A- Homélie du dimanche.
« Prête l’oreille Seigneur»
« Inclina, Domine, aurem tuam ad me »
« Sauve ton serviteur qui espère
en toi »
« Salvum fac servum tuum ».
« Réjouis l’âme
de ton serviteur »
« Laetifica animam servi tui »
« Car vers Toi, Seigneur, j’élève
mon âme ».
Oh ! Quelle magnifique prière de
l’âme chrétienne !
De cette prière, de son objet, nous en avons une magnifique intelligence
dans l’Evangile de ce dimanche, une magnifique illustration.
C’est en effet l’évangile
de la résurrection de l’enfant de la veuve, à la
porte de Naïm où l’on voit NSJC « porter son
attention sur la misère de cette veuve…et lui redonner
son fils ». Il « incline » son regard vers la veuve
et sa peine…Avec cet exemple évangélique, avec cette
contemplation, gardée en mon cœur, de Jésus se penchant
vers la veuve…je peux faire mienne cette prière de l’Introït
et l’adresser à NSJC : « Inclina Domine aurem tuam
», comme tu le fis sur le chemin de Naïm en regardant cette
femme. Je peux m’enhardir et crier, à mon tour, comme le
psalmiste : « Inclina aurem tuam ad me…Exauce ma prière…Sauve
ton serviteur, comme tu sauvas jadis à Naïm et le fils et
la mère. « Laetifica animam servi tui » « Réjouis
l’âme de ton serviteur » comme jadis, à la
porte d’une ville, Naïm, tu réjouis le cœur de
la mère, affligée, déjà veuve, lui redonnant
son fils unique.
Ainsi l’introït de cette messe
et l’évangile s’appellent l’un l’autre.
L’évangile est la meilleure illustration possible de la
vérité de la prière exprimée dans l’Introït.
Cet évangile nous montre la compassion en acte de Jésus
à l’égard de la veuve. Fort de cet exemple, nourri
de cet exemple, je peux crier vers Dieu cette prière de confiance
: « Inclina aurem tuam, Domine ad me », « Incline
Seigneur, ton oreille vers ton serviteur ».
Mais cette compassion, ce désir de faire le bien, qui fut l’âme
même du ministère de NSJC doit être également
l’âme de tout chrétien. Et c’est l’enseignement
de l’Epître de ce dimanche : « Ainsi donc, nous dit
Saint Paul, durant le temps qui nous est donné, pratiquons le
bien à l’égard de tous, mais surtout à l’égard
de nos compagnons de la foi… »… Comme le Christ le
fit…et avec quelle douceur, à l’égard de la
veuve de Naïm.
Voilà encore une belle messe, très
bien construite, dans une belle unité de sentiments où
tous les textes concourent à justifier et le choix du psaume
85, 1-4 de l’Introït que nous venons de citer et du psaume
39, 2-4 de l’Offertoire : « Expectans exspectavi Dominum
et respexit me et exaudivit deprecationem meam ». « Il a
entendu mon appel et il a mis en ma bouche un cantique nouveau, une
hymne à notre Dieu » : « un grand prophète
s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple
».
Voilà, MBCF, une belle messe.
Reprenons rapidement tous ces thèmes.
Suivons NSJC dans le récit de cet
évangile de la veuve de Naïm.
NSJC fait route vers Naïm, accompagné
de ses disciples, « cum eo discipuli eius », mais aussi
d’une foule nombreuse. « Et turba copiosa ». Ce mot
« copiosa » vient de « copia » qui veut dire
« abondance ». C’est la fortune, c’est la richesse,
la foule, le grand nombre. Et « copiosus » veut dire : «
qui possède en abondance…opulent, copieux, abondant. Or
« turba » c’est déjà la multitude, le
grand nombre, c’est la foule nombreuse et mêlée.
Voici qu’il approche de la porte
de la ville de Naïm. Un cortège funèbre se présente
au même instant. L’évangéliste nous le décrit.
