Fatima
Salut du Monde
Je vous propose aujourd’hui en
cette semaine du premier Dimanche de Carême et en raison de
décès de Sœur Lucie, le dimanche 13 février
, dans l’après midi, de porter notre attention, d’une
manière exceptionnelle, sur le message de Fatima en relisant
la très belle conférence que le Père Joseph de
Sainte-Marie donna, à Fatima même, le 12 octobre 1981,
à l’ouverture du Pèlerinage de l’Association
Saint-Benoit, Patron de l’Europe.
Sa conférence avait pour titre :
Fatima, salut du monde.
Le texte fut diffusé par l’excellente
œuvre : l’Action Familiale et Scolaire en supplément
au numéro 40.
En voici le texte, un texte majeur.
« Ce que je propose, sous le titre
: « Fatima, salut du monde », c’est un essai de
synthèse, historique et théologique, j’ajouterai
même spirituel, sur le message et plus profondément sur
le « mystère » de Fatima. Et comme toute synthèse,
cette réflexion rassemble des données multiples ; d’où
la difficulté de la réflexion et de la conférence
: faire tenir ces multiples éléments en un tout cohérent,
clair et organisé. C’est ce que je vais essayer de faire.
Encore une parole d’introduction,
qui est très importante : lorsqu’on aborde le problème,
je veux dire le fait de Fatima, il faut se convaincre de deux choses.
La première, c’est que ce fait est encore très
mal connu - je ne parle pas, bien sûr, des spécialistes
ni des personnes qui se sont consacrées à l’étude
de Fatima. Je ne parle pas non plus des gens qui ignorent à
peu près tout de Fatima. Je parle de ces fidèles dont
vous êtes sans doute, qui connaissent déjà Fatima
et qui cependant ne le connaissent que très partiellement.
Et c’est à vous très spécialement que je
dis : prenez garde, cette connaissance que vous avez est vraisemblablement
partielle car le mystère de Fatima est immense. Il y a donc
les choses que l’on sait déjà et les choses, beaucoup
plus nombreuses et plus importantes encore, qui restent à découvrir.
Deuxième condition pour aborder
le mystère de Fatima : il faut savoir - et cela est très
délicat - que le message du Cœur Immaculée de la
Vierge Marie a été, est et sera de plus en plus un «
signe de contradiction ». Il est méconnu, il est combattu.
Et entreprendre une action théologique ou une action apostolique
pour connaître et faire connaître ce message, il faut
le savoir, c’est aller à la rencontre des difficultés.
Cela fait partie des sacrifices que demande la Vierge à Fatima.
Donc : il reste beaucoup de choses à
découvrir ; c’est un signe de contradiction qui demande
courage et lucidité.
Cela étant, je proposerai cette
réflexion en deux temps, en deux parties. Dans la première,
je vous rappellerai très brièvement l’histoire,
les faits et le message de Fatima. Dans la seconde - la plus importante,
mais que, malheureusement, je ne développerai que très
rapidement - je vous proposerai un effort de réflexion et d’approfondissement
historique et théologique sur ce message et sur le mystère
que constitue l’ensemble des faits de Fatima.
A – Le Mystère de Fatima : les
faits et le message.
1 – Commençons donc par l’étude
historique. Il faut noter tout d’abord, c’est un des paradoxes
de Fatima, que cet ensemble de faits se présente à la
fois dans une extrême simplicité et dans une extrême
complexité. Simplicité, parce que le message, je le
dirai tout à l’heure, se résume en une parole
: Dieu veut établir dans le monde la dévotion au Cœur
Immaculée de Marie. En un sens, tout est là. Voilà
la simplicité. Mais , en même temps complexité
extrême, car cette unique message, révélé
en 1917, a été ensuite développé d’une
manière progressive : d’où la nécessité
de suivre et d’étudier ce développement. Pour
cela, il faut des documents historiques qui ne sont pas tous accessibles
; il faut les examiner critique ment, les évaluer.
Et c’est là, il faut le reconnaître, un problème
très délicat. Je le dis surtout à l’intention
des spécialistes ; mais il est nécessaire qu’on
voit ces deux aspects en même temps : tout est donné
dans le noyau ; à partir de ce noyau, tout se développe
et la lumière grandit.
Ce déroulement est très
important pour l’intelligence de Fatima.
2 – Cela étant dit, je rappellerai
rapidement les faits de Fatima.
Pour beaucoup de gens, ils se réduisent
aux six apparitions de la Vierge, du 13 mai au 13 octobre 1917. Mais,
il faut savoir que les apparitions de la Vierge ont été
précédées par six apparitions de l’Ange
: trois manifestations où l’Ange est encore voilé,
ne parle pas ; et trois apparitions où l’Ange se montre
sous la forme d’un jeune homme et donne déjà un
message extrêmement riche. Donc : avant la Vierge, l’Ange.
Et après les apparitions de Fatima, les témoignages
et la série de communications, spécialement à
Sœur Lucie.
C’est là une première
image pour étudier les faits. On peut les considérer
comme formant un triptyque, comme certains retables de nos églises.
Au centre, les apparitions de la Vierge ; d’un côté,
ce qui précède, l’Ange ; de l’autre, ce
qui suit, essentiellement la mission de Lucie. Ceci est très
important, car les paroles qui précèdent et les paroles
qui suivent permettent de mieux comprendre celles que la Vierge a
dites dans la partie centrale. Il faut embrasser les trois tableaux
dans un seul regard. C’est une première approche, qui
est importante. Mais il faut aller plus loin. J’ai parlé
d’un développement historique et, effectivement, ce triptyque
n’est pas quelque chose de figé, c’est un mouvement
qui se déroule dans l’histoire. Il s’explique de
la manière suivante, très simple, très logique
: il y a la préparation, il y a , au centre, le message et
il y a le développement en vue de son accomplissement. Et cela,
je vous le signale, est très biblique. Toute l’histoire
du salut, dans la Bible, est d’abord l’histoire de la
préparation de la venue du Sauveur, c’est ensuite, au
centre de l’histoire du salut, la vie du Christ pendant ses
33 ans, enfin, c’est soin accomplissement dans l’histoire
de l’Eglise.
Vous voyez le parallélisme : la
préparation par l’Ange, le message de la Vierge, l’accomplissement
par l’instrument de Dieu qui est Sœur Lucie. Et là,
je voudrais souligner un point très important, parce que, vous
le savez peut-être, il y a une série d’historiens
de Fatima qui disent : ce que la Vierge a dit en 1917, nous le recevons,
le reste, ce sont des histoires de Sœur Lucie, nous ne le recevons
pas.
