Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

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Du 11 au 14 Décembre

3iéme Dimanche de l'avent

 

Homélie

 

« Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur. Je le répète : réjouissez-vous….Le Seigneur est proche ». (St Paul aux Philippiens))


La joie est le thème de ce 3 dimanche de l’Avent.
Et avec quelle insistance…l’Eglise nous propose-t-elle cette méditation, cette joie. Elle répète deux fois le thème et dans l’Introït et dans l’Epître. C’est l’enseignement de Saint Paul aux Philippiens qui est repris ici…Or saint Paul, lui-même, répète deux fois ce thème de la joie en nous en précisant la raison.
« Réjouissez-vous sans cesse ….Je le répète : réjouissez-vous ». Cette insistance sur ce thème, répété, de fait, quatre fois, nous en dit toute l’importance.

Oui ! en ce dimanche, l’Eglise veut attirer notre attention sur la joie chrétienne…C’est le sentiment dominant du temps de la préparation à Noël. C’est le sens du temps liturgique de l’Avent : un temps de joie et d’allégresse, tout autant qu’un temps de pénitence. La pénitence n’ayant ici pour but que de nous encourager à nous dépouiller du « veille homme » pour mieux goûter cette joie surnaturelle causée par cette attente du Sauveur.

La raison de la joie chrétienne, c’est le salut apporté par NSJC. « Le Seigneur est proche », nous dit saint Paul. « Réjouissez-vous ».

Dès lors, plus on a une juste compréhension de ce salut, de sa nécessité, et surtout de sa finalité : la vie éternelle, plus notre joie et notre reconnaissance est intense. Il y a une relation profonde entre la connaissance du salut et la joie chrétienne. Il existe entre ces deux choses une causalité et elle est proportionnée…

Les Antiennes de Vêpres insistent, du reste, sur cette joie chrétienne reprenant le thème de la messe. C’est, en particulier, la deuxième antienne : « Réjouis toi Jérusalem d’une joie intense car le Seigneur vient à toi. Alleluia ». « Jerusalem gaude gaudio magna quia venit tibi Salvator. Alleluia ».

Et voilà pourquoi l’Evangile de ce dimanche nous donne le témoignage de Saint Jean Baptiste. Il s’efface devant la personne du Sauveur qui vient. Il est même au milieu de nous…dit-il… : « Moi je baptise dans l’eau mais au milieu de vous quelqu’un est là, que vous ne connaissez pas, Lui qui vient derrière moi, il est passé avant moi et je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sa sandale ».

Oui ! Saint Jean Batiste s’efface devant la personne du Sauveur parce qu’il a, lui le Baptiste, achevé sa mission : il a conduit les foules vers l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Ainsi est-il l’unique auteur de notre joie. Voilà le rôle de Saint Baptiste : témoigner de l’enfant de la Vierge Marie. Témoigner de sa divinité et de sa messianité… et surtout de son rôle de rédempteur, de Sauveur. « Voici l’Agneau de Dieu, dit-il, qui efface le péché du monde… ». C’est le chant de la nuit de Noël. C’est le chant des Anges : « un Sauveur vous est né »…C’est le Seigneur Dieu, Jésus-Christ. Il n’y a de salut, répétera Saint Pierre, qu’en LUI.

Du reste, il est notable de constater que ce témoignage est celui de toute la famille de Saint Jean Baptiste. Il est le témoignage de ce merveilleux « sanctuaire familial »… De Zacharie son père, de sainte Elizabeth, sa mère. Et de lui, Jean Baptiste, tout particulièrement.

Voyons les choses de plus près.

Rappelons-nous les Ecritures. Elles nous enseignent tout cela.

Le témoignage d’Elizabeth, la mère de Saint Jean, Le baptiste.

