A
- " Le Dieu de vérité" par le Cardinal Ratzinger
Nous voilà tous
en vacances. Disons que c’est la période des vacances
La paroisse Saint Michel se doit aussi
d’adapter son contenu à cette période unique.
C’est une période de grande détente…mais
tout autant de réflexion. L’homélie que je vais
vous donner pourra vous aider à réfléchir sur
le mystère de Dieu.
C’est une courte homélie
du cardinal Joseph Ratzinger, celle qu’il donnait à Bayeux,
en la Cathédrale, le 6 juin 2004, à l’occasion
des cérémonies de la Libération de la France
des forces hitlériennes. Il l’a reprise et publiée
dans son ultime livre en tant que cardinal Ratzinger : « L’Europe,
ses fondements aujourd’hui et demain » que je suis en
train de lire et d’étudier.
C’était le jour de la
fête de la Sainte Trinité.
Il nous fait réfléchir
sur Dieu.
« La fête de la Très
Sainte Trinité est différente de toutes les autres fêtes
de l’année liturgique comme Noël, l’Epiphanie,
Pâques, la Pentecôte, où nous célébrons
les merveilles de Dieu accomplies dans l’Histoire : l’Incarnation,
la Résurrection, l’effusion de l’Esprit Saint et,
par conséquent, la naissance de l’Eglise. Aujourd’hui,
nous ne célébrons pas un événement où
« quelque chose » de Dieu se rend visible, mais nous célébrons
le mystère même de Dieu.
Nous nous réjouissons de Dieu,
du fait qu’il soit tel qu’il est, nous lui rendons grâce
d’exister, nous sommes reconnaissants de ce qu’il soit
ce qu’il est, de ce que nous puissions le connaître et
l’aimer, et de ce qu’il nous connaisse, nous aime et se
manifeste à nous.
Mais l’existence de Dieu, son
être, le fait qu’il nous connaisse, est-ce là vraiment
un motif de joie ? Sans doute, ce n’est pas chose facile à
comprendre et à expérimenter.
Les divinités païennes.
Beaucoup de divinités des différentes
religions des peuples dans le monde sont effrayantes, cruelles, égoïstes,
un insondable mélange de bien et de mal. Le monde antique était
marqué par la peur des dieux, et par la crainte de leur mystérieuse
puissance : il s’agissait de se rendre les dieux propices, d’échapper
à leurs caprices ou à leur mauvaise humeur.
La mission du christianisme : faire
connaître le vrai Dieu, vrai renversement libérateur
La mission du christianisme comprenait
une force libératrice, qui a pu chasser tout un monde d’idoles,
de divinités, considérées comme néant
et illusoires apparences. En même temps, il a annoncé
ce Dieu qui, en Jésus, s’est fait homme, le Dieu qui
est amour et raison. Ce Dieu est plus fort que toutes les puissances
obscures que le monde peut contenir : « Nous savons qu’il
n’y a aucune idole dans le monde et qu’il n’y a
d’autre dieu que le Dieu unique. Car, bien qu’il y ait
de prétendus dieux au ciel ou sur la terre - et il y a de fait
plusieurs dieux et plusieurs seigneurs -, il n’y a pour nous
qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et vers qui
nous allons… » (1 Cor 8 4-6).
Le vrai Dieu, vrai libérateur
des fausses craintes aux fausses divinités
Aujourd’hui encore, ce message
constitue un renversement libérateur par rapport à toutes
les anciennes religions traditionnelles : il n’y a plus lieu
de craindre les esprits qui nous entourent de tous côtés,
allant et venant sans cesse, dont on s’efforce vainement des
se libérer. Quiconque se tient « sous l’abri du
Très-Haut et repose à l’ombre du Puissant »
(Ps 90, 1), sait qu’il se trouve en sécurité,
tendrement gardé par celui qui lui offre un refuge accueillant.
Qui connaît le Dieu de Jésus-Christ sait qu’ont
disparu aussi toutes les autres formes de peur devant Dieu, que sont
dépassées toutes les formes de déchirante angoisse
existentielle, répandues à travers le monde, de manière
toujours renouvelée.
L’existence de Dieu et la liberté
humaine.
Face à toutes les horreurs
du monde, la même question ne cesse de revenir : Dieu existe-t-il
? S’il existe, est-il vraiment bon ? Ne serait-il pas plutôt
une réalité mystérieuse et dangereuse ?