Pourquoi cette attitude n’est-elle
pas acceptable ? Parce que le 13 juin 1917, la Vierge a dit à
Lucie : « Dieu veut se servir de toi pour me faire connaître
et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion
à mon Cœur Immaculée ». Donc le 13 juin 1917,
Lucie a été établie par la Vierge Marie comme
témoin de son message, comme prophète de la volonté
de Dieu. Elle a reçu cette « mission », non pas
une mission canonique : une mission prophétique. C’est
sur cette parole de la Vierge, sur cette mission donnée à
Sœur Lucie que nous nous basons pour dire l’importance
des paroles prononcées au cours de la troisième phase,
celle de l’accomplissement
3 – Ayant ainsi établi,
ou montré comment établir la base historique solide
de notre réflexion, présentons le message de Fatima.
Il nous est donné par les paroles de la Vierge.
Le message de Fatima, je le disais et
je le répète, car on ne revient jamais d’une manière
superflue au centre, l’essentiel de ce message se trouve dans
cette déclaration de la Vierge, le 13 juillet 1917 : «
Pour les sauver (les âmes), Dieu veut établir dans le
monde la dévotion à mon cœur Immaculée.
Si l’on fait ce que je vais vous dire, beaucoup d’âmes
seront sauvées et on aura la paix ».
Voilà l’affirmation centrale. Si on l’analyse,
on voit qu’elle contient une vérité doctrinale
fondamentale et un appel. La vérité, c’est le
rôle de Marie médiatrice : « Elle seule, dit-elle
en parlant d’Elle-même aux enfants, peut vous secourir
» (13 juillet 1917) Notez la parole : « Elle seule ».
Dieu veut que tout passe par la Médiation de Marie. Voilà
la vérité dogmatique qui est au cœur du message
de Fatima.
Et l’appel, qui est la conséquence pratique de cette
vérité : pour être sauvés et obtenir la
paix, il nous faut aller à Marie en pratiquant la dévotion
qu’Elle nous demande.
Autour de ce noyau central, deux autres
vérités, deux autres aspects apparaissent. Le premier
est un avertissement d’une extrême gravité : la
Vierge dénonce le péché qui est la cause des
malheurs du monde. Et le dernier est à la fois une promesse
et une annonce prophétique : « Mais, à la fin,
mon Cœur Immaculé triomphera » (13 juillet 1917).
Vous voyez comment tout s’organise
de manière très cohérente dans ces quatre points
:
Premier point : l’avertissement initial, avertissement du danger
qui pèse sur le monde à cause du péché.
Deuxième point : la vérité évangélique
qui va fonder l’appel de Marie : Marie est Médiatrice.
Elle seule peut nous sauver du péché et de ses conséquences.
Troisième point : l’appel lui-même : « Allez
à Marie, venez à moi, pratiquez cette dévotion
».
Quatrième point : l’annonce du salut final : «
Mais à la fin mon cœur Immaculé triomphera ».
Je crois que nous avons vraiment là
le message de Fatima. Vous le voyez, il tient en quelques mots. Mais
lorsqu’on prend le temps de les méditer, de les approfondir,
ces quelques mots sont d’une richesse éblouissante, d’une
profondeur illimitée, la profondeur même de l’Evangile.
Car le message de Fatima, c’est le message de l’Evangile
passant par le cœur Immaculé de Marie.
Alors si vous le voulez, essayons brièvement
quelques réflexions sur chacun des quatre points.
4 - Premier point : l’avertissement
et la dénonciation du péché. Ils apparaissent
dès les paroles de l’Ange : le grand mal du monde, l’unique
mal qui soit à craindre, c’est le péché
; et tout le reste, misères, souffrances, divisions, guerres
etc… et par dessus-tout la mort, n’est que la conséquence
du péché. Ce qui doit nous faire peur, par conséquent,
ce ne sont pas d’abord ces conséquences qui, aujourd’hui,
risquent de devenir apocalyptiques. Ce qui nous fait peur, ce qui
doit nous faire peur par dessus-tout, c’est le péché,
le péché qui est la cause de la perte éternelle
des âmes, le péché qui est la cause de la guerre
et des catastrophes dans le monde. Voilà ce que la Vierge dénonce,
voilà son avertissement.
Et parmi tous les péchés,
l’innombrable litanie, l’océan des péchés
du monde, il y a un péché premier. Quel est-il ce péché
premier ? Il a un nom moderne, c’est l’athéisme,
c’est le rejet de Dieu. Et cet athéisme de masses, cet
athéisme organisé, militant, conquérant, qui
est un fait nouveau dans l’histoire de l’humanité,
n’est pas autre chose que la plénitude, le plein développement
du péché originel d’Adam et d’Eve, qui a
été la première négation de Dieu.
Le premier péché que la
Vierge dénonce à Fatima, c’est donc le péché
de l’athéisme, ce péché général,
cette source commune de tous les péchés du monde. Et
il est à noter, je le dis en passant, cela appellerait un long
développement ; je ne pourrai pas tout dire dans la conférence,
je dirai déjà beaucoup de choses…
Il est à noter que la Vierge parle
des « péchés commis contre son Cœur Immaculé
». Cette expression demande une explication, car, enfin, le
péché, c’est une offense à Dieu, le Psaume
le dit : « Tibi soli peccavi » (Ps 50 6). « Contre
Toi seul j’ai péché ». Oui, le péché
est une offense à Dieu. Mais cette offense, Dieu la reçoit
et en souffre dans le Cœur du Christ, le Verbe incarné
; elle atteint Dieu par cette « chair » (ce sont les vérités
que je développe dans la deuxième partie). Donc, voyez-vous,
le péché contre Dieu blesse Dieu dans l’humanité
du Christ de laquelle on ne peut jamais séparer l’Immaculée.
Et voilà le « péché contre le Cœur
Immaculé de Marie » : c’est le péché
contre Jésus-Christ en tant qu’il blesse en même
temps sa Mère et notre Mère, l’immaculée.
Péché fondamental : l’athéisme,
qui touche le Christ et Marie. A partir de là, nous comprenons
cette place spéciale faite à la Russie dans l’avertissement
de Fatima. Et je précise à la Russie communiste. La
Vierge a dit : « la Russie ». Et je ne dirai ni simplement
: « la Russie », car je pense à la sainte Russie
et à sa vocation chrétienne. Je ne dirai pas non plus
simplement « le communisme », car le communisme est maintenant
dans le monde entier et il a une autre tête, qui est la Chine.
Tout cela est visé par le message de Fatima. Mais je dis :
« la Russie communiste », c’est-à-dire la
Russie en tant qu’elle est l’instrument choisi par Satan
pour établir son règne dans le monde actuellement. Contre
ce péché de la Russie communiste, et pour sauver le
monde et la Russie elle-même du communisme,- je passe ici à
l’appel, mais tout se tient dans ce que nous analysons, - la
Vierge demandera la consécration de la Russie à son
Cœur Immaculé.
