A- Le Mystère d’Incarnation.
Méditation V
Dans les deux précédentes
« paroisses saint Michel », nous avons médité,
avec Saint Thomas, sur la « raison » de l’Incarnation,
pour conclure comme nous y invite notre Credo : qu’Il s’est
incarné en raison du péché, « propter nostram
salutem ».
Si Dieu s’est incarné,
s’Il s’est porté à cet excès de bonté,
dans le don ou la communication de Lui-même à sa créature,
c’est en raison de notre misère qu’Il l’a
fait, en raison de notre nature pécheresse. Cette nature était
ruinée, perdue non seulement dans l’une ou l’autre
de ses personnes, mais en elle-même, dans sa totalité.
Dieu n’a pu se résoudre à la laisser dans cet
état. Et pour la relever, pour la rétablir, non seulement
dans son premier état où Il l’avait constituée
si parfaite et si belle, mais dans un état qui le dépasserait
en quelque sorte à l’infini, Il se l’est unie dans
sa propre Personne. Lui, Dieu, s’est fait homme, pour sauver
l’homme, qui, en se séparant de Lui par sa désobéissance
et son péché, avait consommé sa perte. Voilà
le divin motif de l’Incarnation.
Mais s’il en est ainsi, ne fallait-il pas que Dieu s’incarnât,
dès le commencement de l’histoire douloureuse du genre
humain, c’est-à-dire aussitôt après sa chute
? Telle est la question qui se pose, en raison même de la doctrine
que nous venons d’établir et que saint Thomas va résoudre
à l’article qui suit.
Article 5 « S’il eût
été convenable que Dieu s’incarnât dès
le commencement du genre humain ? »
Saint Thomas d’Aquin, dans cet
article, fait d’abord remarquer que « l’œuvre
de l’Incarnation étant ordonné principalement
à la réparation de la nature humaine par l’abolition
du péché, - opus incarnationis principaliter ordinetur
ad reparationem naturae humanae per peccati abolitionem -, il est
manifeste qu’il ne fût pas convenable que Dieu s’incarnât
dès le commencement du genre humain, avant le péché
; car le remède ne se donne qu’à ceux qui sont
déjà infirmes. Aussi bien le Seigneur Lui-même
dit, en Saint Mathieu : « Il n’est pas besoin de médecin
pour ceux qui se portent bien, mais pour ceux qui vont mal : je ne
suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs »
(Mt 9 12-13)
Remarquons cette première conclusion de saint Thomas. Elle
confirme tout ce que nous avons vu au sujet du motif de l’Incarnation.
Si, en effet, ce n’est point premièrement pour réparer
le genre humain que le Fils de Dieu s’est incarné ; si
c’est plutôt pour le couronnement de l’œuvre
de Dieu comme telle, à titre de modèle, d’archétype,
de perfectionnement suprême de cette œuvre, pourquoi n’est-ce
pas tout au commencement que Dieu a réalisé cette Incarnation
de son Fils ? Il le fallait d’autant plus que, dans ce sentiment,
le Fils de Dieu incarné devait être la cause exemplaire
et efficiente de la perfection de tout le reste dans l’œuvre
divine, sans en excepter les anges. Et, par suite, les anges ne pouvaient
subir leur épreuve et recevoir la récompense de leur
fidélité, qu’en dépendance du Fils de Dieu
incarné ; comme, dans l’ordre de la restauration, ce
n’est que par le Verbe fait chair ou en raison de ses mérites
que les êtres humains recouvrent la grâce, et nul n’est
entré au ciel qu’après Lui. Or, la foi nous enseigne
que les anges furent admis dans le ciel dès le commencement.
Et, même pour l’homme, dans son premier état, s’il
fût resté fidèle, il eût été
admis dans le ciel de la gloire sans aucun rapport à l’Incarnation.
Tout cela ne prouve-t-il pas manifestement que l’Incarnation
n’était pas dans le premier plan divin ; et qu’elle
n’a été introduite par Dieu que pour réparer
son œuvre que le péché de l’homme, à
l’instigation de Satan, avait en quelque sorte compromise ou
ruinée. Dès lors, tout s’harmonise ; et l’on
comprend que l’Incarnation n’avait pas à être
réalisée avant le péché de l’homme
comme vient de le faire observer saint Thomas.
