En cette semaine pascale, je ne vous
donnerais que cette belle homélie de Saint Léon le Grand
sur ce mystère, me réservant de reprendre les rubriques
habituelles, la semaine prochaine.
Mais je me permettrais, tout d’abord,
de vous demander de vous inscrire « concrètement »
pour le pèlerinage du Puy, les 9 et 10 juillet prochain. Il
ne suffit pas de me dire « on vient à trois à
quatre… ». Il faut m’envoyer votre fiche d’inscription.
Vous la trouverez sur la page de garde du site ITEM. Cela me permettra
de retenir les repas nécessaires pour le samedi soir et le
repas de dimanche midi. Nous ne sommes pas des purs esprits…et
personne ne pourra faire « la multiplication des pains »…
Votre inscription me facilitera la tache. Merci beuacoup d’entendre
cet appel.
Voici cette très belle homélie
de Saint Léon.
« 1- Dans notre dernier sermon, bien-aimés, nous vous
avons enseigné - non hors de propos, croyons-nous - la participation
à la croix du Christ, afin que la vie même des fidèles
soit pénétrée du sacrement pascal et célèbre
dans les mœurs ce qu’elle honore dans la fête. Vous-mêmes
certainement avez éprouvé combien cela est utile, et
votre dévotion vous a appris l’avantage que retirent
les âmes et les corps des jeûnes plus prolongés,
des prières plus fréquentes, des aumônes plus
larges. Il n’est, en effet, presque personnes qui n’ait
profité de cette ascèse et qui n’ait serré
dans le secret de sa conscience quelque chose dont il puisse à
bon droit se réjouir. Mais ces profits , il faut les conserver
au prix d’une vigilance constante de peur que, le travail se
relâchant, la haine du démon ne dérobe ce qu’a
donné la grâce de Dieu.
Puisque nous avons voulu travailler
par l’observance des quarante jours, pour ressentir quelque
chose de la croix pendant le temps de la Passion du Seigneur, efforçons-nos
aussi d’être trouvés associés à la
résurrection du Christ et de passer de la mort à la
vie tandis que nous sommes encore en ce corps. Car, pour tout homme,
passer par une conversion, de quelque nature qu’elle soit, d’un
état à un autre, signifie la fin de quelque chose :
n’être plus ce qu’il était, et le commencement
d’une autre : être ce qu’il n’était
pas . Mais il est important de savoir à qui l’on meurt
et pour qui l’on vit : car il y a une mort qui fait vivre et
une vie qui fait mourir ; or ce n’est pas ailleurs que dans
ce siècle éphémère que l’on recherche
l’une et l’autre ; et c’est la qualité de
nos actions temporelles que dépendra la différence des
rétributions éternelles. Mourons donc au diable et vivons
pour Dieu ; mourons à l’iniquité pour ressusciter
à la justice ; que disparaisse l’état ancien pour
que se lève le nouveau ; et puisque, selon la parole de la
Vérité, « nul ne peut servir deux maîtres
» (Mt 6 24), prenons pour maître non celui qui ébranle
ceux qui sont debout pour les mener à la ruine, mais celui
qui relève les tombés pour les conduire à la
gloire.
