Homélie
Notre méditation dominicale
s’inspirera des très beaux textes de la messe du
samedi des Quatre-Temps de l’Avent et de ceux de ce dimanche
: le quatrième dimanche de l’Avent.
Le but que nous devons surtout rechercher
dans cette méditation, c’est de préparer notre
cœur à la venue du Seigneur. Que nos instants, que
notre temps, que nos pensées, que nos réflexions
se portent vers le Seigneur. Que nos cœurs se préparent
à accueillir Celui qui vient : le Messie. Celui que Dieu,
dans sa bonté, a préparé pour opérer
notre salut, réparer le péché originel d’Adam,
réconcilier le genre humain, établir la paix, rétablir
la paix entre Dieu et les hommes.
Oui, élevons nos cœurs
vers la sagesse de Dieu, et goûtons, en ce dimanche, les
beaux textes
liturgiques que l’Eglise nous propose en ces deux jours
du samedi et du dimanche.
Et tout d’abord écoutons
l’Introït du samedi des Quatre Temps :
« Viens, fais luire sur nous
ta face, ô Seigneur qui trônes sur les chérubins,
et nous serons sauvés. R/ Prête l’oreille,
pasteur d’Israël, toi qui conduis Joseph comme un troupeau.
V/ Gloire au Père. »
C’est une supplique. C’est
un cri. C’est un appel fervent qui sort du cœur du
fidèle qui sait sa misère et qui confesse la grandeur
de celui qui, seul, peut le sauver. « veni et ostende nobis
faciem tuam ». « Viens et montre nous ton visage ».
Vous le voyez ! L’appel de
ce cœur aimant est fort, impératif. Il s’appuie
sur sa propre misère pour supplier la venue du Sauveur.
« Veni ». « Viens et montre nous ton visage
» fait de miséricorde. Sans toi, nous sommes à
jamais perdu, exclu du Ciel, du bonheur éternel. Veni et
ostende miséricordiam tuam. Il faut remarquer que c’est
aussi la supplique du prêtre alors qu’il s’apprête
à monter à l’autel : Ostende nobis, Domine,
misericordiam tuam »
L’âme est ardente dans
son appel parce qu’elle sait sa profonde misère.
Mais elle n’oublie pas, non
plus, la nature de celui qui doit venir, sa gloire, sa transcendance.
« Il est celui qui règne sur les Chérubins
». Il est le « Seigneur », le « Maître
», « Domine ». Il est la Puissance même.
En lui, donc, mon espérance. En lui le salut parce qu’il
est Dieu et homme. C’est encore du reste, la prière
des fidèles, alors que le prêtre va monter à
l’autel : « et salutare tuum da nobis », «
Accordez-nous votre salut ».
« Veni et salvi erimus ». « Viens et nous serons
sauvés »
Tel est l’appel pressant de
l’Eglise, en ce temps de l’Avent.
« Veni et ostende faciem tuam
». « Toi qui commande aux Chérubins, viens
opérer notre salut » !
Et cet appel est repris par l’Introït de la messe du
quatrième dimanche de l’Avent : « Rorate caeli
desuper et nubes pluant justum : aperiatur terra et germinet salvatorem
». « Cieux répandez d’en haut votre rosée,
et que les nuées fassent pleuvoir le Juste ! Que la terre
s’entrouvre et fasse germer le Sauveur » ! C’est
le même appel. C’est la même supplique. L’Eglise
y insiste. N’y soyons pas insensible ! Et le même
Introït rappelle à notre foi la même toute puissance
de Dieu, du Messie : « les cieux racontent la gloire de
Dieu et le firmament publie l’œuvre de ses mains ».
Et le premier texte d’Isaïe, au Samedi des Quatre Temps,
explicite ce cri, cet appel, ce
« veni » : « En ces jours là, ils crieront
vers le Seigneur dans leurs tribulations, et il leur enverra un
Sauveur, un défenseur qui les délivrera. Et le Seigneur
se fera connaître à l’Egypte et les Egyptiens
connaîtront le Seigneur en ce jours-là. Ils lui offriront
sacrifices et offrandes ; ils feront des vœux au Seigneur
et les accompliront. Le Seigneur ne frappera plus l’Egypte
que pour la guérir. Ils se convertiront au Seigneur, et
il se laissera fléchir et les guérira, lui, le Seigneur
notre Dieu ». Isaïe 19 20-22
« Ils crieront vers le Seigneur
» dans leurs tribulations.
En latin, nous avons le verbe «
Clamabunt ad Dominum ». Ce n’est pas un simple appel.
Mais c’est un cri. C’est « pousser un cri ».
C’est « appeler en criant ».
Telle est la disposition de l’âme
chrétienne.
« a facie tribulantis ».
Le verbe latin « tribulare », veut dire : «
tourmenter, faire souffris, affliger, persécuter ».
Plus la misère est grande, plus le cri est grand. Le cri
est proportionné à la misère.
Et Dieu est attentif à ce
cri, à cette supplique, comme il le fut un jour à
la prière suppliante de Zacharie dans le Temple.
Et Dieu leur enverra un Sauveur.
« Et mittet eis salvatorem et propugnatorem ».
Un « propugnator ». C’est
celui qui défend une place assiégée. C’est
le défenseur. Le combattant.
Telle est la description du Sauveur.
Il est un combattant, un soldat. Celui qui délivre l’assiégé.
Le verbe latin : « propugnare » veut dire : «
se battre, combattre pour défendre, être le champion
de ».
