Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

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Du 28 au 3 septembre

Quinziéme Dimanche après la Pentecôte

 

A- Homélie du dimanche.

« Prête l’oreille Seigneur»
« Inclina, Domine, aurem tuam ad me »

« Sauve ton serviteur qui espère en toi »
« Salvum fac servum tuum ».

« Réjouis l’âme de ton serviteur »
« Laetifica animam servi tui »

« Car vers Toi, Seigneur, j’élève mon âme ».

Oh ! Quelle magnifique prière de l’âme chrétienne !
De cette prière, de son objet, nous en avons une magnifique intelligence dans l’Evangile de ce dimanche, une magnifique illustration.

C’est en effet l’évangile de la résurrection de l’enfant de la veuve, à la porte de Naïm où l’on voit NSJC « porter son attention sur la misère de cette veuve…et lui redonner son fils ». Il « incline » son regard vers la veuve et sa peine…Avec cet exemple évangélique, avec cette contemplation, gardée en mon cœur, de Jésus se penchant vers la veuve…je peux faire mienne cette prière de l’Introït et l’adresser à NSJC : « Inclina Domine aurem tuam », comme tu le fis sur le chemin de Naïm en regardant cette femme. Je peux m’enhardir et crier, à mon tour, comme le psalmiste : « Inclina aurem tuam ad me…Exauce ma prière…Sauve ton serviteur, comme tu sauvas jadis à Naïm et le fils et la mère. « Laetifica animam servi tui » « Réjouis l’âme de ton serviteur » comme jadis, à la porte d’une ville, Naïm, tu réjouis le cœur de la mère, affligée, déjà veuve, lui redonnant son fils unique.

Ainsi l’introït de cette messe et l’évangile s’appellent l’un l’autre. L’évangile est la meilleure illustration possible de la vérité de la prière exprimée dans l’Introït. Cet évangile nous montre la compassion en acte de Jésus à l’égard de la veuve. Fort de cet exemple, nourri de cet exemple, je peux crier vers Dieu cette prière de confiance : « Inclina aurem tuam, Domine ad me », « Incline Seigneur, ton oreille vers ton serviteur ».
Mais cette compassion, ce désir de faire le bien, qui fut l’âme même du ministère de NSJC doit être également l’âme de tout chrétien. Et c’est l’enseignement de l’Epître de ce dimanche : « Ainsi donc, nous dit Saint Paul, durant le temps qui nous est donné, pratiquons le bien à l’égard de tous, mais surtout à l’égard de nos compagnons de la foi… »… Comme le Christ le fit…et avec quelle douceur, à l’égard de la veuve de Naïm.

Voilà encore une belle messe, très bien construite, dans une belle unité de sentiments où tous les textes concourent à justifier et le choix du psaume 85, 1-4 de l’Introït que nous venons de citer et du psaume 39, 2-4 de l’Offertoire : « Expectans exspectavi Dominum et respexit me et exaudivit deprecationem meam ». « Il a entendu mon appel et il a mis en ma bouche un cantique nouveau, une hymne à notre Dieu » : « un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple ».

Voilà, MBCF, une belle messe.
Reprenons rapidement tous ces thèmes.

Suivons NSJC dans le récit de cet évangile de la veuve de Naïm.

NSJC fait route vers Naïm, accompagné de ses disciples, « cum eo discipuli eius », mais aussi d’une foule nombreuse. « Et turba copiosa ». Ce mot « copiosa » vient de « copia » qui veut dire « abondance ». C’est la fortune, c’est la richesse, la foule, le grand nombre. Et « copiosus » veut dire : « qui possède en abondance…opulent, copieux, abondant. Or « turba » c’est déjà la multitude, le grand nombre, c’est la foule nombreuse et mêlée.

Voici qu’il approche de la porte de la ville de Naïm. Un cortège funèbre se présente au même instant. L’évangéliste nous le décrit. On porte un mort « defunctus ». Mais il précise : c’est un fils unique, « filius unicus », « filius unicus matris suae », littéralement « un fils unique de sa mère ». Mais plus encore : voilà que la mère de ce fils unique était déjà veuve. Elle avait donc mis en lui, vraisemblablement, toute sa consolation. Elle avait reporté sur lui, son unique, son affection de mère, une veuve. Son veuvage était un peu égaillé, tout de même, par la présence de son fils. On peut ainsi mesurer la désolation de cette mère, sa tristesse, sa douleur.

