Les éléments d'une homélie sur Sainte Thérèse.
J'ai prêché, en ce dimanche,
25 septembre 2005, sur la spiritualité de sainte Thérèse
de l'Enfant Jésus que nous fêterons le 3 octobre. Cette
spiritualité peut, me semble-t-il, se résumer d'un mot
: la charité. " Elle voulait, disait-elle, aimer notre Seigneur
comme jamais Il n'avait été aimé ". Ce fut
le thème de ma prédication.
Pour développer ce thème je me suis fondé essentiellement
sur trois passages de " l'histoire d'une âme ", ses
" Manuscrits autobiographiques " particulièrement intenses.
Et je les ai commentés en m'inspirant des considérations
de Saint Bernard tirées de son petit traité " de
l'amour de Dieu ".
Je voudrais vous redonner, en cette paroisse virtuelle, les extraits
particulièrement denses que j'ai cités de sainte hérèse.
Certainement parmi les plus belles pages de nos auteurs spirituels.
Tirez-en profit à votre tour.
Et d'abord ce magnifique texte appelé : "
Dans le cur de l'Eglise, je serai l'amour ".
" Ah ! pardonne-moi Jésus, si je déraisonne
en voulant te dire mes désirs, mes espérances qui touchent
à l'infini, pardonne-moi et guéris mon âme en lui
donnant ce qu'elle espère !... Etre ton épouse, ô
Jésus, être carmélite, être par mon union
avec toi la mère des âmes, cela devrait me suffire... il
n'en est pas ainsi... Sans doute, ces trois privilèges sont bien
ma vocation, Carmélite, Epouse et Mère, cependant je sens
en moi d'autres vocations, je me sens la vocation de GUERRIER, de PRETRE,
d'APOTRE, de DOCTEUR, de MARTYR ; enfin, je sens le besoin, le désir
d'accomplir pour toi Jésus toutes les oeuvres les plus héroïques...
Je sens en mon âme le courage d'un Croisé, d'un Zouave
Pontifical, je voudrais mourir sur un champ de bataille pour la défense
de l'Eglise... Je sens en moi la vocation de PRETRE ; avec quel amour,
ô Jésus, je te porterais dans mes mains lorsque, à
ma voix, tu descendrais du Ciel... Avec quel amour je te donnerais aux
âmes !... Mais hélas ! tout en désirant d'être
Prêtre, j'admire et j'envie l'humilité de Saint François
d'Assise et je me sens la vocation de l'imiter en refusant la sublime
dignité du Sacerdoce. O Jésus ! mon amour, ma vie... comment
allier ces contrastes ? Comment réaliser les désirs de
ma pauvre petite âme ?... Ah ! malgré ma petitesse, je
voudrais éclairer les âmes comme les Prophètes,
les Docteurs, j'ai la vocation d'être Apôtre... je voudrais
parcourir la terre, prêcher ton nom et planter sur le sol infidèle
ta Croix glorieuse, mais, ô mon Bien-Aimé, une seule mission
ne me suffirait pas, je voudrais en même temps annoncer l'Evangile
dans les cinq parties du monde et jusque dans les îles les plus
reculées... (Is 66,19) Je voudrais être missionnaire non
seulement pendant quelques années, mais je voudrais l'avoir été
depuis la création du monde et l'être jusqu'à la
consommation des siècles... Mais je voudrais par-dessus tout,
ô mon Bien-Aimé Sauveur, je voudrais verser mon sang pour
toi jusqu'à la dernière goutte... Le Martyre, voilà
le rêve de ma jeunesse, ce rêve il a grandi avec moi sous
les cloîtres du Carmel... Mais là encore, je sens que mon
rêve est une folie, car je ne saurais me borner à désirer
un genre de martyre... Pour me satisfaire, il me les faudrait tous...
Comme toi, mon époux Adoré, je voudrais être flagellée
et crucifiée... Je voudrais mourir dépouillée comme
Saint Barthélémy... Comme Saint Jean, je voudrais être
plongée dans l'huile bouillante, je voudrais subir tous les supplices
infligés aux martyrs... Avec Sainte Agnès et Sainte Cécile,
je voudrais présenter mon cou au glaive et comme Jeanne d'Arc,
ma soeur chérie, je voudrais sur le bûcher murmurer ton
nom, ô JÉSUS... En songeant aux tourments qui seront le
partage des chrétiens au temps de l'Antéchrist, je sens
mon coeur tressaillir et je voudrais que ces tourments me soient réservés...