Ainsi le prophète Isaïe nous fait connaître
le Messie, nous donne un de ses traits : « Il sera un battant,
un lutteur ». Mon esprit pense alors à la Passion
du Seigneur. C’est là, surtout, qu’Il exerça
son combat, sa lutte, qu’il manifesta sa force. C’est
là surtout qu’Il lutta contre le mal, l’auteur
du mal. Et quelle énergie dans sa Passion, dans son Agonie
! Un seul mot de l’Evangile nous l’indique : le «
surge » que Notre Seigneur adressa à ses disciples
alors que Judas et la soldatesque approchaient. Quelle force dans
l’adversité !
Et le prophète Isaïe
ajoute : « Et il se fera connaître à l’Egypte
» « Et cognoscent Egyptii Dominum in die illa »
?
A ces mots, mon esprit se souvient de la libération d’Israël
des mains du Pharaon, par l’ange exterminateur, le serviteur
de Yahweh. Souvenez-vous du récit d ‘Exode 12. Voilà
la description de l’agneau pascal. Voilà son sang
mis sur les deux montants et sur le linteau de la porte dans les
maisons d’Israël captif. Voilà le sang libérateur.
Voilà ce sang protecteur :
« Et je passerai cette nuit là par le pays d’Egypte
et je frapperai de mort tous les premiers nés du pays d’Egypte
depuis les hommes jusqu’aux animaux…Je suis Yahweh.
Le sang sera un signe en votre faveur sur les maisons où
vous êtes : je verrai le sang et je passerai par dessus-vous,
il n’y aura point pour vous de plaie meurtrière quand
je frapperai le pays d’Egypte ».
Oh mystère étrange
et inexplicable ! L’immolation de l’Agneau se trouve
être le salut d’Israël, la mort de l’Agneau
devint la vie du peuple. Et le sang intimida l’ange exterminateur.
Voilà comment Dieu a révélé
sa puissance et s’est fait connaître à l’Egypte
: par le sang de l’Agneau. Le « sang de l’Agneau
» est ainsi une figure très précise du Messie-Sauveur.
Saint Jean Baptiste le révélera, de fait, à
ses disciples par ces mots : « Ecce Agnus Dei ».
Dès lors, notre appel, notre
action de grâce, nos acclamations sont dues à l’Agneau
Pascal parce qu’il est notre Sauveur, notre protecteur.
C’est ainsi que je dois le contempler déjà
dans la crèche !
Et je ferais volontiers monter aux
cieux cette belle médiation de Méliton de Sarde
: « Dis-moi, ô Ange, ce qui t’a intimidé,
l’immolation de l’Agneau ou la vie du Sauveur, la
mort de l’Agneau ou la préfiguration du Seigneur.
Il est clair que tu as été intimidé parce
que tu as vu le mystère du Seigneur s’accomplissant
dans l’Agneau pascal…C’est pourquoi tu ne frappas
pas Israël, mais tu privas l’Egypte seule de ses enfants.
Quel est ce mystère inattendu : l’Egypte frappée
pour sa perte ; Israël protégé pour son salut
»
Alors, sachons regarder vers l’Agneau
qui fut immolé en Egypte, c’est celui qui frappa
l’Egypte et qui sauva Israël par le sang. « Et
le Seigneur se fera connaître à l’Egypte et
l’Egypte connaîtra le Seigneur en ce jour là
»…
A ce mystère révélé,
annoncé, prédit et réalisé…convertissons
nous.
« Et le Seigneur frappera l’Egypte
et ils se convertiront au Seigneur et il se laissera fléchir
et les guérira ».
« Il se laissera fléchir
et les guérira » Il le peut. Car il est le Dieu fort.
Le Dieu puissant.
« Il part d’une extrémité du Ciel et
sa course le conduit jusqu’à l’autre ».
Il est le tout puissant. Tout est à lui. Il est le Maître
de toutes choses. « Les cieux proclament sa gloire et le
firmament publie l’œuvre de ses mains ».
N’oublions jamais que Celui qui doit venir…. sera
peut-être mis dans une crèche, sera peut-être
« infans », mais il est celui qui fit le ciel et la
terre.
Voilà ce que le Graduel nous
rappelle.
L’Eglise alors nous précise
la prière de ses enfants dans cette belle oraison : «
Fais, nous t’en supplions, Dieu tout puissant que nous qui
sommes courbés sous le joug du péché par
suite de notre vieil esclavage, nous soyons délivrés
par la nouvelle naissance de ton Fils unique si longtemps attendu…
»
Voilà enfin la très
belle deuxième lecture tirée toujours d’Isaïe,
le prophète ; Vous apprécierez aussi sa poésie
: « Voici ce que dit le Seigneur : « Que le désert
et la steppe se réjouissent, que la lande exulte et fleurisse
comme le narcisse ; qu’elle se couvre de fleurs, qu’elle
exulte et pousse des cries de joie ! La gloire du Liban lui sera
donnée, la splendeur du Carmel et de Saron. On verra la
gloire du Seigneur, la magnificence de notre Dieu. Fortifiez les
mains défaillantes, affermissez les genoux qui chancellent.
