Saint Paul, une âme sacerdotale.
Sa description.
La foi des habitants de Thessalonique
Mon attention restera attirée,
en ce dimanche, par les belles considérations de Saint Paul
dans son épître aux Théssaloniciens.
Voici cette page magnifique prise en le « 6e dimanche après
l’Epiphanie », pour des raisons de calendrier liturgique.
« Frères, nous rendons grâce
à Dieu continuellement pour vous tous, en faisant mémoire
de vous dans nos prières : nous nous rappelons sans cesse l’activité
de votre foi, le labeur de votre charité et la constance de
votre espérance en notre Seigneur Jésus-Christ, en présence
de notre Dieu et Père. Nous savons, frères aimés
de Dieu, que vous êtes des élus ; car notre annonce de
l’Evangile n’a pas été faite chez vous avec
des paroles seulement, mais aussi avec puissance, dans l’Esprit-Saint,
avec plein succès ; vous savez d’ailleurs ce que nous
avons été parmi vous et pour vous. Et vous, vous êtes
devenus nos imitateurs et les imitateurs du Seigneur, recevant la
Parole, parmi beaucoup d’afflictions, avec la joie de l’Esprit-Saint
; en sorte que vous êtes devenus un modèle pour tous
les croyants de Macédoine et de l’Achaïe. De chez
vous, en effet, la parole du Seigneur n’a pas retenti seulement
en Macédoine et en Achaïe : c’est en tout lieu qu’est
parvenue votre foi en Dieu ; aussi bien, nous n’avons besoin
d’en rien dire. Car, en parlant de nous, on raconte ce que fut
notre arrivée chez vous, et comment, quittant les idoles, vous
vous êtes convertis à Dieu, pour servir le Dieu vivant
et vrai et attendre du ciel son Fils qu’il a ressuscité
d’entre les morts, Jésus, lui qui nous délivre
de la colère qui vient ». (Thess 1. 1 2-10)
Saint Paul nous montre ici encore une
âme ardente, pleine de feu, de délicatesse et d’attention
pour ceux qu’il a évangélisé, ceux qu’il
doit évangéliser sans cesse. Il est vraiment un modèle
de « pasteur ».
Il définit, en même temps,
la foi des habitants de Thessalonique. Il en fait le panégyrique
et tout équivalemment, dessine la belle figure du chrétien.
C’est, pour nous, à retenir.
Saint Paul, une âme ardente
Et tout d’abord, faisons remarquer
que Saint Paul manifeste une âme ardente. Il ne reste pas indifférent
à ses fidèles. Il ne les oublie pas, jamais. Ils sont,
sans cesse, dans sa pensée, dans ses prières. Saint
Paul est un Apôtre aimant, zélé, ardent, au cœur
chaleureux et généreux. Il porte en son cœur tous
ses fidèles. Il se souvient de tous dans ses prières
: « Memoriam vestri facientes in orationibus nostris sine intermissione
» « Nous faisons mémoire de vous dans nos prières
».
Saint Paul, une âme d’action
de grâces
Et ses fidèles, et leur piété
et leur foi sont l’objet de son action de grâce. Notons
au passage que Saint Paul est une âme d’action de grâces.
« Gratias agimus Deo semper ». Toujours il rend grâce
à Dieu. C’est une âme qui ne se replie jamais sur
elle-même, qui n’est pas égoïste et étroite,
mais toujours tourné vers Dieu, pour lui rendre grâce
de tout, toujours et à propos de tout.
Une âme d’action de grâces est une âme humble
qui sait qu’elle doit tout à Dieu, rien à elle-même,
ni à son génie.
Une âme d’action de grâces est une âme dépouillée
d’elle-même, qui ne se complait jamais en elle-même,
mais se tourne vers Dieu sans cesse car elle sait qu’elle doit
tout à Dieu…Elle ne s’approprie que le mal qui
est l’occasion pour elle de s’humilier.
Les motifs de son action de grâce.
Et ici il nous indique qu’elle
est le motif de son action de grâces : ce sont ses fidèles
de Thessalonique.
Et c’est à juste titre que Saint Paul peut rendre grâce
à Dieu au sujet de ses fidèles. Car ils sont «
plein de foi » et leur foi, en eux, n’est pas stérile.
Elle s’exprime « ad extra » par mille actions, mille
générosités ; « Memores operis fidei vestrae
».
« Opus fidei ». Saint Paul
ne s’étend pas. Il ne décrit pas leurs œuvres,
leurs « opera », leur activité.
Mais nul doute qu’il s’agit de la piété
des Théssaloniciens, de leur zèle liturgique, de leur
amour du chant liturgique, de leur amour du sacrifice rédempteur,
de leur vie d’oraison et de prière. Toutes ces activités
trouvent leur principe, leur racine dans la foi.
Et notez bien qu’il parle des « œuvres de la foi
». Il ne parle pas seulement de la foi, mais bien des «
œuvres de la foi ». Texte précieux, s’il en
est, pour confondre la thèse de Martin Luther sur la justification
et la « sola fides ».
Et de cette activité de la foi, Saint Paul en rend grâce
à Dieu et s’en réjouit. Tout cela était
pour lui la raison de sa joie. Je ne vois pas d’âme vivant
d’action de grâce qui ne soit pas tout également,
une âme joyeuse.
Il fait mémoire aussi dans sa
prière, de leur « labeur ». « Et laboris
».
Ceci corrobore l’enseignement précédent de Saint
Paul : que la foi, si elle est vraie, ne peut pas ne pas s’exprimer
en « œuvres », par le labeur.
Mais aussi de leur charité. Le
traducteur, ici, joint les deux mots. Saint Paul se réjouit
« du labeur de leur charité ». Non le texte latin
dit : « Il se réjouit et de leur labeur et de leur charité.
« Et laboris et caritatis ».
Notez alors au passage, le style du chrétien.
