Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

06 80 71 71 01

 

Du 27 février au 5 mars 2005

Troisième dimanche de Carême

 

Sommaire

 

 N'oubliez pas de vous
inscrire sans tarder au pèlerinage jubilaire du Puy, pour m'en faciliter
l'organisation. N'attendez pas le dernier jour, comme on le fait d'habitude.
Des noms me sont déjà parvenus. Je les en remercie.

I- Nos mystères chrétiens

 

Le saint Nom de Marie
Méditation VII

 

Après avoir médité sur le mystère de « l’Immaculée Conception » de Notre Dame, nous ne pouvons pas ne pas nous arrêter quelques instants à méditer sur le « Saint Nom de Marie ».
Oui, ici je considérerai que le père et la mère de Notre Dame, lui donnèrent le nom de Marie : « Et nomen virginis Maria » « Et le nom de la Vierge était Marie ».

Divinement inspiré du Ciel, ce nom de « Marie » aurait plusieurs sens. Il voudrait dire : « Etoile de la Mer », ou « Mer pleine d’amertumes », ou encore « Dame », ou « élevé en dignité » ; encore « celle qui est éclairé ou celle qui éclaire », ou encore « Maîtresse du peuple ».
Il est clair que toutes ces qualités, nous les trouvons dans la Vierge-Marie.

Premièrement : elle est l’Etoile de la mer.

Comme toute « étoile », c’est elle, Marie, qui est la lumière, l’espoir et le guide de ceux qui naviguent sur la mer de ce monde, battus des flots et des tempêtes, c’est-à-dire, exposés aux tentations de l’ennemi et à de continuels dangers de se perdre. Par ses prières, par ses exemples et par les grâces qu’elle leur accorde, elle les réjouit, les encourage et leur fait trouver le droit chemin qui les conduit heureusement au port du salut. C’est la pensée exprimée par Saint Bernard dans ses homélies sur le « Missus es », la deuxième homélie.

On ne peut pas ne pas citer ces paroles pour élever nos esprits et méditer heureusement :

« Et le nom de la vierge était Marie. Arrêtons-nous un peu à ce nom qui, dit-on, signifie « Etoile de la mer » et qui convient parfaitement à la Vierge Mère.

Rien de plus juste que de la comparer à un astre qui émet ses rayons sans être altéré, comme la Vierge enfante son Fils sans aucune lésion de son corps. Le rayon n’ôte rien à la luminosité de l’astre, et la naissance du Fils ne diminue pas l’intégrité de la Vierge. Elle est donc cette magnifique étoile de Jacob, dont les rayons éclairent l’univers entier, illuminent le ciel et pénètrent jusqu’aux enfers.

La Vierge, rayonnant sur toute la terre, réchauffe les âmes plutôt que les corps, favorise la croissance des vertus et consume les vices. Elle est vraiment cette étoile la plus belle qui devait nécessairement se lever au dessus de la mer immense, toute brillante de mérites et d’exemples éclairants.

Qui que vous soyez, si vous comprenez que votre vie plutôt qu’un voyage sur la terre ferme, est une navigation parmi les tempêtes et les tornades, sur les flots mouvants du temps, ne quittez pas des yeux la lumière de cette étoile, afin d’éviter le naufrage.

Lorsque vous assaillent les vents des tentations, lorsque vous voyez paraître les écueils du malheur, regardez l’étoile, invoquez Marie. Si vous êtes ballottés sur les vagues de l’orgueil, de l’ambition, de la calomnie, de la jalousie, regardez l’étoile, invoquez Marie.

Si la colère, l’avarice, les séductions charnelles viennent secouer la légère embarcation de votre âme, levez les yeux vers Marie. Si, troublés par l’atrocité de vos crimes, honteux des souillures de votre conscience, épouvantés par la menace du jugement, vous commencez à vous engloutir dans le gouffre de la tristesse et l’abîme du désespoir, pensez à Marie.

