Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

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23 mars 2005

La passion du Christ

 

Sommaire

 

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Sermon sur la Passion de Saint Léon le Grand


1) « Bien-aimés, le Mystère de la Passion que le Seigneur Jésus, Fils de Dieu, a embrassée pour le salut du genre humain et par laquelle, selon sa promesse, il a, une fois élevé, tout attiré à lui, ce mystère a été dévoilé d’une manière si claire et si lumineuse par la parole de l’Evangile que, pour des cœurs religieux et pieux, il n’y a pas de différence entre entendre ce qui vient d’être lu et voir ce qui s’est passé. Aussi, le récit sacré jouissant d’une indubitable autorité, nous devons nous efforcer, avec l’aide du Seigneur, de faire en sorte que l’intelligence ait une vue claire de ce que l’histoire a fait connaître.
Il faut rappeler cette première et universelle ruine causée par l’humaine prévarication, qui fit que « par un seul homme le péché entra dans le monde et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort passa en tous les hommes, du fait que tous ont péché » (Rm 5 12) ; depuis lors, personne ne pouvait échapper à l’effroyable domination du diable, ni personne se libérer des chaînes d’une dure captivité ; nul ne pouvait voir s’ouvrir devant lui soit le pardon pour la réconciliation, soit le retour vers la vie, à moins que le Fils de Dieu, co-éternel et égal à Dieu le Père, ne daignât devenir aussi fils de l’homme et ne vînt « chercher et sauver ce qui était perdu »(Lc 19 10) ; ainsi, comme la mort était venu par Adam, la résurrection des morts viendrait par notre Seigneur Jésus-Christ (1 Cor 15 21). Si en effet, par l’impénétrable jugement de la sagesse de Dieu, le Verbe s’est fait chair (Jn 1 14) dans les derniers jours (1 Jn 2 18 : « Novissima hora est »), il n’en résulte pas que l’enfantement de la Vierge salutaire n’ait profité qu’aux générations de la fin des temps, et ne soit pas propagé aussi aux âges passés. Non, c’est dans cette foi qu’ont vécu et plu à Dieu tous ceux sans exception qui ont autrefois adoré le vrai Dieu, tout l’ensemble des saints des siècles antérieurs, et ni pour les patriarches, ni pour les prophètes, ni pour n’importe quel saint, il n’y a eu de salut et de justification si ce n’est dans la rédemption de notre Seigneur Jésus-Christ : comme celle-ci était attendue parce que promise par de nombreux oracles prophétiques et des signes , ainsi a-t-elle été rendue présente par le don lui-même et par l’accomplissement.

2) Aussi maintenant, bien-aimés, dans tout le déroulement de la Passion du Seigneur, gardons-nous de considérer l’infirmité humaine comme si nous jugions que la puissance divine ait pu y faire défaut : n’imaginons pas davantage cette condition du Fils unique qui le rend co-éternel et égal au Père, comme si nous pensions que ne s’est pas vraiment passé tout ce qui paraît indigne de Dieu. L’une et l’autre nature absolument sont un seul Christ : le Verbe ici n’est pas plus séparé de l’homme que l’homme n’est dissocié du Verbe. L’abaissement ne répugne pas parce que la majesté n’en est pas diminuée. Rien n’a été dommageable à la nature inviolable de ce qu’il fallait que souffrît la nature passible : toute cette action sacrée que consommèrent ensemble et l’humanité et la divinité, fut une dispensation de miséricorde et une œuvre de compassion. Tels étaient, en effet, les liens qui nous tenaient attachés que , sans ce secours, nous ne pouvions être délivrés. L’abaissement de la divinité est donc notre relèvement. C’est à un prix aussi élevé que nous sommes rachetés, c’est à de si grands frais que nous sommes guéris. Quel moyen, en effet, serait donné à l’impiété pour revenir à la justice, à la misère pour retrouver le bonheur, si le juste lui-même ne se penchait vers les impies et le bienheureux vers les misérables ?

3) Ne rougissons donc pas, bien-aimés, de la croix du Christ : elle relève de la force du conseil divin, non de la condition du péché. Car, encore que le Seigneur Jésus ait vraiment souffert et soit vraiment mort en raison de l’infirmité qui est nôtre, il ne se priva pourtant pas de sa gloire au point de ne rien exercer de l’action divine parmi les outrages de la Passion. L’impie Judas, en effet, non plus couvert d’une peau de brebis , mais se dévoilant dans sa fureur de loup (Mt 7 15) inaugura sa violence criminelle sous les apparences de la paix et donna le signal de la trahison par un baiser plus meurtrier que tous les traits ; la multitude furieuse qui, pour se saisir du Seigneur, était accourue se joindre à la cohorte armée des soldats, ne voyait pas, parmi les torches et les lanternes, la vraie lumière, aveuglée qu’elle était par ses propres ténèbres ; le Seigneur, comme l’atteste l’évangéliste Jean, ayant préféré attendre la foule plutôt que la fuir, demande alors à ceux qui ne l’ont pas encore découvert, qui ils cherchent : « c’est moi », dit-il (Jn 185) ; et cette parole, telle la foudre, abattit et renversa cette troupe composée des hommes les plus féroces, en sorte que tous ces gens farouches, menaçants et terribles, reculèrent et tombèrent à la renverse. Où donc était cette conspiration de violence ? Où cette ardeur dans la colère ? Où ce déploiement d’armes ? Le Seigneur dit : « C’est moi » ; et à sa voix la troupe des impies est jetée à terre. Que pourra dès lors sa majesté quand elle viendra juger, si son humilité a pu cela lorsqu’on allait elle-même la juger ?

4) Cependant le Seigneur, sachant ce qui convenait mieux au mystère qu’il avait embrassé, ne persista pas dans cette manifestation de puissance, mais laissa ses persécuteurs retrouver le pouvoir de commettre le crime qu’ils avaient décidé. Car, s’il n’avait pas voulu se laisser prendre, il n’aurait certainement pas été pris. Mais qui d’entre les hommes aurait pu être sauvé, si lui n’avait pas permis qu’on le saisît ? (Mt 26 512) Saint Pierre lui-même, en effet, attaché au Seigneur par une fidélité plus intrépide et brûlant de l’ardeur d’un saint amour pour repousser l’assaut de ceux qui usaient de violence, prit le glaive pour frapper un serviteur du prince des prêtres, et coupa l’oreille de cet homme qui attaquait plus farouchement. Mais le Seigneur ne souffre pas que le bouillant apôtre poursuive son généreux mouvement : il ordonne de rentrer l’épée et ne permet pas qu’on le défende contre les impies par la main et par le fer. Il eût été contraire au mystère de notre rédemption que celui qui était venu mourir pour tous refusât de se laisser prendre : en différant le triomphe de sa glorieuse croix, il eût prolongé la tyrannie du diable et fait durer l’esclavage des hommes. Il donne donc à ceux qui s’acharnent sur lui licence d’exercer leur fureur, sans que pourtant sa divinité dédaigne de se révéler même à eux. La main du Christ remet en place sur la tête défigurée l’oreille du serviteur, déjà morte puisque coupée, et séparée du corps vivant : elle répare ce qu’elle-même avait créé ; et la chair ne tarde pas à suivre le commandement de celui par qui elle avait elle-même été créée.

5) Ces actions ont donc une vertu divine. Mais si le Seigneur a contenu le pouvoir de sa majesté et souffert sur lui la violence du persécuteur, c’est par un effet de cette volonté selon laquelle « Il nous a aimés et s’est livré pour nous » (Eph 5 2) et avec la coopération du Père lui-même, « qui n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous » (Rm 8 32) Il n’y a, en effet, qu’une volonté du Père et du Fils, comme il n’y a qu’une divinité ; et du résultat d’un tel dessein, nous ne vous devons nul remerciement, ô Juifs, ni non plus à toi, Judas. Votre impiété en vérité a servi à notre salut, sans que vous l’ayez voulu, et par vous s’est réalisé tout ce que « la main de Dieu et son conseil avaient déterminé d’avance ». (Act 4 28). La mort du Christ nous libère donc et vous accuse. A juste titre vous êtes les seuls à ne pas avoir ce qui, par votre volonté, a péri pour tous. Et pourtant si grande est la bonté de notre Rédempteur que vous pourriez vous aussi obtenir le pardon si, en confessant le Christ Fils de Dieu, vous renonciez à cette méchanceté parricide. Car ce n’est pas en vain que, sur la croix, le Seigneur a prié en ces termes : « Père, pardonne-leur, ils ne savent ce qu’ils font ».(Lc 23 34) Un tel remède ne t’aurait pas été refusé même à toi Judas, si tu avais cherché refuge dans une pénitence qui t’aurait ramené au Christ et non poussé au suicide. Car lorsque tu disais : « j’ai péché en livrant un sang innocent » (Mt 27 4), tu persistais dans ta perfidie impie, parce que, au moment du péril suprême de ta mort, tu croyais Jésus non pas Dieu et Fils de Dieu, mais seulement homme de notre condition : de ce Jésus, tu aurais fléchi la clémence, si tu n’avais pas nié la toute-puissance.
Que ces pensées, bien-aimés, suggérées à votre pieuse attention, suffisent pour aujourd’hui, de peur que l’ennui ne s’insinue à la faveur de la prolixité. Ce qui manque encore pour que tout soit complet, nous vous promettons de vous le donner mercredi, le Seigneur aidant : car lui qui nous a donné ce dont nous avons parlé, nous donnera, nous le croyons, de quoi vous parler encore ; par notre Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen. »

Un commentaire de ce sermon à la lumière de l’enseignement de saint Thomas d’Aquin sur le mystère de la rédemption

A - Le n° 1 de ce sermon de Saint Léon le Grand aborde le problème de la rédemption par mode de satisfaction

 

Sans la satisfaction du Christ, nulle personne, dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau, ne pouvait connaître le salut

C’est tout le genre humain, avant comme après la venue du Christ qui a bénéficié de cette rédemption par mode de satisfaction.