Souvenez-vous de la conception miraculeuse de Jean Baptiste. Il est le fils de Zacharie et d’Elisabeth. « Aux jours d’Hérode, roi de Judée, il y avait un prêtre nommé Zacharie, de la classe d’Abia ; et sa femme qui était une des filles d’Aaron, s’appelait Elisabeth. Tous deux étaient justes devant Dieu, marchant dans tous les commandements et ordonnances du Seigneur, d’une manière irréprochable. Ils n’avaient pas d’enfant, parce qu’Elisabeth était stérile, et ils étaient l’un et l’autre avancés en âge.
Or, pendant que Zacharie s’acquittait devant Dieu des fonctions sacerdotales dans l’ordre de sa classe, il fut désigné par le sort, selon la coutume observée entre les prêtres, pour entrer dans le sanctuaire du Seigneur et offrir l’encens. Et toute la multitude du peuple était dehors en prières à l’heure de l’encens. Et un ange du Seigneur lui apparut, debout à droite de l’autel de l’encens. Zacharie, en le voyant, fut troublé, et la crainte le saisit. Mais l’ange lui dit : « Ne crains point, Zacharie, car ta prière a été exaucée ; ta femme Elisabeth te donnera un fils que tu appelleras Jean » (Lc 1 5-13)

Ainsi, Marie, Notre Dame, ayant appris, lors de l’Annonciation, que sa cousine Elisabeth était enceinte, en hâte « festinans », se précipita « aux pays des montagnes, en une ville de Juda » et entrant dans la maison de Zacharie, salua Elisabeth qui fit alors sa merveilleuse profession de foi en la divinité de l’enfant de Marie, la « Mère de Dieu ».

Souvenez-vous !

« En ces jours-là, Marie se levant, s’en alla en hâte au pays de montagnes, en une ville de Juda. Et elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth. Dès qu’Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie du Saint-Esprit. Et élevant la voix, elle s’écria : « Vous êtes bénie entres les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni. Et d’où me vient cet honneur que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Car votre voix, lorsque vous m’avez saluée, n’a pas plus tôt frappé mon oreille, que mon enfant a tressailli de joie dans mon sein. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur ! »(Lc 1 39-45

Marie demeura avec Elisabeth environ trois mois, jusqu’au « temps » de la délivrance d’Elisabeth et s’en retourna dans sa maison.

Lors de la nativité de saint Jean Baptiste

C’est alors que la nativité de Saint Jean Baptiste se réalise, là aussi, au milieu des « merveilles » et de belles professions de foi.

Au milieu des merveilles :

« Le temps d’Elisabeth étant venu, elle enfanta un fils. Ses voisins et ses parents ayant appris que le Seigneur avait signalé en elle sa miséricorde, se réjouissaient avec elle. Le huitième jour, ils vinrent pour circoncire l’enfant, et ils le nommaient Zacharie, qui était le nom de son père. « Non, dit sa mère, mais il s’appellera « Jean ». Ils lui dirent : « Il n’y a personne dans votre famille qui soit appelé de ce nom ». Et ils demandèrent par signe à son père comment il voulait qu’on le nommât. S’étant fait apporter des tablettes, il écrivit : « Jean est son nom » ; et tous furent dans l’étonnement. Au même instant sa bouche s’ouvrit, sa langue se délia ; et il parlait, bénissant Dieu. La crainte s’empara de tous les habitants d’alentour et dans toutes les montagnes de la Judée on racontait ces merveilles ». (Lc 1 57-66)

Le cantique de Zacharie : le « Benedictus ».

Et c’est alors la belle profession de foi de Zacharie, un témoignage merveilleux, aussi beau que le Magnificat de Notre Dame, aussi beau que le cantique de Siméon. Ecoutez et souvenez-vous en en ce temps de l’Avent pour en vivre :

