Homélie
du 15° dimanche après la Pentecôte
« L’idée essentielle de cette messe
porte à la fois sur la faiblesse, la misère de l’homme
et la toute Puissance de Dieu. Et ces deux idées unies font
naître, dans le cœur humain, une prière particulière
: la prière de l’humble fidèles. Le « Magnificat
» de Notre Dame en serait comme l’archétype.
C’est le Psaume 85 qui est, ici,
utilisé dans le chant de l’Introït de cette messe.
C’est aussi un bel exemple de
prière.
« Inclina, Domine, aurem tuam
ad me et exaudi me ».
Seigneur, penchez votre oreille vers moi et écoutez-moi, Exaucez
moi.
Mon Dieu, sauvez votre serviteur, « sperantem in te », «
parce qu’il espère en vous.
« Misereri mihi, Domine »
« Ayez pitié de moi Seigneur »
« Ad te, clamavi tota die ».
“Tout le jour, j’ai crié vers vous”.
Prière humble, vous le voyez.
Prière humaine, par définition. La seule prière
que l’homme puisse légitimement , en justice, faire monter
vers Dieu.
C’est la prière de Notre
Dame, dans son « Magnificat ». Elle exalte, précisément,
la toute puissance de Dieu. Celle qu’Il a exercée, manifestée
dans toute l’histoire d’Israël. Mais tout également
la bassesse de sa créature, « de sa servante ».
Oui, l’idée de la puissance
de Dieu est parfaitement soutenue dans le chant du Magnificat : «
Parce qu’il a fait en moi de grandes choses, Celui qui est puissant.
Il a déployé la force de son bras. Il a dissipé
le « fort », « celui qui se croit tel » (Le
« fort » est l’expression souvent utilisé chez
les pères de l’Eglise pour exprimer le « démon
», ainsi chez Meliton de Sarde). Il a renversé le trône
des potentats. »
Toutes ses expressions expriment bien la toute puissance de Dieu.
Mais l’idée de crainte
est aussi contenue. Elle est nécessairement corrélative
de l’idée de toute « puissance » : «
sur ceux qui le craignent ».
Et l’idée de miséricorde
se trouve également exprimée dans la bouche de Notre Dame.
Cette idée vient de la connaissance historique de Dieu : «
Sa miséricorde s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent »
Ou encore : « Il a pris soin d’Israël
son serviteur, se ressouvenant de sa miséricorde ».
Ou encore : « Il a jeté
les yeux sur la bassesse de sa servante ».
Belle prière du cœur humain.
Belle prière humble qui doit être aussi notre prière.
Ainsi l’Eglise, dans cette messe,
nous montre finalement qu’elle doit être notre prière.
Quelle en doit être l’objet.
Elle nous donne des exemples de prières et dans l’Introït
et dans le Graduel et dans l’Alléluia et dans le chant
de l’Offertoire et dans l’antienne du Magnificat.
Des modèles de prière, objectivement parlant.
Je veux dire : des modèles de prière qui doivent nécessairement
naître dans mon cœur, dans tout cœur humain. Parce que
tout cœur humain est faible et misérable. Parce que Dieu
est Dieu, le Tout Puissant. Qu’il est le « Miséricordieux
», le « Compatissant », « Celui qui est raison
et de ma crainte et de mon espérance et de mon appel à
Lui ».
« Seigneur ! Apprenez-nous à
prière » demandaient un jour les disciples.
L’Eglise, en ce dimanche, vous
répond.
Développons quelques instants
ces quelques idées.
Et d’abord la misère de
l’homme, sa faiblesse, sa contingence
Puis la Toute puissance de Dieu.
Et d’abord sa faiblesse.
L’Evangile de saint Luc l’affirme et l’illustre.
Voyez la scène douloureuse qui
se déroule à la porte de Naïm
A NaÏm, sort de la ville, de la
porte, un cortège funèbre.
« Ecce defunctus efferabatur ».
« Voici qu’on emportait un mort. « Defunctus.
« Defunctus » vient du verbe
« defingi » que l’on traduit : « qui en a terminé
avec la vie ». Cette remarque montre la petitesse de l’homme.