Voilà, ce me semble, les deux idées fondamentales que Saint Léon expose dans ce n° 1 du sermon.

Saint Thomas d’Aquin traite de ce problème dans la question 48 de la III pars de la Somme. Et plus particulièrement dans l’article fort important : l’article 2 de la Question 48.

article 2 : si la Passion du Christ a causé notre salut par mode de satisfaction ?

La réponse est claire : « le Christ, en souffrant sa Passion, a satisfait d’une manière parfaite pour nos péchés ».

Voici l’explication de saint Thomas dans le corps de l’article 2

Saint Thomas commence par formuler un principe qui domine tout le point de doctrine en question, à savoir : « Celui-là, dit-il, satisfait proprement pour une offense ». C’est donc en raison d’une offense que se dit la satisfaction. Il doit y avoir satisfaction parce que , premièrement, il y a eu l’offense. Ces deux notions s’appellent, sont liées. « Donc celui-là satisfait proprement pour une offense qui présente à l’offensé ce pour quoi il a autant ou encore plus d’amour que l’offense ne lui inspire de haine »

Dans ce cas, en effet, l’offensé n’hésitera point à remettre l’offense.

« Or le Christ souffrant dans sa passion, par amour et par obéissance, a présenté à Dieu quelque chose de plus grand que n’exigeait la compensation de toute l’offense du genre humain » : car l’acte d’amour et d’obéissance, de la part du Christ, surtout dans la réalisation de sa Passion, l’emporte infiniment, comme chose agréable à Dieu, sur l’horreur même que devait inspirer à Dieu la désobéissance et l’ingratitude de tous les êtres humains, pris dans leur généralité ou en particulier. Et cela pour trois raisons.
« Premièrement, en raison de la grandeur de la charité qui causait la Passion du Christ.
« Secondement, à cause de la dignité de la vie que le Christ donnait comme satisfaction, laquelle était la vie d’un Dieu-Homme.
« Troisièmement, pour la généralité de la Passion et la grandeur de la douleur prise par le Christ », qui était proportionnée à la dette de tout le genre humain, « ainsi qu’il a été dit plus haut, à la question 46 5-6 »

Et c’est pourquoi la Passion du Christ non seulement fut une satisfaction suffisante, mais surabondante pour les péchés du genre humain ; selon cette parole de la première épître de Saint Jean : « Lui-même est la propitiation pour nos péchés ; et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier ».

Commentaire du Père Pègues «La satisfaction est ordonnée à réparer l’offense. Et parce que l’offense a provoqué l’irritation, le courroux, la haine de la part de l’offensé, il faudra donc que la satisfaction, pour compenser l’offense, apporte, en hommage qui puisse être agréé, au moins l’équivalent de l’injure. Dans le cas du genre humain, constitué par le péché en état d’offense contre Dieu, l’injure du côté de Dieu offensé avait quelque chose d’infini ; mais du côté de l’homme, elle restait nécessairement quelque chose de fini. Si donc se présente à Dieu, pour compenser l’injure que l’homme lui a faite, un sujet humain qui soit lui-même d’une dignité infinie, et s’il offre, comme compensation ou en hommage de satisfaction, des actes qui l’emportent, sans proportion, même comme nature d’actes, sur les actes qui ont constitué l’offense, il est manifeste que satisfaction pleine et entière aura été donnée. C’est le cas des actes du Christ dans sa Passion. Et, aussi bien, cette Passion a-t-elle, au plus haut point et de la manière la plus excellente, causé par mode de satisfaction, le salut du genre humain ».(T,16 p.

A cet argument il faut joindre l’idée du « corps mystique du Christ », idée que saint Thomas développe dans le « ad primum » et qui permet de comprendre que les actes posés par la tête puissent bénéficier ou profiter aux membres : « La tête et les membres, dit-il, quand il s’agit du Christ et de ses fidèles, sont comme une seule personne mystique. Il suit de là que la satisfaction du Christ appartient à tous les fidèles comme à ses membres ».

Et par cette satisfaction du Christ en sa Passion - qui fut une compensation surabondante de l’offense du péché d’Adam - le Christ nous a racheté du péché originel et de la servitude de Satan. Et en ce sens cette satisfaction est rédemptrice, de sorte qu’il faut dire que « la Passion du Christ a opéré notre salut par mode de rédemption.

C’est l’article 4 de la question 48 :

Article 4 : si la Passion de Christ a opéré notre salut par mode de rédemption ?

Pour fonder la réponse, saint Thomas, dans le « sed contra » cite deux textes de l’Ecriture qui sont incontournables : - celui de l’Epître de saint Pierre qui dit : « « Ce n’est point par l’or ou par l’argent corruptibles que vous avez été rachetés de votre première vie que vous teniez de vos pères ; mais par un sang précieux, celui de l’agneau immaculé et intact, le Christ » ; (1 Pet 1 18) et – celui de saint Paul aux galates : « Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, en se faisant pour nous malédiction » (Gal 3 13).
Donc par sa Passion, le Christ nous a rachetés.

L’explication théologique de Saint Thomas : « par le péché, l’homme a contracté une double obligation. Premièrement, celle de la servitude du péché ; car celui qui pèche est l’esclave du péché (Jn 8 34). Il est dit aussi dans la deuxième épître de saint Pierre « quiconque est vaincu par un autre devient l’esclave de cet autre » (2 Pet 2 19). Puis que donc le démon avait triomphé de l’homme en l’amenant à pécher, l’homme était voué à la servitude ou à l’esclavage du démon. Secondement, il y avait aussi l’obligation de la peine qui faisait que l’homme était tenu par la justice divine. Et cela aussi était une certaine servitude ou un certain esclavage ; car c’est le propre de l’esclave de subir ce qu’il ne veut pas, le propre de l’homme libre étant, au contraire, d’user de lui-même comme il veut. La Passion du Christ ayant donc été une satisfaction suffisante et surabondante pour le péché et pour la peine du genre humain, cette Passion fut comme le paiement d’une solde qui nous a libéré de l’une et de l’autre obligation. La satisfaction, en effet, par laquelle un sujet satisfait pour soi ou pour autrui, est comme une solde par laquelle il se rachète du péché et de la peine, selon cette parole de Daniel : « Rachetez par l’aumône vos péchés » (Dan 4 24). Or le Christ a satisfait , non en donnant de l’argent ou quelque autre chose de ce genre, mais en donnant ce qu’il avait de plus grand, Lui-même , pour nous. Il s’ensuit que la Passion du Christ est dite notre rédemption » ou notre rachat.

Commentaire rapide : « C’est au sens le plus véritable et le plus parfait que le Christ est dit nous avoir rachetés par sa Passion. Par sa Passion, en effet,, Il a donné à Dieu le prix qui nous libérait de la servitude ou de l’esclavage du péché, où, selon un juste jugement de Dieu, nous étions détenus par l’injuste usurpation du démon. Il suit de là que le Christ est vraiment, pour nous, le Rédempteur.

Mais ce titre de Rédempteur, par rapport à nous, est-il propre au Christ ou ne devons-nous pas aussi le donner à quelque autre, autrement dit, le Christ est-il le seul rédempteur ?
C’est du moins la conclusion de saint Léon le Grand.

C’est ce qu’étudie Saint Thomas dans l’article 5 de la question 48.

Article 5 : Si d’être rédempteur est le propre du Christ.

Dans le corps de l’article, Saint Thomas nous avertit qu’ « à l’effet que quelqu’un rachète, deux choses sont requises, savoir : l’acte de payer et le prix du paiement. Si en effet quelqu’un donne pour le rachat d’une chose, un prix qui n’est pas à lui mais qui est à un autre, lui-même ne sera point dit racheter principalement, mais plutôt celui à qui le prix appartient. Or le prix de notre rédemption », de notre rachat, « est le sang du Christ, en sa vie corporelle, laquelle est dans le sang qu’Il a lui-même donnée en solde et en paiement. Il suit de là que l’une et l’autre de ces deux choses « , savoir le fait de donner le prix et celui d’avoir ce prix qui est donné comme chose à soi, « appartient au Christ immédiatement, en tant qu’il est homme ; mais cela appartient à la Trinité toute entière, comme à la cause première et éloignée, de qui était la vie elle-même du Christ, comme de son Premier Auteur, et par qui il fut inspiré au Christ en tant qu’homme de souffrir pour nous. Par conséquent, d’être immédiatement Rédempteur est le propre du Christ, en tant qu’Il est homme ; bien que la rédemption elle-même puisse être attribuée à la Trinité tout entière comme à la première Cause ».

B – Le n° 2 va parler des fruits de la Passion de Notre Seigneur

 

Saint Thomas en parle dans la question 49 de la III pars de la Somme . il y consacre 6 articles.
Il va nous démontrer que la Passion du Christ nous a délivré du péché (article 1), de la puissance du démon (article 2) ; de l’obligation de la peine (article 3) ; qu’elle nous a réconciliés avec Dieu (article 4) et ouvert la porte du Ciel (article 5) ; et que par elle , le Christ a obtenu son exaltation (article 6)

Article 1 : « si par la Passion du Christ nous avons été délivré du péché ?