On porte un mort « defunctus ». Mais il précise :
c’est un fils unique, « filius unicus », « filius
unicus matris suae », littéralement « un fils unique
de sa mère ». Mais plus encore : voilà que la mère
de ce fils unique était déjà veuve. Elle avait
donc mis en lui, vraisemblablement, toute sa consolation. Elle avait
reporté sur lui, son unique, son affection de mère, une
veuve. Son veuvage était un peu égaillé, tout de
même, par la présence de son fils. On peut ainsi mesurer
la désolation de cette mère, sa tristesse, sa douleur.
Sa douleur, du reste, fut ressentie par
les gens de la ville. Dans de telles circonstances, la compassion est
réelle et s’exprime spontanément. Le plus grand
nombre a voulu s’unir à sa peine et lui porter quelques
consolations, lui manifester son estime et sa compassion. Et de fait,
la ville s’était émue de tant de malheurs répétés…L’évangéliste
remarque, de fait, la « grande foule » qui accompagne la
veuve. « Et turba civitatis multa cum illa ».
Cela dut faire du monde à la porte
de la ville…un peu comme à Cologne autour du Pape…La
foule « copiosa » avec Jésus, la foule « multa
» avec la veuve de Naïm.
Et dès que Jésus la vit,
il eut lui aussi de la compassion : « Quam cum vidisset Dominus
misericordia motus super eam ».
Sa miséricorde est spontanée.
Elle jaillit spontanément de la vue de ce spectacle. Dès
qu’il la voit, il est ému. C’est cette vision qui
engendre sa désolation, son émotion, sa compassion «
super eam ».
Ce sont les « larmes » de cette
femme qui l’émeut. NSJC a du coeur. Il est bon, compatissant.
Il lui dit : « Ne pleure pas ».
Il fait arrêter les porteurs et se tournant vers le fils unique
mort, lui dit d’une voix forte : « Jeune homme, «
adolescens » je te l’ordonne, lève toi, « tibi
dico, surge ». Il y a de l’énergie dans cet ordre.
Il met sa toute puissance au service de sa miséricorde.
Et le mort se redressa et s’assit et il se mit à parler.
Il y a de l’énergie dans cette scène. Il n’y
a rien de mièvre, rien de mou. La mollesse, la mièvrerie
ne sont pas les « compagnons » de la compassion !
Et le geste final est remarquable, d’une
délicatesse merveilleuse, d’une noblesse parfaite. Avec
quelle douceur et sourire, Jésus dut remettre l’adolescens
à sa mère : « et dedit illum matri suae ».
Voilà une très belle action
traduite par quatre verbes : « tibi dico : surge » et celui
qui était mort « resedit » et « coepit loqui
» et Jésus « dedit illum matri suae ».
Et la conclusion de la scène est
fabuleuse : tous magnifient Dieu : « Magnificabant Deum ».
Ils le glorifiaient. Ils chantaient sa gloire comme Notre Dame dans
son « Magnificat ». C’est le même verbe : «
magnificare »
Ainsi cette scène évangélique
justifie amplement la prière de l’Introït.
Je peux moi aussi Le supplier, Le prier.
Je sais qu’Il est attentif à la misère. Il le fut
à Naïm. Et je peux lui dire : « Inclina Domine aurem
tuam ad me » Je peux lui dire « d’incliner son oreille
vers moi ». Il est sensible à la peine. Il le fut à
Naïm.
Il y a de la tendresse affectueuse dans
cette prière. Le choix du mot « inclinare aurem tuam »
exprime bien cette délicatesse, cette affection. Je fais appel
à la tendresse de mon « bienfaiteur ». Et c’est
normal. Celui, du reste, qui a de la compassion, a aussi de la douceur,
de la prévenance. Tel est Notre Dieu qui s’est révélé
en NSJC, à la porte de Naïm.
