Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

06 80 71 71 01

 

Semaine du 8au 14 novembre 2004

Vingt quatriéme Dimanche après la Pentecôte

 

Sommaire

 

 

 

I – Réflexions de Mr l’Abbé Laguérie sur « l’affaire Saint Eloi » de Bordeaux.

 

Il me plait de commencer cette paroisse « Saint Michel » par ces réflexions de Mr l’abbé Laguérie sur « l’affaire Saint Eloi », réflexions publiées dans son « Mascaret » de novembre. Elles sont sages, très surnaturelles, inspirées de Dieu qui, à l’évidence, bénit, sur Bordeaux, son apostolat et celui de son confrère, Mr l’abbé Héry.

Comme je le dis dans « mon regard sur le monde » du 14 novembre 2004 (http://item.snoozland.com) : « Et s’ils gagnaient sur « le terrain », c’est-à-dire si les fidèles les suivaient…Ils auraient l’air malins les autres ». Croyez moi, l’affaire n’est pas finie !


Patience:

J'aimerais ici vous parler de Dieu, et reprendre avec vous le cours normal des choses, celui d'un pasteur qui s'occupe de ses ouailles sans d'autres soucis que de leur livrer de bons pâturages. Cela se fait d'ailleurs par les sermons, les conférences (du jeudi), les cours, les articles sur l'Evangile… Oui, j'aimerais m'occuper de ma paroisse, vraiment, avec cette seule préoccupation. Malheureusement, le diable ne l'entend pas ainsi qui, depuis le début de Saint-Eloi nous oblige à la défendre bec et ongles contre des ennemis d'autant plus redoutables qu'on ne les attend jamais du côté où ils surgissent ! On a eu les socialistes ; on a eu les trotskistes ; on a eu les procès ; on a eu les tracasseries administratives de toutes sortes. Le Bon Dieu nous a, pour l'heure, délivrés de tout cela et tant du côté de la mairie de Bordeaux que du côté de l'évêché, on ressent une vraie compréhension, voire une bienveillance. Et voilà que le diable nous suscite un ennemi nouveau, original, inattendu et, disons le tout net, plus féroce que tous les autres déjà rencontrés s ! Quand on écrira dans 50 ans l'histoire de Saint-Eloi, on croira rêver. Que des prêtres se réclamant de la Tradition catholique se soient dressés, et bien avant l'été 2004, contre leurs confrères de Bordeaux qui leur apportaient une église sur un plateau, sans frais ni travaux (c'est nous qui faisons tout…), voilà bien la malice du diable parce qu'elle dépasse tout à fait celle des hommes. Quoiqu'il m'en coûte, je vous dois en toute vérité un état des lieux sur nos relations avec les supérieurs de la Fraternité Saint-Pie X. Je reprends les choses là où nous les avons laissées, à la fin septembre.
Car imaginez-vous bien qu'une telle rupture devrait trouver les parties en présence prêtes à de larges concessions pour rétablir la paix, c'est-à-dire la tranquillité de l'ordre. Il n'en n'est rien pour l'heure : jugez vous-même.
Le mois d'octobre a été celui de belles négociations qui étaient sur le point d'aboutir. Sur la demande de quelques confrères intelligents et vraiment charitables, deux entrevues ont eu lieu entre Monseigneur Fellay et moi-même, en présence de Monseigneur Williamson, venu tout exprès pour cela. La première (trois heures et demi) le jeudi 7 octobre, la deuxième (cinq heure et demi) le lundi 11 octobre avec aussi Monsieur l'abbé de Cacqueray.
Tous conviennent (communiqué de l'abbé Sélégny) et moi le premier qu'elles ont été franches, utiles, respectueuses et même fructueuses. A leur terme, il était constaté une réelle volonté d'arranger toutes choses, tant sur la question des séminaires, que d'un certain vide juridique (s'il n'y a pas de recours possible à une sanction dont le refus mène à l'exclusion pure et simples : ou bien on ne peut agir de la sorte, ou il faut créer cette possibilité…), que sur une paix réelle à négocier. A cette dernière fin, Monseigneur Williamson, d'un commun accord entre Monseigneur Fellay et moi-même, était chargé d'en rédiger les propositions écrites. J'ai donc quitté ces entrevues, confiant et avec de réels espoirs. J'ai attendu, sans rien faire d'autre… que prier.
Que s'est-il donc passés ? Monseigneur Williamson a rédigé trois lettres, devant être signées l'une par Monseigneur Fellay, l'autre par monsieur l'abbé de Cacqueray, la dernière par monsieur l'abbé Héry et moi-même (ces documents sont dans le public). Elles ont été soumises aux intéressés le mercredi 13 octobre. Le vendredi, Monseigneur Fellay téléphonait à Monseigneur Williamson : ce n'était pas un refus total, mais c'était inopportun, trop tôt, à modifier. Le samedi 16 octobre, Monseigneur Williamson prêchait à Marseille et le dimanche à Paris. Son magnifique sermon, plein de bon sens, de surnaturel et de charité, n'eut pas le bonheur de plaire à monsieur l'abbé de Cacqueray qui en fit aussitôt des reproches à l'auteur et fit confisquer la bande enregistrée de telle sorte que la diffusion normale des sermons à Saint-Nicolas (c'est votre serviteur qui l'a instituée) soit empêchée. Deux jours après, c'est le communiqué ahurissant de l'abbé Sélégny qui, (1) confirme notre exclusion de la Fraternité, (2) déclare illicite notre ministère à Saint-Eloi, (3) nous déclare occupants sans titre au prieuré Sainte Marie. Rien moins. On notera que l'abbé Héry et moi-même, puisqu'il s'agit de nous deux, sommes restés silencieux tout ce temps-là. Nous avons du reprendre la parole par notre communiqué du 22 octobre. Car au-delà de cette interruption volontaire de négociation, il y a dans le communiqué ce qu'aucun fidèle de la Tradition, quelque soit, hélas « son camp », ne peut ni ne doit admettre. Le fameux n°2. Cette prétention de réglementer la juridiction de suppléance commune à tout prêtre de la Tradition qui lui accorde juridiction par le droit de l'Eglise sur la demande des fidèles. Par définition, cette juridiction n'étant pas personnelle, ne peut se donner par voie hiérarchique, ni, évidemment se refuser. C'est vraiment du jamais vu dans la Tradition, depuis toujours, c'est-à-dire depuis que les évêques, bien avant les sacres on s'en souvient, qualifiaient de « sauvages » tout ce qui n'avait pas l'heur de leur plaire.
Comprenez bien ceci : dire que le ministère d'un prêtre est illicite, c'est dire qu'il n'a pas de juridiction. Alors, de deux choses l'une ; ou l'on entend par là qu'il n'a pas la juridiction personnelle qui descend du pape aux évêques, aux curés, aux vicaires. Mais alors aucun prêtre de la Tradition n'a celle-là et c'est pousser les prêtres à la rechercher… Ou l'on entend qu'il s'agit de celle que confère le droit dans le cas de nécessité (juste demande des fidèles) et la refuser à l'un c'est la refuser à tous les autres car elle dépend des circonstances présentes, égales pour tous. En outre, aucune autorité ecclésiastique ne peut, même investie de l'autre, l'accorder ou la refuser. Elle ne se donne ni ne se refuse : elle est ou elle n'est pas.
On constate malheureusement, par cette dernière invention, combien extravagante, comment mon confrère et moi-même faisons l'objet d'un acharnement vraiment inexplicable. En dernière date (28 octobre 2004), monsieur l'abbé de Cacqueray nous somme de quitter le prieuré Sainte-Marie, sous peine de poursuites légales et contraintes judiciaires !
Jamais Monseigneur Lefebvre, sous quelque motif que ce fût (et il eut avec ses prêtres des différents doctrinaux considérables, ce qui n'est pas le cas ici), n'usa de cette sévérité avec ses prêtres. Il appelait toujours ses “fils” ceux-là mêmes qui avaient abandonné son combat. Il bénissait l'apostolat de ceux qu'un différent avait séparés de la Fraternité, quelque douloureuse et crucifiante pour lui avait été la rupture. Quand on songe aujourd'hui que la seule chose qu'on peut réellement me reprocher est un excès de zèle pour la cause, on croit rêver de l'attitude de ses successeurs !
J'attends l'heure de Dieu. Il est impossible qu'il ne se produise un sursaut de la grâce. Je ferme l'oreille aux sirènes multiples et variées qui me poussent à me donner d'autres supérieurs que ceux-là. Au moins je veux faire la démonstration qu'il n'y a plus rien à en attendre, ce que je ne crois pas pour l'instant. Qui ne voit d'ailleurs qu'ils sont en train de me donner raison par les faits : leur entêtement dans l'ostracisme à notre égard n'est-il pas le motif de nos critiques ? Je suis peut-être naïfs ? Mais je préfère leur conserver le respect et la déférence dus, même s'ils ne les méritaient plus, plutôt que de leur refuser l'espoir d'une éventuelle confiance au cas qu'ils la mériteraient toujours.
Merci, grand merci à ces milliers de fidèles qui, comme moi, ne comprennent plus et le manifestent publiquement. Merci à ces nombreux prêtres qui comprennent en silence que mes difficultés sont aussi les leurs, parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Merci à la Providence de Dieu qui, en nous confiant Saint-Eloi, nous permet de survivre, de vivre et de prospérer selon notre vocation de pasteurs et de prêtres de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Abbé Philippe Laguérie

