Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

06 80 71 71 01

 

25 Décembre

Fête de la Nativité

 

Sommaire

A - Un anniversaire.

B - De l’Avent à la Nativité et à l’Epiphanie

C - Le monde de Narnia

 


A- Un anniversaire.

Nous fêtons, en ce 28 décembre2005, un anniversaire, celui de la création de la Paroisse saint Michel. C’est en effet le 28 décembre 2003 que nous lancions cette paroisse saint Michel sur le Web. C’était pour moi une manière, un peu nouvelle, je l’avoue … d’occuper mon temps… Et depuis ce dimanche, c’était le dimanche dans l’octave de la Nativité, la Providence m’a permis d’être, toutes les semaines, au rendez-vous sur le web et de vous apporter la « Bonne Nouvelle « de l’Evangile.
J’en rends grâce à Dieu et à votre fidélité.

C’est ainsi que, avec le temps et la régularité, la paroisse saint Michel est devenue une grosse paroisse. Plus de mille fidèles s’y sont inscrits sans compter les trois milles qui en reçoivent les textes sur leurs « é-mails » et qui semble, ne pas « la » refuser…Je dois dire que cela n’a pas peu contribué à mon entrain…

Comme cadeau d’anniversaire, j’ai le plaisir de vous offrir ce très beau texte de Dom Guillou sur la spiritualité du temps de l’Avent et de la Nativité et de l’Epiphanie… Un très beau texte…

Mais aussi, je vous conseille de retourner à ce dimanche d’il y a, maintenant, deux ans. Cliquez ici. Il vous servira d’homélie en ce dimanche où l’on fête l’Epiphanie. Ainsi je pourrai reprendre la cadence en précédant le dimanche pour vous permettre de mieux préparer votre messe dominicale…

Bon anniversaire !
Bonne découverte !
Bonne lecture !

B- De l’Avent à la Nativité et à l’Epiphanie

Je voudrais que vous approfondissiez le sens liturgique de ce temps de l’Avent qui nous conduit à la Nativité et à l’Epiphanie. On ne peut séparer le temps de l’Avent, de la Nativité ni de l’Epiphanie. Il faut que notre spiritualité se nourrisse de la pensée de l’Eglise. Elle ne l’exprime nulle part mieux que dans sa liturgie.

Or le « courant de la Tradition » a eu la chance d’avoir comme maître en liturgie, un disciple de Dom Guéranger, dom Guillou, malheureusement trop peu connu, même chez nous.

Il fut moine bénédictin au monastère de l’abbaye de la Source à Paris. Il exprima longtemps sa pensée liturgique dans une revue qui s’appelait « Nouvelles de Chrétienté ». Là, il suivait, avec grande attention, les mouvements de l’Eglise. Il ne s’enfermait pas sur lui-même pesnat que les choses étaient de toute façon « entendues »…
Il fut, à l’époque du Concile, le meilleur critique du document conciliaire sur la liturgie… Il n’est pas étonnant que sa revue fut la première revue à être interdite au séminaire français… Ce fut bien triste…

Quoiqu’il en soit, il nous laisse une œuvre…Elle devrait être étudiée aujourd’hui pour elle-même. Elle pourrait bien faire l’objet de thèses de doctorat…Les moines du Barroux pourraient bien de l’étudier…Cette étude pourrait leur être bénéfique et peut-être salvifique…

Aujourd’hui, dans cette « paroisse saint Michel » permettez-moi de vous transcrire quelques unes de ses belles pages sur le temps de l’Avent, de la Nativité et de l’Epiphanie. Il vous fera comprendre la beauté de notre liturgie romaine.