(NHA 917) Jésus, Jésus, si je voulais écrire tous
mes désirs, il me faudrait emprunter ton livre de vie, (NHA 918)
(Ap 20,12) là sont rapportées les actions de tous les
Saints et ces actions, je voudrais les avoir accomplies pour toi...
O mon Jésus ! à toutes mes folies que vas-tu répondre
?... Y a-t-il une âme plus petite, plus impuissante que la mienne
!... Cependant à cause même de ma faiblesse, tu t'es plu,
Seigneur, à combler mes petits désirs enfantins, et tu
veux aujourd'hui, combler d'autres désirs plus grands que l'univers...
A l'oraison mes désirs me faisant souffrir un véritable
martyre, j'ouvris les épîtres de Saint Paul afin de chercher
quelque réponse. Les chapitres XII et XIII de la première
épître aux Corinthiens me tombèrent sous les yeux...
J'y lus, dans le premier, que tous ne peuvent être apôtres,
prophètes, docteurs, etc... que l'Eglise est composée
de différents membres et que l'oeil ne saurait être en
même temps la main... (NHA 919) (1Co 12,21 12,29) La réponse
était claire mais ne comblait pas mes désirs, elle ne
me donnait pas la paix... Comme Madeleine se baissant toujours auprès
du tombeau vide (Jn 20,11-18) finit par trouver ... ce qu'elle cherchait,
ainsi, m'abaissant jusque dans les profondeurs de mon néant je
m'élevai si haut que je pus atteindre mon but. (NHA 920) Sans
me décourager je continuai ma lecture et cette phrase me soulagea
: " Recherchez avec ardeur les DONS les PLUS PARFAITS, mais je
vais encore vous montrer une voie plus excellente. " (Jn 20,11-18)
(NHA 921) Et l'Apôtre explique comment tous les dons les plus
PARFAITS ne sont rien sans l'AMOUR... Que la Charité est la VOIE
EXCELLENTE qui conduit sûrement à Dieu. Enfin j'avais trouvé
le repos... Considérant le corps mystique de l'Eglise, je ne
m'étais reconnue dans aucun des membres décrits par Saint
Paul, ou plutôt je voulais me reconnaître en tous... La
Charité me donna la clef de ma vocation. Je compris que si l'Eglise
avait un corps, composé de différents membres, (1Co 13,1-3)
le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas,
je compris que l'Église avait un Coeur, et que ce Coeur était
BRULANT d'AMOUR. Je compris que l'Amour seul faisait agir les membres
de l'Eglise, que si l'Amour venait à s'éteindre, les Apôtres
n'annonceraient plus l'Evangile, les Martyrs refuseraient de verser
leur sang... Je compris que l'AMOUR RENFERMAIT TOUTES LES VOCATIONS,
QUE L'AMOUR ETAIT TOUT, QU'IL EMBRASSAIT TOUS LES TEMPS ET TOUS LES
LIEUX ... EN UN MOT, QU'IL EST ETERNEL ! ... Alors, dans l'excès
de ma joie délirante, je me suis écriée : O Jésus,
mon Amour... ma vocation, enfin je l'ai trouvée, MA VOCATION,
C'EST L'AMOUR !... Oui j'ai trouvé ma place dans l'Eglise et
cette place, ô mon Dieu, c'est vous qui me l'avez donnée...
dans le Coeur de l'Eglise, ma Mère, je serai l'AMOUR... ainsi
je serai tout... ainsi mon rêve sera réalisé !...
(1Co 13,1-4) Pourquoi parler d'une joie délirante ? non, cette
expression n'est pas juste, c'est plutôt la paix calme et sereine
du navigateur apercevant le phare qui doit le conduire au port... O
Phare lumineux de l'amour, je sais comment arriver jusqu'à toi,
j'ai trouvé le secret de m'approprier ta flamme. Je ne suis qu'une
enfant, impuissante et faible, cependant c'est ma faiblesse même
qui me donne l'audace de m'offrir en Victime à ton Amour, ô
Jésus ! Autrefois les hosties pures et sans taches étaient
seules agréées par le Dieu Fort et Puissant. Pour satisfaire
la justice Divine, il fallait des victimes parfaites, mais à
la loi de crainte a succédé la loi d'Amour, et l'Amour
m'a choisie pour holocauste, moi, faible et imparfaite créature...