Sa douleur, du reste, fut ressentie par les gens de la ville. Dans de telles circonstances, la compassion est réelle et s’exprime spontanément. Le plus grand nombre a voulu s’unir à sa peine et lui porter quelques consolations, lui manifester son estime et sa compassion. Et de fait, la ville s’était émue de tant de malheurs répétés…L’évangéliste remarque, de fait, la « grande foule » qui accompagne la veuve. « Et turba civitatis multa cum illa ».

Cela dut faire du monde à la porte de la ville…un peu comme à Cologne autour du Pape…La foule « copiosa » avec Jésus, la foule « multa » avec la veuve de Naïm.

Et dès que Jésus la vit, il eut lui aussi de la compassion : « Quam cum vidisset Dominus misericordia motus super eam ».

Sa miséricorde est spontanée. Elle jaillit spontanément de la vue de ce spectacle. Dès qu’il la voit, il est ému. C’est cette vision qui engendre sa désolation, son émotion, sa compassion « super eam ».

Ce sont les « larmes » de cette femme qui l’émeut. NSJC a du coeur. Il est bon, compatissant.

Il lui dit : « Ne pleure pas ». Il fait arrêter les porteurs et se tournant vers le fils unique mort, lui dit d’une voix forte : « Jeune homme, « adolescens » je te l’ordonne, lève toi, « tibi dico, surge ». Il y a de l’énergie dans cet ordre. Il met sa toute puissance au service de sa miséricorde.
Et le mort se redressa et s’assit et il se mit à parler. Il y a de l’énergie dans cette scène. Il n’y a rien de mièvre, rien de mou. La mollesse, la mièvrerie ne sont pas les « compagnons » de la compassion !

Et le geste final est remarquable, d’une délicatesse merveilleuse, d’une noblesse parfaite. Avec quelle douceur et sourire, Jésus dut remettre l’adolescens à sa mère : « et dedit illum matri suae ».

Voilà une très belle action traduite par quatre verbes : « tibi dico : surge » et celui qui était mort « resedit » et « coepit loqui » et Jésus « dedit illum matri suae ».

Et la conclusion de la scène est fabuleuse : tous magnifient Dieu : « Magnificabant Deum ». Ils le glorifiaient. Ils chantaient sa gloire comme Notre Dame dans son « Magnificat ». C’est le même verbe : « magnificare »

Ainsi cette scène évangélique justifie amplement la prière de l’Introït.

Je peux moi aussi Le supplier, Le prier. Je sais qu’Il est attentif à la misère. Il le fut à Naïm. Et je peux lui dire : « Inclina Domine aurem tuam ad me » Je peux lui dire « d’incliner son oreille vers moi ». Il est sensible à la peine. Il le fut à Naïm.

Il y a de la tendresse affectueuse dans cette prière. Le choix du mot « inclinare aurem tuam » exprime bien cette délicatesse, cette affection. Je fais appel à la tendresse de mon « bienfaiteur ». Et c’est normal. Celui, du reste, qui a de la compassion, a aussi de la douceur, de la prévenance. Tel est Notre Dieu qui s’est révélé en NSJC, à la porte de Naïm.

Je peux lui dire dans ma détresse : « salvum fac servum tuum », « Sauve ton serviteur, toi qui a sauvé l’enfant de la veuve »… Je peux « espérer en Toi », je peux espérer être sauvé…par celui qui a appelé de la mort à la vie, l’enfant de Naïm, le fils de la veuve.

Je peux lui dire aussi « Miserere mihi », aie pitié de moi, Toi qui as eu aussi pitié de la douleur de cette femme de Naïm. Toi qui as su, remettant l’enfant à sa mère, réjouir profondément son cœur…Je peux également Te supplier de réjouir, cette fois, mon âme : « Laetifica animam servi tui », comme hier tu le fis pour cette veuve.

Alors s’il en est ainsi, avec le palmiste, je peux, à juste titre, chanter le psaume de l’Offertoire : « J’ai mis tout mon espoir dans le Seigneur »…. « Il s’est penché vers moi » : « respexit me ».
« Respicere » veut dire : regarder, arrêter ses regards sur… Tourner ses regards vers…Mais, dans ce verbe, il y a aussi une nuance d’affection. C’est un regard de bonté. C’est le verbe utilisé par Saint Jean dans la scène douloureuse de la trahison de Saint Pierre. Et c’est ce regard du Christ, plein d’affection qui toucha le cœur de Pierre après son reniement : « Respexit illum ». « Et se tournant il le regarda… » et Saint Pierre se retira pleurant amèrement.