Dites aux timides : « Courage, ne craignez point, voici
votre Dieu ! La vengeance arrive, la revanche de Dieu ; il vient
lui-même vous sauver. Alors se dessilleront les yeux des
aveugles et les oreilles de sourds s’ouvriront, alors le
boiteux bondira comme un cerf et la langue du muet poussera des
cris d’allégresse ; car des sources vives jailliront
au désert et des ruisseaux dans la steppe ; le sol embrasé
se changera en nappe d’eau et le pays de la soif en fontaines,
dit le Seigneur tout-puissant ». (Isaïe 35 1-7)
Vous le voyez, ce texte est une lecture
de joie et de bonheur. Avec la venue du Messie, le salut nous
est donné, alors tout refleurit, tout renaît comme
en un printemps nouveau. « Alors le désert et la
terre aride - nous en raison de nos péchés - désert,
terre aride – se réjouiront… ». En latin,
nous avons le verbe « laetabitur ». Qui se traduit,
vous le savez maintenant, par « se réjouir »,
« se livrer à la joie ». « Laetitia »
veut exprimer « une joie vive, un allégresse ; le
comble de la joie. On traduira aussi ce mot par « beauté,
comme si la terre de stérile, d’aride, devenait belle
en se parant des ses nouvelles végétations. Et de
fait « laetitia » veut dire aussi : « végétation
vigoureuse ». Telle sera la terre fécondée
par le sang de l’Agneau, la grâce divine.
« Que la terre aride donne sa parure, une végétation
luxuriante !
« Et la lande exultera » « Exultabit solitudo
» « et fleurira comme le lys ».
« Le verbe exultare veut dire non seulement sauter, mais
bondir, se réjouir vivement.
« Germinans germinabit » : « elle fleurira ».
Et de fait, la venue du Messie est
une deuxième naissance, une deuxième création.
Il créa toute chose, nouvelle. » « Mirabilius
reformasti ».
« La lande, la terre fleurira,
elle exultera dans la jubilation et les chants de triomphe. «
Exultabit laetabunda et laudans ».
« Ils verront la gloire du
Seigneur, la magnificence de notre Dieu ».
On retrouve ici, vous le voyez, tous
les expressions et les chants de Zacharie, d’Elisabeth,
de Notre Dame., de Siméon, le prophète. C’est
la même joie qu’ils font tous entendre à la
venue du Seigneur, lorsqu’ils parlent du Messie.
Ecoutez ! Souvenez-vous ! Méditez
: « D’où m’est-il donné que la
mère de mon Seigneur vienne à moi. Car votre voix,
lorsque vous m’avez saluée, n’a pas plus tôt
frappé mes oreilles que mon enfant a tressailli de joie
dans mon sein ».
Le chant de Notre Dame : «
Mon âme glorifie le Seigneur et mon esprit trésaille
de joie en Dieu, mon Sauveur » ;
Il y a une parfaite harmonie entre l’Ancien et le Nouveau
Testament. C’est la joie que cause la venue du sauveur.
« Dites à ceux qui ont le cœur troublé
: courage, point de peur, voici votre Dieu. Il vient lui-même,
Il vous sauvera. « Deus ipse venit et salvabit nos ».
Alors Zacharie pourra aussi chanter,
comme Isaïe le chanta déjà dans son style fleuri
et bucolique, son « Benedictus » :
« Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël
parce qu’il a visité et racheté son peuple
Et qu’il a suscité une force pour nous sauver…pour
nous sauver de nos ennemis et du pouvoir de tous ceux qui nous
haïssent afin d’exercer sa miséricorde envers
nos pères »
Et je me souviens encore du beau
chant du prophète Siméon : « Maintenant, Ô
Maître vous laissez partir votre serviteur en paix selon
votre promesse, Puisque mes yeux ont vu votre salut que vous avez
préparé à la face de tous les peuples, Lumière
qui doit dissiper les ténèbres des Nations et gloire
d’Israël, votre peuple ».
Aussi la tristesse n’est pas
de mise. L’Eglise veut que notre cœur soit dans l’allégresse
à la venue du Messie. Alors l’Eglise fait monter
sa prière : « Seigneur réjouis-nous par le
lavement de ton Fils unique… »
Enfin la troisième lecture
va insister sur la bonne nouvelle de la nuit de Noël et va
utiliser Isaïe au chapitre 40. Et voilà pourquoi aussi
l’Eglise, dans son Evangile de ce dimanche, va préciser
le temps historique de cette venue du Messie, « la quinzième
année du temps de Tibère César… »,
de cette Bonne nouvelle qui sera proclamée par les anges
célestes, la nuit de Noël. Mais Isaïe l’avait
déjà annoncé dans ce passage : « Montez
sur une haute montagne vous qui portez à Sion la bonne
Nouvelle. Elevez la voix avec force » « Exalta in
fortitudine vocem tuam ». Le Messie est annoncé avec
force et puissance.
Les anges le feront la nuit de Noël
: « Ne craignez point car je vous annonce une nouvelle qui
sera pour tout le peuple une grande joie. Il vous est né
aujourd’hui dans la ville de David, un Sauveur qui est le
Christ Seigneur »
Et c’est alors la venue de la milice céleste louant
Dieu avec force acclamation : « Gloria in Exselsis Deo ».
Oui ! Elevez la voix avec force,
vous qui portez à Jérusalem la Bonne Nouvelle. Elevez
la voix. Ne craignez rien. Dites aux villes de Juda : «
Voici votre Dieu. Voici que le Seigneur vient avec puissance,
son bras lui soumet tout. Voici avec lui, le prix de sa victoire,
le fruit de sa conquête marche devant lui. Comme un berger,
il fera paître son troupeau, de son bras il le rassemblera.
Il portera les agneaux sur son sein, lui le Seigneur Notre Dieu
».
Voilà la Bonne Nouvelle :
la tendresse du Berger exprimée par cette belle expression
: « les agneaux sur son sein ». Le prix de sa victoire
sera son propre sang. Sa conquête marche devant lui : nos
âmes soumises.
