priorités financières.
Dans nos diocèses, beaucoup ont été déstabilisés
et troublés par les campagnes récentes. Nous
voulons partager avec tous la confiance qui nous habite :
notre Église n'est pas un bateau en perdition. Elle
est animée et conduite par l'Esprit-Saint. Sa vitalité
et son dynamisme dépendent de la communion que nous
vivons avec le Christ ressuscité et de la communion
que nous vivons avec tous nos frères à travers
le monde. Nous, vos évêques, nous sommes en union
étroite avec le Pape Benoît XVI à qui
nous redisons notre affection et notre soutien sans faille.
C'est dans l'esprit de ce soutien sans faille que nous lui
avons librement exprimé nos regrets devant les difficultés
récentes. Avec le Pape, nous sommes les garants de
cette communion ecclésiale et nous nous efforçons
de la mettre en pratique, comme nous venons de le vivre pendant
ces quelques jours.
Joyeuses et saintes fêtes de Pâques à tous
!