Dans le péril, l’angoisse, le doute, pensez à Marie, invoquez Marie. Que son nom ne quitte pas vos lèvres ni vos cœurs.

Et pour obtenir son intercession, ne vous détournez pas de son exemple.

En la suivant, vous ne vous égarerez pas ; en la suppliant, vous ne connaîtrez pas le désespoir ; en pensant à elle, vous éviterez toute erreur. Si elle vous soutient, vous ne sombrerez pas ; si elle vous protège, vous n’aurez rien à craindre ; sous sa conduite, vous ignorez la fatigue ; grâce à sa faveur, vous atteindrez le but. Et ainsi vous saurez par votre propre expérience tout ce que signifie ces mots : « Et le nom de la Vierge était Marie ». .

Mais ici, interrompons-nous un moment car nous ne saurions nous contenter de regarder en passant l’éclat d’une si haute lumière. Pour me servir des mots de l’Apôtre, « il nous est bon d’être en ce lieu » et de contempler à loisir, en silence, ce qu’un discours laborieux ne suffira jamais à exprimer. Et la contemplation recueillie de cette scintillante étoile nous préparera à aborder avec une ferveur nouvelle le commentaire de la suite du texte ». (St Bernard 2e homélie,“ Missus es ».

Deuxièmement: Elle est une « Mer pleine d’amertume ».

Elle est une Mer, à cause des trésors immenses de grâces célestes dont son âme est remplie, et dont elle est redevable à celui qui l’a choisie pour Mère.
Elle est « pleine d’amertume » par les douleurs incompréhensibles dont son cœur fut pénétré pendant la Passion de son divin Fils. « Un glaive vous transpercera le cœur », lui dit Saint Siméon. C’est ainsi que Dieu a coutume d’égaler les joies et les souffrances ; et il en usa de la sorte avec Notre Dame.

Troisièmement. Elle est « Dame » et « Princesse », parce qu’elle exerça toujours un empire absolu sur ses appétits, sur son imagination, sus ses sens, sur les puissances de son âme et élevée au dessus d’eux tous ; ce qui cessera de nous étonner quand nous considérerons qu’elle fut en quelque sorte « Maîtresse » de Dieu, puisqu’elle lui commanda comme à son Fils, et qu’il lui obéit comme à sa Mère à qui il était soumis en tant qu’homme. « Et erat subditus illis » (Lc 2 51)

Quatrièmement. Enfin, « elle est éclairée et elle éclaire », parce qu’elle a reçu du ciel de grandes lumières et un admirable don de sagesse, non seulement pour sa propre conduite, mais encore pour celle des autres. Aussi fut-elle la Maîtresse des Apôtres et de tous les fidèles.

Ces courtes considérations doivent exciter dans nos âmes de vifs sentiments de joie et de confiance, accompagnée d’une tendre dévotion au nom de Marie

Je la supplierai, dit le Père Du Pont, d’opérer en moi tout ce que son nom signifie, lui disant :
« O Vierge très sainte, c’est avec raison que je puis dire de votre nom qu’il est, comme celui de votre Fils, une « huile répandue » -oleum effusum nomen tuum » (Cant,1 2), , puisqu’il a la vertu d’éclairer, de fortifier, de guérir et de réjouir mon cœur. Répandez, je vous en conjure, répandez en moi avec abondance cette huile si précieuse.

Vous êtes « l’Etoile de la mer » ; conduisez moi donc parmi les écueils des tentations, délivrez-moi de tous les dangers.

Vous êtes une Mer de grâces et d’amertumes ; partagez avec moi les unes et les autres, puisque ce n’est pas une moindre faveur de goûter l’amertume des souffrances de votre Fils que de recevoir ses dons.

Comme Dame et Maîtresse, dissipez par votre lumière les ténèbres de mon ignorance ; aidez-moi à être maître des passions ; guidez mes pas dans les sentiers de la justice, et faites que je parvienne au comble de la perfection en invoquant votre saint nom. Ainsi soit-il ».