C’est là une affirmation de l’Ecriture : « Il nous aimés et Il nous a lavés de nos péchés » (Apoc. 1 5)

Au corps de l’article, saint Thomas répond en déclarant nettement que « la Passion du Christ est la propre cause de la rémission des péchés, d’une triple manière.
D’abord par mode d’excitant à la charité. Car ainsi que l’Apôtre le dit « Dieu marquera sa charité pour nous du fait qu’alors que nous étions ennemis, le Christ est mort pour nous » (Rm 5 8). Or c’est par la charité que nous obtenons le pardon des péchés selon cette parole du Christ : « Beaucoup de péchés lui ont été remis parce qu’elle a beaucoup aimé » (Lc 7 47)

« Secondement, la Passion du Christ cause la rémission des péchés par mode de rédemption. Dès lors en effet que Lui-même est notre tête » et que nous sommes les membres de son corps mystique, l’Eglise, « par sa Passion, qu’il a subie par amour et par obéissance, Il nous a délivrés, nous, ses membres, de nos péchés, comme le prix de sa Passion ; un peu comme si un homme, par quelque œuvre méritoire que sa main exercerait, se rachetait d’un péché que le pied aurait commis. De même, en effet, que le corps naturel est un, constitué par la diversité des membres, ainsi l’Eglise entière, qui est le corps mystique du Christ, est tenue comme une seule personne avec sa tête qui est le Christ ».

« C’est encore d’une troisième manière que la Passion du Christ est la cause propre de la rémission des péchés, « par mode de cause efficiente : pour autant que la chair du Christ, selon laquelle le Christ a souffert sa Passion est l’instrument de la divinité : d’où il suit que ses souffrances et ses actions opèrent, dans la vertu même de Dieu, à chasser le péchés ».

Commentaire : « Tout ce qui a trait, pour nous, à la cause de la rémission des péchés se concentre, comme cause propre immédiate dans la Passion du Christ. C’est vraiment par la vertu de cette Passion et de cette Passion seule, comme cause prochaine, immédiate et propre, que sont remis tous les péchés. Elle est le signe par excellence de l’amour de Dieu nous faisant miséricorde. Elle constitue le prix de notre rédemption ou de notre rachat . Et elle tire de son union immédiate à la divinité une vertu infinie qui lui permet d’agir à l’effet d’expulser le péché en tous ceux à qui elle s’applique ou par les sacrements ou la foi aimante.

Délivrés du péché par la Passion du Christ, le sommes-nous aussi de la peine du péché ? C’est l’article 3 de cette question 49 :

Article 3 : si par la Passion du Christ les hommes ont été délivrés de la peine du péché ?

Cette question est d’importance.

Il ne semble pas que nous soyons délivrés de la peine du péché. Saint Thomas multiplie les raisons

« La principale peine du péché est la damnation éternelle. Or ceux qui étaient damnés dans l’enfer pour leurs péchés n’ont pas été délivrés par la Passion du Christ ; car dans l’enfer il n’est point de rédemption. Donc il semble que la Passion du Christ n’a point délivré les hommes de la peine ». C’est la première objcetion.

Mais il y a pire encore

« A ceux qui sont délivrés de l’obligation de subir une peine, aucune peine ne doit être enjointe. Or, aux pénitents est enjoint une peine satisfactoire. Donc par la Passion du Christ les hommes ne sont point délivrés de l’obligation de subir la peine ».

Et la troisième objection semble elle fatale
« La mort est la peine du péché selon saint Paul : « Le salaire du péché , c’est la mort (Rm6 23). Mais encore après la Passion, les hommes meurent. Donc il semble que par la Passion du Christ nous ne sommes point délivrés de l’obligation de la peine ».


Réponse de Saint Thomas dans le corps de l’article. Il dit : « par la Passion du Christ nous avons été délivrés de l’obligation à la peine, d’une double manière.
D’abord, directement : en ce sens que la Passion du Christ fut une satisfaction suffisante et surabondante pour les péchés de tout le genre humain. Or quand a été offerte la satisfaction suffisante, l’obligation à la peine est enlevée ». Il suit de là qu’après la Passion du Christ le genre humain n’est plus tenu à aucune peine.

D’une autre manière , indirectement : en ce sens que la Passion du Christ est la cause de la rémission du péché qui fonde l’obligation à la peine » : le péché n’existant plus et se trouvant remis par une cause si parfaite que jusqu’au souvenir tout est effacé, il n’y a donc plus à parler de peine en raison de ce péché..

Mais alors que répondre aux constatations de fait posées par Saint Thomas dans les objections de cet article ? Si la Passion du Christ a été une cause si souverainement parfaite de la délivrance à l’endroit de la peine, comment expliquer que la peine continue de régner dans le monde après cette Passion du Christ. Saint Thomas dans les réponses aux objections va projeter sur cette question si troublante de merveilleuses clartés.

Le « ad primum » déclare que « la Passion du Christ obtient son effet en ceux à qui elle est appliquée par la foi et la charité et par les sacrements de la foi. Il suit de là que les damnés dans l’enfer, qui ne se sont pas unis de cette manière à la Passion du Christ, puisqu’ils sont fixés dans le mal du péché et dans la haine de Dieu « ne peuvent point percevoir l’effet de cette Passion ». C’est donc à tout jamais que durera leur peine, sans que cela nuise en rien à l’efficacité de la Passion du Christ.

Cette réponse de saint Thomas permet de comprendre le peu de fondement du fameux paragraphe 13 de la première encyclique de Jean-Paul II :« Redemptor hominis ». Il écrit : « Il s’agit donc ici de l’homme dans toute sa vérité, dans sa pleine dimension… Il s’agit de chaque homme, parce que chacun a été inclus dans le mystère de la Rédemption, et Jésus-Christ s’est uni à chacun pour toujours, à travers ce mystère. Tout homme vient au monde en étant conçu dans le sein de sa mère et en naissant de sa mère, et c’est précisément à cause du mystère de la Rédemption qu’il est confié à la sollicitude de l’Eglise. Cette sollicitude s’étend à l’homme tout entier et est centrée sur lui d’une manière toute particulière. L’objet de cette profonde attention est l’homme dans sa réalité humaine unique et impossible à répéter, dans laquelle demeure intacte l’image et la ressemblance de Dieu lui-même (Gen 127)…L’homme, tel qu’il est « voulu » par Dieu, « choisi » par Lui de toute éternité, appelé, destiné à la grâce et à la gloire : voilà ce qu’est « tout » homme, l’homme le plus « concret », « le plus réel » ; c’est cela, l’homme dans toute la plénitude du mystère dont il devient participant en Jésus-Christ et dont devient participant chacun des quatre milliards d’hommes vivant sur notre planète, dès l’instant de sa conception près du cœur de sa mère ».

D’après la pensée de Jean-Paul II, donc, chaque homme - et il insiste à plusieurs reprises sur cette universalité ; une bonne douzaine de fois dans ce seul paragraphe - est uni au Christ grâce au mystère de la Rédemption. Toujours d’après Jean-Paul II, il ne s’agit pas de l’ union de tout homme à Dieu en tant que créature ; il s’agirait au contraire d’une nouvelle union, nouvelle parce que réalisée par la Rédemption. Cette union, qui concernerait, nous le répétons « chaque homme » serait définitive « (pour toujours), dit Jean-Paul II). A peine est-il venu au monde que chaque homme se trouverait déjà uni à la Rédemption du Christ, déjà bénéficiaire du salut qu’Il nous a gagné par sa Passion et sa Mort. Mais alors, à quoi donc sert le Saint Baptême ? Et ce n’est pas tout : en chaque homme venant au monde demeureraient intactes, d ‘après Jean-Paul II, aussi l’image de la ressemblance avec Dieu. Quel est alors l’effet du péché originel, et quelle est la nécessité du Baptême pour retrouver la ressemblance perdue ? La confusion entre l’imago et la similitudo est ici évidente ; cette dernière a en effet été complètement perdue, et l’homme ne peut la retrouver qu’à travers la « renaissance de l’eau et de l’Esprit ». Mais si cette distinction entre imago (naturelle) et similitudo (surnaturelle) a disparu, il est permis de se demander si le dogme du péché originel et la nécessité du Saint Baptême n’ont pas disparu eux aussi. En effet, la doctrine traditionnelle est que « la tache du péché originel dont nous parlons, demeure dans les fils de ceux qui ont été régénérés, tant qu’elle n’a pas été lavée en eux par l’eau de régénération. En effet le régénéré ne régénère pas ses enfants, il les génère ; et il ne leur communique pas la régénération, mais il leur transmet le vice de sa naissance. Et donc ni l’infidèle coupable, ni le fidèle absous ne génère de fils innocents, mais coupables… C’est pourquoi la première naissance tient l’homme sous le joug de la damnation, dont seule la seconde naissance peut le libérer ». (St Augustin, de Gratia Christi et de peccato originali II,40) Affirmer au contraire que « chacun des quatre milliards d’hommes vivant sur notre planète, dès l’instant de sa conception près le cœur de sa mère », est déjà uni à Jésus-Christ par la Rédemption qu’Il a accomplie, c’est être en contradiction patente avec la doctrine catholique traditionnelle….Il apparaît clairement…que l’on a complètement perdu de vue la distinction entre Rédemption objective, pour laquelle Jésus a mérité de façon infinie et donc « suffisamment » pour chaque homme, et la Rédemption subjective, par laquelle les mérites de la Rédemption objective sont appliqués sous certaines conditions à la personne individuelle. Jean-Paul II, lui, résout tout cela par la Rédemption, sans distinction… Comment peut-on concilier de telles positions avec celles qui ont été depuis toujours enseignées par l’Eglise ? Et que l’on ne nous dise pas que ce n’est pas ce que Jean-Paul II voulait dire : nous jugeons les sens de ce qui est écrit et non les intentions. Et ce qui est le plus grave, c’est que tout ce que Jean-Paul II a fait par la suite se révèle en pleine cohérence avec ce qu’il a écrit quand il était cardinal puis pape, et cela provoque de nombreux problèmes et de grands dangers pour la Foi Catholique « (in Courrier de Rome Janvier 2005 p. 4-5)

L’ « ad secundum » rappelle que « comme il a été dit (art 1 ad 4um 5um), pour que nous recevions l’effet de la Passion du Christ, il faut que nous lui soyons configurés. Or, nous lui sommes configurés sacramentellement dans le baptême ; selon cette paroles de l’Epître au Romains « Nous avons été ensevelis avec Lui par le baptême dans sa mort » (Rm 6 4). Et à cause de cela, aucune peine satisfactoire n’est imposée aux baptisés : ils sont, en effet, totalement libérés par la satisfaction du Christ ».