C’est un homme qui extériorise sa vie théologale.
La grâce sanctifiante, dans l’âme du chrétien,
est active. Elle s’exerce et s’exprime en œuvres
diverses. Elle agit. Le chrétien est le contraire même
du paresseux, de « ’égocentrique ».
Il se souvient aussi de la constance
de leur espérance en NSJC. Espérance qui maintient le
chrétien en présence de Dieu « ante Deum et patrem
nostram ». Le chrétien est celui qui vit sans cesse sous
le regard de Dieu, « ante Deum ». Il sait que Dieu voit
tout, connaît tout. Le chrétien ne cache rien à
Dieu. Vivre devant Dieu, dans la lumière de Dieu : voilà
la joie du chrétien.
Saint Paul aussi rend grâce à
Dieu de l’élection de ses fidèles. « Scientes,
dilecti Deo, electionem vestram ». « Nous savons, frères
aimés de Dieu, que vous êtes des élus »
Il y a un lien, une relation, du reste, entre le choix divin et l’amour
divin. L’un dépend de l’autre. Tout chrétien
est aimé de Dieu et donc choisi de Dieu. Je suis élu
parce qu’aimé. C’est parce que Dieu est amour qu’il
s’est penché sur les Théssaloniciens, leur envoyant
Saint Paul pour que, grâce à sa parole enflammée,
ils croient et que croyant, ils se sachent les élus de Dieu
et cela par pure gratuité…L’amour divin est gratuit.
Ainsi de notre élection… Quelle action de grâces
rendrais-je au Seigneur…
La prédication de Saint Paul.
Son objet, son style.
Et cette prédication, Saint Paul
l’a décrite lui-même sans fausse honte. Sa prédication
a d’abord pour objet : l’Evangile. Et non pas d’abord
le fait « social ». Elle fut puissante. Elle s’exprima
par la parole, par une parole « enflammée ». Elle
s’exprima aussi par les miracles et par l’effusion du
Saint-Esprit. Par la communication des sacrements, du baptême,
de la confirmation. Mais, certainement, aussi par des manifestations
charismatiques. Elle se manifesta avec « certitude ».
Par une parfaite « assurance ». En latin, on a «
in plenitutidine multa », que l’on peut traduire : «
avec une totale plénitude ». Plénitude, qui vient
du mot latin « plenus » qui veut dire : « plein,
replet, corpulent, bien fourni, abondamment garni, riche, complet,
entier, parfait, fort ». Tel fut la prédication de Saint
Paul.
Ce devait être fabuleux de l’écouter,
de l’entendre parler de NSJC, du Messie. Elle devait être
riche, illustrée d’images de l’Ancien Testament,
forte, convaincante, dite d’une voie assurée, abondamment
garnie des Ecritures, une prédication pleine, parfaite. De
fait, dès le début de sa conversion, il prêcha
dans les synagogue, le Messie, montrant que le Christ était
bien Celui qui était annoncé dans l’Ancien Testament.
Il ne craint pas de dire ce qu’il fut, lui, l’Apôtre
des Nations, pour eux. Il leur fit du bien. Il leur apporta le bien,
la parole du Seigneur.
Le zèle des fidèles
Et sa générosité,
son enthousiasme, sa force provoqua en retour l’estime des fidèles
et leur zèle à faire le bien
Et d’abord à l’imiter. Imiter Saint paul. Un jour,
un fidèle, un tantinet original, me fit cette réflexion.
« Je n’aime pas Saint Paul, il est prétentieux
». Mais pas du tout. C’est ne rien comprendre à
la vie chrétienne, à la vertu. Elle doit briller pour
éclairer les autres. On n’allume pas la lumière
pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire pour
qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. C’est
ce que fit Saint Paul parmi les Théssaloniciens. Il fut tel
qu’ils eurent tous le désir de l’imiter. Il avait
un zèle communicatif, enthousiasmant que l’on voulait
suivre, imiter. . « Vous fûtes mes imitateurs »
dit-il. Et pas seulement mes imitateurs. Mais aussi les imitateurs
de NSJC. Car vous avez accueilli la parole : « Excipientes verbum
».
Vous trouvez là encore une belle
définition du chrétien.
« Excipientes » qui veut
dire « recueillir, recevoir, se charger de, entendre, apprendre,
recevoir, admettre, soutenir ». Comme ce mot est riche ! Vous
notez que tous ces verbes s’opposent au subjectivisme moderniste,
à leur théorie de l’ « immanence vitale
». La foi serait pour eux le fruit de leur « intérieur
».
Saint Paul, par ce verbe « excepientes » s’y oppose
fortement. La foi, elle doit être reçue. Elle doit donc
être enseignée. On ne la découvre pas à
l’intérieur de soi. On ne l’imagine pas. Non !
Mais on l’entend, on l’apprend, on la reçoit, on
l’admet. On la soutient. On la proclame.
L’enseignement de Mgr Lefebvre.
A cette occasion, il me plait de vous
rappeler les paroles de Mgr Lefebvre sur l’objectivité
de la foi. Il nous donne cet enseignement dans son petit livre : «
Itinéraire spirituel », vers la fin, dans ce qu’il
a intitulé « Notes complémentaires ». C’est
la seconde note complémentaire. Vous verrez et apprécierez,
vous aussi, la force de l’enseignement de Mgr Lefebvre !
Voilà ! « Notre spiritualité est objective, en
ce sens que tout ce qui nous sanctifie vient de Dieu par Notre Seigneur,
« Sans Moi, dit Notre Seigneur, vous ne pouvez rien faire ».
Tout le chapitre XV de saint Jean est une affirmation de cette réalité.