(Ps 24,8) (Lv 22,18-25) Ce choix n'est-il pas digne de l'Amour ? Oui,
pour que l'Amour soit pleinement satisfait, il faut qu'il s'abaisse,
qu'il s'abaisse jusqu'au néant et qu'il transforme en feu ce
néant... O Jésus, je le sais, l'amour ne se paie que par
l'amour, (NHA 922) aussi j'ai cherché, j'ai trouvé le
moyen de soulager mon coeur en te rendant Amour pour Amour. " Employez
les richesses qui rendent injustes à vous faire des amis qui
vous reçoivent dans les tabernacles éternels. " (NHA
923) (Lc 16,9) Voilà, Seigneur le conseil que tu donnes à
tes disciples après leur avoir dit que " Les enfants de
ténèbres sont plus habiles dans leurs affaires que les
enfants de lumière. " (NHA 924) (Lc 16,8) Enfant de lumière,
j'ai compris que mes désirs d'être tout, d'embrasser toutes
les vocations, étaient des richesses qui pourraient bien me rendre
injuste, alors je m'en suis servie à me faire des amis... Me
souvenant de la prière d'Elisée à son Père
Elie, lorsqu'il osa lui demander SON DOUBLE ESPRIT, (NHA 925) je me
suis présentée devant les Anges et les Saints, et je leur
ai dit : " Je suis la plus petite des créatures, je connais
ma misère et ma faiblesse, mais je sais aussi combien les coeurs
nobles et généreux aiment à faire du bien, je vous
supplie donc, ô Bienheureux habitants du Ciel, je vous supplie
de M'ADOPTER POUR ENFANT, à vous seuls sera la gloire que vous
me ferez acquérir mais daignez exaucer ma prière, elle
est téméraire, je le sais, cependant j'ose vous demander
de m'obtenir : VOTRE DOUBLE AMOUR. " (2R 2,9 Ap 8,3)
Puis encore ce texte splendide appelé : "
le petit oiseau ".
Jésus, Jésus, s'il est si délicieux
le désir de t'Aimer qu'est-ce donc de posséder, de jouir
de l'Amour ?... Comment une âme aussi imparfaite que la mienne
peut-elle aspirer à posséder la plénitude de l'Amour
?... 0 Jésus ! mon premier, mon seul Ami, toi que j'aime UNIQUEMENT,
dis-moi quel est ce mystère ?. .. Pourquoi ne réserves-tu
pas ces immenses aspirations aux grandes âmes, aux Aigles qui
planent dans les hauteurs ?... Moi je me considère comme un faible
petit oiseau couvert seulement d'un léger duvet, je ne suis pas
un aigle j'en ai simplement les yeux et le coeur car malgré ma
petitesse extrême j'ose fixer le Soleil Divin, le Soleil de l'Amour
et mon coeur sent en lui toutes les aspirations de l'Aigle... Le petit
oiseau voudrait voler vers ce brillant Soleil qui charme ses yeux, il
voudrait imiter les Aigles ses frères qu'il voit s'élever
jusqu'au foyer Divin de la Trinité Sainte... hélas ! tout
ce qu'il peut faire, c'est de soulever ses petites ailes, mais s'envoler,
cela n'est pas en son petit pouvoir ! Que va-t-il devenir ? mourir de
chagrin se voyant aussi impuissant ?... Oh non ! le petit oiseau ne
va pas même s'affliger. Avec un audacieux abandon, il veut rester
à fixer son Divin Soleil ; rien ne saurait l'effrayer, ni le
vent ni la pluie, et si de sombres nuages viennent à cacher l'Astre
d'Amour, le petit oiseau ne change pas de place, il sait que par delà
les nuages son Soleil brille toujours, que son éclat ne saurait
s'éclipser un seul instant. Parfois il est vrai, le coeur du
petit oiseau se trouve assailli par la tempête, il lui semble
ne pas croire qu'il existe autre chose que les nuages qui l'enveloppent
; c'est alors le moment de la joie parfaite pour le pauvre petit être
faible. Quel bonheur pour lui de rester là quand même,
de fixer l'invisible lumière qui se dérobe à sa
foi !... Jésus, jusqu'à présent, je comprends ton
amour pour le petit oiseau, puisqu'il ne s'éloigne pas de toi...