Vous voyez le lien que je fais - et qu’il
faut faire - entre le péché radical, qui est celui de
l’athéisme et le péché de la « Russie
communiste », qui est l’instrument de l’athéisme
militant pour établir dans le monde le règne de Satan
à la place du Règne du Christ.
L’avertissement, nous l’avons
donc considéré jusqu’ici en tant qu’il porte
sur le péché. Mais, nous le savons, la Vierge dans cet
avertissement, a aussi parlé de la guerre. En 1917, elle annonce
la paix de 1918 ; elle annonce la guerre de 1939-45 : et ce qui suit,
c’est la fameuse troisième partie du message, qui reste
un secret ( voir sur cette question à la fin du texte) ; un
secret, et par conséquent nous ne savons pas ce qu’il
y a dedans. Mais des indices très précis, que je reprendrai
éventuellement par la suite, et surtout la logique interne
de ce que nous savons déjà du message nous permettent
d’affirmer avec certitude que cette troisième partie
du secret, ou ce « troisième secret » comme on
dit habituellement, contient l’annonce d’une troisième
guerre mondiale. Tout simplement parce que l’athéisme
n’a pas cessé de croître ; spécialement
par l’action de la Russie communiste, parce qu’on n’a
pas encore répondu aux demandes de Marie. .
Je m’arrête, vous le remarquerez,
assez longuement sur cet avertissement. Je n’aurai pas le temps
de développer tous les points avec la même longueur.
Et je m’y arrête car les conclusions pratiques que nous
allons tirer en découlent immédiatement : péché
d’athéisme, instrument qu’est la Russie communiste,
conséquence : la guerre et les cataclysmes, voilà ce
que la Sainte Vierge nous dit - et que nous pouvons observer aujourd’hui.
Le remède, le seul remède, voilà, mes chers amis
ce qu’il nous faut entendre et faire entendre à l’Eglise,
au monde, aujourd’hui, le seul remède contre le péché
et ses conséquences est dans le Cœur Immaculé de
Marie ; il est tout entier dans la réponse à ses demandes
de Fatima. Vous voyez comment je passe de l’avertissement à
l’appel et de l’appel à la réponse. C’est
qu’ils sont inséparables l’un de l’autre.
5 – Mais poursuivons notre réflexion. Après ces
quelques remarques sur l’avertissement, il faudrait passer -
je l’ai déjà fait en partie - à l’appel,
qui ne fait qu’un finalement avec l’avertissement : lorsqu’on
avertit quelqu’un d’un danger, on l’appelle à
se mettre en garde contre lui. Mais on comprendra mieux cet appel
si l’on réfléchit d’abord sur son fondement
évangélique et théologique, et, deuxièmement,
si l’on considère qu’il est tout entier dans cette
parole : « Elle seule, Marie, peut vous sauver ». …Il
s’agit essentiellement de la médiation de Marie. C’était,
vous le savez, une des grandes questions discutées au Concile,
et l’objection que l’on faisait à cette médiation
est tirée de la parole de saint Paul, dans la Première
Epître à Timothée : « Unus Mediator »
(1 Tm 2 5) « Il n’y a qu’un seul Médiateur
entre Dieu et les hommes, le Christ. Pour comprendre comment cette
unique médiation du Christ ne supprime pas d’autres médiations
subordonnées à la sienne, c’est au Docteur commun
de l’Eglise, Saint Thomas d’Aquin, qu’il faut revenir
; il le montre admirablement. Commençons par établir
un fait : est-ce que, oui ou non, le Christ a institué la sacerdoce
ministériel ? Oui, le Christ a institué le sacerdoce
ministériel. Est-ce que le prêtre n’est pas un
médiateur entre le peuple de Dieu, entre les fidèles,
les baptisés et le Christ ? Oui, le prêtre est ce médiateur.
Voilà donc ce premier fait. Ce qu’il établit,
c’est l’existence, non pas à côté
du Christ, mais dans le Christ, non pas en plus de l’unique
Médiation du Christ, dans la puissance de cette unique médiation,
d’une médiation qui est à la fois autre et la
même, la médiation du sacerdoce ministériel et
celle des sacrements. Ce n’est donc pas une question à
discuter, c’est un fait à reconnaître qu’un
« seul » est le médiateur et que dans la richesse
de cette unique médiation, des médiateurs subordonnés
nous sont données. Avec cela nous avons déjà
« compris » comment l’unique médiation du
Christ ne supprime pas celle de Marie ; elle la fonde, elle en est
la source. Elle est le noyau intérieur qui l’alimente.
Il faut donc refuser le dilemme : ou un seul Médiateur ou beaucoup
de médiateurs ; et affirmer, à partir d’une unique
médiation, celle du Christ, ces nombreuses médiations
subordonnées. Ainsi Marie est Médiatrice pour faire
éclater la richesse de la médiation du Christ. Et Marie
est « seule » Médiatrice aujourd’hui pour
faire éclater la richesse de la médiation du Christ,
Verbe Incarné-en-elle. « Seule », dans les sens
où Elle-même a employé ce mot et que ce qui suit
va nous aider à comprendre.
La deuxième idée qu’il
nous faut rappeler ici est en effet que la Vierge se trouve entre
le Christ et l’Eglise. Marie ne supprime donc pas les médiations
ecclésiales, le Pape, les Evêques, la hiérarchie,
les sacrements etc. Mais au contraire elle y fait appel. Car elle-même
se situe dans un autre ordre, complémentaire. Et elle est celle
qui va mettre en pleine valeur toutes les instances, toutes les institutions
de l’Eglise pour sauver les âmes. Il y aurait ici une
place très spéciale à faire à l’Eucharistie.
A Lourdes, à Fatima, partout, la première chose que
fait la Vierge, c’est de conduire au Christ par les prêtres,
c’est de conduire à l’Eucharistie. Voilà
donc ce deuxième point.
Et voilà, par suite, la manière
de comprendre ce que la Vierge veut dire lorsqu’elle affirme
qu’elle seule peut nous sauver . Elle ne se substitue pas au
Christ ; elle ne se met pas à la place du Christ. Elle ne prétend
pas davantage remplacer l’Eglise et ses institutions, au contraire.
Ce qu’elle nous dit, c’est la volonté du Christ
de faire éclater la puissance de sa grâce par le chemin
de son Cœur Immaculé. Et cela nous dit que l’Eglise
n’accomplira la mission que le Christ lui a confié qu’en
se confiant elle-même à son Cœur Immaculé.
Le Christ, Marie, l’Eglise, pour le salut des âmes, la
paix du monde et la gloire de Dieu : voilà la vision qui est
au cœur de Fatima. C’est tout l’Evangile. C’est
aussi tout ce que la théologie la plus sûre nous en dit.