« Mais, poursuit Saint Thomas,
il n’était pas non plus convenable que Dieu s’incarnât
tout de suite après le péché - Sed non etiam
statim post peccatum conveniens fuit Deum incarnari »
Et cela pour plusieurs raisons du
plus haut intérêt.
« Premièrement, à
cause de la condition du péché de l’homme, qui
était venu de l’orgueil ; d’où il suit que
l’homme devait être délivré en un tel mode
qu’humilié il reconnût qu’il avait besoin
d’un libérateur. Aussi bien, sur cette parole de l’Epître
aux Galates « ordonnée par les anges, à l’aide
d’un médiateur »(Gal 3 19), la glose dit : «
C’est par un grand conseil qu’il a été fait
qu’après la chute de l’homme le Fils de Dieu ne
fût pas envoyé tout de suite. Dieu, en effet, laissa
l’homme d’abord à son libre arbitre, dans la loi
de nature, afin qu’ainsi il fît la preuve des forces de
sa nature. Où s’étant trouvé en défaut,
il reçut la Loi, laquelle une fois donnée, le mal s’aggrava,
non par la faute de la Loi, mais par la faute de la nature. Et c’est
alors que connaissant sa faiblesse, l’homme dut en appeler à
son médecin et chercher le secours de la grâce.
Ainsi c’est parce qu’il
fallait que le genre humain prît conscience de sa misère
que l’Incarnation n’eut lieu qu’à la «
plénitude des temps », comme le dit saint Paul. Comme
le dit encore Saint Thomas dans le « ad primum » : «
Le seigneur n’apporta, tout de suite, le remède de l’Incarnation
au genre humain déchu « de peur qu’il ne le méprisât
dans son orgueil, si auparavant il n’avait expérimenté
sa faiblesse ». « Et ideo Dominus non statim incarnationis
remedium humano generi exhibuit, ne illud contemeneret ex superbia,
si prius suam infirmitatem non cognosceret »
« Secondement, en raison de
l’ordre de la promotion au bien, - Secundo, propter ordinem
promotionis in bonum - selon lequel on va de l’imparfait au
parfait. Aussi bien l’Apôtre dit : « Ce n’est
pas ce qui est spirituel qui vient d’abord, mais ce qui est
animal, et, après ce qui est spirituel. Le premier homme, venu
de la terre, est terrestre, le second, venu du ciel, est céleste
» (1 Cor 15 46-47).
« Troisièmement, en raison
de la dignité du Verbe incarné Lui-même. Et en
effet, sur cette parole de l’Epître aux Galates : «
Dès que vint la plénitude du temps, la glose dit : «
Plus était grand le Juge qui venait, plus devait être
longue la série des hérauts qui le précéderaient
».
« Quatrièmement, de peur
que la ferveur de la foi ne s’attiédît par la prolixité
du temps. Car, vers la fin du monde, la charité d’un
grand nombre se refroidira (Mt 24 12) ; et en Saint Luc, il est dit
: « Quand le Fils de l’homme viendra, pensez-vous qu’Il
trouvera la foi sur la terre ? » (Lc 18 8)
Ainsi pour des raisons très
sages et en parfaite harmonie soit avec les besoins de la nature humaine
soit avec la dignité du Verbe fait chair, il n’était
pas bon que l’Incarnation se fît tout de suite après
la chute du premier homme. Il fallait, en effet, que le genre humain
prît conscience de sa misère et du besoin qu’il
avait d’un Dieu-Sauveur, et, aussi, que ce Dieu-Sauveur pût
être précédé d’une longue série
de prophètes, annonçant et préparant sa venue.