Et nous voilà, en fin, avec
le très beau texte de la cinquième lecture :
« En ces jours-là, l’ange
du Seigneur descendit dans la fournaise auprès d’Azarias
et de ses compagnons ; de la fournaise, il écarta la flamme
ardente et fit souffler en son milieu comme une brise matinale.
La flamme jaillissait à quarante-neuf coudées au
dessus de la fournaise. Dans son élan, elle brûla
les Chaldéens au service du roi, qu’elle trouva près
de la fournaise occupés à l’activer. Mais
le feu ne toucha aucunement les trois jeunes gens et ne leur causa
ni mal ni douleur »
Tout cela est tout simplement extraordinaire
et ne peut pas ne pas faire jaillir de notre cœur le même
chant que celui des enfants de la fournaise : « Tous trois
alors n’eurent qu’une voix pour louer, glorifier et
bénir Dieu dans la fournaise » : « Tu es béni,
Seigneur Dieu de nos pères, digne de louange et de gloire
à jamais.
Béni est ton nom, glorieux, saint, digne de louange et
de gloire à jamais
Tu es béni dans le temple saint de ta gloire, digne de
louange et de gloire à jamais
….
Tu es béni, toi qui trônes sur les chérubins
et qui scrutes les abîmes, digne de louange et de gloire
à jamais… ».
B-Catéchèse
de Benoît XVI : « Dieu sait tout et il est présent
aux côtés de sa créature »
Nous publions ci-dessous le texte
de la catéchèse que le pape Benoît XVI a prononcée
ce mercredi 14 décembre, au cours de l’audience générale.
Lecture: Psaume 138, 1-3.5-6.11-12
1. Tu me scrutes, Seigneur, et tu
sais !
2. Tu sais quand je m\'assois, quand je me lève ;
de très loin, tu pénètres mes pensées.
3. Que je marche ou me repose, tu le vois,
tous mes chemins te sont familiers.
4. Avant qu\'un mot ne parvienne à mes lèvres,
déjà, Seigneur, tu le sais.
5. Tu me devances et me poursuis, tu m\'enserres,
tu as mis la main sur moi.
6. Savoir prodigieux qui me dépasse,
hauteur que je ne puis atteindre !
7. Où donc aller, loin de ton souffle ?
où m\'enfuir, loin de ta face ?
8. Je gravis les cieux : tu es là ;
je descends chez les morts : te voici.
9. Je prends les ailes de l\'aurore
et me pose au-delà des mers :
10. même là, ta main me conduit,
ta main droite me saisit.
1. La Liturgie des Vêpres –
dont nous méditons les Psaumes et les Cantiques –
nous propose, en deux étapes distinctes, la lecture d\'un
hymne sapientiel d\'une beauté limpide et d\'une grande
force émotive, le Psaume 138. Nous avons aujourd\'hui devant
nous la première partie de la composition (cf. vv. 1-12),
c\'est-à-dire les deux premières strophes qui exaltent
respectivement l\'omniscience de Dieu (cf. vv. 1-6) et son omniprésence
dans l\'espace et dans le temps (cf. vv. 7-12).
La vigueur des images et des expressions
a pour but de célébrer le Créateur: «
Si telle est la grandeur des œuvres créées
– affirme Théodoret de Cyr, écrivain chrétien
du Ve siècle – combien leur Créateur doit
être grand ! » (Discours sur la Providence, 4: Collection
de Textes patristiques, LXXV, Rome 1988, p. 115). La méditation
du Psalmiste vise surtout à pénétrer dans
le mystère du Dieu transcendant, et pourtant proche de
nous.
2. La substance du message qu\'il
nous offre est linéaire: Dieu sait tout et il est présent
aux côtés de sa créature, qui ne peut pas
se soustraire à lui. Sa présence n\'est cependant
pas une présence menaçante et inquisitrice; certes,
il porte également un regard sévère sur le
mal, à l\'égard duquel il n\'est pas indifférent.
Toutefois, l\'élément
fondamental est celui d\'une présence salvifique, capable
d\'embrasser tout l\'être et toute l\'histoire. C\'est,
en pratique, le cadre spirituel auquel saint Paul, en parlant
à l\'Aréopage d\'Athènes, fait allusion à
travers le recours à une citation d\'un poète grec:
« C\'est en lui qu\'il nous est donné de vivre, de
nous mouvoir, d\'exister » (Ac 17, 28).
3. Le premier passage (cf. Ps 138,
1-6), comme on vient de le dire, est la célébration
de l\'omniscience divine: en effet, les verbes de la connaissance
tels que « scruter », « connaître »,
« savoir », « pénétrer »,
« comprendre », « sagesse » sont répétés.
Comme on le sait, la connaissance biblique dépasse le pur
et simple apprentissage et la compréhension intellectuelle;
c\'est une sorte de communion entre celui qui connaît et
ce qui est connu: le Seigneur est donc en intimité avec
nous, lorsque nous pensons et lorsque nous agissons.
Le deuxième passage de notre
Psaume (cf. vv. 7-12) est en revanche consacré à
l\'omniprésence divine. La volonté illusoire de
l\'homme de se soustraire à cette présence y est
décrite de façon très vivante. Tout l\'espace
est parcouru: il y a tout d\'abord l\'axe vertical «ciel-enfer»
(cf. v. 8), qui fait place à la dimension horizontale,
celle qui va de l\'aurore, c\'est-à-dire de l\'orient,
et qui parvient jusqu\'« au plus loin de la mer »
Méditerranée, c\'est-à-dire l\'occident (cf.
v. 9). Chaque lieu de l\'espace, même le plus secret, renferme
une présence active de Dieu.