Notre intelligence se sanctifie dans la vérité qui lui
est enseignée, qui ne vient pas d’elle. Notre volonté
se sanctifie dans la loi et la grâce du Seigneur qui ne viennent
pas d’elle. Cette dépendance vis-à-vis de la réalité
divine qui n’est pas nous, est essentielle pour maintenir l’âme
profondément ancrée dans la vertu d’humilité,
dans l’adoration, dans la reconnaissance et dans le désir
toujours plus vif de nous abreuver et de nous nourrir aux sources
de la sainteté, spécialement celles du Cœur de
Jésus ».
Il ajoute entre parenthèse : « Il est difficile de mesurer
les dégâts spirituels accomplis par la tendance subjectiviste
du Concile, par son personnalisme, qui s’efforce, à tort,
de faire abstraction de la finalité de la nature humaine, de
sa liberté finalisée ; (Retenez, je vous prie, cette
expression : liberté finalisée. Elle est capitale) ;
ainsi s’explique cette exaltation de l’homme, de ses droits,
de sa liberté, de sa conscience : humanisme païen qui
ruine la spiritualité catholique, l’esprit sacerdotal
et religieux.)
« Combien il nous faut méditer ces réalités
pour demeurer catholiques et garder les principes et les sources de
la vraie sainteté ! Bienheureux les « esurientes »
et les « pauperes spiritu » du Magnificat et des Béatitudes.
Malheur aux « divites » qui sont remplis d’eux-mêmes
et n’ont plus besoin ni de Dieu, ni de Jésus-Christ.
Venant d’un monde où règne partout le subjectivisme,
qui place comme fondement des relations sociales, la conscience individuelle,
la liberté de conscience, l’autonomie de la personne,
justifiant toutes les erreurs et tous les vices, les jeunes séminaristes
auront à cœur de retrouver le chemin de la vérité
et de la vertu, dans l’objectivité de nos facultés,
et de retrouver en Notre Seigneur la Vérité et la Sainteté.
»(cf. Itinéraire spirituel. p. 88-89)
Vous appréciez, je pense, cet
enseignement, ce rappel parfaitement paulinien…
Saint Paul poursuit : « In tribulatione
», dans les épreuves et dans la tribulation.
« cum gaudio Spiritu Sancti ». Voilà encore une
belle définition du chrétien. La tribulation, dans le
cœur chrétien, est telle, et vécut de telle façon
qu’elle n’exclut pas la joie de l’Esprit-Saint.
Alors oui, « je peux raisonnablement rendre grâce à
Dieu de votre comportement, de votre zèle, de votre foi, de
votre espérance, de votre charité, de votre labeur,
de votre attention à la parole de Dieu, ma prédication
».
Et ainsi, vous fûtes alors les
modèles de toute la chrétienté. Un peu comme
la France, jadis, au milieu de l’Europe.
Saint Paul affirme la chose. Et il passe. C’est connu. On le
sait, Ca se sait.
Alors tout le monde sait quel accueil
vous me fîtes. « Qualem introitum habuerimus ».
Quel accueil nous avons trouvé près de vous. Ah Heureux
Saint Paul. Il fut bien introduit, bien accueilli. Il le mérita
bien. C’est là aussi une belle définition de l’Apôtre
dans sa communauté : « Qualem introitum habuerimus ».
Alors tout le monde sait comment vous
avez quitté les idoles, grâce à mes paroles, pour
vous convertir à Dieu. « Quomodo conversi estis ad Deum
a simulacris ». Oui vous avez quitté les simulacres de
divinité pour vous tourner vers Dieu. « Convertere ».
Se tourner vers Dieu. Dans quel but ? A quel fin ? Pourquoi ? Saint
Paul l’explicite ici : « pour le servir » ; «
Servire Deo vivo et vero ». Mais aussi pour l’attendre
dans son retour en gloire, « expectare Filium eius de Coelis
».
Et il termine par un bel acte de foi, en la résurrection du
Christ. « Quem suscitavit ex mortuis », « qu’il
a ressuscité d’entre les morts » Et en sa mission
rédemptrice : « Qui eripuit nos ab ira ventura »,
ce jésus qui délivre de la colère qui vient ».
« Eripere » veut dire « arracher violemment »
de la colère qui vient. Tel fut l’œuvre du Christ
dans la Rédemption. Une œuvre virile. Amen
B- Le Père de Foucauld nous enseigne
sur l’Islam…
Nous publions un Lettre écrite par le saint ermite à
l'académicien René Bazin, de l'Académie française,
président de la Corporation des publicistes chrétien.
Elle est parue dans le Bulletin du Bureau catholique de presse, n°
5, octobre 1917.
Bazin sera l'auteur de sa première
— et indépassable — biographie. Je vous la recommande…Je
viens de la terminer…Elle est magnifique.
Quoi qu'on en ait dit, Foucauld voulait
évangéliser les Touaregs. Il l’affirme dans cette
lettre. Sa méthode : inspirer confiance par l'exemple d'une
vie droite et généreuse, " préparer la voie
".
Relire Foucauld n'est pas anachronique
: l'homme fut un mystique, mais un mystique incarné, un intellectuel
précis.
Quand l'intégration des musulmans
à la laïcité française ne cesse de créer
des situations de plus en plus dramatiques, il est bon de retenir
le message du missionnaire qui, déjà, appelait les Français
à être davantage chrétiens.
Il est bien dommage que le Président
de la République, Jacques Chirac n’ait pas lu cette lettre
avant son discours de lundi 15 novembre 2005, à 20h00. Il aurait
parlé plus justement...
Défiez-vous de cette « diversité
» française affirmée par le Président trois
au quatre fois dans son discours ! Le message qu’il voulait
faire passer est clair: l’islam a toute sa place en terre française.