 


II – l’homélie du dimanche : Saint Paul, une âme sacerdotale.

Mon attention restera attirée par les belles considérations de Saint Paul dans son épître aux Théssaloniciens. Voici cette page magnifique prise en le « 6e dimanche après l’Epiphanie », pour des raisons de calendrier liturgique.
« Frères, nous rendons grâce à Dieu continuellement pour vous tous, en faisant mémoire de vous dans nos prières : nous nous rappelons sans cesse l’activité de votre foi, le labeur de votre charité et la constance de votre espérance en notre Seigneur Jésus-Christ, en présence de notre Dieu et Père. Nous savons, frères aimés de Dieu, que vous êtes des élus ; car notre annonce de l’Evangile n’a pas été faite chez vous avec des paroles seulement, mais aussi avec puissance, dans l’Esprit-Saint, avec plein succès ; vous savez d’ailleurs ce que nous avons été parmi vous et pour vous. Et vous, vous êtes devenus nos imitateurs et les imitateurs du Seigneur, recevant la Parole, parmi beaucoup d’afflictions, avec la joie de l’Esprit-Saint ; en sorte que vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de Macédoine et de l’Achaïe. De chez vous, en effet, la parole du Seigneur n’a pas retenti seulement en Macédoine et en Achaïe : c’est en tout lieu qu’est parvenue votre foi en Dieu ; aussi bien, nous n’avons besoin d’en rien dire. Car, en parlant de nous, on raconte ce que fut notre arrivée chez vous, et comment, quittant les idoles, vous vous êtes convertis à Dieu, pour servir le Dieu vivant et vrai et attendre du ciel son Fils qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus, lui qui nous délivre de la colère qui vient ». (Thess 1. 1 2-10)
Saint Paul nous montre ici encore une âme ardente, pleine de feu, de délicatesse et d’attention pour ceux qu’il a évangélisé, ceux qu’il doit évangéliser sans cesse. Il est vraiment un modèle de « pasteur ».
Il définit, en même temps, la foi des habitants de Thessalonique. Il en fait le panégyrique et tout équivalemment, dessine la belle figure du chrétien. C’est, pour nous, à retenir.
Saint Paul, une âme ardente