Le Psalmiste poursuit en introduisant
également l\'autre réalité dans laquelle
nous sommes plongés, le temps, symboliquement représenté
par la nuit et par la lumière, par les ténèbres
et par le jour (cf. vv. 11-12). Même l\'obscurité,
dans laquelle il est difficile d\'avancer et de voir, est pénétrée
par le regard et par l\'épiphanie du Seigneur de l\'être
et du temps. Sa main est toujours prête à saisir
la nôtre pour nous guider sur notre itinéraire terrestre
(cf. v. 10). Il ne s\'agit donc pas d\'une proximité de
jugement, qui provoque la terreur, mais de soutien et de libération.
Et ainsi, nous pouvons comprendre
quel est le contenu ultime, essentiel, de ce Psaume: il s\'agit
d\'un chant de confiance. Dieu est toujours avec nous. Même
dans les nuits les plus obscures de notre vie, il ne nous abandonne
pas. Même dans les moments les plus difficiles, il demeure
présent. Et même lors de la dernière nuit,
dans l\'ultime solitude où nul ne peut nous accompagner,
dans la nuit de la mort, le Seigneur ne nous abandonne pas. Il
nous accompagne également dans cette ultime solitude de
la nuit de la mort. C\'est pourquoi nous, chrétiens, pouvons
avoir confiance: nous ne sommes jamais seuls. La bonté
de Dieu est toujours avec nous.
4. Nous avons commencé par
une citation de l\'écrivain chrétien Théodoret
de Cyr. Nous concluons en ayant encore recours à lui et
à son IVe Discours sur la Providence divine, car, en dernière
analyse, tel est le thème du Psaume. Il s\'arrête
sur le v. 6, dans lequel l\'orant s\'exclame: « Savoir prodigieux
qui me dépasse, hauteur que je ne puis atteindre ! ».
Théodoret commente ce passage en s\'adressant à
l\'intériorité de la connaissance et de l\'expérience
personnelle et il affirme: « Tourné vers moi-même
et devenu intime à moi-même, m\'étant éloigné
des clameurs extérieures, je voulus me plonger dans la
contemplation de ma nature... En réfléchissant sur
ces choses et en pensant à l\'harmonie entre la nature
mortelle et la nature immortelle, je suis vaincu par tant de prodige
et, n\'arrivant pas à contempler ce mystère, je
reconnais ma défaite; de plus, alors que je proclame la
victoire de la sagesse du Créateur et que je lui élève
des hymnes de louange, je m\'écrie: “Merveille de
science qui me dépasse, hauteur où je ne puis atteindre”»
(Collection de Textes patristiques, LXXV, Rome 1988, pp. 116.117).
C-« Connaissance
élémentaire de la laïcité »
Entretien avec Yves de Lassus
Le 3 juillet 1905, après quatre
mois de discussions enfiévrées, l’Assemblée
nationale vota la « Loi concernant la séparation
des Eglises et de l’Etat » par 341 voix sur 574.
Le 9 décembre suivant, le
gouvernement vota le décret d’application de cette
loi. Depuis quelques mois, à l’occasion de ce centenaire,
la laïcité est l’un des sujets favoris du gouvernement
et de ses caisses de résonance médiatiques. Le peuple
français est rassasié de grands mots, de belles
expressions. Dans
son discours du 17 décembre 2003, Jacques Chirac parla
des « valeurs de la République », de «
la laïcité au cœur de notre identité républicaine
». Il affirma notamment : « La laïcité
est inscrite dans nos traditions. Elle est au coeur de notre identité
républicaine. (…) »
Sur ce sujet, l’Action Familiale
et Scolaire (AFS) vient de publier une petite étude très
intéressante, Connaissance élémentaire de
la laïcité. Nous avons rencontré son auteur,
Yves de Lassus.
— Pourquoi telle étude
alors que de nombreux livres viennent de sortir sur le sujet ?
—Il est vrai que plusieurs
livres d’excellente qualité ont été
publiés ces derniers temps sur la question. Mais chacun
présentait un aspect de la laïcité. Cette étude,
quant à elle, s’attache à donner une vue plus
générale pour tous ceux
qui n’ont pas forcément le temps de lire plusieurs
livres, tout en souhaitant voir l’ensemble des enjeux. De
plus, l’objectif de l’AFS a toujours été
de travailler à l’établissement du règne
social du Christ-Roi, selon les paroles
bien connues de saint Pie X : « Omnia instaurare in Christo
», paroles qui avaient profondément marqué
Jean Ousset ; et celui-ci avait su transmettre son enthousiasme
pour le Christ-Roi aux fondateurs de l’AFS. Fidèle
à son esprit d’origine, l’AFS, dès qu’elle
le peut, agit dans ce sens. Or, le centenaire de la laïcité
est une occasion pour beaucoup de discréditer ce règne
social. L’AFS ne pouvait pas laisser passer cet anniversaire
en restant silencieuse : voilà pourquoi elle a décidé
de sortir cette année une étude rappelant la doctrine
traditionnelle de l’Eglise sur la laïcité.
— Quel est l’enseignement
traditionnel de l’Eglise sur cette question ?
— Cet enseignement s’exprime
sous deux formes : une forme positive que l’on résume
en général en six points :
1) Les pouvoirs de l’Eglise
et de l’Etat sont distincts.
2) L’Eglise est indépendante de l’Etat dans
son ordre.
3) L’Etat est indépendant de l’Eglise dans
son ordre.
4) Mais les deux pouvoirs sont unis comme l’âme est
unie au corps, selon l’expression de Léon XIII.