Son ministre de l’intérieur l’organise même
en France en voulant financer la création des mosquées…Ils
se trompent. Ils se trompent gravement. Si l’Islam a toute sa
place en terre de France… alors le catholicisme n’y aura
bientôt plus sa place…ni du reste le laïcisme…Et
ainsi il en sera fait de la « diversité » que Jacques
Chirac veut nous présenter comme une richesse. L’Islam
n’accepte pas la diversité. Il n’a que faire de
la « liberté religieuse »…L’épiscopat
français pourra bien parler de « liberté religieuse
»… comme Mgr Hippolyte Simon, archevêque de Clermont…me
le disait lors de notre dernière conversation, à l’abbaye
de Sept Fond… pensant obtenir même liberté pour
l’Eglise en terre islamique…Quelle illusion ! L’Islam
lui répond : « parle toujours, tu m’instructionne
». Les yeux des « politiques » et des « épiscopes
» s’ouvriront bien un jour à la réalité…Mais
cela risque d’être bien trop tard.
Le Père de Foucauld nous l’enseigne
dans cette lettre. D’où son importance.
Que ceux qui liront cette lettre, la
garde en mémoire et qu’elle leur serve pour juger de
la politique d’un Chirac, d’un Sarkozy. Tous les deux
mènent une politique « suicidaire » en France.
Le sang a coulé en France ces derniers jours. Il coulera encore
demain …Et la faute en sera à nos « politiques
» qui ne comprennent rien à la nature de l’Islam.
Pourtant l’histoire devrait les instruire … Que la lecture
de cette lettre du bienheureux de Foucauld vous enseigne…pour
toujours sur la vraie nature de l’Islam.
JESUS CARITAS,
Tamanrasset, par Insalah, via Biskra, Algérie, 29 juillet 1916.
" Monsieur, Je vous remercie infiniment d'avoir bien voulu répondre
à ma lettre, au milieu de tant de travaux, et si fraternellement.
Je pourrais, m'écrivez-vous, vous dire utilement la vie du
missionnaire parmi les populations musulmanes, mon sentiment sur ce
qu'on peut attendre d'une politique qui ne cherche pas à convertir
les musulmans par l'exemple et par l'éducation et qui par conséquent
maintient le mahométisme, enfin des conversations avec des
personnages du désert sur les affaires d'Europe et sur la guerre.
I — Vie du missionnaire parmi les
populations musulmanes
Habituellement chaque mission comprend
plusieurs prêtres, au moins deux ou trois ; ils se partagent
le travail qui consiste surtout en relations avec les indigènes
(les visiter et recevoir leurs visites) ; œuvres de bienfaisance
(aumônes, dispensaires) ; œuvres d'éducation (écoles
d'enfants, écoles du soir pour les adultes, ateliers pour les
adolescents) ; ministère paroissial (pour les convertis et
ceux qui veulent s'instruire dans la religion chrétienne).
Je ne suis pas en état de vous décrire cette vie qui,
dans ma solitude au milieu de populations très disséminées
et encore très éloignées d'esprit et de cœur,
n'est pas la mienne... Les missionnaires isolés comme moi sont
fort rares. Leur rôle est de préparer la voie, en sorte
que les missions qui les remplaceront trouvent une population amie
et confiante, des âmes quelque peu préparées au
christianisme, et, si faire se peut, quelques chrétiens. Vous
avez en partie décrit leurs devoirs dans votre article : "
Le plus grand service " (Écho de Paris, 22 janvier 1916).
Il faut nous faire accepter des musulmans, devenir pour eux l'ami
sûr, à qui on va quand on est dans le doute ou la peine,
sur l'affection, la sagesse et la justice duquel on compte absolument.
Ce n'est que quand on est arrivé là qu'on peut arriver
à faire du bien à leurs âmes. Inspirer une confiance
absolue en notre véracité, en la droiture de notre caractère,
et en notre instruction supérieure, donner une idée
de notre religion par notre bonté et nos vertus, être
en relations affectueuses avec autant d'âmes qu'on le peut,
musulmanes ou chrétiennes, indigènes ou françaises,
c'est notre premier devoir : ce n'est qu'après l'avoir bien
rempli, assez longtemps, qu'on peut faire du bien.
Ma vie consiste donc à être
le plus possible en relation avec ce qui m'entoure et à rendre
tous les services que je peux. À mesure que l'intimité
s'établit, je parle, toujours ou presque toujours en tête
à tête, du bon Dieu, brièvement, donnant à
chacun ce qu'il peut porter, fuite du péché, acte d'amour
parfait, acte de contrition parfaite, les deux grands commandements
de l'amour de Dieu et du prochain, examen de conscience, méditation
des fins dernières, à la vue de la créature penser
à Dieu, etc., donnant à chacun selon ses forces et avançant
lentement, prudemment.
Il y a fort peu de missionnaires isolés
faisant cet office de défricheur ; je voudrais qu'il y en eût
beaucoup : tout curé d'Algérie, de Tunisie ou du Maroc,
tout aumônier militaire, tout pieux catholique laïc (à
l'exemple de Priscille et d'Aquila), pourrait l'être. Le gouvernement
interdit au clergé séculier de faire de la propagande
anti-musulmane ; mais il s'agit de propagande ouverte et plus ou moins
bruyante : les relations amicales avec beaucoup d'indigènes,
tendant à amener lentement, doucement, silencieusement, les
musulmans à se rapprocher des chrétiens devenus leurs
amis, ne peuvent être interdites par personne. Tout curé
de nos colonies, pourrait s'efforcer de former beaucoup de ses paroissiens
et paroissiennes à être des Priscille et des Aquila.
Il y a toute une propagande tendre et discrète à faire
auprès des indigènes infidèles, propagande qui
veut avant tout de la bonté, de l'amour et de la prudence,
comme quand nous voulons ramener à Dieu un parent qui a perdu
la foi...
Espérons qu'après la victoire
nos colonies prendront un nouvel essor. Quelle belle mission pour
nos cadets de France, d'aller coloniser dans les territoires africains
de la mère patrie, non pour s'y enrichir, mais pour y faire
aimer la France, y rendre les âmes françaises et surtout
leur procurer le salut éternel, étant avant tout des
Priscille et des Aquila !