« Ostende faciem tuum »

« Tout un grand mouvement, sembla ble au mouvement sans cesse renouvelé du soleil, soulève et tend notre liturgie et notre vie toute entière. Nous allons essayer de le suivre par la pensée.
Une idée préside au « temps de l’Avènement (il faut en effet lier l’Avent avec Noël et l’Epiphanie) : Les Invitatoires scandent une marche vers la Face de Dieu ; d’abord, il est question du Roi qui doit venir, « Regem venturum ». A partir du 3ème dimanche de l’Avent : « Prope est jam Dominus »…Le Seigneur est proche et ce dimanche est joyeux comme celui de Laetare dans la marche quadragésimale. Puis c’est le « Hodie scietis », sachez aujourd’hui que le Seigneur arrive et qu’au matin vous allez voir sa gloire, « videbitis ». Puis c’est l’affirmation de Noël : « Christus natus est nobis ». Le Christ est né pour nous ; et cette présence est une illumination, conclut l’Invitatoire de l’Epiphanie : « Christus apparuit nobis ». « Apparuit » est le mot-clef, le thème spécifique de l’Epiphanie ou manifestation du Seigneur : la liturgie le répète à la fin de toutes les hymnes ; elle l’insère dans la préface ; il brillera dans l’admirable oraison de l’Octave de l’Epiphanie spécialement consacrée à célébrer le Baptême du Christ, car ce baptême a été une illumination, comme le dit Saint Grégoire de Naziance dans les leçons du 2ème nocturne. Le troisième jour de l’octave, l’antienne de Magnificat donne toute la splendeur au terme d’ « apparere » : « Lux de luce apparuisiti Christe », Lumière de lumière, tu nous es apparu, Ô Christ !....Déjà d’ailleurs à Noël, l’antienne de Magnificat des 2èmes Vêpres insinuait l’équivalence du « natus est » et de l’ « apparuit » : « Hodie Christus natus est, hodie Salavtor apparuit »; « apparuit » était le premier mot du capitule des 1ères Vêpres, le premier aussi de l’épître de la messe de Minuit, de l’épître de la messe de l’Aurore ; trois fois le premier grand répons de Matines le répétait avec la plus grande majesté ; et il figurait encore dans la première antienne des Laudes.
Son sens glorieux et lumineux est d’autant plus certain qu’un autre verbe revient souvent dans la solennité de l’Epiphanie : le verbe « orior » qui a fait le mot ORIENS désignant le soleil levant. Les leçons de l’homélie du 2ème jour dans l’octave relient le mot « apparuit » à l’évocation de l’étoile qui annonce le soleil. L’idée d’aurore ou le verbe « orior » se retrouve trois fois dans l’épître de l’Epiphanie. Le capitule des Vêpres et de Laudes le met en valeur à la cadence finale : « gloria Domini super te orta est » ! Les leçons de saint Léon, 2ème nocturne, ne sont pas moins significatives. Trois fois revient le mot ORIENS dans l’Evangile de l’Epiphanie, on le retrouve dans l’alléluia et la communion. Dans le Psaume 71 d’introït, de communion et d’offertoire, ainsi que dans le graduel, encore le verbe « Orior ». Aux Vêpres de l’Epiphanie comme aux Vêpres de Noël, ce que l’on retient du Psaume « Dixit Dominus » c’est que la venue de Jésus en terre fait lever l’aurore ; le 6 janvier, avec la mention de l’apparition, le 25 décembre avec celle, équivalente, de la naissance.

La face lumineuse

La splendeur de Dieu est semblable à la lumière, dit le cantique d’Habacuc. Et les Psaumes à l’envi célèbrent le rayonnement de la Face divine : le quatrième chante la « Lumen vultus tui » (4,7). « Illuminatio vultus tui » reprend le psaume 42, 4 ; même idée dans les Psaumes 30,7 ; 88, 16 ; 89 8 ; 46 2 etc. Et ainsi en est-il dans toute l’Ecriture.

La face de Dieu est comparée au soleil. Ce serait une fausse étymologie de lier le mot facies à fax qui veut dire flambeau, ou éclat, lumière, bien que les yeux qui sont le principal ornement du visage soient comme des flambeaux, des escarboucles, des soleils. C’est là qu’on voit en quelque sorte le soleil intérieur, là que se manifeste la joie, l’intelligence.