Je peux lui dire dans ma détresse
: « salvum fac servum tuum », « Sauve ton serviteur,
toi qui a sauvé l’enfant de la veuve »… Je
peux « espérer en Toi », je peux espérer être
sauvé…par celui qui a appelé de la mort à
la vie, l’enfant de Naïm, le fils de la veuve.
Je peux lui dire aussi « Miserere
mihi », aie pitié de moi, Toi qui as eu aussi pitié
de la douleur de cette femme de Naïm. Toi qui as su, remettant
l’enfant à sa mère, réjouir profondément
son cœur…Je peux également Te supplier de réjouir,
cette fois, mon âme : « Laetifica animam servi tui »,
comme hier tu le fis pour cette veuve.
Alors s’il en est ainsi, avec le
palmiste, je peux, à juste titre, chanter le psaume de l’Offertoire
: « J’ai mis tout mon espoir dans le Seigneur »….
« Il s’est penché vers moi » : « respexit
me ».
« Respicere » veut dire : regarder, arrêter ses regards
sur… Tourner ses regards vers…Mais, dans ce verbe, il y
a aussi une nuance d’affection. C’est un regard de bonté.
C’est le verbe utilisé par Saint Jean dans la scène
douloureuse de la trahison de Saint Pierre. Et c’est ce regard
du Christ, plein d’affection qui toucha le cœur de Pierre
après son reniement : « Respexit illum ». «
Et se tournant il le regarda… » et Saint Pierre se retira
pleurant amèrement.
Et il a mis en ma bouche un cantique nouveau,
« hymnum Deo nostro », une hymne à Notre Dieu…comme
hier, à la porte de Naïm, il fit chanter par cette immense
foule, les « mirabilia Dei ».
Alors on comprend aussi à la lumière
de cet évangile de Jésus à la porte de Naïm,
le choix du « Graduel » et de l’ « Alleluia
» : « Il est bon de louer le Seigneur, de chanter ton nom,
d’annoncer ta miséricorde dès le matin et ta fidélité
jusque dans la nuit ». « Alleluia, c’est un grand
Dieu que le Seigneur. Il a ressuscité de la mort l’enfant
de la veuve ».
Et puisque je suis dans l’admiration de la compassion de notre
Dieu en NSJC, puisque j’admire sa miséricorde, ce cœur
qui fait du bien, qui a su être attentif à la douleur de
la femme, je dois avoir moi-même même miséricorde,
même compassion. Et comme Lui aimer à faire le bien. Mais
c’est l’enseignement de l’Epître : « Agissez,
nous dit saint Paul, vous les spirituels dans un esprit de douceur ».
En latin c’est « in spiritu lenitatis ». « Lenitas
» veut dire douceur, tendreté, bonté, clémence,
indulgence, paisiblement. On dira, en ce sens que « ce fleuve
a un cours paisible ». « Lenitudo » se traduit par
« douceur, bonté ». Ainsi agir « in spiritu
lenitatis », c’est agir avec douceur et bonté. C’est
l’ordre de saint Paul….Mais parce que d’abord ce fut
l’attitude du Maître devant la femme à la porte de
Naïm, comme elle le fut devant la femme prise en flagrant délit
d’adultère…. Il faut avoir même agir. C’est
l’attitude du prêtre.
Et Saint Paul insiste une deuxième
fois : « Faisons le bien sans nous lasser ». Et encore une
troisième fois, à la fin de son texte : « operemus
bonum ad omnes », « pratiquons le bien à l’égard
de tous, mais surtout à l’égard de nos compagnons
dans la foi ».
Voilà une belle messe, bien ordonnée
et d’une unité merveilleuse.
B- Le Dimanche 28 août à Castel
Gandolfo : les paroles de Benoît XVI à l’Angelus
de midi.
Il fait quelques considérations
sur son voyage à Cologne.
Chers frères et sœurs,
L’expérience vécue
à Cologne à l’occasion de la Journée mondiale
de la Jeunesse, la semaine dernière a vraiment été
une expérience ecclésiale extraordinaire, avec la participation
d’un très grand nombre de jeunes de toutes les parties
du monde, accompagnés de nombreux évêques, prêtres,
religieux et religieuses. Cela a été un événement
providentiel de grâce pour l’Eglise entière.