II — Comment franciser les peuples
de notre empire africain
Ma pensée est que si, petit à
petit, doucement, les musulmans de notre empire colonial du nord de
l'Afrique ne se convertissent pas, il se produira un mouvement nationaliste
analogue à. celui de la Turquie : une élite intellectuelle
se formera dans les grandes villes, instruite à la française,
sans avoir l'esprit ni le cœur français, élite
qui aura perdu toute foi islamique, mais qui en gardera l'étiquette
pour pouvoir par elle influencer les masses ; d'autre part, la masse
des nomades et des campagnards restera ignorante, éloignée
de nous, fermement mahométane, portée à la haine
et au mépris des Français par sa religion, par ses marabouts,
par les contacts qu'elle a avec les Français (représentants
de l'autorité, colons, commerçants), contacts qui trop
souvent ne sont pas propres à nous faire aimer d'elle. Le sentiment
national ou barbaresque s'exaltera dans l'élite instruite :
quand elle en trouvera l'occasion, par exemple lors de difficultés
de la France au dedans ou au dehors, elle se servira de l'islam comme
d'un levier pour soulever la masse ignorante, et cherchera à
créer un empire africain musulman indépendant.
L'empire Nord-Ouest-Africain de la France,
Algérie, Maroc, Tunisie, Afrique occidentale française,
etc., a 30 millions d'habitants ; il en aura, grâce à
la paix, le double dans cinquante ans. Il sera alors en plein progrès
matériel, riche, sillonné de chemins de fer, peuplé
d'habitants rompus au maniement de nos armes, dont l'élite
aura reçu l'instruction dans nos écoles. Si nous n'avons
pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront.
Le seul moyen qu'ils deviennent Français est qu'ils deviennent
chrétiens.
Il ne s'agit pas de les convertir en
un jour ni par force mais tendrement, discrètement, par persuasion,
bon exemple, bonne éducation, instruction, grâce à
une prise de contact étroite et affectueuse, œuvre surtout
de laïcs français qui peuvent être bien plus nombreux
que les prêtres et prendre un contact plus intime.
Des musulmans peuvent-ils être
vraiment français ? Exceptionnellement, oui. D'une manière
générale, non. Plusieurs dogmes fondamentaux musulmans
s'y opposent ; avec certains il y a des accommodements ; avec l'un,
celui du medhi, il n'y en a pas : tout musulman, (je ne parle pas
des libres-penseurs qui ont perdu la foi), croit qu'à l'approche
du jugement dernier le medhi surviendra, déclarera la guerre
sainte, et établira l'islam par toute la terre, après
avoir exterminé ou subjugué tous les non musulmans.
Dans cette foi, le musulman regarde l'islam comme sa vraie patrie
et les peuples non musulmans comme destinés à être
tôt ou tard subjugués par lui musulman ou ses descendants
; s'il est soumis à une nation non musulmane, c'est une épreuve
passagère ; sa foi l'assure qu'il en sortira et triomphera
à son tour de ceux auxquels il est maintenant assujetti ; la
sagesse l' engage à subir avec calme son épreuve; "
l'oiseau pris au piège qui se débat perd ses plumes
et se casse les ailes ; s'il se tient tranquille, il se trouve intact
le jour de la libération ", disent-ils ; ils peuvent préférer
telle nation à une autre, aimer mieux être soumis aux
Français qu'aux Allemands, parce qu'ils savent les premiers
plus doux ; ils peuvent être attachés à tel ou
tel Français, comme on est attaché à un ami étranger;
ils peuvent se battre avec un grand courage pour la France, par sentiment
d'honneur, caractère guerrier, esprit de corps, fidélité
à la parole, comme les militaires de fortune des XVIe et XVIIe
siècles mais, d'une façon générale, sauf
exception, tant qu'ils seront musulmans, ils ne seront pas Français,
ils attendront plus ou moins patiemment le jour du medhi, en lequel
ils soumettront la France.
De là vient que nos Algériens
musulmans sont si peu empressés à demander la nationalité
française : comment demander à faire partie d'un peuple
étranger qu'on sait devoir être infailliblement vaincu
et subjugué par le peuple auquel on appartient soi-même
? Ce changement de nationalité implique vraiment une sorte
d'apostasie, un renoncement à la foi du medhi...
III — Conversation avec des personnages
du désert sur les affaires de l'Europe et sur la guerre
Je n'en ai pas. Je n'ai jamais cessé de dire aux indigènes
que cette guerre est chose sans gravité : deux gros pays ont
voulu en manger deux petits ; les autres gros pays, tel que les Anglais,
les Russes et nous, leur font la guerre non seulement pour empêcher
cette injustice, mais pour ôter à ces deux voleurs la
force de recommencer ; quand ils seront bien corrigés et affaiblis
on leur accordera la paix ; cela durera ce que cela durera, le résultat
ne présente aucun doute, et nous avons l'habitude d'aller lentement
mais sûrement... Les gens de ce pays reculé sont d'une
telle ignorance que tout détail supplémentaire les induirait
en erreur : ils ne comprendraient pas, et se feraient des idées
fausses.
La main-d'œuvre polonaise
Votre article sur la main-d'œuvre
étrangère (L'Écho de Paris du 28 mai 1916), et
ce que vous y dites avec tant de vérité des Polonais
me porte à vous parler d'un ami... qui a consacré sa
vie à l'étude et au relèvement de la Pologne,
sa patrie ; il travaille à la relever surtout par la pureté
des mœurs, l'austérité de la vie et le renoncement
à l'alcool. Voyant avec douleur beaucoup de Polonais partir
annuellement pour l'Amérique où ils perdent leurs âmes,
il cherche à détourner ce mouvement d'émigration
vers la France et les colonies françaises du Nord de l'Afrique,
Algérie, Maroc, Tunisie. Depuis trois ou quatre ans il a fait
parvenir des propositions à ce sujet aux autorités françaises
d'Algérie et du Maroc, offrant de diriger sur ces pays des
familles choisies de Polonais. Rien de ce qu il a proposé n'a
été exécuté jusqu'a présent. L'heure
viendra peut-être bientôt de reprendre son idée
et de l'appliquer non seulement à l'Algérie, à
la Tunisie et au Maroc, mais aussi à la France...