« Et Zacharie, son père, fut rempli de l’Esprit-Saint, et il prophétisa, en disant : « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, de ce qu’il a visité et racheté son peuple. Il nous a suscité un puissant Sauveur dans la maison de David, son serviteur, selon ce qu’il a dit par la bouche des saints prophètes aux siècles passés, un Sauveur qui nous délivrera de nos ennemis et des mains de tous ceux qui nous haïssent. Il a accompli la miséricorde promise à nos pères, et s’est souvenu de son alliance sainte, selon le serment par lequel il a juré à Abraham notre père de nous faire grâce, qu’étant délivrés des mains de nos ennemis, nous le servions sans crainte, dans la sainteté et la justice en sa présence, tous les jours de notre vie. Et toi, petit enfant tu seras appelé prophète du Très Haut ; car tu marcheras devant la face du Seigneur pour lui préparer les voies, pour donner à son peuple la connaissance du salut dans le pardon de ses péchés, par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, par lesquelles le Soleil levant nous a visités d’en haut, pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort et pour diriger nos pas dans la voie de la paix. ».(Lc 1 68-80)

Merveilleux ! Ce texte devrait être plus souvent médité par nos fidèles….Que cet Avent en soit l’occasion.

Le témoignage propre de Saint Jean Baptiste

Le temps passe. Saint Jean Baptiste est au début de sa mission. Il est dans le désert de Judée (Mt 3 1). Il est « prêchant ». « Il avait un vêtement de poil de chameau et autour de ses reins, une ceinture de cuir et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage » (Mt 3 4-5)

Alors, venaient à lui Jérusalem et toute la Judée et tout le pays qu’arrose le Jourdain (Mt 3 5)

Il prêche la pénitence. Il donne un baptême de pénitence. Il donne aussi son témoignage. Son discours est ainsi composé : « faites pénitence car le royaume des cieux est proche : préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers » (Mt 3) …. « Et toute chair verra le salut de Dieu ». (Lc 3 5)

Son témoignage est clair : « Moi je vous baptise dans l’eau. Mais il vient, celui qui est plus puissant que moi et dont je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure ; Lui, il vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu. Sa main tient le van et il nettoiera son aire et il amassera le froment dans son grenier et il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint point (Lc 3 15)

C’est ainsi qu’il parlait et rendait témoignage à la Lumière. « C’est par ces discours et beaucoup d’autres semblables qu’il annonçait au Peuple la « Bonne Nouvelle » du salut (Lc 3 18)

Et Jésus, lui aussi, vint au Jourdain recevoir le baptême de Jean : « Or, dans le temps que tout le peuple venait recevoir le baptême, Jésus aussi fut baptisé ». Lc 3 21)

Et c’est la magnifique théophanie que vous connaissez tous qui prouve et la divinité du Messie et son rôle rédempteur : « Et pendant qu’il priait, le ciel s’ouvrit, et l’Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe, et du ciel une voix se fit entendre : tu es mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis mes complaisances. » (Lc 3 22)

Mais Saint Jean multipliait les témoignages. Saint Jean l’évangéliste, les rapporte en son Evangile.

Tout d’abord dans son Prologue : « Et le Verbe a été fait chair, et il a habité parmi nous…Jean a rendu témoignage de lui, en disant à haute voix : Voici celui dont je disais : Celui qui vient après moi a été fait plus grand que moi, parce qu’il était avant moi ».

Belle allusion à la divinité du Messie.

Et parmi ces témoignages divers de Saint Jean Baptiste, nous avons encore ceux-ci : « Le lendemain, Jean vit Jésus qui venait vers lui, et il dit : « Voici l’Agneau de Dieu, (voici celui) qui ôte le péché du monde. C’est de lui que j’ai dit : « un homme vient après moi, qui a été fait plus grand que moi parce qu’il était avant moi. Et moi, je ne le connaissais pas, mais c’est afin qu’il fût manifesté en Israël que je suis venu baptisé dans l’eau ». (Jn 1 29)

Et encore : « Et Jean rendit ce témoignage : « J’au vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe, et il s’est reposé sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas ; mais celui qui m’a envoyé pour baptiser dans l’eau m’a dit : « Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et se reposer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit-Saint. Je l’ai vu, et j’ai rendu témoignage que c’est lui qui est le Fils de Dieu ».(Jn 1 32)

Et encore : « Le lendemain, Jean se trouvait encore là avec deux de ses disciples. Et ayant regardé Jésus qui passait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu ». (Jn 1 35).