Sa finitude. Sa dépendance. Sa servitude. Il est celui qui n’a
pas l’être en lui-même, qui le reçoit. Il reçoit
l’existence. Il peut perdre l’existence. Et de fait, il
la perd. Il est mortel. Il n’a pas en lui-même sa raison
d’être. Autrement il serait de toujours. Il n’est
pas au principe de son être. Il est un être contingent.
Il n’est pas nécessaire, comme l’est l’être
divin qui est par soi, « per se », qui est premier. Qui
est nécessairement sans quoi rien ne serait. Qui est la raison
essentielle de tout être. L’homme est contingent. Il peut
être ou ne pas être. Il vient à l’existence.
Il sort de l’existence. Il est « defunctus ». S’il
est, il peut enrichir le monde de ses talents…Mais lorsqu’il
n’est plus, le monde tourne toujours. Il n’est vraiment
pas nécessaire.
Il est dépendant, dépendant, dans l’existence, d’un
autre qui , lui, ontologiquement est nécessaire : Dieu
Et Saint Paul, aux Galates, le confirme
: « Si qui existimat se aliquid esse, cum nihil sit, ipse se seducit
».
« Si quelqu’un s’estime être quelque chose,
alors qu’il n’est rien, « nihil sit », il se
trompe. Le verbe latin est « seducere qui veut dire : mettre à
l’écart, soustraire à ou dérober à…
. Il se trompe i.e il se met à l’écart, en dehors
du vrai, il se soustrait à la vérité. Il se dérobe
au vrai.
Oui ! Vraiment l’homme n’est
rien, un souffle, un instant, peu de chose. Il n’est rien dans
l’ordre de l’être. Mais alors que dire de l’ordre
moral ? Il est faiblesse, fragile, changeant, pécheur. Il peut
tomber. Il est tombé. Il tombera. Une girouette souvent au gré
des vents, des passions, souvent des circonstances. Instable. Oh Combien
! Telle est la réalité humaine.
Faiblesse de l’homme. Fragilité.
Ce la ne peut pas ne pas faire l’objet de ma prière.
Mais combien Dieu est puissant. Non
pas par simple comparaison ! Mais en soi. Il est l’être
nécessaire, le principe premier. Il est le créateur de
toutes choses. De rien, tout a été fait. Ex nihilo »,
dit la Théologie. Non que tout procède de rien. Ex nihilo,
nihil fit. Mais que rien n’était et qu’à sa
parole, tout fut. C’est l’affirmation de Saint Jean : «
Par lui tout a été fait ».
« Par Lui ». Ainsi, un jour,
Celui par qui tout fut fait, s’avance vers Naïm. Un défunt
est conduit au tombeau. Désolation. Certes. Mais désolation
d’autant plus forte qu’il est « un fils unique »
« Filius unicus ». de cette mère « Unicus matris
suae ».
Mais plus encore. Cette mère est déjà veuve «
Et haec vidua erat ». Oh quel spectacle désolant, misérable.
Oh quelle souffrance dans le cœur
de cette mère. Un foule nombreuse la suivait. Jésus arrive.
Lui aussi est touché de compassion. Il la voit et dès
qu’Il la voit, « cum vidisset », il est touché
de compassion. « Dominus misericordia motus super eam ».
Le Seigneur est mu de miséricorde. « Super eam ».
Alors sans attendre, il lui dit : « Noli flere ». Et Il
redonne le fils à sa mère. « Adolescens, tibi dico,
surge ». C’est net, clair, limpide. C’est la Toute
Puissance qui s’exprime. « Adolescent, je te le dis, lève-toi
». C’est un impératif. « Et resedit qui erat
mortuus. » Il s’assoit. « Et coepit loqui ».
Il commence par parler « Et dedit illum matri suae ».
Dieu est le Tout-Puissant, compatissant.
Il a des « entrailles » de Père. Il est mû
de miséricorde. Il n’est pas seulement transcendant, le
« Transcendant ». Il est aussi et tout également
la « Miséricorde », le « Compatissant ».
Il met sa toute puissance, dira un jour sainte Thérèse
de l’Enfant Jésus, au service de sa miséricorde.
Il sait en effet compatir à la misère de cette femme.
De cette femme. Mais aussi à
la misère de ce peuple. De son Peuple. Du peuple hébreux
en esclavage chez l’Egyptien. . Il sait là aussi intervenir
en faveur de son peuple. C’est toute l’histoire d’Israël.
Il est, vous dis-je, un Dieu compatissant.