Les Kabyles
Comme vous, je désire ardemment
que la France reste aux Français, et que notre race reste pure.
Pourtant je me réjouis de voir beaucoup de Kabyles travailler
en France ; cela semble peu dangereux pour notre race, car la presque
totalité des Kabyles, amoureux de leur pays, ne veulent que
faire un pécule et regagner leurs montagnes.
Si le contact de bons chrétiens
établis en Kabylie est propre à convertir et à
franciser les Kabyles, combien plus la vie prolongée au milieu
des chrétiens de France est-elle capable de produire cet effet.
Les berbères marocains, frères
des Kabyles, sont encore par trop rudes ; ils seront pareils aux Kabyles,
quand, comme eux, ils auront soixante ans de domination française.
Saint Augustin aimait la langue punique, parce que, disait-il, c'était
la langue de sa mère : qu'était la race de sainte Monique
dont la langue était la punique ? La race berbère ?
Si la race berbère nous a donné sainte Monique et en
partie saint Augustin, voilà qui est bien rassurant. N'empêche
que les Kabyles ne sont pas aujourd'hui ce qu'étaient leurs
ancêtres du IVe siècle : leurs hommes ne sont pas ce
que nous voulons pour nos filles ; leurs filles ne sont pas capables
de faire les bonnes mères de famille que nous voulons.
Pour que les Kabyles deviennent français, il faudra pourtant
que des mariages deviennent possibles entre eux et nous : le christianisme
seul, en donnant même éducation, mêmes principes,
en cherchant à inspirer mêmes sentiments, arrivera, avec
le temps, à combler en partie l'abîme qui existe maintenant.
En me recommandant fraternellement à
vos prières, ainsi que nos Touaregs, et en vous remerciant
encore de votre lettre, je vous prie d'agréer l'expression
de mon religieux et respectueux dévouement.
Votre humble serviteur dans le Cœur de Jésus. "
Charles de FOUCAULD
C- Les « 50 propositions
synodales ».
Nous poursuivons la publication des «
50 propositions synodales » qui furent présentées
à la fin du Synode au pape Benoît XVI. Vous trouverez
ici les 10 dernières propositions Vous les aurez ainsi toutes
sur le sites « ITEM ». Vous pourrez ainsi les étudier
et comprendre, un jour prochain, l’exhortation que nous donnera
prochainement Benoît XVI
Proposition 40
Les divorcés remariés et
l’Eucharistie
En continuité avec les nombreuses
déclarations du Magistère de l’Eglise et partageant
la douloureuse préoccupation exprimée par de nombreux
pères, le Synode des évêques rappelle l’importance
d’une attitude et d’une action pastorale d’attention
et d’accueil envers les fidèles divorcés et remariés.
Selon la Tradition de l’Eglise catholique, ceux-ci ne peuvent
être admis à la communion, étant donné
qu’ils se trouvent dans une situation objectivement contraire
à la Parole du Seigneur qui a ramené le mariage à
la valeur originelle de l’indissolubilité (cf. CEC 1640),
dont témoigne son don sponsal sur la croix duquel les baptisés
sont rendus participants à travers la grâce du sacrement.
Les divorcés remariés appartiennent toutefois à
l’Eglise, qui les accueille et les suit avec une attention spéciale
afin qu’ils cultivent un style de vie chrétien à
travers la participation à la messe, même s’ils
ne reçoivent pas la communion, l’écoute de la
Parole de Dieu, l’adoration eucharistique, la prière,
la participation à la vie communautaire, le dialogue confiant
avec un prêtre ou un maître de vie spirituelle, l’engagement
à vivre la charité, les œuvres de pénitence,
l’engagement éducatif envers les enfants. Si la nullité
du lien matrimonial n’est pas reconnue et que l’on fournit
des conditions objectives qui rendent la coexistence irréversible,
l’Eglise les encourage à vivre leur relation selon les
exigences de la loi de Dieu, en la transformant en une amitié
loyale et solidaire; ils pourront ainsi s’approcher à
nouveau de la table eucharistique, avec les attentions prévues
par la pratique ecclésiale expérimentée, mais
que l’on évite de bénir ces relations afin de
ne pas engendrer de confusions parmi les fidèles concernant
la valeur du mariage.
Dans le même temps le synode souhaite
que tous les efforts possibles soient mis en oeuvre aussi bien pour
assurer le caractère pastoral, la présence et l’activité
correcte et pleine de sollicitude des tribunaux ecclésiastiques
pour les causes de nullité du mariage (cf Dignitas connubii),
que pour approfondir davantage les éléments essentiels
en ce qui concerne la validité du mariage, tenant également
compte des problèmes venant d’un contexte de profonde
transformation anthropologique de notre temps, par lequel les fidèles
eux-mêmes risquent d’être conditionnés, en
particulier à cause d’un manque de formation chrétienne
solide.
Le synode estime que, dans tous les cas, une grande attention doit
être accordée à la formation de ceux qui se préparent
au mariage et qu’il convient de s’assurer au préalable
qu’ils partagent réellement les convictions et les engagements
indispensables pour la validité du sacrement du mariage, et
demande aux évêques et aux curés le courage d’un
sérieux discernement pour éviter que des élans
émotifs ou des raisons superficielles conduisent ceux qui se
préparent au mariage à assumer une grande responsabilité
pour eux-mêmes, pour l’Eglise et pour la société,
qu’ils ne pourront ensuite honorer.