En parlant avec les évêques
d’Allemagne, un peu avant mon retour en Italie, je disais que
les jeunes ont lancé à leurs pasteurs, et d’une
certaine façon à tous les croyants, un message qui est
en même temps une demande : « Aidez-nous à être
des disciples et des témoins du Christ. Comme les Mages, nous
sommes venus pour le rencontrer et pour l’adorer.
De Cologne, les jeunes sont repartis vers
leurs villes et leurs nations, animés d’une grande espérance,
sans cependant perdre de vue les nombreuses difficultés, les
obstacles et les problèmes qui, à notre époque
accompagnent la recherche authentique du Christ, et la fidèle
adhésion à son Evangile.
Non seulement les jeunes, mais aussi les
communautés et les pasteurs doivent prendre toujours plus conscience
d’un fait fondamental pour l’évangélisation
: là où Dieu n’occupe pas la première place,
là où il n’est pas reconnu et adoré comme
le Bien suprême, la dignité de l’homme est mise en
danger.
Il est donc urgent d’amener l’homme
d’aujourd’hui à « découvrir »
le visage authentique de Dieu, qui s’est révélé
à nous en Jésus Christ. L’humanité de notre
époque aussi pourra ainsi, comme les Mages, se prosterner devant
lui et l’adorer.
En parlant avec les évêques
allemands, je rappelais que l’adoration n’est pas «
un luxe mais une priorité ». Chercher le Christ doit être
l’incessante aspiration des croyants, des jeunes, et des adultes,
des fidèles et de leurs pasteurs.
Cette recherche doit être encouragée,
soutenue, guidée. La foi n’est pas simplement l’adhésion
à un complexe en soi complet de dogmes, qui éteindrait
la soif de Dieu présente dans l’âme humaine. Au contraire,
elle projette l’homme, cheminant dans le temps, vers un Dieu toujours
nouveau dans son infini. Le chrétien est pour cela de façon
contemporaine quelqu’un qui cherche et quelqu’un qui trouve
». Et c’est justement cela qui rend l’Eglise jeune,
ouverte à l’avenir, riche d’espérance pour
toute l’humanité.
Saint Augustin, dont nous faisons mémoire
aujourd’hui, a des réflexions étonnantes à
l’invitation du Psaume 104 : « Quaerite faciem eius semper
– Cherchez toujours sa face ». Il fait remarquer que cette
invitation ne vaut pas seulement pour cette vie ; elle vaut aussi pour
l’éternité. La découverte du « visage
de Dieu » ne s’épuise jamais. Plus nous entrons dans
la splendeur de l’amour divin, plus il est beau de progresser
dans la recherche, si bien que « amore crescente inquisitio crescat
inventi – dans la mesure où l’amour grandit, grandit
aussi la recherche de Celui qui a été trouvé »
(Enarr. in Ps. 104,3: CCL 40, 1537).
Telle est l’expérience à
laquelle nous aspirons au plus profond de notre cœur. Que nous
l’obtienne l’intercession du grand évêque d’Hippone
; que nous l’obtienne l’aide maternelle de Marie, l’Etoile
de l’Evangélisation, que nous invoquons aujourd’hui
dans la prière de l’Angélus.
[Texte original : italien – Traduction
réalisée par Zenit]
C- Le centenaire de la naissance de Mgr Lefebvre.
En l’honneur de l’anniversaire
de la naissance de Mgr Lefebvre, son centième anniversaire, et
pour attirer votre attention et bien préparer le prochain rendez-vous
du 20 novembre 2005, à la Mutualité, nous vous donnons
à méditer cette lettre de Mgr Lefebvre du 18 novembre
1978. Cette lettre est tout à fait d’actualité puisque
Mgr Lefebvre relate son premier contact avec Jean-Paul II au Vatican
quelques temps après son élection.