Voilà « Celui » qui accomplira toute rédemption par son sang et son sacrifice.

Et parce qu’il en est ainsi, parce qu’il est « l’Agneau de Dieu », en Lui se trouve toute paix, tout salut, toute réparation. Il est donc l’unique source de toute joie. En lui, la rédemption. En lui l’espérance du « Royaume de Dieu » et de sa possession. En Lui, la plénitude de toute joie. D’où cette acclamation de Saint Paul : « Jésus, notre espérance ». Retenez pour en vivre : Jésus, notre unique espérance !
Voilà la raison du choix de cette épître de saint Paul aux Philippiens qui nous recommande si fortement d’entretenir par une foi ardente au Seigneur, « l’Agneau de Dieu », la joie dans nos cœurs. « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur. Je le répète : réjouissez-vous…Le Seigneur est proche ».

Voilà la Bonne Nouvelle ! Voilà le secret du Bonheur. Réveillez enfin votre foi. Amen.



B- Homélie de Benoît XVI

le 8 décembre : en la fête de l’Immaculée.

Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée lors de la messe qu'il a célébrée dans la Basilique Saint-Pierre en la solennité de l'Immaculée Conception, le 8 décembre 2005, et à l'occasion des 40 ans du Concile Vatican II.
Cette homélie est très belle. Elle est une belle méditation sur l’affirmation de Marie, « Mère de l’Eglise » et sur le dogme de « l’Immaculée Conception ». Le dogme de la « co-rédemption » de Marie affleure-t-il même, peut-être, à deux reprises.
Vous remarquerez également l’importance qu’il donne à la volonté de Dieu. Je résumerai volontiers : l’homme n’est grand et libre que dans le respect et l’accomplissement de la loi divine. C’est en elle qu’il trouve grandeur et liberté. Tout le reste n’est qu’illusion et décadence.

De plus, Benoît XVI, par deux fois, nous dit qu’en la doctrine mariale qu’il va exposer sur ce titre de Marie, « Mère de l’Eglise », proclamée par Paul VI au Concile, se trouve la juste compréhension du Concile. J’en prends acte. Et de fait, ce que le pape dit de la vraie liberté dans sa relation nécessaire à Dieu et à sa sainte volonté pourrait bien être les prémices d’une nouvelle réflexion sur la fameuse thèse du Concile sur la Liberté religieuse. Je veux bien qu’ainsi soit « corrigé » le Concile et certaines de ses thèses…Mais il faudrait que cela soit dit un jour clairement…Mais faut-il y préparer les esprits… Mais je prends acte de ces « prémices »…

Je n’oublierai pas cependant de rappeler que cette déclaration de Marie, « Mère de l’Eglise » fut ressentie, à l’époque, comme une grande faiblesse, pour ne pas dire « trahison ». Toute l’Eglise attendait la proclamation du dogme de la « Co-Rédemption » de Notre Dame. Mais par crainte d’offenser le monde protestant, en cette période d’oecuménisme, le Concile y renonça. Pour essayer de compenser et apaiser la grande déception du monde catholique qui était dans cette attente, Paul VI donna à Marie ce nouveau titre. Il déclara Marie, « Mère de l’Eglise ». C’est bien. Mais on attendait plus et mieux : la déclaration du dogme : Marie, Co-Rédemptrice.