Mais il est certain que signifiant d’abord la forme extérieure, « facies » a vite signifié le visage et, par extension, la beauté, comme lorsque Ovide parle de la beauté de Briseis (facies Briseidos). Et la beauté d’un visage est d’abord dans ses yeux ; là transparaît ce qu’il y a de plus immatériel et de plus pur dans la beauté.

La face de Dieu est donc tout naturellement sa beauté, sa splendeur, sa lumière. C’est ainsi que le Verbe incarné est considéré par saint Paul comme la splendeur du Père. Tout naturellement aussi, quand le Christ se transfigure devant ses trois disciples préférés, sa face resplendi comme le Soleil (Mat 17 2). Si belle et si majestueuse est cette face que Moïse ne peut la voir (Ex 33 20). Partout, dans la Bible, il est parlé de la Face de Dieu ; qu’elle se détourne, c’est la désolation ; qu’elle se montre, c’est la joie et la bénédiction et l’amour et la miséricorde, c’est le salut. Bien mieux, saint Paul assure que sa vue nous transforme en elle (2 Cor 3 18). « Nos revelata facie gloriam Dimini speculantes, in eamdem imaginem transformamur ».

Caractéristique est la première antienne des 1 ères Vêpres de Noël : le Roi pacifique a été exalté, Lui dont le visage est désiré de toute la terre « cuius vultum desiderat universa terra »…. Et aussi les deux premières strophes de l’hymne…O vous Lumière et splendeur du Père…Et l’admirable antienne de Magnificat, utilisant le Psaume 18,5 : Lorsque le soleil montera dans le ciel ? vous verrez le Roi des Rois qui procède du Père, semblable à l’époux, sortant de la chambre nuptiale. N’allons pas plus loin. Tout l’office de Noël est une contemplation de la face divine, qui est aussi la figure gracieuse d’un petit enfant. Et encore, le dimanche dans l’octave de l’Epiphanie, une réponse merveilleuse du processionnel monastique s’exprime ainsi : « Magi veniunt ab oriente inquirentes faciem Domini… »

Cette recherche de la face de Dieu, c’est ce qui explique le temps de l’Avent. Le temps de l’Avent est vraiment une marche vers la Lumière du divin Orient. Deux grandes idées dominent : la recherche de la face de Dieu, le lever du Soleil. Une troisième vient la compléter : Jerusalem, car c’est l’image de la béatitude céleste, de la cité resplendissante dont le Christ est le soleil. Suivons chacune de ces idées.

« Ostende faciem tuum.. »

Pour bien comprendre les idées principales qui président à une organisation liturgique, il faut prêter une attention spéciale aux textes les plus importants, ceux qui sont en gradation, ceux qui sont les mieux placés, ceux qui sont répétés souvent et surtout chaque jour. Il faut aussi examiner les Psaumes qui sont les plus utilisés et voir, dans ces Psaumes, les versets qui ont déterminé leur emploi. Enfin, il faut tenir une très grand compte des ajoutes ou des arrangements que la liturgie a fait subir aux textes empruntés à l’Ecriture Sainte : ils révèlent une intention.

Quels sont les psaumes de l’Avent ?

…Si l’on considère de ce point de vue la liturgie de l’Avent, on s’aperçoit qu’elle utilise un nombre assez restreint de Psaumes : les Psaumes 18, 23, 24, 49, 79, 118, 121, 144, 147. Avec les versets qui sont empruntés à ces Psaumes, on pourrait constituer un Psaume d’Avent qui ne serait pas très long : une trentaine de versets ; c’est dire que ceux-ci reviennent souvent, d’autant que 7 de ces 10 Psaumes sont employés avec discrétion. Il en reste donc trois qui sont presque spécifiques de ce temps liturgique, au moins quant aux versets utilisés.
….
Passons aux trois psaumes plus largement et presque surabondamment utilisés en Avent, dans les Messes comme dans l’office. Ce sont les Psaumes 84, 79, 18.