Aux temps modernes, cette question
se présente différemment : l’existence de Dieu
semble être une limite à notre liberté. Il est
ressenti comme une sorte de surveillant qui nous poursuit de son regard.
La révolte contre Dieu prend, à l’époque
moderne, les traits d’une terreur devant le regard omniprésent
de Dieu. Regard qui nous apparaît comme une menace ; nous préférons,
en effet, ne pas être vus, nous voulons purement et simplement
être nous-mêmes, rien d’autre. L’homme se
sent libre, il ne se sent vraiment lui-même que lorsque Dieu
est mis de côté. L’histoire d’Adam le dit
déjà, il voit Dieu comme un concurrent : Adam veut mener
sa vie, tout seul, il cherche à se cacher de Dieu « parmi
les arbres du jardin » (Gen 3 8). Sartre a aussi affirmé
qu’il faut nier Dieu, même s’il devait exister,
car le concept de Dieu s’oppose à la liberté et
à la grandeur de l’homme.
Dieu, contrainte à ma liberté.
Illusion
Mais ainsi le monde serait-il devenu
plus rayonnant, plus libre, plus heureux, après avoir mis Dieu
de côté ? L’homme ne se serait-il pas dépouillé
de sa propre dignité, voué à une vaine liberté
qui fait des choix cruels, impitoyables, de toute sorte ?
Dieu est amour, raison de ma liberté.
Le regard de Dieu ne nous épouvante
que si nous le concevons comme nous réduisant à une
sorte de servitude, d’esclavage ; mais si nous y lisons l’expression
de son amour, nous découvrons alors qu’il est la condition
fondamentale de notre être, qu’il est ce qui nous fait
vivre. « Philippe, qui m’a vu a vu le Père »,
dit Jésus à Philippe et à vous tous (Jn 14 9).
Le visage de Jésus est le visage même de Dieu. Pour nous,
Jésus a souffert et, par sa mort, il nous donne la paix, il
nous révèle qui est Dieu. Son regard, loin d’être
une menace, est un regard qui nous sauve.
Dieu, sa présence.
Oui, nous pouvons nous réjouir
de ce que Dieu existe, qu’il se soit révélé
aux hommes et qu’il ne nous laisse pas seuls. Combien il est
consolant de savoir le numéro de téléphone d’un
ami, de connaître des personnes de bien qui nous aiment, qui
sont toujours disponibles, ne se montrent jamais distantes : à
tout instant, nous pouvons les appeler et elles peuvent nous
appeler. Dieu a inscrit nos noms sur
son annuaire téléphonique ! Il est toujours à
l’écoute : nous n’avons besoin ni d’argent
ni de technique pour l’appeler. Grâce au Baptême
et à la Confirmation, il nous est donné de faire partie
de sa famille. Il est toujours prêt à nous accueillir
: « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à
l fin des temps » (Mt 28 20)
Le « Paraclet »
Mais l’Evangile de ce jour ajoute
une affirmation particulièrement importante : Jésus
promet l’Esprit Saint (Jn 16 13) qu’il appelle, à
diverses reprises, le « Paraclet ». Qu’est-ce que
cela signifie ? En latin, ce mot est traduit « consolateur »,
le Consolateur. Librement traduit, ce mot latin veut dire : Celui
qui se tient auprès de nous lorsque nous nous sentons seuls.
Ainsi, notre solitude cesse d’être une solitude. Pour
l’homme, celle-ci est souvent le lieu de la tristesse : il a
besoin d’amour, dont l’absence est mise en évidence,
précisément, par la solitude ; elle signifie un manque
d’amour ; elle est quelque chose qui menace, au plus profond,
notre qualité de vie. Le fait de ne pas être aimé
est le noyau central de la souffrance humaine, de la tristesse d’une
personne. Le mot « Consolator » nous dit justement que
nous ne sommes pas seuls, que jamais nous ne pouvons nous sentir privés
d’amour. Par le don de l’Esprit Saint, Dieu est entré
dans notre solitude, il l’a brisée. Il s’agit en
vérité d’une authentique consolation ; elle ne
consiste pas en paroles, elle a la force d’une réalité
agissante et efficace. C’est de cette définition de l’Esprit
Consolateur que découla, au Moyen-âge, le devoir, pour
les hommes, de pénétrer dans la souffrance de quiconque
souffre. Les premiers hospices et hôpitaux furent d’abord
dédiés à l’Esprit Saint : ainsi les hommes
se chargeaient-ils de la mission de poursuivre l’œuvre
de l’Esprit ; ils s’employaient à être des
« consolateurs », à pénétrer dans
la solitude des souffrants, des personnes âgées, pour
y dispenser de la lumière.