5) Le pouvoir de l’Etat est soumis au pouvoir de l’Eglise
dans les domaines de la morale et de la foi.
6) Les deux pouvoirs viennent de Dieu et le Christ est le chef
de l’un et de l’autre : c’est la doctrine du
Christ-Roi.
Mais cet enseignement s’exprime
également sous une forme négative que l’on
peut résumer de la façon suivante :
1) Le pouvoir ne vient pas du peuple
mais de Dieu ; il n’y a donc pas de souveraineté
populaire.
2) L’Etat ne doit pas être séparé de
l’Eglise : il doit gouverner en union avec l’Eglise.
3) L’Etat ne doit pas mettre toutes les religions sur le
même pied d’égalité : il doit protéger
la seule vraie religion, la religion catholique.
4) L’Etat ne peut pas être athée et gouverner
comme si Dieu n’existait : en tant qu’Etat, il doit
professer un culte public et gouverner en tenant compte des lois
de l’Eglise.
5) Il doit respecter la liberté et le pouvoir de l’Eglise
sur la société.
— Vous faites d’abord
une histoire du concept de laïcité.
— C’est exact. Car pour
bien comprendre un phénomène, rien ne vaut d’en
faire l’histoire.
C’est d’ailleurs pourquoi le sous-titre du livre est
: Principe et histoire de la persécution de l’Eglise
catholique en France depuis 1789. Or, à l’échelle
de l’humanité, la laïcité, étendue
comme une séparation nette entre le pouvoir
temporel et le pouvoir spirituel, est un concept très récent.
Il faut attendre le XVIIIe siècle et la Révolution
française pour en voir les premières réalisations
concrètes. Avant cette époque, il y avait soit confusion
des deux pouvoirs (les deux étant détenus par une
même personne), soit union des deux pouvoirs (chaque pouvoir
étant attribué à deux personnes différentes,
mais travaillant ensemble). Apparue depuis à peine deux
siècles, la laïcité a d’abord tenté
de s’imposer sous une forme radicale pendant la Révolution
française et le Consulat. Le Concordat de 1801, tout en
permettant un retour à une situation plus normale, a ensuite
permis de consolider de nombreux acquis de la laïcité
au cours de cette première persécution. Puis, elle
a tenté de s’imposer à la fin du XIXe siècle
sous une forme presque aussi radicale. La farouche opposition
des catholiques a permis de limiter sa progression. Malheureusement,
la loi de 1905 a définitivement légalisé
la laïcité sous une forme limitée qui a pu
être atténuée en 1924 par la loi sur les associations
diocésaines. Jusqu’au concile Vatican II, l’Eglise
s’est opposée avec une très grande fermeté
à toutes les formes de la laïcité. En un siècle
et demi, celle-ci fut de nombreuses fois condamnée par
le Saint-Siège. Ainsi, avant
Vatican II, le terme « laïcité » ne fut-il
utilisé qu’une seule fois par les papes de façon
positive. Mais l’enseignement du concile Vatican II va rompre
avec la doctrine traditionnelle et va « sonner le glas de
l’Etat chrétien », selon les
propres termes du cardinal Etchegaray. C’est ce profond
changement d’attitude que l’étude veut mettre
en lumière.
—A ce propos, vous citez des
personnalités de l’Eglise qui ne sont pas d’accord
avec votre opinion. Ne vous érigez-vous en juge de leurs
faits et dires ?
— Je ne le crois vraiment pas.
En tout cas, telle n’a jamais été mon intention
quelle que soit l’interprétation que certains pourront
vouloir donner à ce travail. Je me suis contenté
de compiler les écrits de six des sept papes qui ont occupé
le siège de Pierre avant le concile Vatican II : Grégoire
XVI, le bienheureux Pie IX, saint Pie X, Pie XI et Pie XII. Pendant
cent cinquante ans, confrontés à une laïcité
de plus en plus envahissante, ces papes ont, avec une continuité
extraordinaire, précisé très clairement les
devoirs de la société envers le Christ- Roi. Cette
doctrine a été remarquablement synthétisée
par Pie XI dans son encyclique Quas primas, à peine quarante
ans avant Vatican II.
J’ai ensuite comparé cette doctrine si nette avec
les textes de Vatican II et de plusieurs grandes autorités
de l’Eglise depuis ce concile. Si les mots ont encore un
sens, on ne peut que constater que l’enseignement depuis
Vatican II
est radicalement différent de celui des six papes que je
viens de citer. Mais je ne fais que constater un fait : je n’y
suis pour rien. Qu’on l’approuve ou le déplore,
le fait est que les hommes d’Eglise ont changé de
discours depuis Vatican II. D’ailleurs, ce n’est pas
moi qui le dit : tous les observateurs, qu’ils soient catholiques
ou non, modernistes ou non, font exactement la même constatation,
comme par exemple Emile Poulat qui affirme dans une interview
de La Nef : « Le concile Vatican II, à travers Dignitatis
humanae, a pris acte de certaines évolutions qui rendent
aujourd’hui caduque la doctrine de l’Etat chrétien
selon Léon XIII. » Mais de très nombreuses
personnalités, comme le cardinal Etchegaray, le cardinal
Tauran, Mgr Ricard et bien d’autres ont dit en substance
exactement la même chose. L’étude rapporte
une dizaine de citations pour bien montrer qu’il y a eu
un réel changement sur ce point. Mais qu’on me comprenne
bien : cette comparaison de l’enseignement de l’Eglise
avant et après Vatican II n’a pas pour objectif de
porter un jugement sur tel ou tel homme d’Eglise, mais simplement
de montrer qu’il y a réellement deux enseignements
presque totalement opposés sur le fond. Et, sur des enseignements,
il est tout à fait possible de porter un jugement. Rien
donc ne nous empêche de dire que, sur plusieurs points fondamentaux,
l’enseignement depuis le concile Vatican II est en opposition
avec l’enseignement traditionnel.