Tous les aspects de l’apparition de la manifestation de la Face de Dieu ; de celui qui est la Figure de Sa substance, comme dit saint Paul et la Splendeur de Sa gloire, sont évoqués à plaisir.

Le psaume 84 est utilisé à l’alléluia du I er dimanche de l’Avent ; c’est aussi le psaume de communion de ce jour. On le retrouve à l’offertoire du 2ème dimanche de l’Avent. C’est le psaume de l’Introït, d’offertoire et de communion du 3ème dimanche. C’est le psaume de graduel de l’offertoire des 4 Temps. C’est le répons bref des Vêpres de chaque jour de l’Avent ; c’est le verset de Sexte pendant tout le temps. L’accent est mis sur le verset : « Ostende nobis Domine misericordiam tuam » (v. 8) et sur le verset 7 : « Deus tu conversus vivificabis nos… »

Rien de plus caractéristique de la recherche du visage de Dieu qui apportera, en se tournant vers nous, la miséricorde, le salut, la joie….

Même idée de manifestation de la face du Seigneur dans le Psaume 79, où cette fois, l’accent est mis sur le merveilleux et la puissance de cette apparition, de cette ostension. Même insistance sur l’ « ostende ». C’est l’introït du 2 dimanche de l’Avent, le graduel du 3ème dimanche, l’introït, le 3e et 4e graduels du samedi des 4 Temps, l’introït et la communion du 4 dimanche, le graduel de la Vigile de Noël. Il a servi à la composition des oraisons du 1er, du 2ème et du 4ème dimanche, ainsi que du samedi des 4 Temps. Il apparaît tous les jours de l’Avent au répons bref (monastique) de Laudes et comme verset de Tierce : « Ostende faciem tuam et salvi erimus ». Ceci est d’ailleurs comme le refrain du Psaume 79 où il revient trois fois. Il ne pouvait y avoir un psaume plus adapté à l’esprit du temps de l’Avent. La manifestation de la Face de Dieu y apparaît comme une manifestation de puissance et de libération : « Excita potentiam tuam et veni ».

A cette attente , à cette demande, à cette rechereche de la Face divine répond exactement dans le temps de Noël le psaume et son antienne « laetentur coeli » dans les Matines de la Nativité mais encore l’admirable et contemplatif Offertoire de la messe de Minuit : « Laetentur coeli et exsultet terra ante faciem Domini… » Les cieux et la terre sont en joie devant la Face du Seigneur. « Est mirabile in oculis nostris » (Ps 117), dit le graduel de la messe de l’aurore. Le Seigneur règne, et il est revêtu de splendeur, de beauté (Ps 92) « decorem induit », dit l’Alleluia de la messe de l’aurore, ainsi que le Psaume de communion et d’Introït de cette messe où ce chant de Laudes, de l’office de l’aurore, convient si bien.

On sent d’ailleurs la relation que la liturgie fait ici entre la splendeur du Christ et la beauté du Soleil levant. Enfin la « speciiosus forma » du Psaume « Eructavit », à Matines et son « diffusa est gratia in labiis suis », viennent, en quelque sorte, humaniser la splendeur de Dieu sous les traits gracieux d’un enfant.

Vraiment Noël est une contemplation de la Face qui est apparue : « Cuius vultum desiderat universa terra » (Antienne des Ières Vêpres de Noël). Glorieux, puissant, libérateur et à la fois plein de douceur, de miséricorde, de joie, tel est le visage du Seigneur.

Mais surtout, cette face divine est resplendissante ; la naissance de Jésus est vraiment le lever de la Nouvelle Lumière.