Et pour nous, aujourd’hui encore,
en notre époque, c’est un grave devoir.
Dieu, l’ « avocat ».
De plus, le mot grec « paracletos
» peut encore se traduire autrement, il signifie aussi : «
avocat ». Un texte du Livre de l’Apocalypse peut nous
aider à mieux comprendre : « Et j’entendis une
voix forte qui, dans le ciel, disait : Voici le temps du salut, de
la puissance et du règne de notre Dieu, et de l’autorité
de son Christ ; car il a été précipité
l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant
notre Dieu, jour et nuit » (Ap. 12, 10) Qui n’aime pas
Dieu de tout son cœur, n’aime pas non plus l’homme.
Ceux qui nient Dieu deviennent rapidement des personnes qui détruisent
la nature et mettent l’homme en accusation, car accuser les
autres hommes et la nature leur permet de mieux justifier leur opposition
à Dieu ; un Dieu qui a fait cela ne peut être bon ! Telle
est leur logique. L’Esprit Saint, l’Esprit de Dieu n’est
pas accusateur, il est avocat de la défense de l’homme
et de la création. Dieu lui-même se tient du côté
de l’homme et des créatures. Dans la création,
c’est en prenant notre défense que Dieu s’affirme
et se défend. Dieu est pour nous, cela nous le voyons clairement
tout au long du cheminement de Jésus : lui seul se tient de
notre côté, ne fait qu’un avec nous jusque, et
y compris, dans la mort.
Si Dieu est pour moi, que craindrai-je
?
Le découvrir a provoqué,
chez saint Paul, une explosion de joie : « Si Dieu est pour
nous, qui sera contre nous ? (…) Qui accusera les élus
de Dieu ? Qui condamnera ? Jéus-Christ est mort, bien plus,
il est réssuscité, lui qui est à la droite de
Dieu et qui intércède pour nous ! (…) Oui, j’en
ai l’assurance : ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les
dominations, ni le présent, ni l’avenir, ni les puissances,
ni ls forces des hauteurs, nik celles des profondeurs, ni aucune créatures,
rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté
en Jéasus-Christ notre Seigneur » (Rm 8 31-39)
Ce Dieu est pour nous un motif de
joie, et nous voulons le célébrer.
Les implications politiques de la
connaissance de Dieu
Le connaître et le reconnaître
a, pour notre époque, une importance capitale. Nous sommes
en train de nous remémorer les terribles jours de la Seconde
Guerre mondiale, heureux de ce que le dictateur Hitler ait disparu,
avec toutes ses atrocités, et de ce que l’Europe ait
pu retrouver la liberté. Mais nous ne pouvons pas oublier le
fait que, aujourd’hui encore, le monde souffre de menaces et
d’autres cruautés. Dévoyer, instrumentaliser l’image
de Dieu, négation qui s’est exprimée dans les
idéologies du XXe siècle, et dans les régimes
totalitaires issus d’elles, transformant le monde en un désert
aride, au-dehors et au-dedans, jusque dans les profondeurs de l’âme.
En ce moment historique, précisément, l’Europe
et le monde ont besoin de la présence de Dieu qui s’est
révélée en Jésus ; ils ont besoin que
Dieu reste près de hommes par le truchement de l’Esprit
Saint. Il est de notre responsabilité de chrétiens que
ce Dieu demeure dans notre monde, qu’il lui soit présent
comme l’unique puissance capable de préserver l’homme
d’une autodestruction.
Dieu est aussi « un et trine
». L’icône de Roublev.
Dieu est un et trine : il n’est
pas une solitude éternelle, mais il est amour éternel,
amour que fonde la réciprocité des Personnes, et est
cause première, fondement originaire de la totalité
de l’être, ainsi que de toute forme de vie. L’unité
engendrée par l’amour, l’unité trinitaire,
est une unité infiniment plus profonde que l’unité
- indivisible d’un point de vue matérielle - d’une
pierre de construction.