On voit par là combien en toute vérité, la Passion du Christ a libéré les hommes de toute peine ou plutôt de toute obligation à la peine due au péché .

«Mais, ajoute Saint Thomas, parce que le Christ est mort une fois seulement pour nos péchés (1 Pet 3 18), il suit de là que l’homme ne peut pas une seconde fois être configuré à la mort du Christ par le sacrement de baptême. Il faudra donc que ceux qui pèchent après le baptême soient configurés au Christ en souffrant par quelque chose ayant trait à la peine ou à la souffrance qu’ils porteront en eux-mêmes. Toutefois, elle suffira, infiniment moindre qu’elle ne devrait être pour le péché, à cause de la coopération de la satisfaction du Christ ».

Mais une nouvelle difficulté demeure au sujet des baptisés pleinement configurés au Christ par le baptême et qui cependant continuent d’être soumis aux pénalités de la vie présente et à la plus grande de toute, la :mort.

Saint Thomas répond à cette objection dans le « ad tertium ». « La satisfaction du Christ, explique saint Thomas, a son effet en nous selon que nous sommes incorporés au Christ comme les membres à la tête, ainsi qu’il a été dit plus haut ( art 1 q. 48) Or il faut que les membres soient conformes à la tête. De même donc que le Christ eut d’abord la grâce dans l’âme avec la passibilité du corps, et que par la Passion, Il parvint à la gloire de l’immortalité ; de même nous qui sommes ses membres , par sa Passion nous sommes délivrés de toute obligation à la peine, de telle sorte cependant que d’abord nous recevons dans l’âme « l’esprit d’adoption des enfants (Rm 8 15), qui nous marque pour l’héritage de la gloire de l’immortalité, ayant encore un corps passible et mortel ; puis, configurés aux souffrances et à la mort du Christ (Phipp 3 10), nous sommes conduits à la gloire immortelle ; selon cette parole de l’Apôtre : « si nous sommes enfants de Dieu, nous sommes aussi ses héritiers, héritiers de Dieu,, cohéritiers du Christ ; à condition cependant que nous souffrions ave Lui pour être glorifiés avec Lui » (Rm 8 17)

Commentaire : Quelle doctrine ! et qui donc, après cela, oserait protester contre les peines ou les souffrances de la vie présente, mais ne voudrait pas plutôt, s’il était bien dans l’Esprit du Christ, y participer toujours plus excellemment, comme l’ont voulu tous les saints.

Conclusion : La Passion du Christ est vraiment souveraine contre le mal et contre tout mal qu’il s’agisse du mal par excellence, cause de tout autre mal qui est le péché ou comme nécessité de subir une peine proportionnée.

Mais La Passion du Christ aura-t-elle une semblable efficacité à l’endroit du bien ?

Ou mieux : par le péché nous sommes tous « enfants de colère » comme le dit saint Paul et ennemis de Dieu. C’est à cette inimitié qu’il fallait faire succéder une amitié nouvelle, une amitié reconquise. Aucun bien d’ordre surnaturel n’était possible pour nous sans cette réconciliation, ou plutôt, dans cette réconciliation tous les biens étaient pour nous conquis. Qu’en est-il de l’efficacité de la Passion du Christ à l’endroit de cette réconciliation ? Devons nous dire que cette réconciliation est son œuvre, qu’elle est son effet ?

C’est l’objet des articles suivants.

Article 4 Si par la Passion du Christ nous avons été réconciliés avec Dieu ?

Saint Paul donne la réponse catégoriquement : « Nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils « (Rm 5 10)

Dès lors Saint Thomas déclare que « la Passion du Christ est la cause de notre réconciliation avec Dieu d’une double manière.
D’abord, en tant qu’elle écarte le péché par lequel les hommes sont constitués ennemis de Dieu.
D’une autre manière, la Passion du Christ nous a réconciliés avec Dieu en tant qu’elle est une sacrifice souverainement agréable à Dieu. Car c’est là proprement l’effet du sacrifice que par lui Dieu soit apaisé : comme quand l’homme remet l’offense commise contre lui, en raison de quelque service agréable qui lui est rendu…Et pareillement, ce fut un si grand bien, que le Christ ait souffert volontairement sa Passion, qu’en raison de ce bien trouvé dans la nature humaine, Dieu a été apaisé au sujet de toute offense du genre humain, quant à ceux qui sont unis au Christ ayant souffert selon le mode qui a été indiqué précédemment (art 1 ad 4um. Art 3 ad 1um ; q. 48 art 6 ad 2um).

Commentaire : c’est tout le mystère de notre réconciliation avec Dieu grâce à la Passion de Notre Seigneur. Nous pouvons dire qu’il est impossible à Dieu de se détourner de nous ou de se souvenir encore de nos fautes, de nos offenses, quelques grandes et quelques nombreuses qu’elles aient pu être, quand nous nous présentons à Lui revêtus de la Passion de son divin Fils. Que ne devons-nous pas à ce béni Sauveur !

Dans l’ordre du bien à nous assurer, le fruit par excellence de la Passion du Christ que nous pouvons recevoir immédiatement dès cette vie, est la grâce de réconciliation avec Dieu. Par le péché du premier père que nous portons tous en nous du seul fait de notre origine et par les péchés personnels que chacun de nous a pu commettre, nous étions les ennemis de Dieu. Ces péchés étaient l’obstacle à l’effusion de son amour sur nous, de cet amour dont Il nous a aimés de toute éternité et qui l’a fait nous appeler tous à vivre de sa propre vie. En raison de ces péchés, Dieu était irrité contre nous . Ils constituaient une offense qui ne permettait plus à Dieu, tant qu’elle n’aurait pas été remise et que son courroux n’aurait pas été apaisé, de nous admettre à la participation de ses grâces, de ses faveurs, notamment à la participation de la grâce qui fait de nous ses enfants d’adoption. Adam, notre premier père, et Eve, notre première Mère, avaient eu cette grâce avant leur péché ; et s’ils n’avaient point péché eux-mêmes, ils nous auraient transmis une nature qui aurait été revêtue de la même grâce.. C’était la grâce d’amitié avec Dieu. Dès lors, il fallait, sous peine pour nous d’être à jamais privés de la grâce de Dieu, que Dieu s’apaise à notre endroit. Il fallait qu’entre Lui et nous s’opère la réconciliation. Il nous fallait désormais une grâce nouvelle, non plus simplement la grâce d’amitié qui avait été perdue ; mais la grâce de réconciliation ou d’amitié recouvrée. Cette grâce, nous la devons à la Passion du Christ. Elle se distingue de la première en ce qu’elle nous donne de mener une vie qui n’est plus simplement la vie que nous aurions menée avec la première grâce. Celle-ci nous faisait vivre de la vie d’amitié avec Dieu. La grâce de réconciliation nous fait vivre avec Dieu d’une vie d’amitié recouvrée. Et c’est proprement, ce que nous appellerons la vie chrétienne. Elle consiste à imiter en tout sur cette terre, la vie dont le Fils de Dieu incarné venant satisfaire pour nos péchés, a vécu Lui-même tout le premier : vie qui se résume en un seul mot, puisque aussi bien ce mot, à lui seul, dit tout ce qu’a été la vie de Jésus-Christ parmi nous en fonction de son terme final, une vie de mort, une vie de charité. Pour apaiser la colère de Dieu irrité de ce que l’homme avait méprisé, en désobéissant, la mort dont il l’avait menacé, le Christ est allé à la mort par obéissance. Sa vie n’a été qu’en fonction de cette mort, si l’on peut ainsi dire. Et toutes les vertus qu’Il a pratiquées sur cette terre en ont reçu comme leur caractère spécifique et distinctif. Il faut qu’il en soit de même pour tous ceux qui doivent lui appartenir. Leur vie tout entière doit être en fonction de la mort du Christ à reproduire en eux pour s’assurer le recouvrement de l’amitié divine que cette mort leur a valu et procuré. C’est là ce que nous appelons sur cette terre, la vie chrétienne ou la vie de la grâce reconquise, de la grâce recouvrée, la vie de r »réconciliation avec Dieu dans le Christ et par le Christ. Nous la devons à la Passion du Christ.