mais je le sais et tu le sais aussi, souvent, l'imparfaite petite créature
tout en restant à sa place (c'est-à-dire sous les rayons
du Soleil,) (Lc 10,41-42) se laisse un peu distraire de son unique occupation,
elle prend une petite graine à droite et à gauche, court
après un petit ver... puis rencontrant une petite flaque d'eau
elle mouille ses plumes à peine formées, elle voit une
fleur qui lui plaît, alors son petit esprit s'occupe de cette
fleur... enfin ne pouvant planer comme les aigles, le pauvre petit oiseau
s'occupe encore des bagatelles de la terre. Cependant après tous
ses méfaits, au lieu d'aller se cacher dans un coin pour pleurer
sa misère et mourir de repentir, le petit oiseau se tourne vers
son Bien-Aimé Soleil, il présente à ses rayons
bienfaisants ses petites ailes mouillées, il gémit comme
l'hirondelle (Is 38,14) et dans son doux chant il confie, il raconte
en détail ses infidélités pensant dans son téméraire
abandon acquérir ainsi plus d'empire, attirer plus pleinement
l'amour de Celui qui n'est pas venu appeler les justes mais les pécheurs...
(NHA 927) (Mt 9,13) Si l'Astre Adoré demeure sourd aux gazouillements
plaintifs de sa petite créature, s'il reste voilé... eh
bien ! la petite créature reste mouillée, elle accepte
d'être transie de froid et se réjouit encore de cette souffrance
qu'elle a cependant méritée... O Jésus ! que ton
petit oiseau est heureux d'être faible et petit, que deviendrait-il
s'il était grand ?... " Jamais il n'aurait l'audace de paraître
en ta présence, de sommeiller devant toi... Oui, c'est là
encore une faiblesse du petit oiseau lorsqu'il veut fixer le Divin Soleil
et que les nuages l'empêchent de voir un seul rayon, malgré
lui ses petits yeux se ferment, sa petite tête se cache sous la
petite aile et le pauvre petit être s'endort, croyant toujours
fixer son Astre Chéri. A son réveil, il ne se désole
pas, son petit coeur reste en paix, il recommence son office d'amour,
il invoque les anges et les Saints qui s'élèvent comme
des Aigles vers le Foyer dévorant, objet de son envie et les
Aigles prenant en pitié leur petit frère, le protègent,
le défendent et mettent en fuite les vautours qui voudraient
le dévorer. Les vautours, images des démons, le petit
oiseau ne les craint pas, il n'est point destiné à devenir
leur proie, mais celle de l'Aigle qu'il contemple au centre du Soleil
d'Amour. 0 Verbe Divin, (Jn 1,1-3) c'est toi l'Aigle adoré que
J'aime et qui m'attire ! c'est toi qui t'élançant vers
la terre d'exil as voulu souffrir et mourir afin d'attirer les âmes
jusqu'au sein de l'éternel Foyer de la Trinité Bienheureuse,
c'est toi qui remontant vers l'inaccessible Lumière (Mc 16,19)
qui sera désormais ton séjour, c'est toi qui restes encore
dans la vallée des larmes, (Ps 84,7) caché sous l'apparence
d'une blanche hostie... Aigle Eternel tu veux me nourrir de ta divine
substance, moi, pauvre petit être, qui rentrerais dans le néant
si ton divin regard ne me donnait la vie à chaque instant...