Et voilà pourquoi, saint Paul aux Hébreux écrit
: « Après avoir, à plusieurs reprises et en diverses
manières, parlé autrefois à nos pères
par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé
par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes
choses, et par lequel il a aussi créé le monde. »
(Hb 1 1)
Mais devons-nous conclure de là que l’Incarnation aurait
dû être différée jusqu’à la
fin du monde : puisqu’il était bon d’attendre,
n’eût-il pas été bon d’attendre jusqu’à
la fin ? Saint Thomas va nous répondre à l’article
qui suit :
Article 6 : « Si l’œuvre
de l’Incarnation aurait dû être différée
jusqu’à la fin du monde ? »
Saint Thomas répond que «
comme il n’était pas à propos que Dieu s’incarnât
dès le commencement du monde ; pareillement, il n’était
pas bon que l’Incarnation fût différée jusqu’à
la fin.
« Ceci apparaît, d’abord,
de l’union de la nature divine et de la nature humaine. Car,
d’une certaine manière, ce qui est parfait précède
dans le temps ce qui est imparfait ; mais d’une autre manière,
ce qui est imparfait précède ce qui est parfait. En
ce qui, en effet, d’imparfait devient parfait, l’imparfait
précède dans le temps le parfait ; mais en ce qui est
la cause efficiente de la perfection, le parfait précède
dans le temps l’imparfait. Or dans l’œuvre de l’Incarnation,
l’un et l’autre se rencontrent. C’est qu’en
effet, la nature humaine, dans l’Incarnation elle-même,
a été portée au sommet de la perfection ; il
s’ensuit qu’il ne convenait pas que l’Incarnation
se fît au commencement du genre humain. Mais le Verbe incarné
Lui-même est la cause efficiente de la perfection dans le genre
humain ; selon cette parole de saint Jean : « de sa plénitude
nous avons tout reçu ». (Jn 1 16) Il ne fallait donc
pas que l’œuvre de l’Incarnation soit différée
jusqu’à la fin du monde. Toutefois, la perfection de
la gloire, à laquelle la nature humaine doit être conduite
par le Verbe incarné, aura lieu à la fin du monde »
Une seconde raison se tire de la réalisation
du salut des hommes. En effet, la situation de l’homme, allant
avec le temps, se dégradant et dans sa connaissance de Dieu
et dans ses mœurs, ni l’élection d’Abraham
ni le don de la Loi ne portant le remède de la misère,
il ne fallait pas que l’Incarnation fût reculée
à la fin du monde. « Si ce remède de la nature
humaine qu’est l’Incarnation eût été
différée jusqu’à la fin du monde, la connaissance
et le respect de Dieu et l’honnêteté des mœurs
eussent entièrement disparu de cette terre » - «
Si autem hoc remedium differretur usque in finem mundi, totaliter
Dei notitia et reverentia et morum honestas abolita fuisset in terra
».
« Troisièmement, on voit
aussi que ce n’eût pas été convenable pour
la manifestation de la vertu divine, laquelle a sauvé les hommes
en plusieurs manières, non seulement par la foi du Rédempteur
à venir, mais encore par la foi au Sauveur présent et
déjà venu ».
Si le bien du genre humain demandait
que l’Incarnation n’eût pas lieu tout de suite au
lendemain de la chute du premier homme, il demandait aussi qu’elle
ne fût pas renvoyée jusqu’à la fin du monde.
Aussi bien Dieu l’a-t-il réalisée au milieu du
temps, selon qu’il convenait le mieux à sa sagesse et
à sa miséricorde. Cette grande vérité,
que saint Thomas vient d’établir dans ces deux articles,
a été mise en lumière de façon éblouissante
dans la seconde partie du Discours sur l’histoire universelle
de Bossuet.
Ce que nous verrons la semaine prochaine.
B – Sainte Jeanne d’Arc
Sa « geste » victorieuse dans la lumière de l’Ascension
du Seigneur. .
On ne peut pas laisser passer ce 8 mai, fête
de sainte Jeanne d’Arc, sans l’évoquer ici particulièrement,
en cette paroisse saint Michel ».