2- « Le premier homme, issu
du sol, est terrestre, dit l’Apôtre ; le second homme,
lui, vient du ciel. Tel a été le terrestre, tels sont
aussi les terrestres ; tel le céleste, tels seront aussi les
célestes. Et de même que nous avons revêtu l’image
du terrestre, il nous faut revêtir aussi l’image du céleste
». (1 Cor 15 47-49) Nous devons grandement nous réjouir
de ce changement qui nous fait passer de l’obscurité
terrestre à la dignité céleste par un effet de
l’ineffable miséricorde de Celui qui, pour nous élever
jusqu’à son domaine, est descendu dans le notre : car
il a pris non seulement la substance, mais encore la condition de
la nature pécheresse, et il a permis que son impassible divinité
subît tout ce que , dans son extrême misère, expérimente
l’humaine mortalité. C’est par un effet de cette
bonté que, craignant qu’une longue tristesse ne fût
une torture pour les âmes déjà troublées
des disciples, il sut si bien abréger le délai prédit
des trois jours, qu’ajoutant au second jour entier la toute
dernière partie du premier et le début du troisième,
il écourta quelque peu l’intervalle prévu sans
que le nombre des jours fût diminué. La résurrection
du Sauveur n’a donc pas retenu longtemps son âme aux enfers,
ni son corps dans la tombe : la vie revint si vite en sa chair in
corrompue qu’il sembla davantage s’être endormi
qu’avoir cessé de vivre. La divinité, en effet,
qui ne s’était pas retirés des deux substances
composantes de l’homme qu’elle avait pris, réunit
par sa puissance ce que sa puissance avait séparé.
3- Bien des preuves ont suivi destinées
à fonder l’autorité de la foi qui devait être
prêchée à travers le monde : la pierre roulée,
le tombeau vide, les linceuls mis à part, les anges racontant
tout l’événement, établissaient assez largement
la vérité de la résurrection du Seigneur ; cependant
il se manifesta et apparut aux femmes et plusieurs fois aux Apôtres
: non seulement il s’entretenait avec eux, mais encore il s’attardait
au milieu d’eux, mangeait en leur compagnie , et se laissait
examiner de près et toucher curieusement par ceux que retenait
le doute. Il entrait, en effet, au milieu de ses disciples, toutes
portes fermées, et il leur donnait le Saint-Esprit en soufflant
sur eux ; éclairant leur intelligence, il leur ouvrait les
secrets des Saintes Ecritures, il leur montrait encore la plaie de
son côté, les trous faits par les clous, et toutes les
marques de sa Passion encore récente ; tout cela pour faire
connaître que les propriétés de la nature divine
et celles de la nature humaine demeuraient en lui bien séparées,
et pour que nous sachions que le Verbe n’est pas identique à
la chair, et confessions que le Fils de Dieu est à la fois
Verbe et chair.
4- Paul, l’Apôtre des
nations, ne contredit pas cette foi, bien-aimés, quand il dit
: « Même si nous avons connu le Christ selon la chair,
nous ne le connaissons plus ainsi à présent. »(2
Cor 5 16) La résurrection du Seigneur, en effet, n’a
pas mis fin à sa chair, mais l’a transformée,
et sa substance corporelle n’a pas été consommée
par l’accroissement de sa puissance . Les propriétés
ont changé, la nature n’a pas passé. Ce corps
est devenu impassible, qui avait été crucifié
; il est devenu immortel, lui qui avait pu être mis à
mort ; il est devenu incorruptible, lui qui avait pu être meurtri.
Aussi l’Apôtre dit-il avec raison qu’il ignore la
chair du Christ dans l’état où elle était
connue, car il n’est plus rien resté en elle de passible,
plus rien d’infirme ; tout en étant elle-même en
son essence, elle n’est plus elle-même en sa gloire. Est-il
d’ailleurs surprenant que l’Apôtre s’exprime
ainsi à propos du corps du Christ, puisque, parlant des chrétiens
qui vivent selon l’esprit, il dit : « Aussi ne connaissons-nous
plus désormais personne selon la chair » ? (2 Cor 5 16)
Oui, peut-il dire, notre résurrection a commencé dans
le Christ du fait que, en Celui qui est mort pour tous, la forme même
de toute notre espérance nous a précédés.
Nous n’hésitons pas sous l’effet du doute, nous
ne flottons pas dans une attente incertaine, mais le début
de ce qui nous a été promis nous ayant été
donné, nous apercevons déjà des yeux de la foi
ce qui viendra plus tard ; remplis de la joie que suscite l’élévation
de notre nature, nous tenons déjà ce que nous croyons.