0 Jésus ! laisse-moi dans l'excès de ma reconnaissance,
laisse-moi te dire que ton amour va jusqu'à la folie.. . Comment
veux-tu devant cette Folie que mon coeur ne s'élance pas vers
toi ? Comment ma confiance aurait-elle des bornes ?... Ah ! pour toi,
Je le sais, les Saints ont fait aussi des folies, ils ont fait de grandes
choses puisqu'ils étaient des aigles... Jésus, je suis
trop petite pour faire de grandes choses... et ma folie à moi,
c'est d'espérer que ton Amour m'accepte comme victime... Ma folie
consiste à supplier les Aigles mes frères, de m'obtenir
la faveur de voler vers le Soleil de l'Amour avec les propres ailes
de l'Aigle Divin... (Dt 32,10-11) (NHA 928) Aussi longtemps que tu le
voudras, ô mon Bien Aimé, ton petit oiseau restera sans
forces et sans ailes, toujours il demeurera les yeux fixés sur
toi, il veut être fasciné par ton regard divin, il veut
devenir la proie de ton Amour... Un jour, j'en ai l'espoir, Aigle Adoré,
tu viendras chercher ton petit oiseau, (Dt 32,11) et remontant avec
lui au Foyer de l'Amour, tu le plongeras pour l'éternité
dans le brûlant Abîme de Cet Amour auquel il s'est offert
en victime... O Jésus ! que ne puis-je dire à toutes les
petites âmes combien ta condescendance est ineffable... je sens
que si par impossible tu trouvais une âme plus faible, plus petite
que la mienne, tu te plairais à la combler de faveurs plus grandes
encore, si elle s'abandonnait avec une entière confiance à
ta miséricorde infinie. (Lc 10,21) Mais pourquoi désirer
communiquer tes secrets d'amour, ô Jésus, n'est-ce pas
toi seul qui me les as enseignés et ne peux-tu pas les révéler
à d'autres ?... Oui je le sais, et je te conjure de le faire,
je te supplie d'abaisser ton regard divin sur un grand nombre de petites
âmes... Je te supplie de choisir une légion de petites
âmes dignes de ton AMOUR !... La toute petite Soeur Thérèse
de l'Enfant Jésus de la Sainte Face rel. carm. ind. (NHA 929)
Et encore ce passage dit " aimer comme Jésus "
" Cette année, ma Mère chérie,
le bon Dieu m'a fait la grâce de comprendre ce que c'est que la
charité ; avant je le comprenais, il est vrai, mais d'une manière
imparfaite, je n'avais pas approfondi cette parole de Jésus :
" Le second commandement est SEMBLABLE an premier : Tu aimeras
ton prochain comme toi-même. " (NHA 1030) (Mt 22,39) Je m'appliquais
surtout à aimer Dieu et c'est en l'aimant que j'ai compris qu'il
ne fallait pas que mon amour se traduisît seulement par des paroles,
car : " Ce ne sont pas ceux qui disent : Seigneur, Seigneur qui
entreront dans le royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté
de Dieu. " (NHA 1031) (Mt 7,21) " Cette volonté, Jésus
l'a fait connaître plusieurs fois, je devrais dire presque à
chaque page de son évangile ; mais la dernière cène,
lorsqu'Il sait que le coeur de ses disciples brûle d'un plus ardent
amour pour Lui qui vient de se donner à eux, dans l'ineffable
mystère de son Eucharistie, ce doux Sauveur veut leur donner
un commandement nouveau. Il leur dit avec une inexprimable tendresse
: Je vous fais un commandement nouveau, c'est de vous entr'aimer, et
que COMME JE VOUS AI AIMES, VOUS VOUS AIMIEZ LES UNS LES AUTRES. (Jn
13,34-35) La marque à quoi tout le monde connaîtra que
vous êtes mes disciples, c'est si vous vous entr'aimez. (NHA 1032)
Comment Jésus a-t-Il aimé ses disciples et pourquoi les
a-t-Il aimés ? Ah ! ce n'était pas leurs qualités
naturelles qui pouvaient l'attirer, il y avait entre eux et Lui une
distance infinie. Il était la science, la Sagesse Eternelle,
ils étaient de pauvres pêcheurs, ignorants et remplis de
pensées terrestres. Cependant Jésus les appelle ses amis,
ses frères. (Col 2,3) (NHA 1033) (Jn 15,15) Il veut les voir
régner avec Lui dans le royaume de son Père (Lc 22,30)
et pour leur ouvrir ce royaume Il veut mourir sur une croix car Il a
dit : Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux
qu'on aime. (NHA 1034) (Jn 15,13) Mère bien-aimée, en
méditant ces paroles de Jésus, j'ai compris combien mon
amour pour mes soeurs était imparfait, j'ai vu que je ne les
aimais pas comme le Bon Dieu les aime. Ah ! je comprends maintenant
que la charité parfaite consiste à supporter les défauts
des autres, à ne point s'étonner de leurs faiblesses,
à s'édifier des plus petits actes de vertus qu'on leur
voit pratiquer, mais surtout j'ai compris que la charité ne doit
point rester enfermée dans le fond du coeur : Personne, a dit
Jésus, n'allume un flambeau pour le mettre sous le boisseau,
mais on le met sur le chandelier, afin qu'il éclaire TOUS ceux
qui sont dans la maison. (NHA 1035) Il me semble que ce flambeau représente
la charité qui doit éclairer, réjouir, non seulement
ceux qui me sont les plus chers, mais TOUS ceux qui sont dans la maison,
sans excepter personne. (Mt 5,15) Lorsque le Seigneur avait ordonné
à son peuple d'aimer son prochain comme soi-même. (NHA
1036) Il n'était pas encore venu sur la terre ; aussi sachant
bien à quel degré l'on aime sa propre personne, Il ne
pouvait demander à ses créatures un amour plus grand pour
le prochain. (Lv 19,18) Mais lorsque Jésus fit à ses apôtres
un commandement nouveau, SON COMMANDEMENT A LUI, (NHA 1037) comme Il
le dit plus loin, ce n'est plus d'aimer le prochain comme soi-même
qu'Il parle mais de l'aimer comme Lui, Jésus l'a aimé,
comme Il l'aimera jusqu'à la consommation des siècles...