Mais Lui devrons-nous aussi le couronnement ou la récompense de cette vie ? C’est-à-dire notre admission à la gloire du Ciel et notre entrée dans la gloire ?

Saint Thomas nous répond dans l’article 5

Article 5 : si le Christ par sa Passion nous a ouvert la porte du ciel ?

Saint Paul aux Hébreux donne la réponse : « Nous avons confiance dans l’entrée des saints ( i.e. dans les cieux) dans le sang du Christ » (Hb 10 19). Il citera un autre texte aux Hébreux dans le corps de l’article, aussi concluant : (Hb 9 11-12)

La pensée de saint Thomas : Au corps de l’article saint Thomas fait observer que « la fermeture d’une porte est un certain obstacle qui empêche les hommes d’entrer. Or, les hommes étaient empêchés d’entrer dans le Royaume du Ciel à cause du péché ; parce que, comme il est dit dans Is 35 8 : « cette voie sera appelée sainte et l’homme qui est souillé ne passera point par elle ». Le péché qui est ainsi un obstacle à l’entrée du Royaume céleste est d’une double sorte. L’un est commun à toute la nature humaine. C’est le péché du premièr père. Et par ce péché l’entrée du Royaume céleste était fermée à tout homme. Aussi bien lisons-nous dans la Génèse qu’après le péché du premier homme , « Dieu plaça un chérubin avec un glaive de feu tournoyant pour garder le chemin de l’arbre de vie » (Gen 3 24).
L’autre est le péché spécial à chaque personne, qui est commis par l’acte propre de chaque être humain. La Passion du Christ nous a délivrés non seulement du péché commun à toute la nature humaine, et quant à la coulpe et quant à l’obligation de subir la peine, le Christ acquittant pour nous le prix de notre rachat ; mais aussi des péchés propres à chaque individu humain parmi ceux qui communiquent à sa Passion par la foi et la charité et les sacrements de la foi. Il suit de là que par la Passion du Christ a été ouverte pour nous la porte du Royaume céleste. Et c’et ce l’Apôtre dit aux Hébreux : « Le Christ, Pontife des biens futurs, par son propre sang est entré une fois pour toutes dans les demeures saintes, ayant procuré une rédemption éternelle » (Hb 9 11-12) »

Il faut insister un peu sur le « ad primum » : cette réponse nous permettra de comprendre la pensée de Saint Léon le Grand pour les Patriarches : ils ont bénéficié eux aussi de la Passion du Christ, par la foi à la Passion à venir.

Saint Thomas formule l’objection : « La récompense de la justice est l’entrée du Royaume céleste. Donc il semble que les saints Patriarches qui ont accompli leurs œuvres de justice, ont obtenu l’entrée du Royaume des cieux très fidèlement, même sans la Passion du Christ. Donc ce n’est point la Passion du Christ qui est la cause de l’ouverture de la porte du Royaume céleste ».

Saint Thomas répond que « les saints Patriarches » , et tous les saints personnages venus avant le Christ, « en accomplissant leurs œuvres de justice, méritèrent l’entrée du Royaume céleste par la foi à la Passion du Christ ; selon cette parole de l’Epître aux Hebreux : « Les saints, par la foi, ont vaincu les royaumes, ont opéré la justice » (Hb 11 33) ; et par la même foi, chacun d’eux était purifié en ce qui regarde la purification personnelle pour ses péchés propres. Cependant la foi ou la justice d’aucun d’eux ne suffisait à écarter l’obstacle qui était constitué par la culpabilité de toute la nature humaine. Lequel obstacle a été enlevé par le prix du sang du Christ. Et c’est pourquoi, avant la Passion du Christ, nul ne pouvait entrer dans le royaume céleste, c’est-à-dire obtenir la béatitude éternelle, qui consiste dans la pleine jouissance de Dieu ».

C - Les n° 3, 4, 5 de ce sermon de Saint Léon le Grand aborde le problème de la cause efficiente de la Passion du Christ.


Quelle est la part du Christ dans sa propre Passion ? Quelle est la part de Judas ? Des Juifs, des Romains, de Pilate ? Voire même de Dieu le Père. Saint Léon a de très belles considérations sur le rôle et de Pilate, et de Judas et des Juifs…dans ces trois numéros.

Nous allons étudier ce problème à la lumière de la doctrine de Saint Thomas.
C’est finalement le problème de la « cause efficiente » de la Passion du Christ. Saint Thomas aborde cette question dans la question 47 de la III pars de la Somme.

A cette question, Saint Thomas consacre 6 articles parfaitement bien ordonnancés :
1-Si le Christ a été tué par les autres ou par Lui-même ?
2-Pour quel motif Il s’est livré Lui-même à la Passion ?
3-Si le Père l’a livré pour qu’Il subît la Passion ?
4-S’il était convenable qu’Il souffrît sa Passion des mains des Gentils ou plutôt de celles des Juifs ?
5-Si ceux qui le mirent à mort le connurent ?
6Du péché de ceux qui ont tué le Christ.

De ces 6 articles, il est clair que les deux premiers examinent la part du Christ dans le fait de sa mort ; le troisième, la part du Père ; et les trois autres, la part des hommes.

Pour ce qui est de la part du Christ, saint Thomas se demande, d’abord, si, en effet, le Christ peut être dit avoir eu une part dans le fait de sa mort ; et en second lieu, quel a été le motif ou le mobile qui a porté le Christ à se livrer ainsi à la Passion et à la mort.

Il est clair que les trois premiers articles de Saint Thomas permettront de commenter, avec clarté, les n° 3,4,5 de ce premier sermon de saint Léon sur la Passion du Christ.

Article 1 : Si le Christ a été tué par quelque autre ou par Lui-même ?

Il semble que l’on puisse dire que le Christ n’a pas été tué par d’autres, mais par lui-même. La parole de Saint Jean permettrait de le conclure quand il dit lui-même : « Personne ne m’enlève la vie ; c’est moi qui la dépose de moi-même (Jn 10 18) Or celui là est dit tuer quelqu’un qui lui enlève la vie. Donc le Christ n’a pas été tué par d’autres, mais par Lui-même.

D’autre part, ceux qui sont tués par d’autres défaillent peu à peu, leur nature s’en allant. Or dans le Christ, cela n’arriva pas car « c’est en criant d’une voix forte qu’Il rendit son esprit » comme on le lit en Saint Matthieu (Mt 27 50). Ergo.

Enfin, ceux qui sont tués par les autres meurent d’une mort violente et par suite d’une mort non volontaire ; car le violent s’oppose au volontaire. Ergo. Saint Augustin le remarque, du reste, lui qui dit que « l’esprit du Christ ne quitta point la chair par force, mais parce qu’Il le voulut, quand Il le voulut et comme Il le voulut. Donc le Christ n’a pas été tué par les autres, mais par Lui-même.

Et pourtant saint Luc dit : « Après l’avoir flagellé ils le mettront à mort » (Lc 18 33)

Solution :

Au corps de l’article, Saint Thomas nous avertit qu’ « une chose peut être cause d’un effet donné à un double titre. –
D’abord, directement, agissant à cet effet. De cette manière, les persécuteurs du Christ le mirent à mort ; car ils posèrent à son endroit la cause qui devait lui donner la mort, avec l’intention de la lui donner en effet, et l’effet s’ensuivit : cette cause, en effet, amena la mort du Christ. –

D’une autre manière, quelqu’un est dit cause d’une chose, indirectement ; en ce sens qu’il ne l’a pas empêchée quand il pouvait le faire ; c’est ainsi qu’on dira de quelqu’un qu’il a mouillé cet autre parce qu’il n’a point fermé la fenêtre par laquelle la pluie est entrée. De cette manière, le Christ fut la cause de sa Passion et de sa mort. Il pouvait, en effet, empêcher cette Passion et cette mort. Il le pouvait d’abord, en réprimant ses adversaires, de telle sorte qu’ils ne voulussent pas ou qu’ils ne pussent pas le mettre à mort. Il le pouvait aussi parce que son esprit ou son âme avait la puissance de conserver la nature de sa chair pour qu’aucune cause de lésion qui lui serait infligée ne parvint à l’accabler : puissance que l’âme du Christ avait parce qu’elle était unie au Verbe de Dieu dans l’unité de sa Personne. Par cela donc que le Christ ne repoussa pas de son propre corps les coups qui lui étaient portés mais qu’Il voulut que la nature corporelle succombât sous ces soups. Il est dit avoir déposé Lui-même son âme ou sa vie et être mort volontairement ».

Ainsi lorsqu’il est dit dans l’évangile : « « Personne ne m’enlève la vie … (Jn 10 18), cela s’entend « sans que j’y consente. Et en effet, si quelqu’un prend une chose à un autre contre le gré de celui-ci qui est incapable de résister, alors il est dit, au sens propre, lui enlever cette chose.

Quant au « grand cri » , saint Thomas a ce commentaire : « Le Christ, pour montrer que la Passion que la violence lui infligeait ne lui enlevait pas son âme ou sa vie, conserva la nature corporelle dans sa force au point que réduit à l’extrémité, Il poussait un cri d’une voix puissante. Et cela se met au compte ou au nombre des autres miracles de sa mort. Aussi bien est-il dit, en Saint Marc : « Le centurion qui se tenait en face, voyant qu’Il avait expiré en poussant ce grand cri, eut cette parole : « Vraiment , cet homme était le Fils de Dieu » (Mc 15 39) Il y eut également ceci d’admirable, dans la mort du Christ, qu’Il mourut plus rapidement que les autres qui étaient crucifiés avec Lui. Il est dit, en effet, dans Saint Jean qu’à ceux qui étaient avec le Christ, « on brisa les jambes, pour qu’ils mourussent tout de suite ; mais « étant venus à Jésus, ils le trouvèrent mort, et ils ne brisèrent point ses jambes. Et en Saint Marc il est dit que « Pilate s’étonnait qu’Il fût déjà mort » (Mc 15 44). De même, en effet, que par sa volonté la nature corporelle fut conservée dans sa vigueur jusqu’à la fin, de même aussi, quand Il voulut, elle céda aux coups qu’on lui portait ».