Et il a mis en ma bouche un cantique nouveau, « hymnum Deo nostro », une hymne à Notre Dieu…comme hier, à la porte de Naïm, il fit chanter par cette immense foule, les « mirabilia Dei ».

Alors on comprend aussi à la lumière de cet évangile de Jésus à la porte de Naïm, le choix du « Graduel » et de l’ « Alleluia » : « Il est bon de louer le Seigneur, de chanter ton nom, d’annoncer ta miséricorde dès le matin et ta fidélité jusque dans la nuit ». « Alleluia, c’est un grand Dieu que le Seigneur. Il a ressuscité de la mort l’enfant de la veuve ».


Et puisque je suis dans l’admiration de la compassion de notre Dieu en NSJC, puisque j’admire sa miséricorde, ce cœur qui fait du bien, qui a su être attentif à la douleur de la femme, je dois avoir moi-même même miséricorde, même compassion. Et comme Lui aimer à faire le bien. Mais c’est l’enseignement de l’Epître : « Agissez, nous dit saint Paul, vous les spirituels dans un esprit de douceur ». En latin c’est « in spiritu lenitatis ». « Lenitas » veut dire douceur, tendreté, bonté, clémence, indulgence, paisiblement. On dira, en ce sens que « ce fleuve a un cours paisible ». « Lenitudo » se traduit par « douceur, bonté ». Ainsi agir « in spiritu lenitatis », c’est agir avec douceur et bonté. C’est l’ordre de saint Paul….Mais parce que d’abord ce fut l’attitude du Maître devant la femme à la porte de Naïm, comme elle le fut devant la femme prise en flagrant délit d’adultère…. Il faut avoir même agir. C’est l’attitude du prêtre.

Et Saint Paul insiste une deuxième fois : « Faisons le bien sans nous lasser ». Et encore une troisième fois, à la fin de son texte : « operemus bonum ad omnes », « pratiquons le bien à l’égard de tous, mais surtout à l’égard de nos compagnons dans la foi ».

Voilà une belle messe, bien ordonnée et d’une unité merveilleuse.


B- Le Dimanche 28 août à Castel Gandolfo : les paroles de Benoît XVI à l’Angelus de midi.

 

Il fait quelques considérations sur son voyage à Cologne.

Chers frères et sœurs,

L’expérience vécue à Cologne à l’occasion de la Journée mondiale de la Jeunesse, la semaine dernière a vraiment été une expérience ecclésiale extraordinaire, avec la participation d’un très grand nombre de jeunes de toutes les parties du monde, accompagnés de nombreux évêques, prêtres, religieux et religieuses. Cela a été un événement providentiel de grâce pour l’Eglise entière.

En parlant avec les évêques d’Allemagne, un peu avant mon retour en Italie, je disais que les jeunes ont lancé à leurs pasteurs, et d’une certaine façon à tous les croyants, un message qui est en même temps une demande : « Aidez-nous à être des disciples et des témoins du Christ. Comme les Mages, nous sommes venus pour le rencontrer et pour l’adorer.

De Cologne, les jeunes sont repartis vers leurs villes et leurs nations, animés d’une grande espérance, sans cependant perdre de vue les nombreuses difficultés, les obstacles et les problèmes qui, à notre époque accompagnent la recherche authentique du Christ, et la fidèle adhésion à son Evangile.

Non seulement les jeunes, mais aussi les communautés et les pasteurs doivent prendre toujours plus conscience d’un fait fondamental pour l’évangélisation : là où Dieu n’occupe pas la première place, là où il n’est pas reconnu et adoré comme le Bien suprême, la dignité de l’homme est mise en danger.

Il est donc urgent d’amener l’homme d’aujourd’hui à « découvrir » le visage authentique de Dieu, qui s’est révélé à nous en Jésus Christ. L’humanité de notre époque aussi pourra ainsi, comme les Mages, se prosterner devant lui et l’adorer.

En parlant avec les évêques allemands, je rappelais que l’adoration n’est pas « un luxe mais une priorité ». Chercher le Christ doit être l’incessante aspiration des croyants, des jeunes, et des adultes, des fidèles et de leurs pasteurs.