La semaine prochaine, nous méditerons les progrès spirituels en Marie jusqu’à l’annonciation, Puis nous parlerons de son vœu de virginité. Ce qui nous amènera ensuite, à contempler le riche mystère de l’annonciation, puis de l’Incarnation.

 

II- Le sacrement de l’Eucharistie

 

Nous venons de traiter successivement les 4 premières questions de la Somme de Saint Thomas d’Aquin sur le sacrement de l’Eucharistie.
La question 73 est consacrée aux généralités sur ce sacrement
La question 74 est consacrée à la « matière » de ce sacrement : le pain et le vin
La question 75 est consacrée au mystère de la conversion substantielle du pain et du vin au corps et au sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, mystère importante, s’il en est, appelé « Transsubstantiation..
La question 76 est consacrée au mode particulier de cette présence de NSJC dans ce sacrement. Il s’agit d’une présence sacramentelle ou par mode de substance.


La question 77 est consacrée à l’étude de la permanence des accidents du pain et du vin dans ce sacrement.

Nous en arrivons maintenant à la question 78 qui est toute consacrée à l’étude de la « forme » de ce sacrement, c’est-à-dire à l’étude de la formule que le prêtre dit lors de la consécration : « Ceci est mon Corps », « Ceci est mon Sang ». Cette question est traité dans le Catéchisme du Concile de Trente au §3 du chapitre 18e.

Saint Thomas y consacre six articles. Les trois premiers de ces articles traitent de ce en quoi consiste la double forme du sacrement de l’Eucharistie ; les trois autres, de questions accidentelles relatives à l’efficacité ou au sens précis de cette double forme.

Voyons, aujourd’hui, l’étude des deux premiers articles. Je réserve l’article 3 , sur la forme de la consécration du vin, pour la semaine prochaine. Car il y a beaucoup de choses à dire sur cet article. Ce serait trop long pour aujourd’hui.

Article 1 : Si c’est, là, la forme de ce sacrement : « Ceci est mon Corps » et : Ceci est mon Sang.

L’étude de cet article est importante, non pas tant pour les fidèles, mais pour le prêtre afin qu’il ne commette pas quelques fautes dans la consécration. Et sous ce rapport, cela aussi intéresse le fidèle qui doit être sûr qu’il communie bien au corps du Christ.

Les Evangélistes Saint Matthieu, Saint Luc et l’apôtre Saint Paul nous apprennent que cette forme consiste dans les paroles : « Ceci est mon Corps », car voici ce qui est écrit : « pendant qu’ils soupaient, Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna à ses disciples en disant : « prenez et mangez : ceci est mon Corps ».

Cette forme, employée par NSJC Lui-même pour la consécration de son Corps a été constamment en usage dans l’Eglise catholique.

Mais bornons nous ici à rappeler ces mots de Notre Seigneur : « Faites ceci en mémoire de Moi » (Luc 22 19). Ils établissent clairement, dit le Catéchisme du Concile de Trente, le point que nous traitons. Cet ordre, en effet, qu’Il donna à ses Apôtres doit se rapporter non seulement à ce qu’Il avait fait Lui-même ; mais encore à ce qu’il avait dit, et spécialement aux paroles qui furent prononcées, autant pour produire que pour signifier l’effet du Sacrement.

Et Saint Thomas, dans cet article, va démontrer qu’il en est bien ainsi : « Ceci est mon Corps », « Ceci est le calice de mon sang », ces deux expressions sont bien la forme du Sacrement de l’Eucharistie. Je résume avant de donner le texte de Saint Thomas.

La forme d’un sacrement consiste dans les paroles qui expriment l’effet produit par ce Sacrement . Or les paroles que nous venons de citer indiquent et signifient très bien ce qui s’opère dans l’Eucharistie, à savoir le changement du pain au Corps de Notre Seigneur et du vin en son Sang. Par conséquent elles sont véritablement la forme.