Ainsi on peut résumer la pensée de saint Thomas en disant « que le Christ, tout ensemble, et subit la violence qui lui donnait la mort, et mourut volontairement ; parce que la violence fut faite à son corps ; mais elle ne prévalut qu’autant qu’Il le voulut Lui-même ».
C’est en toute vérité que le Christ s’est livré Lui-même à la mort ; bien que cependant, en toute vérité aussi, cette mort lui ait été donnée par ses bourreaux.

Mais quelle fut bien, de sa part, la cause qui le fit aller à la mort et l’accepter volontairement. Quel en fut le motif ? Devons nous dire que ce fut par obéissance ?

Saint Thomas nous répond dans l’article 2

Article 2 : si le Christ est mort par obéissance ?

Il est dit dans l’Evangile que c’est par charité qu’il subit sa Passion. « Marchez dans la dilection, comme, du reste, le Christ nous a aimés et s’est livré Lui-même pour nous » (Eph 5 2)
Donc si c’est par charité ce n’est pas par obéissance.

Mais pourtant, l’Ecriture dit aussi : « « Il s’est fait obéissant à son Père jusqu’à la mort » ( Ph. 28)
Alors. Quid ?

Au corps de l’article Saint Thomas répond qu’il était souverainement convenable que le Christ souffrît sa Passion par obéissance.

Premièrement : parce que cela convenait à la justification des hommes ; afin que « de même que par la désobéissance d’un seul homme un grand nombre ont été constitués pécheurs, de même par l’obéissance d’un seul homme un grand nombre fussent constitués justes » (Rm 5 19)

Secondement, cela fut convenable à la réconciliation de Dieu avec les hommes, selon cette parole de l’Epître aux Romains : « Nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils » : en ce sens que la mort du Christ fut un certain sacrifice très agréable à Dieu, selon cette parole de l’Epître aux Ephésiens : « Il s’est livré Lui-même pour nous en oblation et en victime à Dieu en odeur de suavité » (Eph. 5 2). Or l’obéissance est préférée à tous les sacrifices, selon cette parole : « L’obéissance est meilleure que les victimes » (1 Rois 15 22). Et voilà pourquoi il convient que le sacrifice de la Passion et de la mort du Christ procédât de l’obéissance.

Troisièmement, cela convenait à la victoire du Christ qui le fit triompher de la mort et de l’auteur de la mort. C’est qu’en effet, le soldat ne peut vaincre que s’il obéit au chef. Et, de même, l’Homme-Christ obtient la victoire par cela qu’il fut obéissant à Dieu ; selon cette parole des Proverbes : « l’Homme obéissant multiplie les victoires » (Prov. 21 28)


Remarque du Père Pègues :

Cette dernière raison, jointe aux deux autres, éclaire d’un jour magnifique toute l’histoire du genre humain. On peut dire du genre humain, dans la suite de son histoire, que tout s’y ramène à une question de vie et de mort, rattachée elle-même à une question d’obéissance et de désobéissance. Dieu avait créé l’homme - pouvant cependant être mortel de sa nature - dans un état de vie qui ne connaîtrait point la mort : mais , à une condition : c’est qu’il observerait un précepte, d’ailleurs très facile, que Dieu lui donnait pour marquer sa dépendance à l’endroit du Créateur. Il était, du reste, expressément averti que s’il désobéissait, il mourrait de mort. L’homme eut le malheur de ne point tenir compte de cette défense et de cette menace. Emporté par un mouvement d’orgueil, à la suggestion du Tentateur perfide, il désobéit à Dieu. Aussitôt, le privilège de vie immortelle, accordé par Dieu à la nature humaine dans la personne du premier homme lui fut enlevé. Pour toujours désormais, la mort devait régner dans le genre humain déchu. Mais Dieu, dans sa miséricorde, faite de sagesse, de bonté et de puissance infinie, allait tout restaurer en vue d’un triomphe éblouissant sur la mort et sur le démon, qui en était le premier auteur. Il allait créer l’homme nouveau par lequel Il remporterait sa victoire. Le démon avait vaincu en amenant l’homme premier à désobéir. Dieu allait vaincre en se donnant, dans l’homme nouveau, un obéissant parfait . Et, de même que la désobéissance du premier avait causé la mort en violant le précepte auquel était attachée l’immortelle vie ; de même l’homme nouveau restaurerait la vie en observant fidèlement et par obéissance au Chef, Dieu lui-même, souverain maître de la mort et de la vie , le précepte qui lui commandait d’aller à la mort. Toute l’économie des conseils de Dieu, dans l’histoire du genre humain, tient dans ce double contraste : d’une vie immortelle perdue par une désobéissance qui méprisait le précepte de la vie ; et de cette même vie immortelle reconquise par une obéissance qui embrasserait amoureusement le précepte de la mort.

Obéissance et charité

Saint Thomas dit que le « Christ a été obéissant par amour pour le Père qui commandait ». (ad tertium).

Conclusion du Père Pègues : :

Le Christ s’est livré Lui-même à la Passion et à la mort. Comme Dieu et comme homme, et comme Verbe incarné ou comme Dieu-Homme, non seulement il n’y avait, pour Lui, aucune nécessité de souffrir ou de mourir, mais Il avait tout pouvoir, un pouvoir absolu d’éviter la passion et la mort. Toutefois Il a voulu les subir. Et c’est parce qu’Il a voulu les subir qu’en effet la Passion et la mort l’ont atteint. D’où il résulte qu’en toute vérité Il s’est sacrifié Lui-même ; ce qui est la raison même de son sacerdoce. Or, Il l’a fait par obéissance, pour accomplir ce qu’Il savait être une pensée arrêtée dans les conseils de Dieu son Père, une volonté ferme portant sur un dessein qui devait montrer en pleine lumière la sagesse, la bonté, la puissance infinie de Dieu dans l’économie de son œuvre par excellence : la restauration, par la mort volontaire de son Fils sur la Croix, de l’œuvre ruinée au début du genre humain par la désobéissance du premier homme détachant de l’arbre du Paradis terrestre, à l’instigation du démon, le fruit défendu.

Cette volonté formelle du Père permettra-t-elle de dire en toute vérité que le Père a livré Lui-même son Fils à la Passion et à la mort ? Saint Thomas étudie le problème à l’article suivant

Article 3 : Si Dieu le Père a livré le Christ à la Passion ?

Cela ne semble pas possible : car il est inique et cruel qu’un innocent soit livré à la torture et à la mort. Ergo.
Il est dit aux Ephésiens que « le Christ s’est livré Lui-même pour nous » (Eph 5 2) Ergo.

Mais non, c’est Judas qui a livré son Maître : cf Jn 6 71-72
Mais non, ce sont les juifs qui le livrèrent à Pilate : cf Jn 18 35
Mais non, c’est Pilate : cf Jn 19 16

Donc il semble que Dieu le Père n’a point livré le Christ à la Passion.

Cependant nous avons Rm 8 32 où il est dit : « Dieu n’a point fait grâce à son propre Fils, mais Il l’a livré pour nous ».

La doctrine de Saint Thomas

Dans le corps de l’article, Saint Thomas rappelle d’un mot la conclusion de l’article précédent et en tire tout de suite un triple aspect de preuve pour établir la conclusion du présent article.
« Comme il a été dit, le Christ a souffert volontairement sa Passion, obéissant en cela à son Père. D’où il suit qu’à un triple chef, Dieu le Père a livré le Christ à la Passion.
D’abord selon que par sa volonté éternelle Il a pré ordonné la Passion du Christ à la libération du genre humain, conformément à ce qui est dit dans le prophète Isaïe : « Le Seigneur a placé en Lui l’iniquité de nous tous » (Is 53 6) et encore : « Le Seigneur a voulu le briser dans sa faiblesse »

Secondement, en tant qu’Il lui a inspiré la volonté de souffrir pour nous, en lui infusant la charité. Aussi bien est-il ajouté « Il a été immolé parce qu’Il l’a voulu » (Is 53 7)

Troisièmement, du fait qu’Il ne l’a pas mis à couvert de sa Passion, mais qu’Il l’a laissé à la merci des persécuteurs. Et c’est pourquoi le Christ pendu à la Croix disait : « Mon Dieu, jusqu’où m’avez-vous abandonné » (Mt 26 46) en ce sens qu’Il l’avait exposé sans le défendre, « au pouvoir de ceux qui le persécutaient »

Le « ad primum » est très important : « livrer un homme innocent à la torture et à la mort contre sa volonté est chose impie et cruelle . mais ce n’est point de la sorte que Dieu le Père a livré le Christ . C’est en lui inspirant, au contraire, la volonté de souffrir pour nous. Et en cela est montrée d’une part la sévérité de Dieu qui n’a pas voulu remettre le péché sans une peine » proportionnée ; « chose que signifie l’Apôtre quand il dit : « que Dieu n’a point fait grâce à son propre Fils »; et d’autre part sa bonté en ce que l’homme ne pouvant satisfaire suffisamment par une peine qu’il subirait lui-même, Dieu lui a donné quelqu’un qui satisferait pour lui, ce que l’Apôtre signifie quand il dit : « Celui-là ( le Christ), Dieu l’ a fait notre propitiation, par la foi en son sang » (Rm 3 25)

Alors ! Finalement, Dieu le Père, Le Christ, Judas, les Juifs, Pilate ont fait même action ?