Vous voyez ainsi qu’au cœur du message, à la racine
de la consécration demandée par Marie et de la «
dévotion » qu’elle veut que nous vivions, il y
a cette grande vérité que Dieu veut faire triompher
aujourd’hui, sur laquelle les théologiens travaillent
et dont le nom savant est « Marie Médiatrice de toutes
grâces », la « Médiation universelle »
de Marie ; et vous pouvez dire plus simplement : « la Maternité
universelle de Marie ». Médiation – Maternité,
c’est la même réalité : le Christ ne donne
sa vie que par Marie. Vous voyez avec ces réflexions la richesse
inouïe des paroles si simples que Marie disait aux enfants.
Voilà la vérité
qui est à la base de tout le message de Fatima.
6 – Troisième point : l’appel.
Nous en avons déjà dit le contenu, mais nous pouvons
en répéter les points essentiels qui sont les suivants
: aller à Marie ; aller à Marie pour vivre la conversion.
Car cet appel que nous lance la Vierge, voyez-vous, c’est l’appel
de l’Evangile. Il est particulièrement clair au début
de Saint Matthieu : « Convertissez-vous, revenez à Dieu,
faites pénitence, car le Royaume de Dieu est proche »
(Mt 4 17) Convertissez-vous, revenez à Dieu, faites pénitence,
car le Royaume de Dieu est proche : cet appel évangélique,
voilà l’appel de Fatima, car Marie n’a jamais fait
autre chose que de nous rappeler l’Evangile. Mais elle nous
le rappelle selon la volonté du Christ lui-même, en nous
disant ceci : cette conversion que Jésus, mon Fils, vous demande,
vous devez la faire et vous ne pouvez la faire comme il veut aujourd’hui
qu’en venant à moi, qu’en vous établissant
par la foi dans mon Cœur, c’est-à-dire dans ma «
médiation », c’est-à-dire dans ma «
maternité ». Cette conversion, vous ne pouvez la réaliser,
parce qu’il s’agit de la vie chrétienne, qu’en
recevant cette vie par moi. Telle est la volonté de Dieu, non
pas la mienne. Voilà l’appel de Fatima, l’appel
à cette « dévotion » qui est la vie chrétienne.
Et je signale que lorsque la Vierge dit
: « Dieu veut établir dans le monde la dévotion
à mon Cœur Immaculé », elle dit équivalemment
: Dieu veut que je règne dans le monde.
Il faudrait aussi développer longuement
- je vous signale l’idée en passant - la force du mot
« dévotion ». Il ne s’agit pas de quelque
simple petite pratique de piété éminemment respectable,
assurément. Il faut respecter les âmes et mon intention
n’est évidemment pas de mépriser les saines «
pratiques de dévotion » si précieuses à
la vie chrétienne. Mais en même temps, il faut pousser
les âmes toujours plus loin et les conduire jusqu’à
la plénitude de la vie évangélique. Ce qu’il
faut comprendre, donc, c’est la force du mot « dévotion
». Il vient du latin « vovere », « devovere
», qui veut dire vouer, dédier, consacrer. La pleine
dévotion, c’est donc la plaine consécration à
Marie ; et la pleine consécration à Marie, c’est
le moyen de la faire régner dans nos cœurs et dans le
monde.
Tel est donc l’appel de la Vierge ; il nous presse de vivre
la conversion évangélique en recevant la vie chrétienne
par Marie, ce que l’on fera en se consacrant à elle et
en la laissant régner en nous. C’est un programme qui
porte sur la totalité de notre vie.
Ceci est pour tous les chrétiens.
C’est l’appel universel de Fatima pour combattre les péchés
de tous les hommes et d’abord le péché fondamental
de l’athéisme. Et puis, souvenez-vous, dans l’avertissement
: à côté de ce péché universel,
l’existence de l’instrument principal de ce péché
qu’est la Russie. D’où l’appel particulier
de Fatima : la consécration au Cœur Immaculé de
Marie de la Russie communiste. Elle doit être faite par le Pape
et les Evêques du monde entier. Et là, mes chers amis,
il faut le dire : les consécrations faites jusqu’ici
n’ont pas répondu à l’appel de la Vierge.
Je pense d’une manière très spéciale, car
ce fut la plus solennelle, à celle que fit Pie XII en 1942.
Extrêmement importante, elle a tourné une page dans l’histoire
de l’Europe, mais - et d’ailleurs elle a d’autres
sources encore - c’était la consécration du monde,
et par le Pape seul, et non pas la consécration de la Russie
par le Pape et tous les Evêques.
Voilà donc cet appel particulier.
J’ai souvent pensé en moi-même que l’aspect
collégial de la Hiérarchie apostolique, remis en lumière
par le Concile Vatican II, si, hélas ! cette remise en lumière
a été l’occasion de tant d’abus, - il faut
le dire, car seule la vérité libère, - si cette
remise en valeur de la collégialité - employons le mot
- a été la cause de maux immenses, par ailleurs, elle
peut et elle doit être la cause de très grands biens
; Et je pense que l’on peut y voir une préparation, entre
autres, à cet acte collégial du Pape et de tous les
Evêques consacrant ensemble la Russie au Cœur immaculé
de Marie. Cela, je le dis en passant. Mais ce qu’il est important
de souligner, voyez-vous, c’est cet appel à la consécration,
car,
encore une fois, il y a appel universel adressé à tous
les baptisés, et il y a cet appel particulier qui concerne
la hiérarchie. Et je le redis : pourquoi le monde est-il aujourd’hui
dans cet état de chaos, de terrorisme envahissant ? Pourquoi
le monde est-il selon toute probabilité à la veille
de catastrophes apocalyptiques ? Parce qu’on n’a pas répondu
à la volonté de Dieu manifestée par la Vierge
à Fatima, et ensuite par le moyen de diverses communications
à Sœur Lucie.
Vous voyez donc l’importance vitale,
l’importance cruciale de cet appel de fatima.
C’est là l’essentiel
de ma réflexion. Car tout ce que je dirai par ailleurs, au
point de vue historique, au point de vue prophétique, au point
de vue théologique, toutes ces considérations ne seront
que des arguments pour soutenir, pour fonder une décision de
la Hiérarchie. Et d’abord pour aider à comprendre
que là, dans l’accomplissement de cette volonté
divine manifestée à Fatima, et là seulement est
le salut du monde, que tout le reste, comme dit saint Jean de la Croix,
est « battre les buissons », c’est-à-dire
travailler en vain et perdre son temps. Tout ce que l’on tentera
de faire en dehors de la réponse aux demandes de la Vierge
de Fatima pour établir la paix dans le monde sera vain et n’aboutira
qu’à l’échec. Car si Dieu a dit sa volonté,
ce n’est pas aux hommes de chercher d’autres chemins.
Voilà donc cet appel, qui est
vraiment la chose essentielle de Fatima.