Et puisque cette fête est solennisée,
cette année, juste en ce dimanche après l’Ascension,
j’ai pensé que l’on pouvait méditer sur
cette chevauchée victorieuse d’Orléans à
Reims, Jeanne y conduisant le Dauphin pour qu’il y reçût
son sacre, dans la lumière du mystère de l’Ascension.
Voilà l’homélie que
je prononçais ce dimanche lors de la messe chantée dans
la chapelle du Centre Saint Paul.
« Vous me permettrez, je pense,
de vous présenter - ou d’essayer de vous faire un parallèle
entre la chevauchée victorieuse de Sainte Jeanne d’Arc
conduisant le Dauphin à Reims pour y recevoir son sacre et
le mystère de l’Ascension du Seigneur que nous fêtions
jeudi dernier.
Y-a-t-il un possible parallèle
?
Y a-t-il une analogie entre ces deux faits historiques ? Une analogie
de proportionnalité ?
Pourrait-on affirmer que Reims et sa Cathédrale est au Dauphin
ce que le Ciel est au Christ-Seigneur ?
Oui, je le pense.
Pourrait-on affirmer que la chevauchée
vers Reims et ce qu’elle implique de foi et de courage, est
une image analogique de notre pérégrination de baptisés
vers le Ciel ?
Oui, je le pense.
Pourrait-on dire que les « voies
» de Sainte Jeanne d’Arc sont à la Sainte ce que
la foi est à chacun d’entre nous dans cette pérégrination
?
Oui, je le pense.
Ainsi sous bien des rapports, on peut,
ce me semble, illustrer notre pèlerinage terrestre, tout surnaturel,
de la chevauchée johannique. Elle pourrait être notre
modèle. La chevauchée de Jeanne avec sa bannière
et le Dauphin pourrait être parfaitement le modèle de
notre pèlerinage vers le Ciel, notre ascension baptismale.
Permettez-moi alors quelques développements.
Et commençons par réfléchir
sur la finalité des ces deux actes.
Oui, considérons la finalité de la chevauchée
de Jeanne et la finalité de l’Ascension du Seigneur.
L’une et l’autre ont pour
finalité de faire éclater la grandeur, la noblesse.
De confirmer pour le Christ, sa divinité, d’affirmer
pour le Dauphin, sa noblesse royale.
C’est cela l’essentiel de la mission de Jeanne d’Arc
: dire, faire dire, faire reconnaître que le Dauphin est de
race royale. Il est de famille royale. Il est de sang royal. Il n’est
pas un « bâtard » comme on le suggérait,
comme cela se disait dans le Royaume de France, comme il le craignait
lui-même. Et son sacre à Reims avait cette raison d’être,
cette finalité. Il fallait que cesse toute suspicion…toute
inquiétude. Le sacre était l’acte sublime qui
confirmait l’origine royale du Dauphin. Il allait de défaites
en défaites. Il n’était plus que le « petit
» roi de Bourges. Il n’avait plus de crédit…Son
sacre le confirma dans sa dignité de prince de sang, ce qui
était contesté par ce honteux traité de Troyes.
Ainsi, de même que l’exaltation,
la glorification de Notre Seigneur, à la « Droite du
Père », confirma, aux yeux des disciples, sa divinité,
de même, mutatis mutandis, le sacre du Dauphin consacra ses
origines royales.
Tout pareillement, au Dauphin, dans sa
cathédrale de Reims, la sublimité des honneurs. A lui,
la majesté du triomphe…Dans son sacre reçu à
la Cathédrale de Reims, lieu des sacres des Rois très
chrétiens…depuis le baptême de Clovis… Là,
son sanctuaire. Reims est à Charles VII, ce que le Ciel est
au Christ, son lieu, son droit, son triomphe. Son droit reconnu, confessé,
ici, par l’Eglise, là, par Dieu le Père.
Et je contemple des yeux de la foi même
solennité.
Je vois le Christ, « assis » à la droite du Père
entrer pour toujours en possession de ce repos éternel que
lui ont mérité de glorieux combats, les combats de sa
Passion.
Et je vois le Dauphin entrer dans son sanctuaire après la chevauchée
victorieuse et souffrante de Jeanne. Elle est là, toute à
la joie, sa bannière étendue, à l’honneur.