5 – Ne nous laissons donc pas
envahir par les choses temporelles qui ne sont qu’apparence,
et que les biens de la terre ne détournent pas de ceux du ciel
; vers eux, notre contemplation. Tenons pour dépassé
ce qui n’est presque plus rien, et que l’esprit, attaché
à ce qui doit demeurer, fixe son désir là où
ce qu’on lui offre est éternel. Bien qu’en effet,
nous ne soyons sauvés qu’en espérance et que nous
portions encore une chair corruptible et mortelle, on peut dire pourtant
avec raison que nous ne sommes pas dans la chair si les passions charnelles
ne dominent pas sur nous ; et c’est à bon droit que nous
ne portons plus le nom de ce dont nous ne suivons pas les désirs.
Aussi lorsque l’Apôtre dit : « Ne vous souciez pas
de la chair pour en satisfaire les convoitises » (Rm 13 14),
nous n’entendons pas qu’il nous interdise l’usage
des choses qui conviennent au salut et que nécessite la faiblesse
humaine . Mais, comme il ne faut pas se plier à toutes les
convoitises ni satisfaire à tout ce que désire la chair
, nous comprenons qu’il nous avertit d’adopter une certaine
mesure de tempérance : à ce corps, qui doit être
gouverné par l’âme, n’accordons pas de superflu
, ne refusons pas le nécessaire. Aussi le même Apôtre
dit-il ailleurs : « Nul n’a jamais haï sa propre
chair ; on la nourrit au contraire et on en prend soin » ( Eph
5 29). Il faut, en effet, la nourrir et en prendre soin non pour favoriser
les vices ni la luxure, mais pour le service qu’elle doit fournir
: ainsi notre salut rénové se tiendra dans l’ordre,
ses parties inférieures ne prévaudront pas criminellement
et honteusement sur les supérieures, ni les supérieures
ne se laisseront vaincre par les inférieures, tellement que,
les vices triomphant de l’âme, on ne trouverait plus qu’esclavage
là où devait régner l’autorité.
6 Que le peuple de Dieu reconnaisse
donc qu’il est devenu une nouvelle créature dans le Christ
et qu’il soit attentif à comprendre qui l’a adopté
et quel est celui qu’il a lui-même adopté. Que
ce qui a été renouvelé ne retourne pas à
l’inconstance de son état ancien et que celui-là
ne renonce pas à son labeur, qui a mis la main à la
charrue ; mais qu’il regarde à ce qu’il sème,
et ne se retourne pas vers ce qu’il a abandonné. Que
nul ne retombe dans les vices dont il s’est relevé, et,
même si, par suite de la faiblesse de sa chair, il gît
encore en proie à quelques maladies, qu’il désire
instamment être guéri et rétabli. Telle est la
voie du salut, telle est la manière d’imiter la résurrection
commencée dans le Christ ; puisqu’on ne manque pas de
tomber ou de broncher sur le chemin glissant de cette vie, que nos
pas quittent donc les sols mouvants pour la terre ferme, car, selon
qu’il est écrit, « le Seigneur mène les
pas de l’homme, ils sont fermes et sa marche lui plaît.
Quand le juste tombe, il ne reste pas terrassé, car le Seigneur
lui soutient la main » (Ps 36 23)
Cette méditation, bien-aimés,
ne convient pas seulement à la fête pascale, mais nous
devons encore la retenir pour sanctifier toute notre vie. Les exercices
actuels doivent tendre à transformer en habitude les pratiques
dont la courte expérience a fait la joie des âmes fidèles,
à en conserver la pureté, et à détruire
par une prompte pénitence tout péché qui pourrait
nous surprendre. La guérison de maladies anciennes est difficile
et longue : qu’on applique donc les remèdes d’autant
plus vite que les blessures sont plus récentes, afin que, nous
relevant toujours totalement de toutes nos chutes, nous méritions
de parvenir dans le Christ Jésus notre Seigneur à cette
incorruptible résurrection de la chair appelée à
la glorification ; en lui qui vit et règne avec le Père
et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Amen
».