Proposition 41
L’admission des fidèles
non catholiques à la communion
Sur la base de la communion de tous les
chrétiens, que le Baptême unique rend déjà
efficace, même si c’est encore de manière incomplète,
la séparation à la table du Seigneur est vécue
à juste titre comme un fait douloureux. Aussi bien au sein
de l’Eglise catholique que de la part de nos frères et
sœurs non catholiques, la demande urgente de la possibilité
de communion eucharistique entre les chrétiens catholiques
et les autres est donc présentée très fréquemment.
Il faut éclaircir le fait que l’Eucharistie ne désigne
et ne réalise pas seulement notre communion personnelle avec
Jésus Christ, mais surtout la pleine « communio »
de l’Eglise. Nous demandons par conséquent que les chrétiens
non catholiques comprennent et respectent le fait que pour nous, selon
toute la tradition biblique établie, la communion eucharistique
et la communion ecclésiale sont intimement liées et
que par conséquent la communion eucharistique avec les chrétiens
non catholiques n’est généralement pas possible.
Plus encore, la concélébration œcuménique
est exclue. Il faudrait de même éclaircir le fait que
en vue du salut personnel l’admission de chrétiens non
catholiques à l’Eucharistie, au sacrement de la Pénitence
et à l’Onction des malades, dans des situations déterminées,
à des conditions précises, est possible et même
recommandée (UR 8, 15 ; Directoire œcuménique 129-131;
CdC 844 § 3 et 4; CCEO 671 §4; Lettre encyclique Ut unum
sint 46; Lettre encyclique Ecclesia de Eucaristia 46). Le synode insiste
pour que les conditions présentées dans le Catéchisme
de l’Eglise catholique (1398-1401) et dans son Compendium (293)
soient observées.
L’Eucharistie pour le monde
Proposition 42
Eucharistie et mission
Les fidèles sont invités
à prendre conscience qu’une Eglise véritablement
eucharistique est une Eglise missionnaire. De fait, l’Eucharistie
est source de mission. Dans l’Eucharistie nous devenons toujours
davantage disciples du Christ, écoutant la Parole de Dieu qui
nous conduit à une rencontre communautaire avec le Seigneur
à travers la célébration du mémorial de
sa mort et de sa résurrection et à travers la communion
sacramentelle avec Lui. Cette rencontre eucharistique se réalise
dans l’Esprit Saint qui nous transforme et nous sanctifie. Elle
réveille chez le disciple la ferme volonté d’annoncer
aux autres, avec audace, ce qu’il a écouté et
vécu, pour les conduire eux aussi à cette même
rencontre avec le Christ. Le disciple, envoyé par l’Eglise,
s’ouvre ainsi à une mission sans frontière.
Tout en remerciant l’ensemble des missionnaires chrétiens
oeuvrant dans le monde, nous rappelons la nécessité
de reconnaître le Christ comme l’unique sauveur. Dans
l’éducation missionnaire, il convient de rappeler par
tous les moyens le caractère central de l’affirmation
de l’unicité. Ceci permettra d’éviter de
réduire à un aspect purement sociologique l’œuvre
décisive de promotion humaine impliquée dans l’évangélisation.
Les pères ont relevé les graves difficultés inhérentes
à la mission de ces communautés chrétiennes qui
vivent en situation de minorité voire même dans des contextes
privés de liberté religieuse.
Proposition 43
Spiritualité eucharistique et
sanctification du monde
L’Eucharistie est à l’origine
de toute forme de sainteté. Pour développer une spiritualité
eucharistique profonde il est nécessaire que le peuple chrétien,
qui rend grâce à travers l’Eucharistie, ait conscience
de le faire au nom de la création tout entière, en aspirant
à la sanctification du monde et en y travaillant. La vie chrétienne
trouve son chemin dans la célébration eucharistique
: l’offrande de soi, la communion et la solidarité sont
des aspects de la « logiké latreia » (cf. Rm 12,
1).
Encourager la participation quotidienne à la célébration
de la messe se révèle, dans les rites latins, un moyen
efficace pour développer cette spiritualité au cœur
de la vie familiale, professionnelle, sociale et politique.
L’offrande quotidienne (enseignée par exemple par l’Apostolat
de la Prière pratiqué par des millions de catholiques
dans le monde entier) peut aider chacun à devenir une «
figure eucharistique » à l’exemple de Marie, en
unissant sa propre vie à celle du Christ qui s’offre
pour l’humanité.
Proposition 44
L’Eucharistie et les malades
Nous considérons de première
importance le fait de favoriser la célébration eucharistique
pour les résurrection du Christ. L’Eucharistie, en tant
que sommet de la vie chrétienne, est revêtue d’une
signification spéciale liée à sa réception
comme Saint Viatique. Du fait qu’elle entrouvre au malade la
plénitude pascale on recommande d’en intensifier la pratique.
On demande en particulier d’assurer la communion eucharistique
aux porteurs de handicap mental, baptisés et confirmés
: ceux-ci reçoivent la communion dans la foi de la famille
ou de la communauté qui les accompagne. L’impossibilité
de savoir quelle est la sensibilité effective propre de certaines
pathologies n’est pas une raison suffisante pour ne pas leur
offrir tous les soutiens malades, à travers une catéchèse
adéquate sur la participation active à la passion, à
la mort et à la sacramentaux dont dispose l’Eglise. Il
est important que ceux qui souffrent d’un handicap puissent
être reconnus comme membres de l’Eglise à part
entière et qu’ils y trouvent leur juste place. Il est
par ailleurs souhaitable que soit aménagée dans les
églises une infrastructure leur facilitant la participation
aux célébrations.