Il fut à la peine, dira-t-elle, il est bien légitime
qu’il soit à l’honneur, à la gloire.
Et là, dans son sanctuaire, comme
le Christ au sien, le Ciel, il est déclaré au-dessus
de toutes principautés, de toute autorité, de toute
domination, de toute dignité, de tout nom.
Comme le Christ, il est pour son peuple, le chef Souverain, reconnu,
confessé par le peuple…comme le Christ l’est pour
et par son Eglise triomphante. « A Lui, tout honneur et toute
gloire ».
Désormais nous dit Saint Paul
: du Christ « son nom est devenu grand, resplendissant, glorieux…si
glorieux que « tout genou fléchira devant lui, au Ciel,
sur la terre, aux enfers…Toute langue publiera que Jésus
vit et règne à jamais dans la gloire de Dieu le Père
».
Mais ne puis-je pas dire cela du Dauphin,
en son sacre de Reims ? Son nom est devenu grand : Charles. Resplendissante,
sa personne. Glorieuse, sa filiation…Si glorieuse que tout genou
fléchira devant lui, de Jeanne, la première…Ce
qu’elle fit, du reste, déjà, grâce à
ses voix à Chinon, devant le Prince qu’elle reconnut
entre cent…A Reims et après elle, de tout le peuple.
Et de même qu’au Ciel, avons-nous
dit, en la fête de l’Ascension, la multitude innombrable
des élus de la Jérusalem céleste dont l’Agneau
immolé est l’éternelle lumière, jettent
leurs couronnes à ses pieds, se prosternent eux-mêmes
devant Lui et proclament, en un chœur puissant comme le bruit
de la mer, qu’il est digne de tout honneur, de toute gloire,
parce que leur salut et leur béatitude trouvent en Lui leur
principe et leur fin ».
De même à Reims. C’est le même chant en la
Cathédrale devant le Dauphin confirmé en sa royauté.
Oui, il n’est pas faux de dire, analogiquement, que l’Ascension
est au Christ, ce que le Sacre est au Dauphin, la consécration
de la Royauté, comme pour le Christ, sa divinité.
Au Seigneur, je chante, dans mon « Gloria », « tu
solus Altissimus, tu solus Dominus, tu solus sanctus. »
A Reims, Jeanne fit acclamer le Dauphin. Tu solus Rex Galliae. Tu
solus Princeps. A Toi seul, et non à l’anglais ni au
Duc de Bedford, le trône de France, la terre de France.
Le Christ est le propre Fils de Dieu.
Cela éclate dans la Résurrection et l’Ascension.
Le Dauphin est le seul Roi de France, cela éclate aussi dans
la cathédrale de Reims.
En sa qualité de Fils de Dieu,
le Christ jouit du droit de prétendre à la gloire divine
dans les splendeurs éternelles.En sa qualité de Roi,
vrai Roi, le Dauphin jouit, tout particulièrement du droit
de recevoir son Sacre dans les splendeurs de la Cathédrale
de Reims, au milieu de la liesse populaire, comme le Christ-Seigneur
au milieu des élus et des anges.
Au Christ, à sa divinité,
il lui fallait les hauteurs du Ciel d’où sa gloire et
sa puissance pouvaient désormais rayonner pleinement sur la
société entière des élus et des rachetés.
Au Dauphin, à sa Royauté, il fallait, tout également
et analogiquement, Reims et sa grandeur. C’est en effet du sacre
accompli que la gloire et la puissance du Dauphin, enfin reconnue
put rayonner pleinement sur le cœur de ses sujets, des sujets
de son royaume.
Le sacre confirme et consacre la royauté du Dauphin Charles,
comme l’Ascension, analogiquement, confirme et consacre la divinité
du Christ.
Oui, je peux dire que l’Ascension
est au Christ ce que le sacre est au Dauphin.
Par l’Ascension, le Père a glorifié son Fils.
« Deux exaltavit illum ».