Saint Thomas répond : « La même action se juge diversement, en bien ou en mal, selon qu’elle procède d’une racine diverse. Le Père, en effet, a livré le Christ, et Lui-même s’est livré, par amour ; et en raison de cela, on les loue. Judas, au contraire, a livré le Christ, par cupidité, les juifs par envie , Pilate par crainte mondaine à l’endroit de César ; et c’est pourquoi ils sont justement incriminés.

Conclusion :

Il faut dire, en toute vérité, que Dieu le Père a livré son Fils à la Passion et à la mort. Jamais, en effet, le Christ n’eut connu la Passion et la mort, si Dieu le Père n’en avait disposé ainsi dans ses conseils éternels, en vue du salut du genre humain : non pas que Lui-même ait infligé la mort au Christ, pas plus que le Christ ne se l’est donnée Lui-même ; mais Il avait dans son infinie justice, dans sa sagesse et sa miséricorde statué qu’Il inspirerait au Christ, par amour pour nous la volonté de ne point repousser, comme Il en avait le droit et le pouvoir, les mauvais traitements et la mort que lui infligeraient des hommes pervers ; d’accepter même tout cela avec une sorte de saint empressement , pour que fussent manifestés les infinis trésors de bonté contenus en Dieu et dans son Christ.

Le Christ a donc été livré par Dieu le Père et Il s’est livré Lui-même pour des raisons d’infinie sagesse.
Juifs et gentils y eurent leur part.

Mais comment faut-il entendre cette part dans la Passion : devons nous supposer qu’ils connurent Celui qu’ils poursuivaient ainsi, qu’ils condamnaient et qu’ils frappaient ?. C’est la question même de la responsabilité des auteurs du déicide. C’est l’objet de l’article 5

Article 5 :Si les persécuteurs du Christ le connurent ?


Dans ses objections, Saint Thomas se fonde sur l’Ecriture Sainte (2 fois) et sur un sermon prononcé à l’occasion du Concile d’Ephèse.
La première citation de l’Ecriture Sainte est celle de Mt 21 38 : c’est la belle parabole des vignerons homicides. Le Père Spicq, de cette parabole, fait un magnifique commentaire.
Or il est dit que « les Vignerons voyant le fils, dirent entre eux, : Celui-ci est l’héritier, venez, tuons–le » Sur quoi, Saint Jérôme dit : « Le Seigneur prouve de la façon la plus manifeste que les Princes des Juifs crucifièrent le Fils de Dieu, non par ignorance, mais par jalousie ». Ils avaient compris, en effet, qu’Il était Celui qui venait : l’héritier du Père, le Fils de Dieu.

La deuxième objection de Saint Thomas est fondée sur la citation de Saint Jean : « Le Seigneur dit : « Maintenant ils m’ont vu et ils m’ont haï, moi et mon Père » (Jn 15 24) Donc les Juifs connaissant le Christ lui infligèrent la Passion par un motif de haine.


L’argument « sed contra » cite une phrase de Saint Paul dans la première Epître aux Corinthiens : « S’ils l’eusssent connu , ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de la gloire » (I Cor 2 8). Puis une phrase de Saint Pierre : « Je sais que vous avez fait cela par ignorance, comme aussi vos Princes » (Act 3 17)

Et le Seigneur lui-même pendu à la Croix dit : « Père, pardonnez leur acte ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23 34)

Quid ?

Saint Thomas va résoudre ce problème par une distinction de la plus haute importance. Il nous averti que « parmi les Juifs, les uns étaient » notables ou « les grands » ; et les autres , constituent la multitude et la foule ou « les petits ».
Les grands parmi les Juifs qui étaient les Princes de ce peuple, connurent, comme aussi les démons, que Jésus « était le Christ ou le Messie « promis dans la loi : car ils voyaient en Lui tous les signes que les prophètes avaient annoncé devoir être. Mais ils ignoraient le mystère de sa divinité ; et c’est pourquoi l’Apôtre dit que s’ils l’eussent connu, jamais ils n’auraient crucifié le Seigneur de la gloire. Toutefois, il faut savoir que leur ignorance ne les excusait pas du crime de déicide ; « parce que c’était en quelque manière une ignorance affectée » ou crasse et coupablement voulue. « Ils voyaient, en effet, les signes évidents de sa divinité ; mais, par haine et par jalousie ou envie à l’endroit du Christ, ils tournaient à mal ces signes et ils ne voulurent pas croire à ses paroles par lesquelles Il confessait qu’Il était le Fils de Dieu. De là vient que Lui-même dit, en parlant d’eux, dans saint Jean : « Si je n’étais pas venu et que je ne leur eusse point parlé , ils n’auraient pas de péché ; mais maintenant ils n’ont point d’excuse pour leur péché ». Et plus loin, Il ajoute : « Si je n’eusse point fait en eux et parmi eux des œuvres que nul autre n’a faites, ils n’auraient pas de péché » (Jn 15 22 24) De telle sorte qu’on peut entendre comme proféré par eux-mêmes, ce qui est dit au livre de Job : « Ils ont dit à Dieu : Eloignez-vous de nous ; nous ne voulons pas la science de vos voies » (Job 21 14)

Ainsi pour Saint Thomas la chose est claire : les signes ou les miracles faits par le Christ devant les Juifs cultivés et instruits avaient le caractère d’évidence. De telle sorte que ceux qui n’en ont pas conclu qu’Il était vraiment Dieu et le Fils de Dieu sont inexcusables : seule, leur volonté mauvaise en fut la cause. Ces mêmes miracles sont rapportés dans les quatre évangiles. Il n’est pas un esprit cultivé ou instruit qui ne puisse les connaître et les reconnaître. Si donc ceux-là qui le peuvent ne les connaissent pas ou ne les reconnaissent pas et que, pour ce motif, ils ne viennent pas au Christ par une foi pleine et aimante, ce sera pour une raison de mal ou de disposition mauvaise dans leur volonté ; et, par suite eux non plus n’auront pas d’excuse pour leur péché de n’être point venus au Christ.

Il en est autrement pour les petits .

Ceux là, « les petits, c’est à dire les hommes du peuple, qui n’avaient point connu les mystères de l’Ecriture, ne connurent point pleinement ni qu’Il était le Christ, ni qu’Il était le Fils de Dieu ; bien que quelques uns d’entre eux aussi aient cru en Lui. Toutefois, la multitude ne crut pas. Et, à certains moments, ils avaient des doutes à son sujet, se
demandant s’Il était le Christ, en raison de la multitude de signes ou des prodiges et de l’efficacité de la doctrine, comme on le voit en saint Jean (Jn 7 31 41 et suiv. ) ; dans la suite, cependant, ils furent trompés par leurs Princes (MT 27 20), de telle sorte qu’ils ne crurent ni qu’Il était le Christ, ni qu’IL était le Fils de Dieu. Et c’est aussi pourquoi Pierre leur dit : « Je sais que vous avez fait cela par ignorance, comme, du reste, aussi vos Princes : en ce sens qu’ils avaient été séduits et égarés par les Princes ».

Ici encore on aura remarqué ce tableau si vrai de l’inaptitude de la foule, comme telle, à saisir, par elle seule, les profondeurs cachées de la doctrine ; et sa facilité à être trompée et égarée par des conducteurs pervers, même lorsque sa droiture naturelle l’aurait d’abord portée à se rendre aux signes éclatants plus particulièrement faits pour la convaincre. Sa responsabilité sera donc moindre et nul doute que Dieu ne soit plus pitoyable aux « petits » qu’aux grands », en pareil cas. . Il n’en faudrait pas conclure que toute responsabilité disparaît et que les « petits » égarés par les « grands » seront excusés de tout péché par le fait même. Quelque difficulté qu’il y ait, en effet, pour la multitude plus éloignée de ce qui constitue, à des degrés divers, la culture de l’esprit, il n’en demeure pas moins que tout être humain ayant l’usage de la raison est à même, absolument parlant, de reconnaître les signes de la vérité, selon que Dieu, dans sa Providence, les met, d’une manière au moins suffisante, à sa portée, en utilisant les lumières indéfectibles du bon sens et les sentiments premiers de l’équité naturelle. Aussi bien voyons-nous que la multitude du peuple juif n’a pas été indemne aux yeux de la justice divine, et que non seulement les chefs qui l’avaient égaré, mais aussi le peuple qui avait suivi ses chefs, ont tous été châtiés pour le crime de déicide.

Ceci étant dit, voyons comment saint Thomas répond à la première objection fondée sur la parabole des vignerons homicides.

« A cela on peut répondre qu’ils connurent qu’Il était le Fils de Dieu non par nature, mais par l’excellence d’une grâce spéciale. – Toutefois, ajoute Saint Thomas, nous pouvons dire qu’ils sont dits avoir connu même qu’Il était le vrai Fils de Dieu parce qu’ils avaient les signes évidents de cela, sans qu’ils aient voulu y donner leur assentiment de façon à ce qu’ils reconnussent qu’Il était le Fils de Dieu, en raison de la haine et de l’envie ».