« Un cadre marial entoure le Concile Vatican II » (1)

«Il y a quarante ans, le 8 décembre 1965, sur l’esplanade de la Basilique Saint-Pierre, le pape Paul VI conclut solennellement le Concile Vatican II. Il avait été inauguré, selon la volonté de Jean XXIII, le 11 octobre 1962, qui était alors la fête de la maternité de Marie, et il fut conclu le jour de l'Immaculée. Un cadre marial entoure le Concile. En réalité, il s'agit de beaucoup plus qu'un cadre: c'est une orientation de tout son chemin. Il nous renvoie, comme il renvoyait alors les Pères du Concile, à l'image de la Vierge à l'écoute, qui vit dans la Parole de Dieu, qui conserve dans son cœur les paroles qui viennent de Dieu et, les rassemblant comme dans une mosaïque, apprend à les comprendre (cf. Lc 2, 19.51); il nous renvoie à la grande Croyante qui, pleine de confiance, se remet entre les mains de Dieu, s'abandonnant à sa volonté; il nous renvoie à l'humble Mère qui, lorsque la mission de son Fils l'exige, s'efface et, dans le même temps, à la femme courageuse qui, alors que les disciples s'enfuient, reste au pied de la croix. Paul VI, dans son discours à l'occasion de la promulgation de la Constitution conciliaire sur l'Eglise, avait qualifié Marie de « tutrix huius Concilii », « protectrice de ce Concile » (cf. Oecumenicum Concilium Vaticanum II, Constitutiones Decreta Declarationes, Cité du Vatican 1966, p. 983) et, faisant une allusion au récit de la Pentecôte rapporté par Luc (Ac 1, 12-14), il avait dit que les Pères s'étaient réunis dans la salle du Concile « cum Maria, Matre Iesu » et que, également en son nom, ils en seraient à présent sortis (p. 985).

« Nous déclarons la Très Sainte Vierge Marie Mère de l'Eglise »,

Dans ma mémoire reste gravé de manière indélébile le moment où, en entendant ses paroles: « Mariam Sanctissimama declaramus Matrem Ecclesiae », « nous déclarons la Très Sainte Vierge Marie Mère de l'Eglise », les Pères se levèrent spontanément de leurs chaises et applaudirent debout, rendant hommage à la Mère de Dieu, à notre Mère, à la Mère de l'Eglise.

De fait, à travers ce titre le pape résumait la doctrine mariale du Concile et donnait la clef pour sa compréhension. Marie n'a pas seulement un rapport singulier avec le Christ, le Fils de Dieu qui, comme homme, a voulu devenir son fils. Etant totalement unie au Christ, elle nous appartient également totalement. Oui, nous pouvons dire que Marie est proche de nous comme aucun autre être humain, car le Christ est homme pour les hommes et tout son être est un « être là pour nous ». Le Christ, disent les Pères, en tant que Tête est inséparable de son Corps qui est l'Eglise, formant avec celle-ci, pour ainsi dire, un unique sujet vivant. La Mère du Chef est également la Mère de toute l'Eglise; elle est, pour ainsi dire, totalement expropriée d'elle-même; elle s'est entièrement donnée au Christ et, avec Lui, elle nous est donnée en don à nous tous. En effet, plus la personne humaine se donne, plus elle se trouve elle-même.

Le Concile entendait nous dire cela: Marie est tellement liée au grand mystère de l'Eglise qu'elle et l'Eglise sont inséparables, tout comme le Christ et elle, sont inséparables. Marie reflète l'Eglise, elle l'anticipe dans sa personne, et, dans toutes les tribulations qui frappent l'Eglise qui souffre et qui œuvre, elle reste toujours l'étoile du salut. C'est elle qui est son centre véritable en qui nous avons confiance, même si bien souvent ce qui est autour pèse sur notre âme.

Marie est la lumière sur la structure même de l’Eglise

Le pape Paul VI, dans le contexte de la promulgation de la Constitution sur l'Eglise, a mis tout cela en lumière à travers un nouveau titre profondément enraciné dans la Tradition, précisément dans l'intention d'illuminer la structure intérieure de l'enseignement sur l'Eglise développé au cours du Concile.