Rome, le 18 novembre 1978 ;
Que de fois j’ai envie de vous écrire,
non point tant pour vous donner des nouvelles, bien qu’une petite
feuille interne à la société ne serait pas inutile,
mais plutôt pour entretenir et développer l’esprit
de la Fraternité, esprit qui devrait animer tous les membres
et créer une véritable famille.
Nous pouvons penser en toute vérité que les circonstances
qui ont favorisé la naissance de la Fraternité et les
multiples épreuves qu’elle a traversées sont des
signes providentiels destinés à provoquer une union très
intime entre tous ses membres.
Il ne s’agit pas d’une union naturelle occasionnelle, mais
bien d’une union surnaturelle très profonde, visiblement
voulue et bénie par l’Esprit Saint. Notre but, nos moyens,
notre activité sont surnaturels, et notre Fraternité se
sera bénie de Dieu qu’à ce prix. Dès lors
que nous n’aurions plus que des objectifs naturels et temporels,
nous n’avons plus de raison d’être.
Notre naissance s’est faite dans l’Eglise et pour l’Eglise
et pour ce que l’Eglise a de meilleur et d’essentiel : le
sacerdoce véritable, fait pour le Saint Sacrifice, tel que Notre
Seigneur l’a institué, tel que l’Eglise l’a
confirmé dans tout son Magistère.
L’Eglise nous a encouragés, bénis, autorisés
à ouvrir nos premières maisons. Les bénédictions
de Dieu sont venues, abondantes, spirituelles et matérielles.
Les vocations abondaient, authentiques, on peut dire saintes parce que
fécondées par l’Esprit Saint.
Ce phare qui se levait perpétuant le Sacerdoce et le Sacrifice
de l’Eglise semblait braver la destruction générale
du sacerdoce entreprise par le mauvais esprit et ses suppôts,
il fallait le détruire. Tout a été entrepris et
mis en œuvre pour la destruction de la Fraternité. Les calomnies
de toutes sortes ont ému les autorités de l’Eglise
; un simulacre de procédure a été mis en place,
parfaitement illégal ; enfin une signature du Pape extorquée
ou fausse nous ferait rapidement disparaître.
Devant l’évidence d’un coup monté par ceux
qui, au Vatican, sont inspirés par les sociétés
secrètes, nous avons persévéré dans ce sauvetage
du Sacerdoce et du Sacrifice éternel de Notre Seigneur, raison
d’être de l’Eglise. Les bénédictions,
qui furent parfois des épreuves, ont continué. Toujours
plus de vocations pour le sacerdoce, pour les frères, les religieuses,
les oblates. La générosité inspirée par
saint Joseph ne s’est pas démentie. Les séminaires
et les prieurés, les noviciats et maisons de retraites se sont
ouverts. Vous êtes les témoins de ce véritable miracle,
ne craignons pas de l’affirmer.
C’est dans la confiance absolue dans la pérennité
du Sacerdoce catholique et du Sacrifice que nous avons persévéré
dans le développement de l’œuvre. Peut-être
bientôt Dieu nous récompensera de cette persévérance.
La Vierge Marie tant aimée dans nos séminaires et nos
maisons viendra à notre secours.
Aucune œuvre voulue par Dieu ne peut
grandir et s’affermir sans être émondée par
le sacrifice et les épreuves. La plus grande, la plus mystérieuse,
la plus cruelle est celle d’être dans une apparente opposition
avec Rome. La preuve est faite qu’on nous a calomniés auprès
du Pape Paul VI lui-même. Il a fallu encore une intervention visible
de la Providence pour que j’arrive à le rencontrer. Notre
amour et notre dévotion à la Papauté ne sont pas
à prouver, ils sont évidents. Nous faisons seulement des
vœux et prions sans cesse pour que le Pape agisse en vrai successeur
de Pierre. Notre maison d’Albano est une preuve tangible de notre
Romanité.