Cette unité suprême n’est pas rigidement statique,
elle est amour. La plus belle représentation figurative de
ce mystère, Andreï Roublev nous en fait le cadeau au XVe
siècle : c’est la si célèbre icône
de la Trinité. Sans doute, elle ne représente pas le
mystère éternel de Dieu en lui-même : qui se risquerait
à le faire ? Mais elle tente plutôt de représenter
ce mystère en le reflétant à travers le don de
soi dans l’Histoire, ainsi que l’évoquent les trois
hommes rendant visite à Abraham, près des chênes
de Manbré (Gen 18 1-33). Abraham perçut aussitôt
qu’il ne s’agissait pas d’hommes comme les autres,
mais qu’à travers eux, Dieu lui-même venait à
lui. Dans l’icône de Roublev, le mystère de cet
événement est rendu visible, présenté
comme un événement admirable en ses multiples dimensions
: ainsi le mystère, en tant que tel, est respecté. La
richesse artistique de cette icône me permet de souligner une
autre caractéristique : il s’agit de l’atmosphère
naturelle de cet événement, qui exprime le mystère
des Personnes. Nous sommes prés du chêne de Mambré,
que Roublev stylise en un arbre représentant l’arbre
de la vie ; et cet arbre de la vie n’est rien d’autre
que l’amour trinitaire qui a créé le monde, le
soutient, le sauve, et est source de toute vie. Nous voyons encore
la tente, la demeure d’Abraham, qui nous renvoie au Prologue
de Jean : « Et le Verbe s’est fait chair et il a planté
sa tente parmi nous. » (Jn 1 14) Le corps du Verbe de Dieu fait
homme est devenu lui-même la tente, la demeure où Dieu
habite : Dieu devient notre refuge et notre demeurer. Enfin, ce que
présente Abraham, « un veau tendre et gras », est
remplacé, dans l’icône, par la coupe, signe de
l’Eucharistie, signe du don où Dieu se livre lui-même
: « l’amour, le sacrifice, l’immolation précèdent
l’acte de la création du monde, tous à sa source
». L’arbre, la tente, la coupe : ces éléments
nous désignent le mystère de Dieu, nous incitent à
plonger notre regard en son intimité, en son amour trinitaire.
Voilà le Dieu que nous célébrons.
Voilà le Dieu qui fait notre joie. Il est la véritable
espérance de notre monde. Amen.
Andreï Roublev a
fait ses études iconographiques en Bulgarie. Moine, il a
vécu entre le 14 et le 15 siècle. Il devint chef de
file de l’école de Moscou, influencé par la
tradition iconographique byzantine.
Andreï¨Roublev ( vers 1360
et 1430) : la plupart des peintres d’icônes restaient
anonymes, mais lui a laissé sa griffe sur les icônes
les plus précieuses, les plus poétiques. Après
le déclin de Constantinople, Moscou seule peut prétendre
à une suprématie artistique dans le domaine de l’icône.
La cité possède des maîtres qui dirigent le
travail en atelier et le marquent de leur personnalité. Andreï
Roublev devient chef de file de l’école de Moscou,
influencé par la tradition iconographique byzantine.
En 1405, il travaille avec Théophane
le Grec à la décoration de la cathédrale de
l’Annonciation du Kremlin, où il peint dans l’iconostase
l’ensemble des fêtes : de l’Annonciation à
l’entrée du Christ à Jérusalem. En 1408,
il est invité à peindre dans la cathédrale
de la Dormition à Vladimir avec l’iconographe Daniel
Tchiorny.
La Trinité (début
du 15, galerie Tretiakov) l’une des œuvres maîtresses
de Roublev, par sa composition sage et simple à la fois,
offre les caractéristiques essentielles d’un chef-d’œuvre.
Peintre de génie, Roublev
a élevé son art au plus haut niveau. Les icônes
n’en finiront pas de nous émerveiller.
Son chef-d’œuvre, la Trinité et bien d’autres
de ses créations sont exposées à la galerie
Tretiakov de Moscou.

L’icône originale est très grande
: elle mesure 141 cm x 112 cm. Elle faisait partie initialement
de l’iconostase de la cathédrale de la Trinité
de la célèbre laure (monastère) de la Trinité
à Zagorsk (actuellement Serguiev Possad), à 60 km
au nord-est de Moscou.