Cette recherche doit être encouragée, soutenue, guidée. La foi n’est pas simplement l’adhésion à un complexe en soi complet de dogmes, qui éteindrait la soif de Dieu présente dans l’âme humaine. Au contraire, elle projette l’homme, cheminant dans le temps, vers un Dieu toujours nouveau dans son infini. Le chrétien est pour cela de façon contemporaine quelqu’un qui cherche et quelqu’un qui trouve ». Et c’est justement cela qui rend l’Eglise jeune, ouverte à l’avenir, riche d’espérance pour toute l’humanité.

Saint Augustin, dont nous faisons mémoire aujourd’hui, a des réflexions étonnantes à l’invitation du Psaume 104 : « Quaerite faciem eius semper – Cherchez toujours sa face ». Il fait remarquer que cette invitation ne vaut pas seulement pour cette vie ; elle vaut aussi pour l’éternité. La découverte du « visage de Dieu » ne s’épuise jamais. Plus nous entrons dans la splendeur de l’amour divin, plus il est beau de progresser dans la recherche, si bien que « amore crescente inquisitio crescat inventi – dans la mesure où l’amour grandit, grandit aussi la recherche de Celui qui a été trouvé » (Enarr. in Ps. 104,3: CCL 40, 1537).

Telle est l’expérience à laquelle nous aspirons au plus profond de notre cœur. Que nous l’obtienne l’intercession du grand évêque d’Hippone ; que nous l’obtienne l’aide maternelle de Marie, l’Etoile de l’Evangélisation, que nous invoquons aujourd’hui dans la prière de l’Angélus.

[Texte original : italien – Traduction réalisée par Zenit]


C- Le centenaire de la naissance de Mgr Lefebvre.

En l’honneur de l’anniversaire de la naissance de Mgr Lefebvre, son centième anniversaire, et pour attirer votre attention et bien préparer le prochain rendez-vous du 20 novembre 2005, à la Mutualité, nous vous donnons à méditer cette lettre de Mgr Lefebvre du 18 novembre 1978. Cette lettre est tout à fait d’actualité puisque Mgr Lefebvre relate son premier contact avec Jean-Paul II au Vatican quelques temps après son élection.
Rome, le 18 novembre 1978 ;

Que de fois j’ai envie de vous écrire, non point tant pour vous donner des nouvelles, bien qu’une petite feuille interne à la société ne serait pas inutile, mais plutôt pour entretenir et développer l’esprit de la Fraternité, esprit qui devrait animer tous les membres et créer une véritable famille.
Nous pouvons penser en toute vérité que les circonstances qui ont favorisé la naissance de la Fraternité et les multiples épreuves qu’elle a traversées sont des signes providentiels destinés à provoquer une union très intime entre tous ses membres.
Il ne s’agit pas d’une union naturelle occasionnelle, mais bien d’une union surnaturelle très profonde, visiblement voulue et bénie par l’Esprit Saint. Notre but, nos moyens, notre activité sont surnaturels, et notre Fraternité se sera bénie de Dieu qu’à ce prix. Dès lors que nous n’aurions plus que des objectifs naturels et temporels, nous n’avons plus de raison d’être.
Notre naissance s’est faite dans l’Eglise et pour l’Eglise et pour ce que l’Eglise a de meilleur et d’essentiel : le sacerdoce véritable, fait pour le Saint Sacrifice, tel que Notre Seigneur l’a institué, tel que l’Eglise l’a confirmé dans tout son Magistère.
L’Eglise nous a encouragés, bénis, autorisés à ouvrir nos premières maisons. Les bénédictions de Dieu sont venues, abondantes, spirituelles et matérielles. Les vocations abondaient, authentiques, on peut dire saintes parce que fécondées par l’Esprit Saint.
Ce phare qui se levait perpétuant le Sacerdoce et le Sacrifice de l’Eglise semblait braver la destruction générale du sacerdoce entreprise par le mauvais esprit et ses suppôts, il fallait le détruire. Tout a été entrepris et mis en œuvre pour la destruction de la Fraternité. Les calomnies de toutes sortes ont ému les autorités de l’Eglise ; un simulacre de procédure a été mis en place, parfaitement illégal ; enfin une signature du Pape extorquée ou fausse nous ferait rapidement disparaître.
Devant l’évidence d’un coup monté par ceux qui, au Vatican, sont inspirés par les sociétés secrètes, nous avons persévéré dans ce sauvetage du Sacerdoce et du Sacrifice éternel de Notre Seigneur, raison d’être de l’Eglise. Les bénédictions, qui furent parfois des épreuves, ont continué. Toujours plus de vocations pour le sacerdoce, pour les frères, les religieuses, les oblates. La générosité inspirée par saint Joseph ne s’est pas démentie. Les séminaires et les prieurés, les noviciats et maisons de retraites se sont ouverts. Vous êtes les témoins de ce véritable miracle, ne craignons pas de l’affirmer.
C’est dans la confiance absolue dans la pérennité du Sacerdoce catholique et du Sacrifice que nous avons persévéré dans le développement de l’œuvre. Peut-être bientôt Dieu nous récompensera de cette persévérance. La Vierge Marie tant aimée dans nos séminaires et nos maisons viendra à notre secours.