Vous connaissez nos autres épreuves : le fait que certains ayant
accompli un bout de chemin avec nous ont cru devoir nous quitter. La
confusion est telle dans cette crise extraordinaire subie par l’Eglise
qu’on ne peut être surpris des hésitations et des
doutes que d’aucuns peuvent avoir. Ce qui nous a particulièrement
peiné, c’est l’abandon de quelques jeunes prêtres,
oublieux de la promesse qu’ils venaient de faire devant Dieu et
devant l’Eglise.
A quelle source puiser notre unité, notre cohésion, notre
fermeté ? Dans l’obéissance à la foi catholique
et par conséquent à l’Eglise, foi qui se concrétise
et se résume toute entière dans le Saint Sacrifice de
la Messe. C’est le grand don de Notre Seigneur pour lequel Il
a institué son Eglise et la hiérarchie, et par lequel
Notre Seigneur veut que soit continuée l’œuvre de
la Rédemption.
L’évangélisation doit aboutir au baptême et
aux autres sacrements qui préparent ou sont l’effet du
Sacrifice de la Messe ; toutes les âmes en effet sont destinées
à être des victimes offertes en union à l’âme
très sainte de Notre Seigneur qui s’est offerte sur la
Croix, oblation en vue de laquelle toutes les âmes sont créées.
C’est le sens de la vie chrétienne, et de toute vie spirituelle
ici-bas et dans l’éternité.
Parler uniquement d’ « Eucharistie », « communion
», « partage », à l’occasion de la Messe,
c’est la dénaturer et par le fait même dénaturer
le Sacerdoce et toute vie chrétienne. C’est l’auto-destruction
de l’Eglise.
Les fidèles ont soif de vrais sacrements, du vrai Sacrifice,
de la transsubstantiation qui les transforment en Notre Seigneur. Nous
ne pouvons pas les décevoir en leur donnant des rites douteux,
frelatés, équivoques.
L’avenir est à Dieu et à la vérité
éternelle. En y demeurant attachés de toute notre âme
nous ne pouvons errer. La Rome moderniste laissera de nouveau la place
à la Rome de toujours dont nous sommes les fils les plus fidèles.
Voilà ce qui doit nous unir profondément : le grand mystère
de la foi ! Laissons de côté les divergences secondaires.
Ne faisons pas du port de la barrette un dogme de notre foi. L’heure
grave que traverse l’Eglise doit nous donner bien d’autres
préoccupations : la prière, le sacrifice, l’humilité,
le zèle du salut des âmes, dans l’union toujours
plus parfaite à Notre Seigneur, à la Vierge Marie, seul
gage de l’efficacité de nos efforts.
A la veille de rencontrer le Pape Jean Paul II, comment ne pas redoubler
de ferveur dans nos prières pour qu’enfin le vrai sacrifice
de toujours soit remis en honneur dans la sainte Eglise. C’est
l’unique solution du vrai renouveau de l’Eglise. J’attendrai
pour terminer cette lettre que l’audience soit terminée
afin de vous en donner quelques échos.
Le 8 décembre, nous aurons, membres de la Fraternité,
prêtres et séminaristes, à renouveler ou à
prononcer pour la première fois nos engagements. Ayons conscience
que cette appartenance nous rattache vraiment à l’Eglise.
La Fraternité, malgré les ordres illégaux de suppression,
est toujours considérée par les autorités de l’Eglise
comme existante. Les Cardinaux parlent de la Fraternité comme
si elle n’était l’objet d’aucune condamnation.
Tous estiment qu’il faut la sauver et sauver le séminaire
d’Ecône. Cela prouve une fois de plus l’inanité
de la condamnation.
Ceux qui nous ont quitté sont devenus par leur volonté
propre des orphelins n’étant plus rattachés canoniquement
à l’Eglise.
….
Le récit de l’audience.
Cette lettre commencée à Albano se termine à Ecône
après avoir eu l’audience prévue le samedi 18 novembre
à 16h30 dans les appartements privés du Saint Père.