Ah ! Seigneur, je sais que vous ne commandez rien d'impossible, vous
connaissez mieux que moi ma faiblesse, mon imperfection, vous savez
bien que jamais je ne pourrais aimer mes soeurs comme vous les aimez,
si vous-même, ô mon Jésus, ne les aimiez encore en
moi. C'est parce que vous voulez m'accorder cette grâce que vous
avez fait un commandement nouveau. (Jn 13,24-25) Oh ! que je l'aime
puisqu'il me donne l'assurance que votre volonté est d'aimer
en moi tous ceux que vous me commandez d'aimer !... Oui je le sens ,
lorsque je suis charitable, c'est Jésus seul qui agit en moi
; plus je suis unie à Lui, plus aussi j'aime toutes mes soeurs.
Lorsque je veux augmenter en moi cet amour, lorsque surtout le démon
essaie de me mettre devant les yeux de l'âme les défauts
de telle ou telle soeur qui m'est moins sympathique, je m'empresse de
rechercher ses vertus, ses bons désirs, je me dis que si je l'ai
vue tomber une fois elle peut bien avoir remporté un grand nombre
de victoires qu'elle cache par humilité, et que même ce
qui me paraît une faute peut très bien être à
cause de l'intention un acte de vertu. Je n'ai pas de peine à
me le persuader, car j'ai fait un jour une petite expérience
qui m'a prouvé qu'il ne faut jamais juger. C'était pendant
une récréation, la portière sonne deux coups, il
fallait ouvrir la grande porte des ouvriers pour faire entrer des arbres
destinés à la crèche. La récréation
n'était pas gaie, car vous n'étiez pas là, ma Mère
chérie, aussi je pensais que si l'on m'envoyait servir de tierce
(NHA 1038) je serais bien contente ; justement mère Sous-Prieure
me dit d'aller en servir, ou bien la soeur qui se trouvait à
côté de moi ; aussitôt je commence défaire
notre tablier, mais assez doucement pour que ma compagne ait quitté
le sien avant moi, car je pensais lui faire plaisir en la laissant être
tierce. La soeur qui remplaçait la dépositaire nous regardait
en riant et voyant que je m'étais levée la dernière,
elle me dit : " Ah ! j'avais bien pensé que ce n'était
pas vous qui alliez gagner une perle à votre couronne, vous alliez
trop lentement... " Bien certainement toute la communauté
crut que j'avais agi par nature et je ne saurais dire combien une aussi
petite chose me fit de bien à l'âme et me rendit indulgente
pour les faiblesses des autres. Cela m'empêche aussi d'avoir de
la vanité lorsque je suis jugée favorablement car je me
dis ceci : Puisqu'on prend mes petits actes de vertus pour des imperfections,
on peut tout aussi bien se tromper en prenant pour vertu ce qui n'est
qu'imperfection. Alors je dis avec Saint Paul : Je me mets fort peu
en peine d'être jugée par un tribunal humain. (1Co 4,3-4)
Je ne me juge pas moi-même , Celui qui me juge c'est LE SEIGNEUR.
(NHA 1039) Aussi pour me rendre ce jugement favorable, ou plutôt
afin de n'être pas jugée du tout, je veux toujours avoir
des pensées charitables car Jésus a dit : Ne jugez pas
et vous ne serez pas jugés. (NHA 1040) (Lc 6,37)
Tout cela me paraît si intense qu'ils suffiront
pour cette paroisse. A votre tour, goûtez ces textes.
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