Lecture descriptive
Les trois personnages ont des ailes, des auréoles,
des bâtons. Leurs visages se ressemblent : ils sont habillés
de la même façon, mêmes tuniques et manteaux,
mais dans des couleurs différentes. Ils ont en commun une
couleur bleue. Ils sont assis autour d’une table.
L’ange du milieu et l’ange de droite
ont un même mouvement de tête vers l’ange de gauche,
qui renvoie ce mouvement à l’ange de droite. Celui-ci,
par le regard et par la main, prolonge le mouvement vers la coupe
et la petite ouverture rectangulaire qui se trouve sur le devant
de la table.
L’ange central est légèrement
surélevé, il porte les couleurs impériales
pourpre et bleue ; l’ange de gauche a un manteau aux couleurs
chatoyantes et l’ange de droite un manteau vert, tous deux
ont une même tunique bleue.
La coupe sur la table occupe une place importante
: elle est au centre des trois personnes ; leurs mains droites sont
orientées vers elle ; la table forme elle-même une
coupe.
Les trois personnages s’inscrivent dans un
cercle formé par le mouvement de leurs corps et de leurs
têtes ; ils s’inscrivent aussi dans un cercle plus vaste
qui englobe le rocher - quelque peu effacé -, l’arbre
et la maison, au-dessus de la tête de chacun des trois personnages.
Un axe central vertical réunit l’arbre,
le personnage central, la coupe et la confessio, c’est-à-dire
l’ouverture rectangulaire devant la table : c’est l’ouverture
que l’on trouve dans les autels romains pour laisser aux fidèles
la possibilité de voir le tombeau des martyrs sous l’autel.
Lecture Biblique et théologique
L’origine de la scène se situe dans
la vie d’Abraham (Genèse, chapitre 18).
Abraham reçoit, avec de grandes marques d’attention,
trois voyageurs mystérieux qui lui annoncent que, malgré
son grand âge, Sarah, sa femme, enfantera l’enfant que
Dieu lui a promis. En raison de cette origine, l’icône
porte le nom de l’hospitalité d’Abraham.
La scène biblique est devenue rapidement
pour les chrétiens une scène de la révélation
de la Sainte-Trinité, si bien que l’icône porte
aussi le nom de Colloque divin ou Conseil éternel.
L’icône a ainsi deux dimensions inséparables.
Elle représente une scène de la vie d’Abraham
et évoque en même temps les plus grands mystères
chrétiens.
Les trois pèlerins deviennent les trois personnes
divines, les bâtons leur sceptre de puissance. La table avec
une unique coupe est l’autel. Le rocher est tout à
la fois l’évocation de la montagne du sacrifice d’Isaac
et de la montagne du Golgotha. L’arbre, c’est le chêne
de Mambré, mais aussi l’arbre de vie des origines,
relié à l’eucharistie par l’axe central
de l’image. La maison, c’est l’évocation
de la tente d’Abraham et du temple qu’est l’Eglise.
Croire au Dieu Trinité, c’est changer
l’image qu’on se fait de Dieu. C’est aussi changer
l’image qu’on se fait de l’homme. Croire au Dieu
Trinité, c’est en même temps croire en l’homme.
Si la vie de Dieu est vie de relation, l’homme, créé
à son image, se réalise en devenant un être
de relation. Oui, vraiment, tout homme est une histoire sacrée
!
«
Collaborateur de la vérité »
Sa naissance
Le Cardinal Joseph Ratzinger, le Pape
Benoît XVI, est né à Marktl am Inn, dans le diocèse
de Passau (Allemagne), le 16 avril 1927 (Samedi saint); il a été
baptisé le jour même. Son père, officier de gendarmerie,
était issu d’une vieille famille d’agriculteurs
de Bavière du Sud, aux conditions économiques très
modestes. Sa mère était fille d’artisans de Rimsting,
au bord du lac Chiem. Avant son mariage, elle travailla comme cuisinière
dans divers hôtels.
Son enfance et son adolescence
Son enfance et son adolescence se
sont déroulées dans la petite ville de Traunstein, près
de la frontière autrichienne, à trente kilomètres
de Salzbourg. Dans ce cadre qu’il a lui-même qualifié
de « mozartien », il reçut sa formation chrétienne,
humaine et culturelle.