Commentaire du Père Pègues : ce qui revient à dire qu’ils eurent la preuve qu’Il était le Fils de Dieu, mais qu’ils refusèrent coupablement d’y soumettre leur esprit. Il semble bien que telle est la vérité historique selon qu’elle se dégage du récit évangélique. Et cela n’est pas en contradiction avec le mot de saint Paul cité dans l’argument « sed contra » ; parce que la connaissance dont il s’agit n’est point la connaissance d’intuition faisant pénétrer dans l’intime de la réalité connue ; c’est une connaissance déduction ou de raisonnement, laquelle ne porte que sur la rigueur d’un lien logique, si l’on peut dire, et qui aboutissant à une conséquence dont la volonté perverse ne veut pas, n’est pas incompatible avec l’iniquité souveraine du déicide conscient .S’ils avaient vu la divinité du Fils de Dieu en elle-même, assurément ils ne l’eussent pas crucifié, mais ils ont pu le crucifier, même en voyant, par la conséquence inéluctable des prodiges qu’Il accomplissait et des affirmations qu’Il émettait au sujet de Lui-même, qu’Il devait être et qu’Il était le Fils de Dieu, n’ayant d’ailleurs du Fils de Dieu dans sa nature propre, comme de la nature même de Dieu, que la connaissance très imparfaite et, en quelque sorte, toute extérieure que peut en avoir sur cette terre l’être humain qui même est en opposition de volonté avec le Dieu qu’il connaît et qu’il déteste. N’est-ce pas, du reste, aujourd’hui encore, le cas des impies intelligents et instruits mais rebelles, qui ne peuvent pas ne pas s’avouer que les documents évangéliques sont vrais, que, par conséquent, Jésus de l’Evangile est vraiment Celui qu’Il s’est dit être ; et qui cependant le poursuivent de leur haine et de leurs outrages , soit dans sa Personne même cachée sous les voiles du sacrement de l’Eucharistie soit dans son Eglise et dans tout ce qui rappelle son souvenir.

La réponse de Saint Thomas dans le « ad tertium » est importante. Là, il déclare que « l’ignorance affectée n’excuse pas de la coulpe ou de la faute, mais semble plutôt aggraver cette faute ou cette coulpe : elle montre, en effet, que l’homme est attaché avec tant de véhémence au fait de pécher, qu’il veut encourir l’ignorance pour ne pas éviter le péché. Et c’est pourquoi les Juifs péchèrent, « non pas seulement » d’un péché d’homicide et comme ayant crucifié le Christ, homme, « mais » du péché de déicide et « comme ayant crucifié Dieu » lui-même. Ils ont donc toute la responsabilité du déicide. Ils l’ont, parce qu’ils pouvaient, qu’ils devaient savoir que Celui qu’ils vouaient au crucifiement était vraiment Dieu lui-même, le Fils de Dieu en personne ; qu’ils ont détourné volontairement leur esprit de ce qui, dans cette vérité, les aurait contraints d’abdiquer devant le Christ et de se faire ses disciples,

Commentaire rapide : Les ennemis du Christ, ceux qui, parmi les Juifs, ne cessent de le poursuivre de leur haine jusqu’au jour où ils l’eurent fait mourir sur la Croix ne peuvent être excusés du crime de déicide. Ils avaient tous les moyens de le connaître et de savoir qui Il était, non seulement qu’Il était le Christ ou le Messie promis, mais qu’Il était Dieu lui-même, le Fils de Dieu revêtu de notre nature humaine. Devant les preuves qui étaient accumulées sous leurs yeux, ils ne pouvaient pas ne pas s’avouer à eux-mêmes qu’Il était cela. Mais les passions qui les tenaient et leur volonté perverse agissaient sur leur esprit pour le détourner de conclure, à tout le moins elles ruinaient l’effet qui aurait dû s’ensuivre : et, au lieu de venir à Jésus pour se soumettre à Lui, ils s’aveuglaient volontairement, niant ou dénaturant même l’évidence pour se donner le droit de le détester, de le poursuivre et de le perdre. C’est même en cela que consistait ce péché contre le Saint-Esprit, que le Christ leur reproche dans l’Evangile, et qui n’est pas autre, ici, que l’aveuglement volontaire, la perversité suprême consistant à nier l’évidence ou à dire et peut être à finir par se persuader que cela même qu’on voit être n’est pas pour l’unique raison que la volonté perverse veut que cela ne soit pas.


De là, on peut répondre à la question de la culpabilité de ceux qui ont crucifié le Christ.

C’est l’article 6 : « Si le péché de ceux qui ont crucifié le Christ a été le plus grave ?

Voici la réponse de Saint Thomas. Il distingue toujours entre les « grands », les « petits » et les romains.

Il dit : « Comme il a été dit les princes des Juifs connurent le Christ ; et si quelque ignorance fut en eux, ce fut une ignorance affectée » ou voulue, « qui ne pouvait les excuser. Il suit de là que leur péché fut le plus grave : « soit en raison du genre du péché » puisque ce fut le déicide ; « soit en raison de la malice de la volonté. S’il s’agit des « petits » ou des hommes du peuple et de la multitude « parmi les Juifs, leur péché fut le plus grave, à considérer le genre du péché », puisque ce fut toujours le déicide ; « toutefois , leur péché était un peu diminué, à cause de leur ignorance », qui n’était pas affectée comme celle des grands, bien qu’elle fût, elle aussi , en un sens, coupable, n’étant pas une ignorance invincible. «… Beaucoup plus encore excusable le péché des Gentils » ou des païens, savoir les soldats romains « par les mains desquels le Christ fut crucifié ; car ceux-là n’avaient point la science de la loi » et ignoraient tout au sujet du Christ . C’est surtout et directement pour eux que le Christ priait quand Il disait à son Père : « Père Pardonnez-leur ; ils ne savent pas ce qu’ils font.

Dans le « ad secundum » , saint Thomas dit : « le péché de Judas et des Pontifes fut plus grave que celui de Pilate qui mit à mort le Christ par crainte de César ; et aussi que celui des soldats qui, par ordre du Procureur, crucifièrent le Christ ; et non par cupidité, comme Judas, ni par envie et par haine, comme les princes des prêtres ».

Résumons tout cet enseignement sur les causes de la mort du Christ :

« Si la Passion du Christ a eu lieu, c’est, à n’en pas douter, parce que Lui-même l’a voulu. Et Il ne l’a voulu Lui-même qu’en union de volonté parfaite avec la volonté du Père dont l’infinie sagesse avait renfermé dans ce mystère ses plus riches trésors. Mais les exécuteurs humains, de ce plan divin, qui furent les Juifs et les Gentils, ne sauraient bénéficier de la sagesse des conseils de Dieu . C’est par une volonté perverse de leur part qu’ils ont poursuivi le Christ et l’ont conduit à la mort. La perversité de cette volonté n’a pas été la même pour tous. Car tous n’étaient pas éclairés d’une égale lumière au sujet du Christ. Les premiers responsables, et, partant, les plus coupables, furent les principaux parmi les Juifs, les chefs du peuple, ceux qui avaient en leurs mains le dépôt des Ecritures. Ils auraient pu et ils devaient reconnaître le Christ dans la Personne de Jésus. Mais, par jalousie et par haine, ils éloignèrent sciemment la lumière qui leur était donnée avec surabondance. Leur crime est sans excuse. Il est le plus grand qui ait été jamais commis parmi les hommes. Le peuple juif, égaré et trompé par eux, a eu sa responsabilité diminuée en raison de la part d’involontaire qu’il a pu avoir dans son ignorance. Il en fut de même et dans une mesure plus grande encore, pour les païens, ignorants des choses de la Loi, qui coopérèrent au crime du déicide. Tous furent coupables ; mais bien moins que les Juifs ; et, à des degrés divers, selon le degré de leur culture ou de leur indépendance. » (Père Pègue T ; 16 p. 440-464)


L’enseignement de Vatican II sur ce sujet.

Tout le monde sait que le Concile Vatican II a publié un texte appelé « Nostra aetate » qui traite des relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes. Ce texte, très court, seulement 5 paragraphes, aborde le problème de « la religion juive ». C’est le paragraphe 4. Je l’ai relu après avoir repris la Somme de saint Thomas sur ce sujet. Je suis vraiment frappé de la « pauvreté » de l’exposé de « Nostra aetate ». La distinction que fait Saint Thomas sur les « grands » et les « petites » du peuple juif et qui seule permet de répondre avec précision à la question du rôle des « Juifs » dans la Passion du Christ, n’y paraît même pas. Ce texte conciliaire me paraît vraiment très faible

Le voici retranscrit dans les parties qui nous intéressent ici : le rôle des Juifs dans la Passion du Christ.

« Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ, ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors ni aux Juifs de notre temps. S’il est vrai que l’Eglise est le nouveau peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Ecriture. Que tous donc aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la parole de Dieu, d’enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l’Evangile et à l’esprit du Christ.
En outre, l’Eglise qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu’ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu’elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l’Evangile, déplore les haines, les persécutions et toutes les manifestations d’antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs ont été dirigées contre les Juifs.
D’ailleurs, comme l’Eglise l’a toujours tenu et comme elle le tient, le Christ, en vertu de son immense amour, s’est soumis volontairement à la Passion et à la mort à cause des péchés de tous les hommes et pour que tous les hommes obtiennent le salut. Le devoir de l’Eglise , dans sa prédication, est donc d’annoncer la croix du Christ comme signe de l’amour universel de Dieu et comme source de toute grâce ».

Voilà, c’est tout !