Proposition 45
L’Eucharistie et les migrants
En remerciant tous ceux qui oeuvrent
dans ce secteur, le synode invite tous les évêques à
étendre leur sollicitude pastorale aux migrants. Ces fidèles
doivent être accueillis comme des membres du Corps du Christ,
quelle que soit leur race, leur statut ou leur condition, notamment
lors des célébrations eucharistiques. La charité
du Christ nous presse pour que les autres Eglises locales et les instituts
de vie consacrée aident généreusement les diocèses
qui accueillent un grand nombre de migrants.
Qu’il soit par ailleurs accordé aux migrants de rite
oriental, dans la mesure du possible, d’être assistés
de leurs prêtres. Que le « Dies orientalis » soit
mis en place dans les séminaires afin que les liturgies orientales
soient mieux connues.
Proposition 46
La cohérence eucharistique des
hommes politiques et législateurs catholiques
Les hommes politiques et les législateurs
catholiques doivent se sentir particulièrement interpellés,
dans leur conscience, bien formée, sur la grave responsabilité
sociale de présenter et de soutenir des lois iniques. Il n’existe
pas de cohérence eucharistique lorsque l’on promeut des
lois qui vont contre le bien intégral de l’homme, contre
la justice et le droit naturel. On ne peut pas séparer la sphère
privée et la sphère publique, en s’opposant à
la loi de Dieu et à l’enseignement de l’Eglise,
et cela doit être considéré également par
rapport à la réalité eucharistique (cf. 1 Co
11, 27-29). Qu’en appliquant cette directive les évêques
témoignent des vertus de force et de prudence, en tenant compte
des situations locales concrètes.
Proposition 47
L’Eucharistie et l’écologie
Que les chrétiens, renforcés
par le sacrement de l’Eucharistie, s’engagent avec plus
de décision à témoigner de la présence
de Dieu dans le monde. Que l’Eglise encourage un changement
de mentalité et de cœur, qui favorise une relation harmonieuse
et responsable de l’être humain avec la création.
La contemplation et la reconnaissance pour le don de l’amour
de Dieu que constitue la création, peuvent représenter
un moyen d’évangélisation pour les personnes d’aujourd’hui,
dont les préoccupations écologiques peuvent prendre
une nouvelle signification religieuse à travers la reconnaissance
de l’appel de Dieu à l’humanité à
exercer un service responsable envers Son œuvre de Créateur,
conformément à l’espérance chrétienne.
Cette réflexion peut par ailleurs
aider les chrétiens à faire le lien entre la doctrine
sur la création et la doctrine sur la « création
nouvelle » inaugurée dans la résurrection du Christ,
nouvel Adam, qui a donné à l’Eglise la tâche
de préparer la transformation de la création en «
cieux nouveaux et terre nouvelle ».
Proposition 48
Dimension sociale de l’Eucharistie
Le sacrifice du Christ est un mystère
de libération qui nous interpelle. C’est à travers
l’engagement à transformer les structures injustes pour
rétablir la dignité de l’homme, créé
à l’image et à la ressemblance de Dieu, que l’Eucharistie
devient dans la vie ce qu’elle signifie dans la célébration.
Ce mouvement dynamique s’ouvre aux dimensions du monde : il
met en question le processus de mondialisation qui souvent creuse
l’écart entre pays riches et pays pauvres ; dénonce
les puissances politiques et économiques qui dilapident les
richesses de la terre ; rappelle les profondes exigences de la justice
distributive face aux inégalités qui crient vers le
ciel ; encourage les chrétiens à s’engager et
à intervenir dans la vie politique et dans l’action sociale.
Les domaines qui suscitent des préoccupations particulières
sont la pandémie du SIDA, la drogue et l’alcoolisme.
Les détenus dans les prisons méritent une attention
pastorale particulière afin de pouvoir participer à
l’Eucharistie et recevoir la communion.
Ceux qui participent à l’Eucharistie doivent s’engager
à construire la paix dans le monde marqué par beaucoup
de violences et de guerres, et aujourd’hui en particulier, par
le terrorisme, la corruption économique et l’exploitation
sexuelle. Le rétablissement de la justice, la réconciliation
et le pardon sont des conditions pour construire une paix authentique.
Pour se former à la charité et à la justice,
les fidèles auront recours au Magistère social, récemment
reproposé dans le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise.
Proposition 49
L’Eucharistie et la réconciliation
de peuples en conflit
L’Eucharistie est un sacrement
de communion entre frères qui acceptent de se réconcilier
dans le Christ, qui a fait des juifs et des grecs un seul peuple,
détruisant le mur de haine qui les séparait (cf. Ep
2, 14). Au cours de ce synode, plusieurs témoignages ont montré
que, grâce aux célébrations eucharistiques, des
peuples en conflit ont pu se rassembler autour de la Parole de Dieu,
écouter son annonce prophétique de la réconciliation
à travers le pardon gratuit, recevoir la grâce de la
conversion qui permet la communion au même pain et à
la même coupe. Jésus Christ, qui s’offre dans l’Eucharistie,
renforce la communion entre les frères et, en particulier,
presse ceux qui sont en conflit de hâter leur réconciliation
à travers le dialogue et la justice. Cela permet de communier
dignement au Corps et au Sang du Christ (cf. Mt 5, 23-24).
Conclusion
Proposition 50
Verum Corpus natum de Maria Virgine
L’Eglise voit en Marie, «
Femme eucharistique », surtout au pied de la croix, son propre
visage et le contemple comme un modèle irremplaçable
de vie eucharistique ; sur l’autel, en présence du «
verum Corpus natum de Maria Virgine », l’Eglise vénère
la Très Sainte Vierge par la bouche du prêtre, et avec
une reconnaissance spéciale.
Les chrétiens confient leur vie et leur travail à Marie,
Mère de l’Eglise.
En s’efforçant d’avoir les mêmes sentiments
que Marie, ils aident toute la communauté à vivre dans
un esprit d’offrande vivante, agréable au Père
».