La période de sa jeunesse ne
fut pas facile. La foi et l’éducation reçue dans
sa famille l’avaient préparé à affronter
la dure expérience des temps où le régime nazi
entretenait un climat de forte hostilité contre l’Église
catholique. Le jeune Joseph vit ainsi les nazis frapper de coups le
curé de sa paroisse peu avant la célébration
de la Messe
C’est dans cette situation complexe
qu’il découvrit la beauté et la vérité
de la foi au Christ ; l’attitude de sa famille fut pour lui
fondamentale, car elle donna un témoignage lumineux de bonté
et d’espérance, enracinée qu’elle était
dans une vive conscience de son appartenance à l’Église.
Durant les derniers mois de la deuxième
guerre mondiale, il fut enrôlé dans les services auxiliaires
de défense antiaérienne.
De 1946 à 1951, il étudie
la philosophie et la théologie à l’Institut supérieur
de Freising et à l’Université de Munich.
Il est ordonné prêtre
le 29 juin 1951.
Ses études. Son enseignement.
L’année suivante, il
commence à enseigner à l’Institut supérieur
de Freising.
En 1953, il obtient son doctorat en
théologie avec une thèse intitulée : «
Peuple et maison de Dieu dans la doctrine de l’Église
chez saint Augustin ».
Quatre ans plus tard, sous la direction
du renommé Professeur de théologie fondamentale Gottlieb
Söhngen, il obtient son habilitation à l’enseignement
avec une dissertation sur « La théologie de l’histoire
chez saint Bonaventure ».
Tout en exerçant ses charges
de professeur de théologie dogmatique et fondamentale à
l’Institut supérieur de philosophie et de théologie
de Freising, il poursuit son activité d’enseignement
à Bonn, de 1959 à 1963 ; à Münster, de 1963
à 1966 ; et à Tübingen, de 1966 à 1969.
Au cours de cette dernière année, il obtient la chaire
de dogmatique et d’histoire du dogme à l’Université
de Ratisbone, où il exerce également la charge de vice-président
de l’Université.
De 1962 à 1965, il contribue
de façon remarquable au Concile Vatican II en tant qu’expert
; il assiste le Cardinal Joseph Frings, Archevêque de Cologne,
comme Conseiller théologique.
Son intense activité scientifique
l’amène à assumer d’importantes charges
au sein de la Conférence épiscopale allemande et de
la Commission théologique internationale.
En 1972, avec Hans Urs von Balthasar,
Henri de Lubac et d’autres grands théologiens, il lance
la revue théologique « Communio ».
Le 25 mars 1977, le Pape Paul VI le
nomme Archevêque de Munich et Freising
Le 25 mars 1977, le Pape Paul VI le
nomme Archevêque de Munich et Freising. Il reçoit l’ordination
épiscopale le 28 mai suivant. Il était le premier prêtre
diocésain à assumer la charge pastorale de ce grand
diocèse bavarois depuis quatre-vingt ans. Sa devise épiscopale
est : « Collaborateur de la vérité ». À
cette occasion, il expliqua lui-même : « Il me semblait,
d’une part, que cela soulignait le lien entre mon travail de
professeur et ma nouvelle mission. Si les activités étaient
différentes, il n’en demeurait pas moins que ce qui était
en jeu c’était toujours suivre la vérité
et être à son service. D’autre part, j’ai
choisi cette devise parce que, dans le monde qui est le nôtre
aujourd’hui, on oublie presque complètement le thème
de la vérité, tant cela paraît trop élevé
pour l’homme, et pourtant, si la vérité vient
à manquer, tout s’écroule ».
Cardinal, le 27 juin 1977
Paul VI le créa cardinal au
Consistoire du 27 juin 1977 avec le titre de « Santa Maria Consolatrice
al Tiburtino ».
En 1978, il prend part au Conclave
qui se tient du 25 au 26 août et qui élit Jean-Paul Ier.
Celui-ci le nomme son Envoyé spécial au IIIe Congrès
mariologique international célébré à Guayaquil
(Équateur), du 16 au 24 septembre. Au mois d’octobre
de cette même année, il participe au Conclave qui élit
Jean-Paul II.