Et tout d’abord, il manifeste une âme ardente. Il ne reste pas indifférent à ses fidèles. Il ne les oublie pas, jamais. Ils sont, sans cesse, dans sa pensée, dans ses prières. Saint Paul est un Apôtre aimant, zélé, ardent, au cœur chaleureux et généreux. Il porte en son cœur tous ses fidèles. Il se souvient de tous dans ses prières : « Memoriam vestri facientes in orationibus nostris sine intermissione » « Nous faisons mémoire de vous dans nos prières ».
Saint Paul, une âme d’action de grâces
Et ses fidèles, et leur piété et leur foi sont l’objet de son action de grâce. Notons au passage que Saint Paul est une âme d’action de grâces. « Gratias agimus Deo semper ». Toujours il rend grâce à Dieu. C’est une âme qui ne se replie jamais sur elle-même, qui n’est pas égoïste et étroite, mais toujours tourné vers Dieu, pour lui rendre grâce de tout, toujours et à propos de tout.
Une âme d’action de grâces est une âme humble qui sait qu’elle doit tout à Dieu, rien à elle-même, ni à son génie.
Une âme d’action de grâces est une âme dépouillée d’elle-même, qui ne se complait jamais en elle-même, mais se tourne vers Dieu sans cesse car elle sait qu’elle doit tout à Dieu…Elle ne s’approprie que le mal qui est l’occasion pour elle de s’humilier.
Les motifs de son action de grâce.
Et ici il nous indique qu’elle est le motif de son action de grâces : ce sont ses fidèles de Thessalonique.
Et c’est à juste titre que Saint Paul peut rendre grâce à Dieu au sujet de ses fidèles. Car ils sont « plein de foi » et leur foi, en eux, n’est pas stérile. Elle s’exprime « ad extra » par mille actions , mille générosités ; « Memores operis fidei vestrae ».
« Opus fidei ». Saint Paul ne s’étend pas. Il ne décrit pas leurs œuvres, leurs « opera », leur activité.
Mais nul doute qu’il s’agit de la piété des Théssaloniciens, de leur zèle liturgique, de leur amour du chant liturgique, de leur amour du sacrifice rédempteur, de leur vie d’oraison et de prière. Toutes ces activités trouvent leur principe, leur racine dans la foi.
Et notez bien qu’il parle des « œuvres de la foi ». Il ne parle pas seulement de la foi, mais bien des « œuvres de la foi ». Texte précieux, s’il en est, pour confondre la thèse de Martin Luther sur la justification et la « sola fides ».
Et de cette activité de la foi, Saint Paul en rend grâce à Dieu et s’en réjouit. Tout cela était pour lui la raison de sa joie. Je ne vois pas d’âme vivant d’action de grâce qui ne soit pas tout également, une âme joyeuse.
Il fait mémoire aussi dans sa prière, de leur « labeur ». « Et laboris ».
Ceci corrobore l’enseignement précédent de Saint Paul : que la foi, si elle est vraie, ne peut pas ne pas s’exprimer en « œuvres », par le labeur.
Mais aussi de leur charité. Le traducteur, ici, joint les deux mots. Saint Paul se réjouit « du labeur de leur charité. Non le texte latin dit : « Il se réjouit et de leur labeur et de leur charité . « Et laboris et caritatis ».
Notez alors au passage, le style du chrétien.
C’est un homme qui extériorise sa vie théologale. La grâce sanctifiante théologale, dans l’âme du chrétien est active. Elle s’exerce et s’exprime en œuvres diverses. Elle agit. Le chrétien est le contraire même du paresseux.
Il se souvient aussi de la constance de leur espérance en NSJC. Espérance qui maintient le chrétien en présence de Dieu « ante Deum et patrem nostram ». Le chrétien est celui qui vit sans cesse sous le regard de Dieu, « ante Deum ». Il sait que Dieu voit tout, connaît tout. Le chrétien ne cache rien à Dieu. Vivre devant Dieu, dans la lumière de Dieu : voilà la joie du chrétien.
Saint Paul aussi rend grâce à Dieu de l’élection de ses fidèles. « Scientes, dilecti Deo, electionem vestram ». « Nous savons, frères aimés de Dieu, que vous êtes des élus »
Il y a un lien, une relation, du reste, entre le choix divin et l’amour divin. L’un dépend de l’autre. Tout chrétien est aimé de Dieu et donc choisi de Dieu. Je suis élu parce qu’aimé. C’est parce que Dieu est amour qu’il s’est penché sur les Théssaloniciens, leur envoyant Saint Paul pour que, grâce à sa parole enflammée, ils croient et que croyan,t, ils se sachent les élus de Dieu.
La prédication de Saint Paul. Son style.
Et cette prédication, Saint Paul l’a décrit lui-même sans fausse honte. Sa prédication a d’abord pour objet :l’Evangile. Et non pas d’abord le fait « social ». Elle fut puissante. Elle s’exprima par la parole, par une parole « enflammée ». Elle s’exprima aussi par les miracles et par l’effusion du Saint-Esprit. Par la communication des sacrements, du baptême, de la confirmation. Mais, certainement, aussi par des manifestations charismatiques. Elle se manifesta avec « certitude ». Par une parfaite « assurance ». En latin, on a « in plenitutidine multa ». que l’on peut traduire : « avec une totale plénitude ». Plénitude, qui vient du mot latin « plenus » qui veut dire : « plein, replet, corpulent, bien fourni, abondamment garni, riche, complet, entier, parfait, fort ». Tel fut la prédication de Saint Paul. Ce devait être fabuleux de l’écouter, de l’entendre parler de NSJC, du Messie. Elle devait être riche, illustrée d’images de l’Ancien Testament, forte, convaincante, dite d’une voie assurée, abondamment garnie des Ecritures, une prédication pleine, parfaite. De fait, dès le début de sa conversion, il prêcha dans les synagogue, le Messie, montrant que le Christ était bien Celui qui était annoncé dans l’Ancien Testament.
Il ne craint pas de dire ce qu’il fut, lui, l’Apôtre des Nations, pour eux. Il leur fit du bien. Il leur apporta le bien, la parole du Seigneur.
Le zèle des fidèles
Et sa générosité, son enthousiasme, sa force provoqua en retour l’estime des fidèles et leur zèle à faire le bien
Et d’abord à l’imiter. Imiter Saint paul. Un jour, un fidèle, un tantinet original, me fit cette réflexion. « Je n’aime pas Saint Paul, il est prétentieux ». Mais pas du tout. C’est ne rien comprendre à la vie chrétienne, à la vertu. Elle doit briller pour éclairer les autres. On n’allume pas la lumière pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire pour qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. C’est ce que fit Saint Paul parmi les Théssaloniciens. Il fut tel qu’ils eurent tous le désir de l’imiter. Il avait un zèle communicatif, enthousiasmant que l’on voulait suivre, imiter. . « Vous fûtes mes imitateurs » dit-il. Et pas seulement mes imitateurs. Mais aussi les imitateurs de NSJC. Car vous avez accueilli la parole.
« Excipientes verbum ». Vous trouvez là encore une belle définition du chrétien. « Excipientes » qui veut dire « recueillir, recevoir, se charger de, entendre, apprendre, recevoir, admettre, soutenir ». Comme ce mot est riche ! Vous notez que tous ces verbes s’opposent au subjectivisme moderniste, à leur théorie de l’ « immanence vital ». La foi serait pour eux le fruit de leur « intérieur ». Saint Paul, par ce verbe « excepientes » s’y oppose fortement. La foi, elle doit être reçue. Elle doit donc être enseignée. On ne la découvre pas à l’intérieur de soi. On ne l’imagine pas. Non ! Mais on l’entend, on l’apprend, on la reçoit, on l’admet. On la soutient. On la proclame.
« In tribulatione », dans les épreuves et dans la tribulation.
« cum gaudio Spiritu Sancti ». Voilà encore une belle définition du chrétien. La tribulation, dans le cœur chrétien, est telle, et vécut de telle façon qu’elle n’exclut pas la joie de l’Esprit-Saint.
Alors oui, « je peux raisonnablement rendre grâce à Dieu de votre comportement, de votre zèle, de votre foi, de votre espérance, de votre charité, de votre labeur, de votre attention à la parole de Dieu, ma prédication ».
Vous fûtes alors les modèles de toute la chrétienté. Un peu comme la France, jadis, au milieu de l’Europe.
Saint Paul affirme la chose. Et il passe. C’est connu. On le sait, Ca se sait.
Alors tout le monde sait quel accueil vous me fîtes. « Qualem introitum habuerimus ». Quel accueil nous avons trouvé près de vous. Ah Heureux Saint Paul. Il fut bien introduit, bien accueilli. Il le mérita bien. C’est là aussi une belle définition de l’Apôtre dans sa communauté : « Qualem introitum habuerimus ».
Alors tout le monde sait comment vous avez quitté les idoles, grâce à mes paroles, pour vous convertir à Dieu. « Quomodo conversi estis ad Deum a simulacris. Oui vous avez quitter les simulacres de divinité pour vous tourner vers Dieu. « Convertere ». Se tourner vers Dieu. Dans quel but ? A quel fin ? Pourquoi ? Saint Paul l’explicite ici : « pour le servir » ; « Servire Deo vivo et vero ». Mais aussi pour l’attendre dans son retour en gloire, « expectare Filium eius de Coelis » Et il termine par un bel acte de foi, en la résurrection du Christ. « Quem suscitavit ex mortuis », « qu’il a ressuscité d’entre les morts » Et en sa mission rédemptrice : « Qui eripuit nos ab ira ventura » ce jésus qui délivre de la colère qui vient ». Eripere veut dire « arracher violemment ». de la colère qui vient.