Et nous voici introduit au Psaume 18 : « Coeli enarrant gloriam Dei… »

Le troisième psaume utilisé spécialement en Avent et, comme il convient, autour du solstice et au grand samedi des 4 Temps( les 4 Temps sont les fêtes des quatre saisons), c’est le psaume 18 qui évoque le lever du soleil, semblable à un époux qui sort de la chambre nuptiale, s’avançant comme un géant qui part du fond des cieux. Le Psaume 18 est le Psaume de communion et de l’introït du mercredi des 4 Temps en cette belle messe qui célèbre la Vierge, choisie pour être la mère du Christ, la « porte d’or » par laquelle l’Orient divin se lèvera sur le monde. C’est encore le Psaume de communion du samedi des 4 temps, et deux graduels, le I er et le 2e, lui empruntent leurs termes chauds et empourprés. C’est le Psaume d’introït et de communion du 4ème dimanche de l’Avent ?. Nous arrivons à la grande fête solaire du 25 décembre où la liturgie insère la naissance du Soleil Eternel, celui qui est la lumière du monde. Les leçons de saint Léon, à l’Office du 4 dimanche, sont une louange de cette nouvelle Lumière qui doit resplendir en nous comme en un miroir, dissiper les ténèbres de l’ignorance, éclairer les aveugles sur la voie afin qu’ils sachent où aller, et nous enflammer du feu de la charité. D’où, toujours dans l’esprit du Psaume 18, ces deux belles antiennes de Laudes et du Magnificat pour le 24 décembre : « Orietur sicut sol Salavator mundi ». Le Sauveur du monde va se lever comme le soleil ; « cum ortus fuerit sol de coelo videbitis Regem regum procedentem a Patre tanquam sponsum de thalamo suo ». Il faut attacher, nous l’avons dit plus haut, un e très grande importance à ces antiennes de composition ecclésiastique car elles traduisent l’esprit de ceux qui ont choisi les Psaumes et qui les adaptent au mystère célébré.

O Oreins.

Il y aurait beaucoup à dire de la gradation des trois messes de Noël, de minuit à l’aurore et au plein jour : c’est vraiment une liturgie du Soleil Nouveau, avec, au sommet, le grand évangile de saint Jean sur le Christ-Lumière. Tout baigne dans cette symbolique. Et notre numéro spécial de Noël 1958 « O Oriens » a montré la splendeur des textes liturgiques ou patristiques à ce sujet, tant en Orient qu’en Occident. Il n’est pas question d’y revenir. Mais l’utilisation du Psaume 18, celui du soleil levant, peut nous permettre de remarquer le rôle étonnant joué, tant à Noël que dans la période qui la prépare, par le verbe « Orior », ce terme consacré qui évoque l’Aurore.

L’Avent est une préparation à la venue de la Lumière, on pourrait ici accumuler textes sur textes, antiennes, répons, lectures, hymnes. Mais contentons-nous de ce qui est connexe immédiatement au Psaume 18, d’abord la strophe de l’hymne que l’on chante chaque jour : « Vergente mundi vespere
UTI SPONSUS DE THALAM
Egressus hontestissima
Virginis matris clausula »

Et insistons sur l’emploi du verbe « Orior ».

Pendant tout l’Avent le verset de None annonce le lever du Seigneur comme le soleil sur Jérusalem. « Super te Jerusalem orietur Dominus et gloria Eius in te videbitur ». Et ce texte revient dans de nombreux répons de Matines ; aussi cet autre : « Orietur in diebus Eius justitia et abundentia pacis », que l’on retrouve évidemment dans les Matines de Noël. Il y a la belle antienne « O Oriens » du 21 décembre, jour le plus court de l’année. Beaucoup d’autres textes, sans ce verbe orior, rendent le même son. « Oriens » vient donc du verbe « Orior » qui veut dire se lever, surgir, naître, paraître, apparaître, se montrer, se présenter. Par là on rejoint le sens du verbe « ostendo » dont on a vu l’importance. Dans le contexte de l’Avent, « Ostendo », se montrer se présenter, équivaut d’ailleurs au verbe « venir ». les « Veni » se succèdent, en Avent, à une cadence de plus en plus accélérée. On va vers la Face de Dieu, vers sa lumière où bien celle-ci est considérée comme venant à nous. Ces deux mouvements n’en font qu’un. A vrai dire, c’est Dieu plutôt qui vient à nous que nous qui allons à Lui. Pourtant il ne vient que pour ceux qui le désirent, qui l’attendent, qui le cherchent, qui l’appellent. Et cette venue, encore une fois, c’est comme celle du soleil levant, un éblouissement. Mais pour rendre la richesse des thèmes de l’Avent, il faut en suivre un dernier, très spécialement évocateur : celui de la marche vers la montagne sainte, vers Jérusalem : c’est elle que la naissance de Jésus illumine, mais non, c’est déjà la Jérusalem nouvelle, la cité resplendissante que Saint Jean nous a décrite, on le sait, en des termes merveilleux, qu’il a mesurée par des chiffres solaires et cosmiques cet océan, dit Saint Bernard, « aeternae luminis et luminosae aeternitatis… »