Il est rapporteur à la Ve Assemblée
générale ordinaire du Synode des Évêques,
célébrée en 1980, sur le thème : «
La mission de la famille chrétienne dans le monde contemporain
». Il est Président délégué à
la VIe Assemblée générale ordinaire, célébrée
en 1983, sur « La réconciliation et la pénitence
dans la mission de l’Église ».
Préfet de la Congrégation
pour la Doctrine de la foi
Nommé par Jean-Paul II, le
25 novembre 1981, Préfet de la Congrégation pour la
Doctrine de la foi et Président de la Commission biblique pontificale
ainsi que de la Commission théologique internationale, il renonce
au gouvernement pastoral de l’archidiocèse de Munich
et Freising le 15 février 1982. Le 5 avril 1993, le Pape l’élève
au rang de Cardinal-Évêque en lui confiant le siège
suburbicaire de Velletri-Segni.
Il fut Président de la commission
qui a préparé le Catéchisme de l’Église
catholique et qui, après six années de travaux (1986-1992),
présenta au Saint-Père le nouveau Catéchisme.
Le 6 novembre 1998, le Saint-Père
approuva l’élection du Cardinal Ratzinger comme Vice-Doyen
du Collège des Cardinaux, élection qui avait été
faite par les Cardinaux de l’ordre des évêques.
Le 30 novembre 2002, il approuva son élection comme Doyen ;
lui conférant en plus, avec cette charge, le titre suburbicaire
d’Ostie.
En 1999, il est Envoyé spécial
du Pape aux célébrations qui, le 3 janvier, marquent
le XIIe centenaire de la création du diocèse de Paderborn,
en Allemagne.
Le 13 novembre 2000, il est devenu
Académicien honoraire de l’Académie pontificale
des Sciences.
Dans la Curie Romaine, il fut membre
du Conseil de Cardinaux et Évêques de la Secrétairerie
d’État, Section pour les Relations avec les États
; membre des Congrégations suivantes : pour les Églises
orientales, pour le Culte divin et la discipline des Sacrements, pour
les Évêques, pour l’Évangélisation
des Peuples, pour l’Éducation catholique, pour le Clergé
et pour les Causes des Saints. Il fut membre du Conseil pontifical
pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens et
membre du Conseil pontifical pour la Culture ; membre du Tribunal
de la Signature apostolique ; et aussi des Commissions pontificales
pour l’Amérique latine, « Ecclesia Dei »,
pour l’Interprétation authentique du Code de Droit canonique,
et pour la Révision du Code des Canons des Églises orientales.
Ecrivain
Parmi ses nombreuses publications,
le livre « Introduction au christianisme » occupe une
place particulière, il y reprend les cours universitaires publiés
en 1968 sur la profession de foi apostolique ; il faut mentionner
également « Dogme et révélation »
qui est une anthologie d’essais, de prédications et de
réflexions sur la pastorale.
Le discours qu’il prononça
devant l’Académie catholique de Bavière, sur le
thème « Pourquoi est-ce que je continue à vivre
malgré tout dans l’Église ? », reçut
un large écho : il y affirmait avec son habituelle clarté
que « c’est dans l’Église seulement que l’on
peut être chrétien et non pas à côté
d’elle ».
Au fil des années ses publications
abondantes n’ont cessé d’apporter à ceux
qui voulaient approfondir la théologie un point de référence
sûr. En 1985, il publia le livre-entretien « Rapport sur
la foi » et, en 1996, « Le sel de la terre ». Pour
son soixante-dixième anniversaire, le livre « À
l’école de la vérité » recueillait
les réflexions de divers auteurs qui mettaient en lumière
les différents aspects de sa personnalité et de son
œuvre.
Il a reçu de très nombreux
doctorats « honoris causa »: de la part de l’Université
Saint-Thomas, à Saint-Paul (Minnesota, USA), en 1984 ; de l’Université
catholique de Eichstätt (Allemagne), en 1987 ; de l’Université
catholique de Lima (Pérou), en 1986 ; de l’Université
catholique de Lublin (Pologne), en 1988 ; de l’Université
de Navarre (Pampelune, Espagne), en 1998 ; de l’Université
libre Santissima Maria Assunta (LUMSA, Rome), en 1999 ; de la Faculté
de théologie de l’Université de Wroclaw (Pologne),
en 2000.
|