III - L’année eucharistique.

Nous commenterons aujourd’hui l’article 4 de la question 73 de la Somme de Saint Thomas qui est, comme vous le savez maintenant, consacré à l’Eucharistie.
Cet article est relatif aux divers noms que l’on a pu donner à l’Eucharistie. On le nomme souvent, « Sacrifice », « Eucharistie », « Viatique », « Hostie »…Tous ces noms conviennent-ils pour désigner ce sacrement ? C’est la question que se pose Saint Thomas : « Utrum convenienter hoc saramentum pluribus nominibus nominetur »

Avec l’étude des trois articles précédents, nous en connaissons assez pour comprendre cet article. Il est plus facile à comprendre que l’article 3.

En effet, jusque là, nous avons esquisser la nature sacramentelle de l’Eucharistie. Nous savons que ce sacrement est « un aliment spirituel », « Alimentum spirituale ». Qu’il est une vraie nourriture, un vrai breuvage – le corps et le sang de NSJC par la double consécration prononcée- pour alimenter notre vie surnaturelle, comme la nourriture solide et liquide sont nécessaires pour fortifier le corps. On parlera alors avec Saint Thomas de ce sacrement comme étant une « réfection spirituelle ». C’est même sa finalité. Elle est « une » et sous ce rapport, le sacrement est « un » « formaliter et perfective » comme est une la finalité de tout repas même si il est composée - materialiter dictum - de plusieurs éléments. La perfection de ce sacrement, qui est « réfection spirituelle » du fidèle, est réalisée par la double consécration et du pain et du vin en le Corps et le Sang du Christ. Nous savons que cette double consécration est nécessaire, non pas seulement pour nous donner le double aliment qui doit constituer l’intégrité du repas spirituel qu’est l’Eucharistie, mais aussi pour donner à ce double aliment le caractère essentiel qu’il doit avoir et qui est celui de nous faire participer à la Victime immolée à laquelle ce sacrement nous fait communier. Et ainsi nous avons entrevu -ce que nous étudierons mieux plus tard - le lien étroit indissoluble qui unit, dans l’Eucharistie, la raison de sacrement et la raison de sacrifice. Le pain que nous mangeons, le vin que nous buvons ne sont pas un pain et un vin ordinaire. Ce pain est le corps du Christ ; ce vin est son sang : corps et sang, séparés, donc en l’état de Victime immolée. Et cette communion à cette « Victime immolée » est « gage d’Eternité » « Qui mange mon corps et boit mon sang a la vie éternelle » et sous ce rapport, cette manducation de l’Eucharistie est nécessaire. C’était l’article 3.

Or, comme nous l’avons laissé entendre plus haut, ce sacrement de l’Eucharistie a reçu dans l’Eglise divers noms. Outre le nom d’Eucharistie, on l’appelle « viatique », « communion », « sacrifice ». On dit en effet, en parlant de l’Eucharistie et quand on reçoit ce sacrement qu’on reçoit la « communion », « le viatique » ; ou quand on assiste à sa célébration qu’on assiste au « saint sacrifice ». Ces divers noms sont-il bien choisis ? Conviennent-ils à la nature du sacrement de l’Eucharistie telle que nous venons de le rappeler ? Voilà la question que se pose Saint Thomas.

Et Saint Thomas y répond facilement en proposant tout de suite le principe de la résolution. A savoir. Il n’est pas impossible de nommer de différentes manières une même chose si l’on tient compte de ces différentes propriétés ou effets ou significations de la chose même. « Dicendum quod nihil prohibet idem pluribus nominibus nomminari secundum diversas propriétates vel effectus » (ad primum)

Et c’est ce qu’il dit tout au début de son article : « ce sacrement a une triple signification », je peux le considérer sous trois aspects différents. « hoc sacramentum habet triplicem significationem »

- je peux le considère dans sa relation au passé, « unam (significationem) respectu praeteriti »,
- je peux le considère eu égard à la chose présente, « Aliam significationem habet respectu rei praesenti »,
- je peux le considère dans sa relation aux choses futures, « Tertiam significationem habet repectu futuri ».

Et ainsi selon ces trois aspects différents , je peux nommer ce sacrement de différentes manières. Cela dépend de la manière, de l’angle sous lequel je le considère. .