C’est toute l’histoire de la Rédemption. Il est un
Dieu Sauveur. Il est le sauveur « Et prpter nostram salutem descebdit
super nos, apud nos ».
Et par suite de cette histoire rédemptrice
qui est l’objet de l’Ancien Testament comme du Nouveau Testament,
et qui meuble encore vos mémoires, vous savez tous, vous pouvez
tous dire que Notre Dieu est un Dieu de miséricorde, compatissant,
lent à la colère. Un Dieu sensible qui écoute la
prière du cœur humain, humble et fragile, Humble et faible.
Et cette puissance miséricordieuse
qui s’exprime à Naïm, à la porte de Naïm,
arrache au peuple, qui voit, qui a vu, qui, dès lors en témoigne,
arrache ce cri d’admiration, un cri de crainte. « Accepit
autem omnes timor et magnificabant Deum ». La crainte les saisit
tous et ils magnifièrent Dieu ».
Voilà un autre objet important
de notre prière, de toute prière.
Comme celle de Notre Dame dans son Magnificat.
« Magnificat anima mea Dominum »
Mon âme magnifie le Seigneur.
Elle magnifie le Seigneur. Son esprit exulte en Dieu parce qu’elle
ne cesse de penser à la puissance salvifique de son Dieu. «
In Deo salutari meo ».
Voilà encore un objet de la prière
de tout cœur humain.
« In Deo salutari meo ».
Parce qu’elle ne cesse de penser à l’histoire du
salut, l’histoire du peuple d’Israël, sans cesse protégé
par la puissance compatissante de son Dieu, en raison de sa faiblesse..
Il a pris soin d’Israël son
serviteur, se souvenant de sa miséricorde. Ainsi qu’il
l’avait promis à nos pères envers Abraham, et sa
race, pour toujours ».
Oui !Pour tout cela, qui est objet toute
prière : « Magnificat anima mea Dominum
Ainsi parce que l’âme humble
sait reconnaître la puissance de Dieu et sa miséricorde
et sa compassion, elle sait aussi prier, elle sait élever son
âme à Dieu.
Et c’est la prière de l’Introït
de cette messe : « Inclina, Domine, aurem tuam ad me ».
Penche toi vers moi, i.e. Sois attentif
à ma misère, comme tu le fus à Naïm, auprès
de cette mère, de cette veuve, perdant son unique et «
exaudi me ».Et exauce moi, console ma misère, ma peine.
« Salvum fac servum tuum, sperantem in te ». « Sauve
ton serviteur qui espère en toi et te crains, comme tu sauvas
Israël, ton serviteur en déployant la force de ton bras.
« Spero in te », Miserer mihi. Ayez pitié de moi.
Je sais ta compassion, celle que tu manifestas hier à Naïm
; et jadis en Israël . « Il est bon de se confier en le Seigneur.
« Bonum est confitere Domino » . Car tu es mon Sauveur,
mon protecteur. Tu es le Transcendant « l’Altissime »,
le Très haut. J’annonce, dès le matin, « mane
», ta miséricorde.
Je vis dans la prière cette miséricorde manifestée,
au long de l’histoire d’Israël. Je sais. Je témoigne
de ta puissance au service de ta miséricorde. Je me souvient,
pour nourrir ma prière du « defunctus » de Naïm.
Cette vérité sur Dieu m’oblige à confesser
cette miséricorde, sa miséricorde. Elle est l’objet
de ma prière. Alleluia ! Alleluia !. Je suis dans l’allégresse
parce que j’ai de Dieu une connaissance « joyeuse ».
Je le chante et j’invoque sa toute puissance : « Deux Magnus
», « Rex magnus super omnem terram ».
Et parce que Dieu est tel, vraiment
puissant et miséricordieux, « je suis plein de confiance
et mets en Dieu mon espérance ». « Expectavi »
et « Exaudivit deprecationem meam ». Il s’est penché
sur moi pour entendre ma prière.
De ma bouche, un chant nouveau s’exprime, celui du peuple de Naïm
: « Propheta magnus surrexit in nobis quia Deux visitavit plebem
suam. Un Prophète, un grand, s’est levé parmi nous.
Et Dieu a visité son peuple ». Il l’a visité.
Il le visite par la Sainte Eucharistie. « Inhabitavit in eum ».
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