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C. Le monde de Narnia

Je suis passé des jours et des jours devant la « pub » de Narnia sans y faire attention Que de panneaux dans Paris annonçaient ce film. Cette « tête de lion » ne me disait rien et me laissait indifférent. Je n’y portais pas attention tout en la voyant…Je ne me demandais même ce qu’on voulait annoncer…. « Ce que c’est la passivité » !

Il fallut que je lise dans Présent l’entretien avec Philippe Maxence pour que j’apprenne qu’elle était cette tête lion, et quel était ce « monde de Narnia »

Je me souviens maintenant d’avoir lu, il y a déjà quelques temps, toujours dans Présent, un article de Jeanne Smits annonçant le film. Elle parlait aussi des romans. Cet article m’avait intéressé…Je m’étais promis de me procurer le livre. Et puis le temps passa…

Mon attention fut relancée par les propos de Philippe Maxence, de l’Homme Nouveau, recueillis par Jeanne Smits et olivier Figuéras. (Présent du 24 décembre). Ils avaient pour titre : « Le monde de Narnia, un film au service de « l’anti-moderne ». Un titre accrocheur !
Les fêtes de Noël venant et voulant faire quelques cadeaux, je me suis procuré « le Monde de Narnia » publié chez Gallimard. Je suis en train de le lire, de les lire car il y a, en un tome, plusieurs contes. Ils sont agréables de lecture. Ils reposent de « cogitations » trop sérieuses. L’attention est très heureusement soutenue.

Pour vous encourager à cette lecture et à aller voir le film, je me permets, pour ceux qui ne sont pas encore abonnés à Présent, de vous transcrire le texte.

“Le Monde de Narnia”, un film au service de « l’anti-moderne »
Un entretien avec Philippe Maxence
PRÉSENT — Samedi 24 décembre 2005

— Le film Le Monde de Narnia est sorti mercredi. Est-ce qu’on y retrouve vraiment l’enchantement du livre ?

— Dans l’ensemble, nous pouvons dire qu’il s’agit d’une bonne surprise. Bien sûr, le cinéma possède son langage propre : il s’agit de l’adaptation d’une œuvre littéraire. Cette traduction
cinématographique me semble bien refléter l’œuvre de C.S. Lewis. Je n’y retrouve évidemment pas toute la poésie littéraire, présente dans les livres, mais une poésie propre se dégage bien du film.

— Dans Narnia, il y a donc une véritable dimension littéraire ?

— Narnia est une série de contes qui parviennent à enchanter l’enfance, à transmettre une conception véritable de l’existence tout en étant écrit avec la simplicité des grands classiques.

— Une mythologie avec ses faunes, ses centaures, une licorne, des cyclopes et même le Père Noël… N’est-ce pas un peu païen, tout cela ?

— Il ne faut pas être dupe d’une approche trop simple. Oui, nous trouvons dans Narnia la présence de ces êtres mythiques. Mais ils sont orientés entièrement vers la figure christique du lion Aslan. Pour Lewis, les mythologies anciennes, à côté de beaucoup d’erreurs, contenaient des parcelles de vérité qui ont été unifiées dans le christianisme. Il a passé son existence
à vouloir faire connaître la beauté et la vérité du christianisme. Il ne faut pas se tromper non plus sur le monde de Narnia. Il s’agit avant tout d’une belle histoire comme les contes anciens que racontaient nos grands-mères au coin du feu. Insérées dans un contexte chrétien, ces histoires n’étaient pas peuplées uniquement de personnages toujours très chrétiens… Le christianisme s’adresse à tous, mais il n’a pas une vision unanimiste.