— Tout de même, vous
reprochez à ces hommes d’Eglise leur nouvelle position
?
— Mais nous sommes bien obligés
de faire un choix ! « Les tièdes, je les vomirais
de ma bouche » nous a dit Notre Seigneur. Et ce n’est
pas parce qu’un choix est particulièrement douloureux
qu’il ne faut pas le faire ! Bien évidemment, l’esprit
humain étant faillible, en faisant un choix il peut arriver
que l’on se trompe ; il faut donc être prudent dans
ce que l’on affirme et prier pour ne pas se tromper. Il
faut aussi garder une attitude charitable envers
ceux dont on ne partage pas les idées. Mais il faut choisir
son camp ! Ou bien la laïcité, même dans sa
forme limitée, a été condamnée avant
Vatican II par l’Eglise ; ou elle ne l’a pas été
! Mais si elle l’a été, et c’est ce
que l’étude s’attache à montrer, alors
de quel côté que l’on se place, on se sépare
nécessairement de ce que pense l’autre côté.
Et sur des sujets non définis dogmatiquement, l’Eglise
a toujours laissé aux fidèles la possibilité
d’en discuter, dans la mesure où ils respectent l’autorité
de ceux qui les professent. L’histoire des saints montre
abondamment qu’ils n’ont pas hésité
à refuser voire se sont carrément opposés
à des enseignements, même provenant de certains papes.
Et de grands théologiens ont justifié cette attitude.
Alors, encore une fois, il faut le faire avec beaucoup de
prudence et surtout beaucoup de charité envers les personnes,
en respectant toujours l’autorité de ces clercs qui
n’est en rien diminuée, même lorsqu’ils
leur arrivent d’errer.
—Que reprochez-vous au juste
à ce nouvel enseignement de l’Eglise ?
— Là encore, je ne cherche pas à faire des
reproches à qui que ce soit en particulier. Je constate
simplement trois choses :
1) Ce nouvel enseignement omet de parler de l’union des
deux pouvoirs : à l’occasion, il fait simplement
mention d’une coopération à rechercher.
2) La distinction à faire entre les religions n’est
jamais rappelée, ni que la religion catholique est la seule
vraie.
3) Le culte officiel dû par l’Etat à Dieu,
les devoirs de l’Etat envers l’Eglise, la soumission
de l’Etat à la morale définie par l’Eglise
et de nombreux autres points sont totalement occultés,
points sur lesquels les prédécesseurs de Jean XXIII,
Paul VI et Jean- Paul II avaient tant insisté. Vous constaterez
qu’il s’agit surtout d’omissions. Il est vrai
que, dans de nombreux cas, ce nouvel enseignement ne fait qu’occulter
certains points de la doctrine traditionnelle. Or, il est très
difficile de juger de l’intention des auteurs lorsqu’ils
omettent de rappeler ces points. Il faudrait pour cela connaître
les intentions profondes des personnes, ce qui est bien évidemment
impossible. C’est pourquoi, seul Dieu peut être juge
en la matière. Mais lorsque nous constatons ces omissions,
le devoir de tout catholique est de rappeler l’enseignement
de l’Eglise. C’est le seul but visé par l’AFS
en publiant cette brochure ; en aucune manière, elle ne
cherche à juger tel ou tel clerc. Malheureusement, il n’y
a pas que des omissions dans ce nouvel enseignement : dans plusieurs
cas, certains prélats ont enseigné formellement
le contraire de la doctrine traditionnelle, par exemple le Cardinal
Hammer dans une déclaration au journal 30 jours en 1993
: « Il est normal que, devant les lois de l’État,
toutes les religions aient les mêmes droits et soient soumises
aux mêmes obligations. L’Etat doit accorder un statut
socio-politique égal à toutes les religions. »
N’est-ce pas très exactement le contraire de ce que
disait Léon XIII dans son encyclique Libertas praestantissimum
: « Non, de par la justice, non de par la raison, l’Etat
ne peut être athée, ou, ce qui reviendrait à
l’athéisme, être animé à l’égard
de toutes les religions, comme on dit, des mêmes dispositions,
et leur accorder indistinctement les mêmes droits »
?
Il serait hélas possible de multiplier les exemples. On
peut trouver un tel constat profondément navrant, ce n’est
pas une raison pour cacher la vérité : il ne faut
pas avoir peur de regarder la réalité en face, aussi
déplaisante soit-elle.
—Mais n’y a-t-il pas
tout de même une forme acceptable de laïcité
?
— Dieu ne change pas, donc
la doctrine ne peut pas changer. Certes, il peut y avoir des modalités
contingentes dans la façon d’exercer l’union
entre les deux pouvoirs. Mais le principe de l’union de
ces deux pouvoirs et de la subordination du temporel au spirituel
dans les domaines de la morale et de la foi restera, quelles que
soient ces contingences, une constante. La laïcité
définie comme le refus de toute subordination de l’Etat
à l’Eglise dans
ces domaines de la morale et de la foi, ou comme l’obligation
de ne faire aucune différence entre les religions, cette
laïcité-là ne pourra jamais être un concept
chrétien.
— Que proposez-vous pour rétablir
la situation ?