Le Concile Vatican II devait s'exprimer sur les composantes institutionnelles de l'Eglise: sur les évêques et sur le pontife, sur les prêtres, les laïcs et les religieux dans leur communion et dans leur relations; il devait décrire l'Eglise en chemin, « qui enferme des pécheurs dans son propre sein, et est donc à la fois sainte et appelée à se purifier...» (Lumen gentium, n. 8). Mais cet aspect « pétrinien » de l'Eglise est inclus dans l'aspect « marial ». En Marie, l'Immaculée, nous rencontrons l'essence de l'Eglise d'une manière qui n'est pas déformée. Nous devons apprendre d'elle à devenir nous-mêmes des « âmes ecclésiales », comme s'exprimaient les Pères, pour pouvoir nous aussi, selon la parole de saint Paul, nous présenter « immaculés » devant le Seigneur, tels qu'Il nous a voulus dès le commencement (Col 1, 321; Ep 1, 4).

Marie, l’Immaculée. Qu’est-ce à dire ?

Mais à présent nous devons nous demander: Que signifie « Marie l'Immaculée »? Ce titre a-t-il quelque chose à nous dire ?

La liturgie d'aujourd'hui éclaire pour nous le contenu de cette parole à travers deux grandes images.

a-Marie est l'Israël saint; elle dit « oui » au Seigneur, se met pleinement à sa disposition et devient ainsi le temple vivant de Dieu.

Il y a tout d'abord le récit merveilleux de l'annonce à Marie, la Vierge de Nazareth, de la venue du Messie. Le salut de l'Ange est tissé de fils de l'Ancien Testament, en particulier du prophète Sophonie. Celui-ci fait voir que Marie, l'humble femme de province qui est issue d'une lignée sacerdotale et qui porte en elle le grand patrimoine sacerdotal d'Israël, est « le saint reste » d'Israël auquel les prophètes, au cours de toutes les périodes de douleurs et de ténèbres, ont fait référence. En elle est présente la véritable Sion, celle qui est pure, la demeure vivante de Dieu. En elle demeure le Seigneur, en elle il trouve le lieu de Son repos. Elle est la maison vivante de Dieu, qui n'habite pas dans des édifices de pierre, mais dans le cœur de l'homme vivant. Elle est le germe qui, dans la sombre nuit d'hiver de l'histoire, jaillit du tronc abattu de David. En elle s'accomplit la parole du Psaume: « La terre a donné son fruit » (67, 7). Elle est le surgeon, duquel dérive l'arbre de la rédemption et des rachetés. Dieu n’a pas essuyé un échec, comme il pouvait sembler au début de l'histoire avec Adam et Eve, ou bien au cours de l'exil à Babylone, et comme il semblait à nouveau à l'époque de Marie, quand Israël était devenu un peuple sans importance dans une région occupée, avec bien peu de signes reconnaissables de sa sainteté. Dieu n'a pas failli. Dans l'humilité de la maison de Nazareth vit l'Israël saint, le reste pur. Dieu a sauvé et sauver son peuple. Du tronc abattu ressurgit à nouveau son histoire, devenant une nouvelle force vive qui oriente et envahit le monde. Marie est l'Israël saint; elle dit « oui » au Seigneur, se met pleinement à sa disposition et devient ainsi le temple vivant de Dieu.


b- ce qu'est la rédemption.

La deuxième image est beaucoup plus difficile et obscure. Cette métaphore, tirée du Livre de la Genèse, nous parle à partir d'une grande distance historique, et ne peut être éclaircie qu'avec beaucoup de peine; ce n'est qu'au cours de l'histoire qu'il a été possible de développer une compréhension plus profonde de ce qui y est référé. Il est prédit qu'au cours de toute l'histoire la lutte entre l'homme et le serpent se poursuivra, c'est-à-dire entre l'homme et les puissances du mal et de la mort. Cependant, il est également pré-annoncé que « la lignée » de la femme vaincra un jour et écrasera la tête du serpent, de la mort; il est pré-annoncé que la lignée de la femme – et en elle la femme et la mère elle-même – vaincra et qu'ainsi, à travers l'homme, Dieu vaincra. Si nous nous mettons à l'écoute de ce texte avec l'Eglise croyante et en prière, alors nous pouvons commencer à comprendre ce qu'est le péché originel, le péché héréditaire, et aussi ce que signifie être sauvegardé de ce péché héréditaire, ce qu'est la rédemption.