Ainsi dans cette étude particulière de ce sacrement de l’Eucahristie, Saint Thomas ne fait qu’appliquer ce qu’il disait dans son traité sur le sacrement en général (q.60 a.3) : chacun des sept sacrements possède trois signification différentes, l’une pour rappeler une chose passée, l’autre pour indiquer et exprimer une chose présente et la troisième pour annoncer une chose future. Cette propriété est commune à tous les sacrements.

N. B. Il est intéressant de constater que le catéchisme du Concile de Trente reprend totalement cet enseignement et en fait directement l’application au sacrement de baptême. Voici ce qu’il écrit : « Ces signes mystiques ( que sont les sacrements) qui sont l’œuvre de Dieu, sont destinés, d’après leur institution même, à signifier, non pas une , mais plusieurs choses (c’est l’article 3 de la question 60) à la fois. Il est facile de s’en rendre compte, en étudiant les Sacrements qui, outre la sainteté et la justification qu’ils expriment, figurent encore deux autres choses intimement liées à la Sainteté elle-même : la passion de Notre Seigneur Jésus-Christ qui en est le principe et la Vie éternelle, la Béatitude céleste à laquelle la sainteté se rapporte comme à sa fin nécessaire. Cette propriété est commune à tous les sacrements. Voilà pourquoi les saints Docteurs ont enseigné avec raison que chacun d’eux possède trois significations différentes, l’une pour rappeler une chose passée, l’autre pour indiquer et exprimer une chose présente et la troisième pour annoncer une chose future ».

Et le catéchisme démontre que ce principe est parfaitement fondé dans le témoignage des Saintes Ecritures. Il le démontre pour le baptême. (cf. p. 142)

Appliquons à notre tour, ce principe au sacrement de l’Eucharistie

A - Ainsi si je parle du sacrement de l’Eucharistie dans sa relation au passé : là, il « commémore la Passion du Seigneur », « est commemorativum Dominicae passionis » qui fut un vrai sacrifice. Il renvoie à l’étude déjà faite (q.48 a.3). Ainsi, sous ce rapport, il est juste d’appeler ce sacrement « sacrifice ».

Le Père Pégues attire ici notre attention : « Notons, en passant, cette justification du nom de sacrifice donné à ce sacrement, précisément parce qu’il est le « sacrement commémoratif de la Passion du Christ ». Jamais nous ne prendrons assez de garde à ces formules de Saint Thomas pour nous préserver de tant de conceptions qui sont si loin de répondre à la pensée du saint docteur » (p. 23).

B- Si je parle de ce sacrement de l’Eucharistie eu égard à la chose présente, je parle nécessairement de ce sacrement comme principe d’ « unité de l’Eglise à laquelle les hommes sont associés par ce sacrement ». Alors sous ce rapport, on peut parler de l’Eucharistie comme « communion » ou comme « synaxe »

Là, Saint Thomas invoque l’autorité de saint Jean Damascène qui dit du sacrement de l’Eucharistie : « il est dit communion, parce que nous communions par lui au Christ ; et parce que nous participons à sa chair et à sa divinité ; et parce que nous entrons en communion et nous sommes unis les uns aux autres par lui »

C - Enfin si je parle du sacrement de l’Eucharistie en le considérant dans sa relation aux choses futures, là, il préfigure la « fruit ion » de Dieu qui se fera dans la Patrie céleste comme nous l’enseigne l’Eglise. Alors, sous ce rapport je peux l’appeler « viatique » parce qu’il ouvre la voie pour y parvenir. Je peux l’appeler aussi « eucharistie ». Qui veut dire « bonne grâce ». Or la « grâce de Dieu c’est la vie éternelle », l’Eucharistie en étant le gage. Mais aussi parce que l’Eucharistie contient « realiter » réellement le Christ qui est « plein de grâce », comme le dit Saint Jean. Mais aussi en grec, je l’appellerai « métalepsis » c’est-à-dire « assomption » parce que, comme le dit Saint Jean Damascène : par lui « nous assumons la divinité du Fils ».

Comme je vous le disais plus haut, nous retrouvons la triple signification sacramentelle déjà signalée par saint Thomas dans son traité du sacrement en général.

Résumons :

Ces trois significations s’harmonisent excellemment aux trois noms principaux par lesquels on désigne le sacrement qui nous occupe.
On l’appelle « sacrifice », parce que dans ce sacrement on rappelle le souvenir de la passion du Christ, « recolitur memoria Passionis eius ».
On l’appelle « communion » parce que, dans ce sacrement, l’âme est remplie de grâce, « mens impletur gratia », de cette grâce qui est vraiment la grâce de l’union ou de l’amour qui unit le fidèles entre eux et avec le Christ.
On l’appelle « viatique », parce que , dans ce sacrement, nous est donné le gage de la gloire future, « futurae gloriae nobis pignus datur ».

Le nom « Eucharistia » embrasse ces trois significations comme nous le chantons dans l’antienne magnifique des vêpres de l’office de Saint Sacrement : « O sacrum convivium, in quo Christus sumitur, recolitur memoria Passionis eius, mens impletur gratia et futurae gloriae nobis pignus datur “.

En prolongement il ne faut pas passer sous silence le « ad tertium » de Saint Thomas où il écrit : « Hoc sacramentum (eucharistia) dicitur sacrificium, in quantum representat ipsam passionnem Christi. Dicitur autem hostia in quantum continet ipsum Christum qui est hostia suavitatis, ut dicitur Eph 5 2)

Nous voyons, ici encore, expressément, que, pour Saint Thomas, c’est le sacrement lui-même qui est sacrifice et hostie ou victime.

Le nom de sacrifice lui convient parce que, comme nous le montrerons plus tard (q. 83 a. 1) le mode même et l’acte qui le produit ou le fait être rappelle, rend présent et perpétue, sous forme sacramentelle, la Passion même du Christ qui fut le sacrifice par excellence -recolitur memoria Passionis.

Quant au nom d’hostie ou de victime, il lui convient parce que le Christ caché sous les espèces sacramentelles s’y trouve sacramentellement à l’état de victime immolée. O salutaris Hostia, nous fait chanter la liturgie.

Concluons :

Ainsi les noms de « sacrifice », d’ « hostie »,de « communion », de « viatique », d’ « eucharistie » sont tous des noms qui conviennent pour désigner adéquatement « convenienter » le sacrement de l’Eucharistie.

Toutes ces réponses sont très riches et nous permettent d’entrer peu à peu dans l’intelligence de ce sacrement.