Dans son article Saint Thomas explique pourquoi la forme du sacrement de l’Eucharistie diffère tant des autres formes des autres sacrements.

On peut dire que la forme du sacrement de l’Eucharistie est une forme tout à fait spéciale. Elle se distingue de la forme des autres sacrements parce que l’Eucharistie est un sacrement qui se distingue de tous les autres, ayant des caractères tout à fait spéciaux, qu’on se retrouve en aucun des autres sacrements. Ainsi de la forme.

Quelles sont ces différences ?
Saint Thomas nous avertit que « ce sacrement diffère des autres sacrements en deux choses.
D’abord, en ceci que ce sacrement se parfait dans la consécration de la matière ; tandis que les autres sacrements se parfont dans l’usage de la matière » ( ainsi du baptême, ainsi de la confirmation… Du baptême : le baptême consiste dans une ablution par l’eau…)

Secondement, parce que dans les autres sacrements, la consécration de la matière consiste seulement dans une certaines bénédiction, de laquelle la matière consacrée reçoit d’une manière instrumentale une certaine vertu spirituelle, qui, par le ministre, instrument animé, peut passer aux instruments inanimés.
Dans ce sacrement de l’Eucharistie, au contraire, la consécration de la matière consiste dans un certain changement miraculeux qui ne peut être accompli que par Dieu seul. . Aussi bien, le ministre, dans la réalisation de ce sacrement, n’a point d’autre acte à poser que de proférer les paroles ». Ainsi n’agit-il pas en son nom propre comme pour le baptême…
« Et parce que la forme doit convenir à l’être de la chose », en tant que le sacrement produit ce qu’il signifie. Il existe, il est ce qui est signifié par la forme du sacrement - « de là vient que la forme de ce sacrement diffère de la forme des autres sacrements en deux choses :

Premièrement, parce que les formes des autres sacrements impliquent l’usage de la matière : par exemple « l’ablution » qui est l’application et l’usage de l’eau dans le baptême ; « tandis que la forme de ce sacrement( de l’Eucharistie) implique la seule consécration de la matière, qui consiste dans la transsubstantiation », ce qui est bien signifié quand il est dit : « Ceci est mon Corps ; ou Ceci est le Calice de mon Sang »

Secondement, parce que les formes des autres sacrements sont proférées au nom de la personne du ministre : soit par mode de sujet qui exerce l’acte, comme quand il est dit : « Je te baptise ; ou je te confirme ; soit par mode de sujet qui commande, comme dans le Sacrement de l’(Ordre où il est dit : « Reçois le pouvoir… ; soit par mode de sujet qui supplie comme quand il est dit dans le Sacrement de l’Extême Onction : « Par cette onction et notre prière….La forme du sacrement de l’Eucharistie, au contraire, est proférée au nom et en la personne du Christ qui parle : afin de donner à entendre que le ministre, dans la réalisation de ce sacrement, ne fait que proférer les paroles du Christ ».

C’est ainsi que l’on peut comprendre que les paroles qui se trouvent dans l’Evangile, prononcées par Notre Seigneur : « Prenez et Mangez » ne sont pas de la forme du sacrement parce que ces mots regardent « l’usage de la matière consacrée, lequel usage n’est point de nécessité pour l’existence de ce sacrement ». Ces paroles ne sont donc pas de la substance de la forme du sacrement de l’Eucharistie. Aussi quoique le Prêtre soit obligé de les prononcer, ne sont-elles pas nécessaires à l’existence du sacrement ».