Ensuite ou d’abord, il faudrait
développer, dans cet appel, ce qu’est la dévotion
à la Vierge. Car tout l’aspect spirituel du message de
Fatima : la vie consacrée à Marie, la vie en Marie.
Je ne peux malheureusement le développer ici et vous laisse
le soin de le méditer par vous-mêmes, me réservant
toutefois d’y revenir à l’occasion.
7 – Et je passe au quatrième
point : l’annonce et la promesse de la victoire finale. J’insiste
beaucoup sur ce quatrième point parce que dans sa sévérité,
dans sa gravité, dans son appel tragique, le message de Fatima
reste un message d’immense espérance. Notez la manière
dont la Vierge nous annonce cette victoire finale : « Mais,
à la fin, mon Cœur Immaculé triomphera ».
« Mais, à la fin…Pourquoi ce « mais »
? Parce que la Vierge savait qu’il s’écoulerait
beaucoup de temps avant qu’on ne réponde à ses
demandes. Et pourquoi cet « à la fin » ? Parce
que dans le temps de ce refus, de cette attente, le péché
se multiplierait avec toutes ses conséquences tragiques. Vous
voyez donc comment dans cette annonce de la victoire finale est encore
contenue celle des souffrances qui attendent l’humanité,
l’avertissement des « Châtiments », - disons
le mot, il est biblique, - qui nous menacent. La Vierge voit tout
cela. Souvent, ceux qui méditent le message de Fatima sont
tentés de s’arrêter à cet aspect de souffrances
et de n’y voir que des catastrophes, ce qui n’est pas
bon. Ce qui n’est pas sain, ce qui n’est pas chrétien.
Il faut regarder la Croix, il faut méditer la Passion du Christ.
Mais il faut le faire dans la lumière de la Pâque et
de la résurrection, c’est à cela que nous aide
la promesse de la Vierge : « Mais, à la fin, mon Cœur
Immaculé triomphera ». C’est cette lumière,
c’est cette annonce de la victoire finale qui fait que le message
de Fatima est un message d’espérance, un message de victoire.
C’est dans cette espérance réveillée par
la parole prophétique de la Vierge que nous trouvons la force
et la persévérance nécessaire pour continuer
le combat chrétien, tous les jours, ce combat chrétien
qui, ne nous faisons pas d’illusions, sera de plus en plus dur,
car le monde ira en s’enfonçant de plus en plus dans
son athéisme. Et la persécution qui sévit dans
les pays de l’Est viendra nous punir, dans nos pays de l’Ouest,
parce qu’on n’a pas répondu à la volonté
de Dieu de nous sauver par le Cœur de sa Mère.
Voilà pourquoi, dans l’immédiat,
c’est la Croix de l’Eglise qui se présente à
nous. Mais cette Croix nous apparaît dans la lumière
de la Résurrection pascale. Et c’est pourquoi je dis
: le message de Fatima est message d’espérance, message
de paix, de force, de joie même, parce qu’il est le message
de la victoire finale et parce que cette victoire sera celle de l’Amour.
C’est ce que dit le mot « Cœur ; « Mon cœur
triomphera– l’Amour triomphera. Il triomphera par la «
patience des saints », comme dit l’Apocalypse, par la
fidélité des fidèles, par notre force et notre
constance à porter la Croix que Jésus nous présente,
chacune la sienne, l’Eglise toute entière portant aussi
la sienne. On voit ainsi l’importance de méditer cette
annonce prophétique finale, car elle met tout le message et
tout le mystère de Fatima dans la lumière pascale du
Christ.
B – Le mystère de Fatima : réflexion
théologique
Voilà donc, mes chers amis, les
réflexions que je développe dans la première
partie de la conférence…La deuxième partie sera
développée plus rapidement. Mais je voudrais essayer
de vous en présenter les idées essentielles, car elles
sont d’une extrême importance.
J’ai dit le message et, déjà,
son fondement théologique. Ce que je vais faire maintenant,
c’est le but de la deuxième partie, c’est approfondir
ce fondement théologique. Je le fais en trois points, en trois
questions extrêmement importantes. Je dirai un mot des deux
premières ; je ne ferai que mentionner la troisième,
qui est trop difficile et qui ferait l’objet d’une conférence
à part.
8 – La première question
est celle de l’obligation pour l’Eglise, d’écouter
les demandes de la Vierge et d’y répondre. Je sais que
je touche là un point délicat .J’espère
n’avoir pas manqué à la prudence théologique
et pastoral et ne rien dire qui ne soit fondé avec certitude
dans la doctrine la plus sûre de la Tradition et du Magistère
de l’Eglise. Ces précautions un peu solennelles sont
nécessaires…
L’Eglise a-t-elle, oui ou non, l’obligation d’écouter
la Vierge ? Si vous posez la question à un simple fidèle,
il vous répondra avec le bon sens de la Foi : « bien
évidemment ». Et il aura raison. Car enfin, si la Mère
de Dieu se dérange et vient pour parler, la moindre des choses,
c’est que nous lui obéissions comme à notre Mère.
Que nous soyons le dernier des frères convers, ou des employés
de bureau, ou que nous soyons le Pape, en face de la Mère de
Dieu nous sommes également en face de notre Mère et
si elle nous dit sa volonté, il faut lui obéir. Fort
bien et c’est exact.
Cela étant, il y a quand même une difficulté pour
montrer cette obligation d’obéir à la Vierge.
Elle vient d’abord du fait que ces messages de Marie sont quelque
chose de relativement récent dans l’histoire de l’Eglise.
Ils remontent finalement au XIXe siècle. Avant, c’est
vrai, il y avait eu le Message du sacré-Cœur. Et puis
quand on remonte ainsi le cours de l’histoire, petit à
petit, on voit que depuis les « Actes des Apôtres »,
il y a toujours eu des « prophéties » dans l’Eglise.
Des prophéties : voilà, je viens d’employer le
grand mot qui va nous permettre de répondre à notre
première question et de faire un déplacement d’axe
qui va débloquer ce problème.
Car jusqu’ici, la difficulté
que l’on éprouvait en la matière venait de ce
qu’en dehors de la Révélation évangélique,
qui seule est objet de la foi théologale, cela est clair, cela
est hors de discussion : seul l’Evangile est objet de foi théologale,
la foi du baptême…Jusqu’ici donc, on raisonnait
ainsi : en dehors de l’Evangile, tout le reste, ces affaires
des « âmes privilégiées », ce sont
des « révélations privées ». Et en
face de ces révélations privées, on est plus
ou moins libre de croire ou de ne pas croire, d’en prendre ou
d’en laisser. La personne concernée, elle, peut avoir
une obligation de croire à ce qui lui est dit, et encore certains
hésitent à l’affirmer, c’est étonnant
mais c’est ainsi. Et puis on en restait là. A cette mentalité
viennent s’ajouter des textes de l’Eglise, depuis Benoît
XIV jusqu’à Pie X, qui disent ; l’Eglise ne fait
que permettre de croire, et d’une foi simplement humaine, aux
messages des révélations et aux apparitions privées.