IV« De la pratique de la Perfection Chrétienne »

A – Commentaire du Chapitre VII

Bien chers « paroissiens », c’est un bien beau chapitre que vous allez pouvoir lire aujourd’hui. Un chapitre très important. Là, vous allez connaître et comprendre la « grande stratégie » de la vie spirituelle. Le mot se trouve dans ce texte. Voilà, du reste, comment je pourrais résumer au mieux ce chapitre : la stratégie de la vie spirituelle pour avancer à grand pas dans la vertu et la perfection chrétienne. Cette idée, vous le voyez, illustre bien le titre de cet ouvrage du grand jésuite que nous étudions : « la Pratique de la perfection chrétienne » du Père Rodriguez. Là, dans ce chapitre, nous tenons une des idées fortes pour progresser dans la vie chrétienne. C’est la grande stratégie. Comme dans toute vie militaire, dans tout combat, dans toute vie « commerciale », dans tout négoce -c’est l’exemple ici qui est surtout utilisé- il y a une stratégie. Dans la vie chrétienne, cette « stratégie », quelle est-elle ? La voilà résumer en deux mots : il faut aller de l’avant, - c’est l’exemple et l’enseignement de Saint Paul - et ne pas regarder en arrière le bien que l’on a pu faire, cela engendre généralement l’orgueil, celle du pharisien de l’Evangile, voire même le plus souvent la tiédeur. Non il faut regarder devant soi et être comme le négociant qui multiplie, pour son négoce, les initiatives cherchant à gagner toujours plus. Toutes les occasions sont bonnes. Il en est de même pour le chrétien. Il n’a qu’un but le ciel et pour l’atteindre et donc se sanctifier, il doit utiliser toutes les occasions que la Providence lui permet de vivre et connaître. Il ne suffit pas de faire oraison, de dire son chapelet, son bréviaire, il faut supporter surnaturellement toutes les occasions qui nous sont offertes au cours de la journée pour me sanctifier. Telle personne rencontrée. Telle réflexion désagréable entendu….

Voilà un très beau passage de ce chapitre. Ne le négligez pas. Vous passeriez à côté de beaucoup de sagesse : « Mettez à profit toutes les circonstances pour réaliser quelque bénéfice spirituel : une parole mortifiante, un ordre qui contrarie votre volonté, une épreuve d’humilité, etc. ; toutes ces occasions sont autant de chances de gain pour votre âme, et vous devriez les rechercher avidement et les payer bien cher.
Le jour où elles se sont présentées en plus grand nombre, vous devez vous endormir plus joyeux et plus satisfait, ainsi que le marchand, après une journée fertile en transactions avantageuses. Comme il se dit : Ce jour-là a été bon pour mon commerce, vous pouvez vous dire, vous, qu’il a été bon pour votre profession de religieux, si vous avez sur le bien employer. Les bénéfices du marchand, il les a peut-être obtenus au détriment des intérêts d’un autre marchand, mais il ne s’en inquiète pas ; vous ferez comme lui ; vous n’avez pas à voir si vos frères ont bien ou mal agi en vous fournissant ces occasions de mérites ; ne vous indignez pas contre eux, mais réjouissez-vous des avantages qu’ils vous procurent. Si telle était notre conduite, avec quelle tranquillité d’âme, avec quelle paix profonde de la conscience nous verrions venir ces épreuves ! Comment pourrions-nous, en effet, nous troubler et nous affliger un seul moment si le sujet de notre affliction et de nos craintes devenait l’objet de nos désirs et de nos recherches ? »

Allez ! Bonne lecture. Je vous ai donné l’essentiel de ce chapitre et, je l’espère, l’envi de le lire.


B - Le texte lui-même.

Pratique de la Perfection Chrétienne par le RP Alphonso Rodrigues
Première Partie

Premier traité :
De l’estime et de l’affection que mérite de notre part tout ce qui se rapporte à notre avancement spirituel et des différents moyens qui peuvent nous aider à y travailler avec fruit.


CHAPITRE VII.


Que l’un des moyens les plus efficaces d’arriver à la perfection, c’est d’oublier le chemin que l’on a fait dans la vertu, pour ne voir que celui qui reste encore à faire.

« Que celui qui est juste devienne plus juste encore, et que celui qui est saint se sanctifie encore : » « Qui justus est, justificetur adhuc, et sanctus, sanctificetur adhuc. » (Apoc., 22, 11.)

Saint Jérôme et le bienheureux Bède, paraphrasant ces paroles : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés, » les prennent dans le sens de ce passage de l’Apocalypse : « Jésus-Christ, disent-ils, nous enseigne clairement par là que nous ne devons jamais considérer comme suffisantes les vertus que nous avons acquises, les bonnes œuvres que nous avons faites, mais qu’il nous faut nous appliquer, tous les instants de notre vie, à devenir toujours meilleurs et de plus en plus parfaits : » (Hier, Beda.)

L’apôtre saint Paul nous trace, à cet égard, une voie sûre et qu’il a suivie lui-même : « Je ne pense point, dit-il, être encore arrivé au terme de la route que mon âme doit parcourir ; bien loin de là ! mais, oubliant tout l’espace déjà franchi, pour ne voir que celui qui est devant moi, je n’aspire qu’à atteindre le but, afin de remporter le prix que Dieu m’a promis d’en haut par Jésus-Christ » (Philip., 3, 13, 14.). Ce grand saint, vous le voyez, ne se croit point parfait ; qui donc, parmi nous, oserait s’estimer meilleur que lui ? Je ne pense point, dit-il, être arrivé à la perfection, mais je m’efforce d’y atteindre. Et que faites-vous pour cela, illustre apôtre ? – J’oublie le bien que j’ai fait pour m’occuper uniquement de celui que j’ai encore à faire.

Tous les saints recommandent ce moyen en s’autorisant du conseil et de l’exemple de l’apôtre : « Quiconque veut être saint, dit saint Basile, doit oublier ce qu’il laisse derrière lui, pour marcher sans relâche vers le but placé devant ses pas » (Ep. ad Chil.).

« Heureux, dit saint Jérôme, celui pour qui chaque jour marque un progrès nouveau dans la vertu, qui compte pour rien ce qu’il a fait hier, mais qui se demande seulement ce qu’il doit faire aujourd’hui pour avancer d’un degré dans la perfection ! » (Hier. Sup. ps. 83).