Il en est de même de la conjonction « Car » que l’on prononce néanmoins dans la consécration du Corps et du Sang de Jésus-Christ. Elle ne fait pas partie de la substance de la forme. Autrement s’il n’y avait personne pour recevoir l’Eucharistie, on ne devrait, et on ne pourrait même pas la consacrer. Et cependant, il est incontestable que le Prêtre qui prononce les paroles du Seigneur suivant l ‘usage et la coutume de l’Eglise sur un pain propre à devenir la matière de l’Eucharistie, consacre réellement et validement cette matière quand même il arriverait que l’Eucharistie ne serait administrée à personne.(Cat du Concile de Trente,p.214)

Article 2 : Si, c’est, là, la forme qui convient pour la consécration du pain : « Ceci est mon Corps ».

Saint Thomas dit que c’est bien là la forme de la consécration du pain : Le Seigneur a usé de cette forme en consacrant, comme on le voit en Saint Matthieu 26 26.

C’est l ‘affirmation de Saint Thomas au début de l’article : « Celle-là est la forme qui convient pour la consécration du pain ».
Voici son raisonnement :

« Il a été dit, en effet, en l’article 1 que cette consécration consiste en la conversion de la substance du pain au Corps du Christ. D’autre part, il faut que la forme du sacrement exprime ce qui est fait dans le sacrement. Il faudra donc que la forme de la consécration du pain signifie la conversion elle-même du pain au corps du Christ ».

C’est clairement exprimé.

« Or, dans cette conversion, trois choses se considèrent : la conversion elle-même, le terme d’où l’on part et le terme où l’on arrive.

La conversion elle-même peut se considérer d’une double manière : dans son devenir et dans son fait d’être réalisée.

Dans la forme dont il s’agit, elle ne pouvait pas être signifiée comme en son devenir, mais seulement comme en son fait d’être réalisée.

D’abord parce que cette conversion n’est pas quelque chose de successif, comme on l’a dit (Q. 75 a 7) ; elle est instantanée. Or dans ces sortes de mutations, se faire n’existe que dans l’être fait.

Secondement, parce que les formes sacramentelles signifient l’effet du sacrement, comme les formes dans la pensée de l’artiste représentent l’effet de l’art. Or, la forme qui est dans la pensée de l’artiste est la similitude de l’effet ultime auquel se porte l’intention de l’artiste : c’est ainsi que la forme de l’art ou de l’œuvre qui est dans l’esprit de l’architecte est principalement la forme de la maison telle qu’elle doit être une fois construite ; et, par voie de conséquence, elle est la forme de la construction. Donc dans la forme du sacrement qui nous occupe, la conversion doit être signifiée comme étant faite car c’est cela à quoi se porte l’intention.

« Et parce que la conversion elle-même est exprimée, dans cette forme, comme chose faite, il est nécessaire que les extrêmes de cette conversion soient signifiés selon qu’ils se trouvent quand la consécration est chose faite.

A ce moment, le terme auquel aboutit le changement a » comme il l’avait, du reste, auparavant, mais sans aucun rapport à ce qui est sur l’autel, « la nature propre de sa substance » : le corps du Christ, en effet, est, ici, après la conversion, ce qu’il était et ce qu’il demeure toujours absolument inchangé dans sa substance ou dans sa nature, au ciel où il se trouve depuis le jour de son Ascension. « Mais le terme point de départ » dans le changement dont il s’agit, « ne demeure plus », quand le changement est fait, « selon sa substance ; il ne demeure que selon ses accidents, par lesquels il tombe sous les sens et qu’il peut être désigné ou montré aux sens. De là vient que le terme de la conversion point de départ est exprimé par le pronom démonstratif, se rapportant aux accidents sensibles qui demeurent. Le terme point d’arrivée est exprimé, au contraire, par le nom qui signifie la nature de ce en quoi se fait le changement et qui est le Corps du Christ dans sa totalité et non pas seulement sa chair. Cette forme est donc souverainement à propos : Ceci est mon Corps »

C’est d’une démonstration très rigoureuse.
Et on remarquera la parfaite harmonie qui existe entre cette justification de la forme pour la consécration eucharistique donnée ici par Saint Thomas et tout ce que nous avons dit plus haut, quand il s’est agi de la transsubstantiation, au sujet de l’effet produit par cette forme.