Grâce à Dieu, depuis quelques
temps, des théologiens comme le Père Balic, Président
de l’Académie Mariale internationale à Rome, des
Evêques et des Cardinaux, comme le Cardinal Cerejeira, Patriarche
de Lisbonne et donc responsable de Fatima, bref, des voix hautement
autorisées se sont fait entendre pour dire : mais enfin, ce
n’est pas suffisant ; si Dieu parle il faut quelque chose de
plus qu’une simple foi humaine et facultative dans la réponse
à lui donner. Ce quelque chose de plus, voilà, me semble-t-il,
comment on peut le fonder théologiquement. Il y a les «
révélations privées », très bien
; ce sont des messages communiqués à des âmes
pour leur bien particulier. Et il y a des « prophéties
publiques » données à l’Eglise pour sa conduite,
pour la conduite des âmes.
Si nous lisons maintenant les « Actes des Apôtres »
et les « Epîtres » de Saint Paul, nous découvrons
des paroles étonnantes, comme celle-ci dans l’Epître
aux Ephésiens : « L’Eglise est fondée sur
les Apôtres et sur les prophètes » (Eph ?. 2 20)
Or il s’agit là, tout le contexte le prouve, des prophètes
du Nouveau Testament. Et si nous lisons l’ensemble des «
Actes des Apôtres », et si nous relisons l’histoire
de l’Eglise, nous nous apercevons que tout au long de cette
histoire, à côté du charisme apostolique, c’est-à-dire
la hiérarchie ministérielle sacerdotale, il y a toujours
eu des charismes prophétiques pour soutenir, guider et orienter
cette hiérarchie dans sa mission. Voilà la grande vérité.
Ajoutons ceci : le hiérarque et
le prophète sont l’un et l’autre subordonnés
à la Parole de Dieu, à l’Evangile du Christ, mais
selon des voies différentes et complémentaires. Certes,
l’autorité ultime appartient au hiérarque, à
l’Evêque, au Pape. Seulement le Pape a le devoir d’écouter
le prophète. Saint Paul le dit : « N’éteignez
pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophètes, recevez
tout, discernez, et ce qui est bon, retenez-le » (1 Th 5 19-21).
Voilà la parole de l’Evangile. Voilà la volonté
de Dieu sur la base de laquelle on peut et on doit affirmer que la
prophétie appartient à l’économie de la
conduite du peuple de la Nouvelle alliance, que la prophétie
est essentielle à la vie de l’Eglise, elle l’est
de la manière suivante : le prêtre, le Pontife discerne,
- c’est lui qui juge – si la parole du prophète
est de Dieu ou non. Mais une fois qu’il a discerné et
s’il a reconnu que telle parole prophétique est de Dieu,
alors c’est à lui d’obéir, non pas au prophète,
mais à Dieu dont le prophète est l’instrument.
Voilà, je crois, la manière
théologique de montrer que l’on n’est pas libre
en face d’un message prophétique une fois qu’il
est reconnu d’origine divine, mais que c’est un devoir
de le recevoir et de s’y soumettre. Voilà pourquoi, Mes
Très Révérends Pères et chers amis, -
mais je sais que nous sommes tous également convaincus de cette
vérité - voilà pourquoi c’est un devoir
pour le Pape et pour les Evêques d’obéir à
la Vierge et d’accomplir ses demandes de Fatima, un devoir qui
n’est pas autre chose qu’une partie de leur charge pastorale
et apostolique. Ces problèmes, je l’ai dit, sont encore
peu étudiés. La réflexion théologique
sur ce point est encore très peu développée.
C’est pourquoi l’essai que je propose dans mon texte écrit
me semble très important et pour sa portée générale
et pour son application au message, c’est-à-dire à
la prophétie publique de Fatima. Si elle est de Dieu, l’Eglise
doit la recevoir et s’y soumettre. Or depuis longtemps l’Eglise
l’a reconnue comme venant de Dieu. Elle doit donc l’accomplir
et de toute urgence.
Voilà donc la première
question qu’il fallait mettre au clair. Encore une fois, vous
le voyez, nous rejoignons la réponse du bon sens chrétien
: évidemment, si la Vierge a parlé, il faut lui obéir.
Oui, et c’est très beau, ce bon sens. Mais enfin pensons
d’autre part, au poids de responsabilité de l’Autorité
qui doit peser ses actes et n’entreprendre une action qu’avec
la certitude d’obéir à Dieu. Et c’est l’humble
mais indispensable travail du théologien que de proposer à
la hiérarchie une réflexion, dont elle est juge aussi,
mais qui a pour but de l’aider dans son travail pour parvenir
à une certitude de la vérité.
J’énonce tout de suite la
deuxième et troisième question, qui sont certainement
les plus passionnantes, et aussi les plus éclairantes. Je ne
pourrai ici que les évoquer vous renvoyant pour un approfondissement
ultérieur au texte qui sera imprimé. Quelle est la vérité
centrale ? Celle de Marie Médiatrice. C’est l’heure
où Dieu veut que le monde entier reconnaisse le rôle
de Marie dans l’histoire du salut. Voilà le cœur
de Fatima et de mille autres interventions de la Vierge, je le sais.
Mais cette vérité apparaît avec une force particulière
à Fatima, et j’essaie de la confirmer de deux manières
complémentaires, à partir de l’histoire, c’est
la deuxième question que j’aborde dans cette deuxième
partie ; à partir de la théologie, c’est la troisième
question, la plus éclairante, mais aussi la plus difficile,
qui ne sera pas traitée ici, mais sera développée
dans le livre actuellement en préparation.
Essayons, du moins dans les quelques
minutes qui nous restent, de montrer comment cette vérité
de la médiation de Marie apparaît dans l’Histoire
du XXe siècle, dans l’histoire de l’Occident ;
car l’histoire du monde s’est passée en Occident
ou à partir de l’Occident depuis le Christ, jusqu’au
XXe siècle. Et c’est à partir du XVI siècle
surtout que se déroule le drame ou plus exactement la révolte
dont Dieu veut triompher par la médiation de Marie. L’étude
historique à faire pour le montrer est la suivante : il faut
étudier en parallèle, d’un côté la
montée du péché d’athéisme dans
le monde moderne et de l’autre côté, la montée
des voix prophétiques données par Dieu à l’Eglise
pour faire face à ce péché. Je le dis tout de
suite : ce que l’on découvre, au terme de cette étude,
c’est la vision du Chapitre XII de l’Apocalypse. Fatima,
c’est la « Femme vêtue du soleil » : le miracle
du 13 octobre. Le communisme, c’est « Dragon rouge »
de la négation de Dieu : l’étoile rouge de Moscou.