Saint Grégoire et saint Bernard expliquent et développent longuement et avec affection cette règle de stratégie spirituelle ; ils l’envisagent, dans son application, sous deux aspects principaux : au double point de vue du passé et de l’avenir, du bien accompli et du bien à faire. Ils veulent pour le passé un oubli complet, absolu, et cette prescription est d’une importance souveraine. Rien de plus naturel, en effet, pour le cœur de l’homme, que de tourner complaisamment ses regards du côté d’où lui vient la joie, et de détourner sa vue de tout ce qui l’attriste, et, comme le spectacle de nos progrès dans la vertu et du bien que nous croyons avoir fait est pour nous une cause de satisfaction, tandis que l’aspect de notre pauvreté spirituelle remplit notre âme de tristesse, nos yeux se portent plus volontiers sur les mérites que nous avons acquis que sur les vertus qui nous manquent. Cette faiblesse, qui a sa source dans l’infirmité humaine, saint Grégoire la compare à l’état d’un malade qui cherche sans cesse dans sa couche la place la plus molle et la plus fraîche. Or c’est là, dit saint Bernard, une imperfection grave et qui renferme un grand danger. En arrêtant vos regards sur le bien que vous avez fait, vous concevrez de vous une idée trop avantageuse, et l’orgueil pénétrera dans votre âme ; vous en viendrez à vous comparer avec vos frères, à vous préférer à eux, et même à leur accorder peu d’estime, tandis que la bonne opinion que vous aurez de vous-même ira toujours croissant. Combien ce mal est redoutable ! voyez-le plutôt dans l’exemple du Pharisien de l’Evangile ; cet homme ne voit autre chose que le bien qui est en lui, et se met à énumérer ses vertus : « Je vous remercie, Seigneur, de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont injustes, voleurs, adultères ; ni comme ce publicain que voilà ; je jeûne deux fois la semaine, je paye la dîme et les prémices… Eh bien, ajoute le Seigneur, je vous le dis en vérité, le publicain que ce pharisien orgueilleux plaçait si bas au-dessous de lui se retira justifié, tandis que lui, qui se tenait pour juste, s’en retourné condamné comme mauvais et injuste. » (Luc., 18, 21 et seq.)

C’est là le dénouement que poursuit le démon lorsqu’il met obstinément sous vos yeux ce que vous croyez avoir en vous de bon et de méritoire. Son but est de vous inspirer une grande estime pour votre personne, de vous voir, enflé de vaine gloire, compter les autres pour peu de chose et les mépriser, afin que vous soyez condamné comme orgueilleux et méchant.

Mais il y a encore un autre péril, dit saint Bernard, dans cette contemplation complaisante du bien que vous avez fait et des œuvres que vous avez accomplies : c’est de vous arrêter dans la voie de votre avancement spirituel, de vous frapper de relâchement et de paresse, sous l’insidieux prétexte que vous avez assez travaillé et que vous avez désormais le droit de vous livrer au repos. Semblables au voyageur que la fatigue commence à gagner et qui regarde derrière lui pour mesurer l’espace qu’il a parcouru, quand nous nous lassons de suivre les sentiers difficiles de la perfection, et que nous nous laissons envahir par la tiédeur, nous jetons aussi nos yeux en arrière, et, nous contentant du chemin que nous avons fait, nous demeurons immobiles dans notre paresse et dans la lâcheté de notre âme.

Voulons-nous éviter ces inconvénients et ces dangers, au lieu d’arrêter nos regards sur le bien que nous avons fait, ce qui nous exposerait à désirer le repos, fixons-les sur les œuvres qu’il nous reste à accomplir, et nous sentirons naître dans notre cœur le besoin d’amasser de nouveaux mérites.

Les saints nous rendent sensible par des exemples, par des comparaisons familières, la vertu de ce moyen de sanctification. De même, dit saint Grégoire (Lib. 22, Moral., c.5) que le débiteur d’une somme de mille ducats ne s’endort pas dans l’oisiveté, parce qu’il en a gagné trois ou quatre cents, mais, au contraire, est toujours préoccupé de la somme qu’il lui reste à payer, et ne se donne ni paix ni trêve qu’il n’ait achevé d’acquitter sa dette ; ainsi il ne faut pas nous-mêmes tenir compte de ce que nous avons fait jusqu’à ce jour, pour acquitter notre dette envers Dieu, mais nous occuper uniquement de ce que nous lui devons encore. Cette pensée doit être constamment présente à notre esprit et stimuler notre cœur sans relâche.

Le même saint, dans un autre exemple, nous montre un voyageur intrépide, qui ne mesure pas la distance qu’il a franchie, mais celle qu’il a encore à parcourir, et dont les yeux sont persévéramment fixés sur la voie qui s’ouvre devant lui, jusqu’à ce qu’il en ait atteint le terme, et il nous invite à faire comme lui dans le voyage qu’étrangers sur cette terre nous accomplissons vers notre céleste patrie. Sachez bien, nous dit-il encore, qu’il servira peu aux voyageurs de l’éternité d’avoir beaucoup marché, s’ils n’arrivent pas au but de leur pèlerinage terrestre. Le prix de la course, dans les jeux publics, n’est point accordé à ceux qui, après avoir parcouru mollement une grande partie de la carrière, s’arrêtent avant d’en avoir atteint le terme ; il en sera ainsi de vous ; si votre ferveur première ne se soutient pas, elle ne vous sera pas comptée ! « Courez de telle sorte, dit l’Apôtre, que vous remportiez le prix : » « Sic currite ut comprehendatis ; » (1 Cor., 9, 24) et saint Chrysostome (Chrys., hom. 24, sup. Ep. ad Rom., 10, 4) : Celui qui ne songe qu’à l’éloignement du but qu’il doit atteindre ne cesse pas de courir.

Saint Bernard (Bern., serm. 1, de altit. et de haesit. cord.) veut que nous soyons comme les marchands et trafiquants du siècle. Voyez, dit-il, avec quelle ardeur l’homme de négoce travaille chaque jour à augmenter ses profits ; il compte pour rien ce qu’il a gagné et amassé déjà, ni les travaux que lui ont coûté ces premiers bénéfices ; mais toutes ses préoccupations, tous ses efforts, tendent à en réaliser de nouveaux et à élever de plus en plus l’édifice de sa fortune, comme s’il n’avait rien fait ni rien gagné jusque-là. Ainsi devons-nous agir nous-mêmes et porter toute notre sollicitude sur les moyens d’accroître tous les jours notre avoir, de grandir sans cesse en humilité, en charité, en mortification, en toutes sortes de vertus, comme de bons négociants spirituels, sans tenir compte des travaux accomplis ni des gains obtenus : « Negotiamini dum venio. » (Matth., 18, 45.).