Dieu est-il un concurrent qui limite notre liberté ?

Quelle est la situation qui nous est présentée dans cette page ? L'homme n'a pas confiance en Dieu. Tenté par le serpent, il nourrit le soupçon que Dieu, en fin de compte, ôte quelque chose à sa vie, que Dieu est un concurrent qui limite notre liberté et que nous ne serons pleinement des êtres humains que lorsque nous l'aurons mis de côté; en somme, que ce n'est que de cette façon que nous pouvons réaliser en plénitude notre liberté. L'homme vit avec le soupçon que l'amour de Dieu crée une dépendance et qu'il lui est nécessaire de se débarrasser de cette dépendance pour être pleinement lui-même. L'homme ne veut pas recevoir son existence et la plénitude de sa vie de Dieu. Il veut puiser lui-même à l'arbre de la connaissance le pouvoir de façonner le monde, de se transformer en un dieu en s'élevant à Son niveau, et de vaincre avec ses propres forces la mort et les ténèbres. Il ne veut pas compter sur l'amour qui ne lui semble pas fiable; il compte uniquement sur la connaissance, dans la mesure où celle-ci confère le pouvoir. Plutôt que sur l'amour il mise sur le pouvoir, avec lequel il veut prendre en main de manière autonome sa propre vie.

Et en agissant ainsi, il se fie au mensonge plutôt qu'à la vérité et cela fait sombrer sa vie dans le vide, dans la mort. L'amour n'est pas une dépendance, mais un don qui nous fait vivre. La liberté d'un être humain est la liberté d'un être limité et elle est donc elle-même limitée. Nous ne pouvons la posséder que comme liberté partagée, dans la communion des libertés: ce n'est que si nous vivons de manière juste, l'un avec l'autre et l'un pour l'autre, que la liberté peut se développer.

La volonté de Dieu est la mesure intrinsèque de la nature humaine.

Nous vivons de manière juste, si nous vivons selon la vérité de notre être, c'est-à-dire selon la volonté de Dieu. Car la volonté de Dieu ne constitue pas pour l'homme une loi imposée de l'extérieur qui le force, mais la mesure intrinsèque de sa nature, une mesure qui est inscrite en lui et le rend image de Dieu, et donc une créature libre.

Si nous vivons contre l'amour et contre la vérité – contre Dieu –, alors nous nous détruisons réciproquement et nous détruisons le monde. Alors nous ne trouvons pas la vie, mais nous faisons le jeu de la mort. Tout cela est raconté à travers des images immortelles dans l'histoire de la chute originelle et de l'homme chassé du Paradis terrestre.

Chers frères et sœurs! Si nous réfléchissons sincèrement à nous-mêmes et à notre histoire, nous constatons qu'à travers ce récit est non seulement décrite l'historie du début, mais l'histoire de tous les temps, et que nous portons tous en nous une goutte du venin de cette façon de penser illustrée par les images du Livre de la Genèse. Cette goutte de venin, nous l'appelons péché originel.

Le péché, illusion de la liberté humaine !

Précisément en la fête de l'Immaculée Conception apparaît en nous le soupçon qu'une personne qui ne pèche pas du tout est au fond ennuyeuse; que quelque chose manque à sa vie: la dimension dramatique du fait d'être autonome; qu'être véritablement un homme comprend la liberté de dire non, de descendre au fond des ténèbres du péché et de vouloir agir seul; que ce n'est qu'alors que l'on peut exploiter totalement toute l'ampleur et la profondeur du fait d'être des hommes, d'être véritablement nous-mêmes; que nous devons mettre cette liberté à l'épreuve, également contre Dieu, pour devenir en réalité pleinement nous-mêmes. En un mot, nous pensons au fond que le mal est bon, que nous avons au moins un peu besoin de celui-ci pour faire l'expérience de la plénitude de l'être. Nous pensons que Méphistophélès – le tentateur – a raison lorsqu'il dit être la force « qui veut toujours le mal et qui accomplit toujours le bien » (J.W. v. Goethe, Faust I, 3). Nous pensons que traiter un peu avec le mal, se réserver un peu de liberté contre Dieu est au fond un bien, et peut-être même absolument nécessaire.