Et, voyez-vous, tout notre XXe siècle est le siècle
de cet immense combat entre la Femme de l’Apocalypse et le Dragon
rouge de l’athéisme communiste, à l’est,
et de l’athéisme pratique, à l’Ouest. Car
ils sont frères ennemis mais frères de combat. L’Occident
et l’Orient se rejoignent dans cette négation commune
de Dieu. C’est cette histoire qu’il nous faut retracer.
(NB. Je renvoie ici à la conclusion
de l’encyclique de Jean-Paul II sur l’Europe : «
Ecclesia in Europa ». C’est le thème qu’il
développe très heureusement.)
Je vous proposerai simplement quelques
dates en modifiant quelque peu, la présentation de mon texte.
Car il faut partir non pas, comme je l’ai fait, du XVII e siècle,
mais du XVI e. Le début des temps modernes, dans les manuels
d’histoire, de littérature et autres, c’est le
XVI e.
Le XVIe siècle, c’est l’époque
de l’humanisme, et c’est celle du drame luthérien,
le protestantisme. L’humanisme a été un mouvement
culturel, oui. Il a été aussi un début de retour
au paganisme sous couleur de culture. Quant à Luther, il est
au principe de la division de l’Europe chrétienne. Il
est le diviseur : « Dieu est au ciel, toi, tu es sur la terre
». Entre le ciel et la terre, Luther met un abîme infranchissable.
Luther nie toutes les médiations. Car à la fin Luther
qui parle tant du Christ nie la médiation de l’Humanité
du Christ. A plus forte raison va-t-il nier celle de la Vierge, la
Co- Médiatrice. Voilà le XVI siècle : affirmation
de l’homme, rupture entre le ciel et la terre par la négation
des médiations qui les unissent : le Christ, Marie et d’abord
l’Eglise. Voilà le début de la révolte
des temps modernes contre Dieu. Face à cette attaque, l’Eglise
répond par la Hiérarchie : c’est le Concile de
Trente, et par une pléiade de saints : saint Ignace de Loyola,
sainte Thérèse d’Avila, saint Jean de la Croix,
saint Pierre d’Alcantara, etc. C’est parmi eux que la
prophétie se réalise, que le charisme de prophétie
s’exerce, surabondamment.
XVII e siècle : le mal se développe.
Et de même que le XVIe avait été « el siglo
de oro de Espana », avec Charles Quint et les grandes gloires
de l’Espagne, le XVIIe sera le « grand siècle français
». Le mal naît en Allemagne ; c’est la révolte
du protestantisme. Puis il passe en France, il y prend au sein de
l’Eglise la forme du Jansénisme, cette espèce
de mouture catholique du protestantisme et spécialement du
calvinisme, cette glace mise sur le cœur du Christ. Et c’est
là qu’apparaissent les premiers prophètes des
temps modernes : les révélations du Sacré-Cœur
à sainte Marguerite-Marie Alacoque, en 1675. Elles ont lieu
à Paray-le-Monial et elles représentent dans l’histoire
de l’Eglise un fait à la fois ancien et nouveau ; ancien
parce que la prophétie y a toujours été présente
et nouveau par la forme qu’elle prend. Face à la négation
de son amour, le Christ vient lui-même nous redire la révélation
de son Cœur, et il le fait par le moyen de cette apparition et
de ce message prophétique. XVII e siècle : l’apparition
des prophéties centrées sur le Cœur du Christ.
Et Fatima sera, au XXe siècle, la continuation de Paray-le-Monial,
la révélation du Cœur de Marie dans son union au
Cœur du Christ. Et Dieu, dans sa miséricorde, fera ce
don à son Eglise parce qu’elle n’aura pas suffisamment
répondu à l’appel du Christ parce qu’elle
n’aura pas suffisamment répondu à l’appel
du Christ et que, par suite, la révolte aura poursuivi ses
ravages.
Le XVIII e siècle est celui de
son grand essor, avec sa conclusion : la Révolution française,
le premier grand acte de rébellion politique organisée
contre Dieu, la conséquence du refroidissement de la foi au
XVIIe, la conséquence de l’exaltation de la raison au
XVIIIe et de la prise en main de ce mouvement de révolte par
le pouvoir maçonnique, fondé en 1717. 1517 : révolte
de Luther ; 1717 : fondation de la Franc-maçonnerie ; 1917,
j’anticipe : naissance du bolchevisme et réponse de Dieu
par le Cœur Immaculé de Marie. Mais j’ai anticipé
pour montrer tout de suite cette singulière et impressionnante
série de dates( à laquelle bien d’autres événements
seraient à ajouter). Revenons au XVIIIe siècle, où
la Révolution est l’œuvre de la Maçonnerie,
née au début du siècle, et de l’exaltation
absolue de la raison, c’est-à-dire de l’homme rejetant
Dieu, se faisant son seul maître et voulant se suffire à
lui-même.
Cette déchirure de l’Europe
chrétienne par la Révolution , c’est l’affreuse,
« glorieuse » en un sens, mais plus encore affreuse épopée
de Napoléon qui va la semer à travers toute l’Europe,
détruisant les royaumes, détruisant la chrétienté.
Et le début du XIX siècle
est une catastrophe pour l’Eglise et pour la foi. C’est
là que les grandes prophéties mariales commencent :
en 1830, à la rue du Bac, avec la « médaille miraculeuse
» et l’invocation : « O Marie conçue sans
péché, priez pour nous qui avons recours à vous
! ». Ainsi, dès le départ, ces prophéties
s’ouvrent sous le signe de l’Immaculée. Et au cœur
du XIXe siècle, en 1854, c’est la définition du
dogme de l’Immaculée Conception. Quatre ans plus tard,
à Lourdes, la Vierge vient elle-même confirmer le geste
du Vicaire de son Fils en déclarant à la petite Bernadette,
le 25 mars 12858 : « Je suis l’Immaculée Conception
». 1830, 1854, 1858 : au XIXe siècle s’ouvre dans
l’Eglise et sur le monde l’ère de l’Immaculée.
Passons au XXe siècle, car il
faut faire court, et nous avons le grand tournant de 1917, tournant
qui est l’aboutissement et le nouveau point de départ
d toute cette révolution, mais aussi de toute cette révélation
prophétique. Après la consécration du genre humain
au Sacré-Cœur par Léon XIII, en 1899, et après
le refus des hommes , Dieu ne peut plus ; il ne peut plus laisser
ces crimes sans châtiments : il ne peut pas non plus cesser
de chercher à nous les épargner par pure miséricorde.