 

III– Le temps de Carême
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Troisième sermon de Saint Léon le Grand pour le temps de Carême.

1-C’est certes en tout temps, bien-aimés, qu’il nous faut vivre sagement et saintement, et donner pour but à nos vouloirs et à nos actes ce que nous savons être agréable à la divine justice ; cependant, à l’approche des jours qu’illustrèrent les sacrements de notre salut, nous devons apporter un soin plus attentif à purifier nos cœurs et un zèle plus grand à nous donner aux exercices de la vertu ; ces mystères étant plus grands qu’une quelconque de leurs parties, de même notre dévotion doit dépasser en quelque chose ce qu’elle a accoutumé de faire ; et plus sublime est la fête, mieux paré doit s’y trouver celui qui la célèbre.

On regarde en effet comme une pratique raisonnable et en quelque façon religieuse de se produire aux jours de fête en un vêtement plus beau et manifester par l’ornement du corps la joie de l’esprit ; alors aussi nous apportons un soin plus généreux à décorer la maison même de la prière d’une parure plus magnifique : n’est-il pas dès lors convenable que l’âme chrétienne, véritable et vivant temple de Dieu, se pare elle-même avec mesure et, pour célébrer le mystère de sa rédemption, prenne jalousement garde qu’aucune tache d’injustice ne la ternisse, qu’aucune ride de duplicité ne la défigure ?

A quoi bon, en effet, une recherche extérieure qui affiche les apparences de l’honorabilité, si l’intérieur de l’homme est souillé par l’infection de quelque vice ? Tout ce qui ternit la pureté de l’âme et le miroir de l’esprit doit donc être soigneusement effacé et en quelque sorte gratté pour retrouver l’éclat premier.

A chacun de scruter sa conscience et de se présenter soi-même devant soi pour un jugement personnel rigoureux. Qu’il voie si, dans les secret de son cœur, il trouve cette paix que donne le Christ, si le désir spirituel n’est combattu en lui par aucune convoitise charnelle, s’il ne méprise pas ce qui est humble, s’il ne désire pas les grandeurs, s’il ne se réjouit pas d’un profit injuste, s’il ne met pas sa satisfaction dans l’accroissement immodéré de ses richesses, si enfin le bonheur d’autrui ne le fait pas brûler d’envie ou le malheur d’un ennemi tressaillir de joie. Si, peut-être, il ne trouve en lui aucun de ces mouvements déréglés, qu’il recherche soigneusement, dans un sincère examen, de quelle nature sont ses pensées habituelles ; ne consent-il jamais aux représentations des vanités, retire-t-il au plus tôt son esprit de celles qui flattent dangereusement ?

En vérité, n’être remué par aucun attrait, chatouillé d’aucun désir, cela n’appartient pas à la vie présente qui, tout entière n’est qu’une tentation, et tentation par laquelle est certainement vaincu quiconque ne redoute pas de l’être.

C’est orgueil que de prétendre éviter facilement le péché, puisque cette présomption même est péché, selon la parole du bienheureux apôtre Jean : « Si nous nous prétendons sans péché, nous nous trompons nous-même, et la vérité n’est pas en nous » (Jn 1 8)

2-Que nul donc ne se leurre, bien-aimés, que nul ne s’abuse ; que personne ne se fit tellement à la pureté de son cœur qu’il pense n’être nullement exposé au péril des tentations, alors qu’en réalité le tentateur toujours en éveil tourmente plus âprement de ses ruses ceux-là surtout qu’il voit s’abstenir du péché.