La rencontre a été très simple, très affable,
détendue. Visiblement le Pape voulait s’informer et s’efforcer
de trouver une solution. Souvent il se référait à
la situation en Pologne et il semble peu connaître la situation
en Europe occidentale.
Je lui ai fait rapidement un historique de la Fraternité ; de
sa fondation, de son existence légale et encouragée pendant
cinq ans, puis le complot des Evêques français réalisé
par le Cardinal Villot et les trois Cardinaux Garonne, Wright et Tabera,
un procès fantôme, une condamnation anti-canonique, le
rejet du recours à la Signature Apostolique, l’impossibilité
de rencontrer la Pape, etc…, d’où ma décision
de continuer.
Les accusations qui sont faites sont les suivantes : « Vous êtes
contre le Pape, contre le Concile, contre les réformes, en particulier
la réforme liturgique… » Il a pu vite constater que
la première accusation était fausse. Je lui ai rappelé
les calomnies qu’on avait faites auprès du Pape Paul VI
au sujet d’un serment contre le Pape exigé des séminaristes
! A propos du Concile je lui ai dit que j’avais déjà
proposé une formule comme celle-ci : « J’accepte
les documents du Concile interprétés dans le sens de la
Tradition ». Il l’a trouvée tout à fait satisfaisante
et très normale.
Restait la question de la liturgie : il a hésité devant
la demande de laisser la liberté de célébrer la
Messe traditionnelle, mais n’a pas refusé. On le sentait
gêné et anxieux. Enfin il a ajouté : « C’est
une question disciplinaire, on pourrait examiner la chose ». Puis
il m’a demandé de conférer de ces questions avec
le Cardinal Seper qu’il déléguait pour examiner
l’affaire et qui le tiendrait au courant.
Il a fait appeler aussitôt le Cardinal et lui a exposé
notre entretien. Le Cardinal avec une certaine véhémence
a répliqué au sujet de la Messe : « Mais ils en
font un drapeau », puis il a ajouté : « Il y a deux
ans et demi vous auriez dû m’écouter quand je vous
ai dit : obéissance, obéissance…, vous auriez dû
tout arrêter et attendre un an et demi, deux ans, et tout se serait
arrangé… » Je lui faisais alors remarquer qu’en
effet la Messe est pour nous le cœur de l’Eglise, qu’elle
avait une importance capitale et que d’autre part l’arrêt
prolongé de toutes les activités de l’œuvre
l’aurait fait disparaître, ce que souhaitaient ceux qui
avaient médité le complot.
Sur ce, le Pape fit remarquer qu’il attendait la Cardinal Baggio,
qu’il souhaitait que nous continuions la conversation, mais le
cardinal Seper me dit qu’il m’écrirait pour me demander
de venir dans quelques semaines. Nous nous séparâmes après
les accolades d’usage.
Le dialogue n’est pas clos, mais le problème n’est
pas terminé. Le poids du Concile, de l’aggiornamento et
des réformes pèse lourd désormais malgré
dix années d’échec, sauf apparemment en Pologne.
Le Pape veut limiter les dégâts mais pour l’instant
ne semble pas décidé de porter le remède aux causes
profondes. Il faudra encore tenir lutter et surtout prier.
Le Pape prenant connaissance du désastre post-conciliaire aura-t-il
une saine réaction anti-libérale et pleinement catholique
? C’est la grâce que nous devons supplier la Vierge Marie
de lui donner.
Demeurons profondément unis dans le Corps mystique de Notre Seigneur.
Qu’il soit tout en nous, que nous vivions de Lui, pour Lui, en
Lui. Tel doit être le lien qui doit être celui de notre
Fraternité, qui n’est plus seulement de la terre mais déjà
du Ciel par notre Soeur Marie Bernard et j’ajouterai par Monsieur
Alphonse Pédroni qui fut si heureux de nous accueillir à
Ecône.
Bien cordialement vôtre en Jésus et marie.
+ Mgr Marcel Lefebvre.
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