Et les hommes ayant refusé de répondre, ou de répondre
suffisamment à l’appel du Cœur de son Fils, il leur
envoie sa Mère. Le Cœur du Christ s’efface en quelque
sorte derrière le Cœur de Marie. C’est le grand
tournant de 1917. Et notez ceci : au moment où, avec le triomphe
bolchevique à l’extrémité de l’Europe,
à Leningrad qui était encore Petrograd, le Dragon rouge
se dresse, à l’autre extrémité de l’Europe,
là où nous sommes, à Fatima, ce petit pays perdu
au Portugal, la « Femme vêtue de soleil » apparaît,
le Cœur immaculée de Marie se dresse. C’est le miracle
du 13 octobre, le miracle du soleil, un miracle qui demanderait un
livre d’explication…Mais, chers amis, ce soleil, c’est
le symbole du Christ. Et vous savez, je le rappelais hier, en méditant
le chapelet avec les prêtres, que ce miracle du soleil a été
renouvelé quatre fois au Vatican, pour Pie XII, en 1950, lorsqu’il
définit le dogme de l’Assomption, c’est-à-dire
le dogme de Marie montée au Ciel, de Marie « assumée
» par le Christ, le dogme de la Femme totalement reprise par
le « Soleil de justice », établie par lui dans
la gloire et dans la puissance de sa Royauté de Soleil du Ciel
et de la terre. Vous voyez la relation entre Fatima et le dogme de
l’Assomption. C’est sur cette base que l’on peut
et doit affirmer qu’avec Fatima, mais aussi avec cette date
centrale au milieu du XX e siècle : 1950, la définition
du dogme, avec ces deux dates qui sont inséparables s’est
ouverte, dans le prolongement de l’ère de l’Immaculée,
au XIXe siècle, l’ère de l’ « assumpta
», « l’ère de la Femme revêtue du Soleil
» , et voilà le message de Fatima dans toute sa lumière
de gloire, dans toute sa puissance de salut.
Hélas ! Nous sommes en 1981, et
l’on n’a pas encore répondu aux demandes de cette
Reine glorieuse établie dans le Soleil. On n’a pas encore
compris que le Christ, qui est le Soleil, ne veut nous donner ses
rayons de vie et de victoire que par le Cœur Immaculé
de Marie. C’est pour cela que l’humanité s’enfonce
dans le péché en courant vers les catastrophes, parce
qu’on n’a pas compris que le Christ ne veut régner
que par Marie.
Conclusion . L’heure de la conclusion approche : et voilà
ma conclusion. Le message est là, il attend. Et Sœur Lucie
souffre le martyr depuis 1917 parce qu’on n’y répond
pas.(NB elle s’éteignait le 13 févier 2005). Donc
il faut méditer le message et concentrer notre attention sur
le Cœur de Marie et sur son appel, non pas un appel abstrait,
mais l’appel du Cœur de notre Mère. C’est
elle qu’il faut regarder, écouter et l’entendre
nous dire à tous : « Venez à mon Cœur, par
là seulement vous vous convertirez et vous tiendrez dans les
batailles qui vous attendent, dans les croix qui vous seron,t imposées
». Voilà l’appel pour tous. Et puis l’appel
pour les théologiens et pour tous ceux qui tiennent une responsabilité,
et pour tout chrétien appelé à l’apostolat
: « Ecoutez, mais aussi faites écouter mon appel ».
Et je pense, troisième point, d’une manière particulière
à l’appel adressé à la Hiérarchie,
au Pape et aux Evêques : « Consacrez-moi la Russie et
vous aurez la paix, car le Christ qui est le Prince de la Paix ne
veut vous la donner que par mon Cœur, et par mon Cœur, Il
se donnera Lui-même à vous ».
La dernière chose que je vous
dirai est la suivante, elle est d’ordre pratique. Car souvent
les gens se demandent : mais enfin, qu’attendent le Pape et
les Evêques pour répondre à Marie et pour faire
cette consécration ? Mes chers amis, ils attendent ceci : que
chacun d’entre nous obéisse pour sa part à la
Vierge. Car les grâces de lumière et de force, grâces
extraordinaires, dont le Pape d’abord et surtout le Pape, mais
aussi les Evêques ont besoin pour faire cet acte inouï
et impensable dans les conditions actuelles, j’en suis conscient,
ces grâces, c’est à nous, par la prière,
de les leur obtenir. Ainsi ce qui est humainement impensable sera
rendu possible par la grâce de Dieu, par ces grâces extraordinaires
qui permettront à la Hiérarchie d’obéir
à la Vierge ; elles leur seront méritées par
la somme d’efforts, de prières et de sacrifices de tous
les chrétiens, de toute l’Eglise.
Notre conclusion est donc très
pratique. Il ne s’agit pas d’exciter sur des dates, sur
l’attente des châtiments. Les dates sont inconnues ; les
châtiments sont certains. La conclusion pratique que nous devons
retenir c’est de regarder le Cœur de notre Mère
; et nous allons commencer tout de suite avec le pèlerinage
qui sera un point de départ, non pas une chose faite en passant,
et non pas un acte pieux entre deux moments de tourisme. Ce sera un
point de départ où vous aurez entendu l’appel
de la Vierge, et ma joie serait d’y avoir contribué ;
et où, en l’entendant, vous apprendrez à lui répondre
chaque jour davantage. Ma conférence vous est offerte, entre
tant d’autres choses, pour vous y aider : un point de départ
pour apprendre à répondre à Marie. De l’effort
de toute l’Eglise, de la prière et des sacrifices de
chacun naîtront le mouvement et les grâces qui permettrons
au Pape et aux successeurs des Apôtres de faire cette consécration
libératrice. Alors le Cœur de Marie triomphera. Alors
la paix sera donnée à la Russie, et, à partir
de la Russie, au monde entier. Alors Marie sera proclamée Médiatrice
et ce sera un renouveau, le renouveau véritable, et non pas
faux et mensonger. Alors ce sera le vrai renouveau promis par Dieu,
dans toute l’Eglise et dans le monde entier, à la gloire
du Cœur du Christ et de Marie, du Père, du Fils et du
saint Esprit. Ainsi soit-il.
Ma conclusion : Or nous sommes loin de connaître ce temps de
paix et de dévotion mariale. Où est la paix ? Où
est le triomphe du Cœur Immaculée de Marie ? Où
est la reconnaissance de la Médiation universelle de Marie…
C’est pourquoi, je ne peux pas faire taire en mon cœur
un doute concernant et la consécration de la Russie au Cœur
Immaculé de Marie, réalisée, dit-on, par le pape
Jean-Paul II et la véracité de la révélation
de la totalité du Troisième secret de Fatima par le
cardinal Sodano. Ce ne semble pas possible. Le triomphe de Marie et
de la dévotion au Cœur Immaculée, annoncé
clairement dans les apparitions de Fatima, n’est pas tel que
je puisse croire que tout fut accomplie comme Notre Dame l’a
demandé. . Le triomphe de la gloire de Marie, ce que nous laisse
entendre le message de Fatima, ne semble pas encore arrivé.
Ergo.