— D’abord il faut bien
connaître les doctrines en cause et les conditions dans
lesquelles elles sont apparues. Pour cela, il faut commencer par
lire la plaquette de l’AFS. Il ne s’agit pas de faire
de la publicité pour notre boutique : il s’agit simplement
de donner à notre prochain les éléments nécessaires
pour qu’il puisse exercer son jugement. Ensuite prions avec
ferveur et charité pour tous ces clercs dont nous ne partageons
pas les idées afin que le Saint-Esprit les éclaire
et
qu’ils nous redonnent le véritable enseignement de
l’Eglise. Là aussi, il ne s’agit pas de les
juger ou de les critiquer. Prier pour que ces clercs retrouvent
le chemin de la vérité est au contraire la seule
attitude vraiment catholique.
Mais ce n’est pas leur manquer de charité ou refuser
de reconnaître leur autorité que de dire que leur
enseignement n’est plus conforme à l’enseignement
traditionnel, enseignement qui, rappelons-le, a été
cautionné par six grands
papes, dont un bienheureux et un saint. Enfin, la prière
et la formation ne peuvent suffire pour rétablir une situation
: il faut aussi agir. Que peut-on faire ? Le remède est
simple : dans tous les espaces qui dépendent de nous, réaffirmer
la royauté sociale de Notre Seigneur, clé de voûte
de la doctrine sociale de l’Eglise et anti-thèse
parfaite de la laïcité. Remède à appliquer
d’abord à soi-même, bien sûr ! Que notre
attitude personnelle soit en tous points conforme à cette
doctrine. Qu’il n’y ait pas d’un côté
le chrétien et de l’autre le mondain. En tout temps
et en tout lieu, agissons en
chrétien ! Ensuite, pour affirmer clairement ce règne
social de Notre Seigneur, accomplissons la demande adressée
par le Christ à sainte Marguerite- Marie : consacrons-nous
à son Sacré- Cœur. Ce moyen est particulièrement
efficace,
car c’est à la France que Notre Seigneur a confié
cette dévotion en lui promettant, si elle acceptait de
Le reconnaître pour roi, de la « rendre victorieuse
de tous ses ennemis, en abattant à ses pieds ces têtes
orgueilleuses, et
pour la rendre triomphante de tous les ennemis de la Sainte Eglise
». Notre Seigneur Luimême est venu à Paray-le-Monial
nous indiquer la voie à suivre ; alors que partout en France,
les catholiques se lèvent et répondent au matraquage
laïciste en consacrant au Sacré- Cœur leur personne,
leur foyer, leur paroisse, leurs associations, etc. Et nous ferions
bien d’y associer aussi une consécration au cœur
Immaculé de Marie dont la dévotion est également
très liée à l’histoire de France. Ces
deux consécrations peuvent constituer un véritable
rempart contre la contagion laïciste qui nous menace. Il
y a à peine cinquante ans, en Autriche en 1955, puis au
Brésil en 1964, la Sainte Vierge
repoussait le communisme. Si elle a pu repousser un tel fléau,
elle peut tout autant repousser le laïcisme en France. Mais
il faut le lui demander. Une action aussi simple peut-elle suffire
? La réponse se trouve dans l’histoire des habitants
de Ninive qui firent un jeûne à l’appel du
prophète Jonas et éloignèrent ainsi la colère
divine. Elle est surtout dans l’histoire récente
de l’Autriche et du Brésil.
— Une telle étude sur
un sujet tout de même très vaste ne peut pas tout
dire. Pour ceux qui voudraient approfondir la question, quels
livres conseilleriez-vous après la lecture de votre étude
?
— Vous avez parfaitement raison
de dire que ce travail est limité. Il ne se veut pas une
« somme » mais tente simplement d’apporter une
« connaissance élémentaire ». Nous espérons
simplement que la lecture de ce petit ouvrage donnera au lecteur
le désir d’approfondir cette question si importante
de nos jours. Pour cela, sur le plan historique, je recommande
particulièrement deux livre : Christianisme et Révolution
de Jean de Viguerie qui décrit la première période
de persécutions des catholiques en France, suite à
l’introduction de cette laïcité ; et le tout
récent livre de Jean Sévillia Quand les catholiques
étaient hors la loi, qui décrit remarquablement
la deuxième persécution des
années de la fin du XIXe, début du XXe siècle.
Sur l’époque actuelle, je recommande La laïcité
dans tous ses états de Rémi Fontaine qui, à
travers dix exemples très bien choisis, montre toute la
contradiction qu’il y a entre le discours laïciste
et la réalité des faits. Et enfin, je recommande
le dernier livre de Jean Madiran La laïcité dans l’Eglise.
Outre le plaisir inaltéré de lire Jean Madiran,
ce dernier livre apporte d’autres témoignages sur
le discours actuel de
beaucoup d’hommes d’Eglise, discours hélas
très souvent aux antipodes de la doctrine traditionnelle.
Avec ces quatre livres, très faciles à lire, chacun
des points abordés dans la plaquette de l’AFS sera
complété et étayé.
— Où peut-on se procurer
le livre de l’AFS ?
—L’AFS, où il
est possible de se procurer non seulement le livre Connaissance
élémentaire sur la laïcité, mais aussi
les autres livres que j’ai mentionnés. On peut les
commander par téléphone (01 46 22 33 32), par fax
(01 46 22 65 61),
par Internet (a.afs@libertysurf.fr) ou par courrier (AFS, 31 rue
Rennequin, 75017 Paris).
Propos recueillis
par François Franc
PRÉSENT — Mercredi 14 décembre 2005