Le péché n’élève pas l’homme mais l’abaisse

Cependant, en regardant le monde autour de nous, nous constatons qu'il n'en est pas ainsi, c’est-à-dire que le mal empoisonne toujours, il n'élève pas l'homme, mais l'abaisse et l'humilie, il ne le rend pas plus grand, plus pur et plus riche, mais il lui cause du mal et le fait devenir plus petit.

Seul l'homme qui se remet totalement à Dieu trouve la liberté véritable, l'ampleur vaste et créative de la liberté du bien

C'est plutôt cela que nous devons apprendre le jour de l'Immaculée: l'homme qui s'abandonne totalement entre les mains de Dieu ne devient pas une marionnette de Dieu, une personne consentante, ennuyeuse; il ne perd pas sa liberté. Seul l'homme qui se remet totalement à Dieu trouve la liberté véritable, l'ampleur vaste et créative de la liberté du bien. L'homme qui se tourne vers Dieu ne devient pas plus petit, mais plus grand, car grâce à Dieu et avec Lui il devient grand, il devient divin, il devient vraiment lui-même. L'homme qui se remet entre les mains de Dieu ne s'éloigne pas des autres en se retirant dans sa rédemption en privé; au contraire, ce n'est qu'alors que son cœur s'éveille vraiment et qu'il devient une personne sensible et donc bienveillante et ouverte.

Plus l’homme est proche de Dieu et plus il est proche des hommes

Plus l’homme est proche de Dieu et plus il est proche des hommes. Nous le voyons en Marie. Le fait qu'elle soit totalement auprès de Dieu est la raison pour laquelle elle est également si proche de tous les hommes. C'est pourquoi elle peut être la Mère de toute consolation et de toute aide, une Mère à laquelle devant chaque nécessité quiconque peut oser s'adresser dans sa propre faiblesse et dans son propre péché, car elle comprend tout et elle est pour tous la force ouverte de la bonté créative. C'est en Elle que Dieu imprime son image, l'image de Celui qui suit la brebis égarée jusque dans les montagnes et parmi les épines et les ronces des péchés de ce monde, se laissant blesser par la couronne d'épine de ces péchés, pour prendre la brebis sur ses épaules et la ramener à la maison. En tant que Mère compatissante, Marie est la figure anticipée et le portrait permanent de son Fils.

Nous voyons ainsi que même l'image de la Vierge des Douleurs, de la Mère qui partage la souffrance et l'amour, est une véritable image de l'Immaculée. Son cœur, grâce au fait d'être et de sentir avec Dieu, s'est agrandi. En Elle la bonté de Dieu s'est beaucoup approchée et s'approche de nous. Ainsi Marie se trouve devant nous comme signe de réconfort, d'encouragement, d'espérance. Elle s'adresse à nous en disant: «Aie le courage d'oser avec Dieu! Essaye! N'aie pas peur de Lui! Aie le courage de risquer avec la foi! Aie le courage de risquer avec la bonté! Aie le courage de risquer avec le cœur pur! Engage-toi avec Dieu, tu verras alors que c'est précisément grâce à cela que ta vie deviendra vaste et lumineuse, non pas ennuyeuse, mais pleine de surprises infinies, car la bonté infinie de Dieu ne se tarit jamais!»

En ce jour de fête, nous voulons rendre grâce au Seigneur pour le grand signe de sa bonté qu'il nous a donné en Marie, sa Mère et Mère de l'Eglise. Nous voulons le prier de placer Marie sur notre chemin comme une lumière qui nous aide à devenir nous aussi lumière et à porter cette lumière dans les nuits de l'histoire. Amen ».

(1) Les sous titres sont de la rédaction.