Aucune œuvre voulue par Dieu ne peut grandir et s’affermir sans être émondée par le sacrifice et les épreuves. La plus grande, la plus mystérieuse, la plus cruelle est celle d’être dans une apparente opposition avec Rome. La preuve est faite qu’on nous a calomniés auprès du Pape Paul VI lui-même. Il a fallu encore une intervention visible de la Providence pour que j’arrive à le rencontrer. Notre amour et notre dévotion à la Papauté ne sont pas à prouver, ils sont évidents. Nous faisons seulement des vœux et prions sans cesse pour que le Pape agisse en vrai successeur de Pierre. Notre maison d’Albano est une preuve tangible de notre Romanité.
Vous connaissez nos autres épreuves : le fait que certains ayant accompli un bout de chemin avec nous ont cru devoir nous quitter. La confusion est telle dans cette crise extraordinaire subie par l’Eglise qu’on ne peut être surpris des hésitations et des doutes que d’aucuns peuvent avoir. Ce qui nous a particulièrement peiné, c’est l’abandon de quelques jeunes prêtres, oublieux de la promesse qu’ils venaient de faire devant Dieu et devant l’Eglise.
A quelle source puiser notre unité, notre cohésion, notre fermeté ? Dans l’obéissance à la foi catholique et par conséquent à l’Eglise, foi qui se concrétise et se résume toute entière dans le Saint Sacrifice de la Messe. C’est le grand don de Notre Seigneur pour lequel Il a institué son Eglise et la hiérarchie, et par lequel Notre Seigneur veut que soit continuée l’œuvre de la Rédemption.
L’évangélisation doit aboutir au baptême et aux autres sacrements qui préparent ou sont l’effet du Sacrifice de la Messe ; toutes les âmes en effet sont destinées à être des victimes offertes en union à l’âme très sainte de Notre Seigneur qui s’est offerte sur la Croix, oblation en vue de laquelle toutes les âmes sont créées. C’est le sens de la vie chrétienne, et de toute vie spirituelle ici-bas et dans l’éternité.
Parler uniquement d’ « Eucharistie », « communion », « partage », à l’occasion de la Messe, c’est la dénaturer et par le fait même dénaturer le Sacerdoce et toute vie chrétienne. C’est l’auto-destruction de l’Eglise.
Les fidèles ont soif de vrais sacrements, du vrai Sacrifice, de la transsubstantiation qui les transforment en Notre Seigneur. Nous ne pouvons pas les décevoir en leur donnant des rites douteux, frelatés, équivoques.
L’avenir est à Dieu et à la vérité éternelle. En y demeurant attachés de toute notre âme nous ne pouvons errer. La Rome moderniste laissera de nouveau la place à la Rome de toujours dont nous sommes les fils les plus fidèles.
Voilà ce qui doit nous unir profondément : le grand mystère de la foi ! Laissons de côté les divergences secondaires. Ne faisons pas du port de la barrette un dogme de notre foi. L’heure grave que traverse l’Eglise doit nous donner bien d’autres préoccupations : la prière, le sacrifice, l’humilité, le zèle du salut des âmes, dans l’union toujours plus parfaite à Notre Seigneur, à la Vierge Marie, seul gage de l’efficacité de nos efforts.
A la veille de rencontrer le Pape Jean Paul II, comment ne pas redoubler de ferveur dans nos prières pour qu’enfin le vrai sacrifice de toujours soit remis en honneur dans la sainte Eglise. C’est l’unique solution du vrai renouveau de l’Eglise. J’attendrai pour terminer cette lettre que l’audience soit terminée afin de vous en donner quelques échos.
Le 8 décembre, nous aurons, membres de la Fraternité, prêtres et séminaristes, à renouveler ou à prononcer pour la première fois nos engagements. Ayons conscience que cette appartenance nous rattache vraiment à l’Eglise. La Fraternité, malgré les ordres illégaux de suppression, est toujours considérée par les autorités de l’Eglise comme existante. Les Cardinaux parlent de la Fraternité comme si elle n’était l’objet d’aucune condamnation. Tous estiment qu’il faut la sauver et sauver le séminaire d’Ecône. Cela prouve une fois de plus l’inanité de la condamnation.