Pour développer davantage cette comparaison, empruntée au saint Evangile (Luc., 39, 43.), voyez comme les commerçants, dans le monde, sont attentifs et zélés pour tirer avantage de tout et ne pas manquer une occasion d’augmenter leurs richesses ; imitez leur exemple, faites de tout un moyen d’avancement spirituel, ne laissez passer aucune occasion d’accomplir un progrès dans la vertu. Excitons-nous les uns les autres à veiller constamment, ainsi que nous le recommande notre saint fondateur (6. P. Const., c. 1, § 1, et Reg., 15 sum.), à ne négliger aucun degré de perfection, lorsque nous pouvons y atteindre avec le secours de la grâce divine. Mettez à profit toutes les circonstances pour réaliser quelque bénéfice spirituel : une parole mortifiante, un ordre qui contrarie votre volonté, une épreuve d’humilité, etc. ; toutes ces occasions sont autant de chances de gain pour votre âme, et vous devriez les rechercher avidement et les payer bien cher.
Le jour où elles se sont présentées en plus grand nombre, vous devez vous endormir plus joyeux et plus satisfait, ainsi que le marchand, après une journée fertile en transactions avantageuses. Comme il se dit : Ce jour-là a été bon pour mon commerce, vous pouvez vous dire, vous, qu’il a été bon pour votre profession de religieux, si vous avez sur le bien employer. Les bénéfices du marchand, il les a peut-être obtenus au détriment des intérêts d’un autre marchand, mais il ne s’en inquiète pas ; vous ferez comme lui ; vous n’avez pas à voir si vos frères ont bien ou mal agi en vous fournissant ces occasions de mérites ; ne vous indignez pas contre eux, mais réjouissez-vous des avantages qu’ils vous procurent. Si telle était notre conduite, avec quelle tranquillité d’âme, avec quelle paix profonde de la conscience nous verrions venir ces épreuves ! Comment pourrions-nous, en effet, nous troubler et nous affliger un seul moment si le sujet de notre affliction et de nos craintes devenait l’objet de nos désirs et de nos recherches ?

Voyez encore ce marchand : comme il est absorbé dans ses pensées cupides, au point que rien ne semble exister pour lui en dehors de son commerce ; voyez comme dans tous les cas, dans toutes les occurrences, son cœur et ses yeux sont d’intelligence pour deviner et saisir en un instant le moyen d’en tirer quelque profit. A toute heure du jour et de la nuit, qu’il dorme ou qu’il veille, en quel lieu qu’il soit et quoi qu’il fasse, ce désir, le domine et ne le quitte pas un instant. Ainsi devons-nous agir nous-mêmes dans l’affaire de la sanctification de nos âmes : dans toutes les occasions, ayons l’œil et le cœur au guet pour voir comment nous pourrons y gagner quelque chose ; que ce soit là l’inspiration constante de notre esprit, le soir, le matin, tous les jours, toute la vie ; car c’est là notre unique affaire, notre seul trésor, nous n’en avons pas d’autre à chercher.

De même, ajoute saint Bonaventure (Bon., t.2 Opusc., Lib.2 de prof. Relig., c.1), que le négociant ne trouve pas la fortune dans un seul endroit, mais qu’il a besoin d’aller de marché en marché et de foire en foire pour multiplier ses bénéfices, le religieux ne doit pas demander seulement à l’oraison, aux consolations spirituelles, son avancement dans la voie des vertus chrétiennes, mais il doit le chercher aussi dans les tentations, dans le travail, dans les peines inhérentes à sa profession, à sa charge, et dans tous les évènements de la vie. Oh ! si nous travaillions avec cette ardeur infatigable, avec cette sollicitude ingénieuse à acquérir la vertu, en bien peu de temps nous serions riches de mérites devant Dieu ! « Si vous cherchez la sagesse, dit Salomon, comme on cherche l’argent, si vous creusez pour arriver à la dévotion comme on creuse pour découvrir des trésors, vous comprendrez la crainte de Dieu, vous trouverez la science du Seigneur : » (Prov., 2, 4, 5.).

Et saint Bernard de s’écrier : Certes, le Seigneur ne nous demande pas beaucoup en retour de ces dons suprêmes : la sagesse et la richesse véritable qui est Dieu lui-même ; il nous demande seulement d’apporter dans la recherche de ces biens célestes et immortels l’empressement et le zèle que les hommes du monde mettent à poursuivre les richesses périssables de la terre, sujettes à la rouille et aux voleurs. « C’est une honte, c’est une bien grande honte pour nous de voir les hommes du monde désirer les faveurs pernicieuses de la fortune avec plus d’ardeur que nous n’en montrons pour les charmes divins de la vertu, et courir plus vite à la mort que nous a la vie »(Ber., serm.1, de altit. et haesit. cord. et Ep., 5, 41.).

L’histoire ecclésiastique (Hist. eccl., p. 2, t. 6, c. 1.) raconte que Pambo, supérieur d’une abbaye, entrant un jour dans la ville d’Alexandrie, rencontra une courtisane vêtue et parée avec une grande recherche, et qu’à cette vue il se mit à pleurer et à gémir, disant : Ah ! malheureux, malheureux que je suis ! – Père, lui demandèrent alors ses disciples étonnés, pourquoi pleurez-vous ? – Eh ! comment ne pleurerais-je pas, répondit le saint abbé, en voyant cette femme qui met plus de soin à parer son corps pour plaire aux hommes que moi à orner mon âme pour la rendre agréable à Dieu, et travaille avec plus de zèle à prendre les âmes dans ses filets et à les entraîner en enfer que moi pour les conduire au ciel ?

On lit également dans la vie de saint François Xavier, cet homme si véritablement apostolique (In vit. huj. sancti., t. 3, c. 16.), qu’il éprouvait une vive peine et une grande confusion en pensant qu’il avait été devancé dans le Japon par des marchands, et que ceux-ci s’étaient montrés plus empressés à porter dans ce pays les objets de leur commerce, choses fragiles et périssables, qu’il ne l’avait été lui-même à y porter les trésors et les richesses de l’Evangile, pour y propager les lumières de la foi et étendre de plus en plus le royaume de Dieu. Rougissons, rougissons, nous aussi, de voir que les enfants du siècle ont plus de prudence et plus d’activité dans la pratique de la vie mondaine que nous dans le service de Dieu ! (Luc., 15, 8.). Cette pensée seule devrait suffire à nous tirer de notre relâchement et de notre tiédeur. »