Et de qui tiendra-t-il ses tromperies éloignées, lui qui a osé tenter de ses habiletés sournoises jusqu’au Seigneur de majesté ? Il avait vu sa superbe foulée aux pieds par le Seigneur Jésus dans l’humilité de son baptême ; il avait compris qu’un jeûne de quarante jours excluait toute convoitise de la chair : et pourtant cet esprit tout de perversité ne perdit pas confiance dans les artifices de sa méchanceté ; il se promit tant de la versatilité de notre nature qu’il se persuada qu’on pourrait faire un pécheur de celui dont il avait expérimenté qu’il était un homme véritable. Si donc le diable n’a pas écarté de notre Sauveur lui-même les pièges des ses mensonges, combien plus osera-t-il s’attaquer à notre faiblesse, à nous qu’il poursuit d’une haine plus véhémente et d’une jalousie plus farouche depuis le jour où nous avons renoncé à lui dans le baptême et sommes passés par la régénération divine, à la nouvelle créature en quittant la nature première qu’il dominait !

Aussi longtemps que nous sommes revêtus d’une chair mortelle, l’antique ennemi ne cesse pas de nous tendre partout les lacets du péché et de s’acharner contre les membres du Christ, alors surtout qu’ils ont à célébrer des mystères plus sacrés ; c’est donc à bon droit que l’enseignement du Saint-Esprit a inculqué au peuple chrétien de se préparer à la fête pascale par une abstinence de quarante jours. La raison même de cette purification nous invite déjà à nous attacher à cette salutaire observance et nous indique quel soin apporter à l’ascèse proposée : car, plus saintement nous aurons passé ces jours, mieux nous aurons montré que nous honorons religieusement la Pâque du Seigneur.

3-En ces jours consacrés aux saints jeûnes, pratiquons donc plus largement les œuvres de la charité, qui d’ailleurs doivent faire en tout temps l’objet de notre zèle : « Soyons miséricordieux envers tous, principalement pour nos frères dans la foi » (Gal 6 10). Et pour cela, dans la distribution de nos aumônes aussi, imitons la bonté du Père céleste « qui fait lever son soleil sur les bons et les mauvais et tomber la pluie sur les justes et les injustes « . (Mt 5 45).

Bien que la pauvreté des fidèles doive être secourue la première, ceux aussi qui n’ont pas encore reçu l’évangile sont pourtant dignes de pitié dans leurs nécessités ; car il faut aimer dans tous les hommes la communion à une même nature, et cette communion doit nous rendre bienveillants envers ceux aussi qui nous sont subordonnés en quelque façon, surtout s’ils ont déjà été régénérés par la même grâce et racheté au même prix que nous, par le sang du Christ. Nous avons, en effet, en commun avec eux que nous avons été créés à l’image de Dieu et que ni l’origine charnelle ni la naissance spirituelle ne les séparent de nous ; un même Esprit nous sanctifie, une même foi nous fait vivre, nous accourons aux mêmes sacrements ; ne la méprisons pas , cette unité, ne regardons pas comme peu de chose une telle communion ; mais trouvons une raison d’être en toutes choses plus bienveillants dans le fait que, tirant avantage de leur sujétion, nous sommes nous-mêmes assujettis avec eux au même service d’un Maître unique. Si donc quelques-uns d’entre eux ont offensé leurs maîtres par des manquements plus graves, qu’ils reçoivent leur pardon en ces jours de réconciliation. Que l’indulgence supprime la sévérité et que le pardon efface la vengeance. Que nul ne demeure enfermé, nul gardé en prison : notre Dieu, en effet, a mis cette condition à sa miséricorde que nous pardonnions les péchés des autres si nous voulons être sûrs du pardon des nôtres (Mt 6 14). Brisons, bien-aimés, les motifs de discorde, les épines d’inimitié ; que cessent les haines, que disparaissent les brouilles ; que tous les membres du Christ se rencontrent dans l’unité de l’amour : « Heureux, en effet, ceux qui font régner la paix, car ils seront appelés fils de Dieu » ; et non seulement fils, mais héritiers, « bien plus, cohéritiers du Christ, qui vit et règne dans les siècles des siècles. Amen ».