Ceux qui nous ont quitté sont devenus par leur volonté propre des orphelins n’étant plus rattachés canoniquement à l’Eglise.
….
Le récit de l’audience.
Cette lettre commencée à Albano se termine à Ecône après avoir eu l’audience prévue le samedi 18 novembre à 16h30 dans les appartements privés du Saint Père.
La rencontre a été très simple, très affable, détendue. Visiblement le Pape voulait s’informer et s’efforcer de trouver une solution. Souvent il se référait à la situation en Pologne et il semble peu connaître la situation en Europe occidentale.
Je lui ai fait rapidement un historique de la Fraternité ; de sa fondation, de son existence légale et encouragée pendant cinq ans, puis le complot des Evêques français réalisé par le Cardinal Villot et les trois Cardinaux Garonne, Wright et Tabera, un procès fantôme, une condamnation anti-canonique, le rejet du recours à la Signature Apostolique, l’impossibilité de rencontrer la Pape, etc…, d’où ma décision de continuer.
Les accusations qui sont faites sont les suivantes : « Vous êtes contre le Pape, contre le Concile, contre les réformes, en particulier la réforme liturgique… » Il a pu vite constater que la première accusation était fausse. Je lui ai rappelé les calomnies qu’on avait faites auprès du Pape Paul VI au sujet d’un serment contre le Pape exigé des séminaristes ! A propos du Concile je lui ai dit que j’avais déjà proposé une formule comme celle-ci : « J’accepte les documents du Concile interprétés dans le sens de la Tradition ». Il l’a trouvée tout à fait satisfaisante et très normale.
Restait la question de la liturgie : il a hésité devant la demande de laisser la liberté de célébrer la Messe traditionnelle, mais n’a pas refusé. On le sentait gêné et anxieux. Enfin il a ajouté : « C’est une question disciplinaire, on pourrait examiner la chose ». Puis il m’a demandé de conférer de ces questions avec le Cardinal Seper qu’il déléguait pour examiner l’affaire et qui le tiendrait au courant.
Il a fait appeler aussitôt le Cardinal et lui a exposé notre entretien. Le Cardinal avec une certaine véhémence a répliqué au sujet de la Messe : « Mais ils en font un drapeau », puis il a ajouté : « Il y a deux ans et demi vous auriez dû m’écouter quand je vous ai dit : obéissance, obéissance…, vous auriez dû tout arrêter et attendre un an et demi, deux ans, et tout se serait arrangé… » Je lui faisais alors remarquer qu’en effet la Messe est pour nous le cœur de l’Eglise, qu’elle avait une importance capitale et que d’autre part l’arrêt prolongé de toutes les activités de l’œuvre l’aurait fait disparaître, ce que souhaitaient ceux qui avaient médité le complot.
Sur ce, le Pape fit remarquer qu’il attendait la Cardinal Baggio, qu’il souhaitait que nous continuions la conversation, mais le cardinal Seper me dit qu’il m’écrirait pour me demander de venir dans quelques semaines. Nous nous séparâmes après les accolades d’usage.
Le dialogue n’est pas clos, mais le problème n’est pas terminé. Le poids du Concile, de l’aggiornamento et des réformes pèse lourd désormais malgré dix années d’échec, sauf apparemment en Pologne. Le Pape veut limiter les dégâts mais pour l’instant ne semble pas décidé de porter le remède aux causes profondes. Il faudra encore tenir lutter et surtout prier.
Le Pape prenant connaissance du désastre post-conciliaire aura-t-il une saine réaction anti-libérale et pleinement catholique ? C’est la grâce que nous devons supplier la Vierge Marie de lui donner.
Demeurons profondément unis dans le Corps mystique de Notre Seigneur. Qu’il soit tout en nous, que nous vivions de Lui, pour Lui, en Lui. Tel doit être le lien qui doit être celui de notre Fraternité, qui n’est plus seulement de la terre mais déjà du Ciel par notre Soeur Marie Bernard et j’ajouterai par Monsieur Alphonse Pédroni qui fut si heureux de nous accueillir à Ecône.
Bien cordialement vôtre en Jésus et marie.
+ Mgr Marcel Lefebvre.