Par le sacre, l’Eglise glorifie le Dauphin lui donnant l’onction
royale afin qu’il règne sur sa terre.
Voilà la finalité de la « geste » johannique.
Sa raison d’être. Sa noblesse.
Voilà la lumière que Jeanne
nous donne du sacre et de sa raison d’être.
Aussi, il me semble que l’on peut
dire également que la foi est au mystère chrétien,
au mystère de l’Ascension ce que Jeanne est à
la grandeur royale, à la grandeur de la monarchie.
La foi me permet de contempler la divinité
de NSJC. Il est vrai Fils de Dieu.
Jeanne est une lumière sur la royauté. Non seulement
elle confirme la royauté du Dauphin. Mais surtout, elle nous
permet de comprendre également le caractère divin du
pouvoir politique. Elle permet que nous comprenions le sens divin
du pouvoir politique. « Omnis potestas a Deo ». «
Tout pouvoir vient de Dieu.
C’est, sous ce rapport, la raison
d’être de Jeanne. Sa mission. Faire éclater non
seulement la race royale du Dauphin. Mais surtout confesser l’origine
divine du pouvoir. Quel que soit son mode d’élection
ou de nomination. Le pouvoir est de Dieu, vient de Dieu et, par conséquent,
doit s’exercer selon Dieu et sa Loi naturelle et surnaturelle.
Ainsi, de même que la foi est une lumière sur les choses
de Dieu. Jeanne est une lumière sur la chose politique. Dès
lors, de même que la foi est précieuse à notre
intelligence pour comprendre le surnaturel, de même Jeanne est
précieuse à notre intelligence pour comprendre l’ordre
temporel.
Et tout au début, je me suis posé
la question du rapport entre la cathédrale de Reims pour le
roi, et le ciel pour le baptisé. Je me demandais si je pouvais
dire que Reims est au Dauphin-Roi ce que le Ciel est au baptisé.
Je pense que c’est, de fait, une analogie tout à fait
soutenable. J’ai dit qu’en la cathédrale de Reims,
son sacre fait éclater la filiation royale du Dauphin. Elle
le confirme. Dès lors il est vrai de dire que le ciel est au
baptisé ce que la cathédrale est au Dauphin. La cathédrale
est le « lieu » du roi. La « maison » du roi,
son lieu. Il y a plein droit parce qu’il est le vrai Roi. De
même le ciel est nôtre, notre lieu, notre maison, parce
que, régénérés par le Baptême, nous
y avons plein droit. « Ex Deo nati sunt ». Si donc nous
sommes « nés de Dieu », nous sommes « fils
de Dieu ». Si donc nous sommes fils, nous sommes héritiers.
« Si filii et haeredes…Coheredes Christi » partageant,
par conséquent, son propre héritage éternel.
Nous rendant enfants de Dieu, le baptême nous rend aussi membres
vivants du corps mystique dont le Christ est la tête. Or les
membres participent à la gloire de la tête et la joie
d’une personne rejaillit sur tout le corps ; c’est pourquoi
nous participons à tous les trésors que le Christ possède.
Ses joies, ses gloires, sa béatitude deviennent nôtres.
Saint Paul est formel : « Dieu est riche en miséricorde
à cause de l’amour immense qu’il nous a porté,
alors que nous étions morts par le péché, il
nous a rendus vivants avec le Christ (car c’est par sa grâce
que vous êtes sauvés), il nous a ressuscités avec
Lui, et il nous a fait asseoir tous avec lui dans les cieux, afin
de manifester par là aux siècles à venir, l’infinie
richesse de sa grâce, par la bonté qu’Il nous témoigne
en Jésus-Christ ». (Ep 2 4-7)
Dès lors, oui vraiment, on peut dire que le baptême est
au chrétien ce que le sacre est au Dauphin. Le baptême
est un titre de gloire, un titre de possession du Ciel, comme le sacre
est un titre de gloire, un titre de possession légitime et
de la couronne et du royaume.
Oh ! Bienheureuse Sainte Jeanne d’Arc
qui nous donne tant de lumière, par son recours au sacre, sur
les choses de ce monde.