— Les enfants en sont-ils dupes ?

— Non. Il n’y a pas moins dupe qu’un enfant. Il est trop sérieux pour cela. Dans son jeu, qui est la chose la plus sérieuse pour lui, le faune existe bien. Mais quand il quitte le monde du
jeu, il sait très bien qu’il ne rencontrera pas de faune, au coin de la rue ou dans le jardin public. Petit à petit, il remarque quand même que la lâcheté première du faune Tumnus dans Narnia se retrouve chez certains hommes. Il voit bien que la bravoure et le détachement
très « british » du couple de Castor existent chez certaines personnes, plutôt situées outre-Manche qu’en Sicile. Les êtres fantastiques sont des archétypes de comportements humains en même temps qu’ils montrent la complexité de l’être humain.

— Est-ce une démarche adaptée pour les enfants ?

— Les histoires comme Narnia prennent les enfants là où ils se trouvent naturellement : dans le domaine de l’imagination. Les meilleures histoires les conduisent ensuite vers des réalités d’ordre moral, voire d’ordre religieux, par ce biais de l’enchantement et de l’imagination.

— Mais Lewis était un protestant, de ceux qui se désignent outre- Manche comme « anglo catholiques ». Son message est-il le bon message à donner à nos enfants ?

— Les Chroniques de Narnia ne sont pas une œuvre didactique en vue de livrer un message. C’est une œuvre d’émerveillement en vue de transformer l’âme. Mais le cœur de L’Armoire
magique, par exemple, réside dans le sacrifice d’Aslan. Aslan se livre volontairement pour racheter la faute d’un coupable. Il est sacrifié sur une table de pierre qui est vraiment la symbolique de l’autel. Il va revenir à la vie. Il me semble que le sacrifice de l’innocent pour racheter une faute et sauver ainsi le monde, se trouve aussi – et même d’abord – au cœur du message chrétien, au cœur de la foi catholique.

— L’adaptation est très fidèle, à quelques détails près. Il y a notamment le personnage de Peter qui, dans le livre, est quelqu’un d’extrêmement droit, qui a déjà une âme de chevalier avant d’entrer dans Narnia, il n’a jamais un instant d’hésitation. Dans le film, il se demande jusqu’au fort de la bataille s’il ne faut pas renvoyer ses frères. Et il y a le personnage d’Edmund qui, dans le livre, est très nettement la victime de sa concupiscence ; dans le film, c’est un peu moins net. Il y a le fait de toute la difficulté de l’absence de son
père, et de l’autorité abusive de ses frère et sœurs. Cela n’a-t-il pas édulcoré la symbolique ?

— Vos remarques sont judicieuses. Mais cela ne me semble pas avoir édulcoré le fond de l’histoire. Un point me gêne davantage dans le film, et c’est une absence. Paradoxalement, cette absence crie à mes oreilles. Dans le monde de Narnia, dans L’Armoire magique
notamment, un personnage n’apparaît jamais, mais il est toujours invoqué. Ce double fait est important. Ce personnage existe mais il ne peut être réduit à une figure précise. Ce personnage, c’est le père d’Aslan, l’Empereur au-delà des mers, représentation, en quelque sorte, de Dieu le Père. Quand son fils Aslan quitte Narnia, il retourne à la maison du Père.
Or, dans le film, l’Empereur au-delà des mers n’est pas nommé. Un fils sans père est-ce possible ? Et, surtout, comment les cinéastes vont-ils pouvoir adapter les autres chroniques où l’on parle si souvent du pays d’Aslan, où réside justement l’Empereur au-delà des mers ?

— Dans le livre, on s’aperçoit qu’il y a une richesse d’analogies qui dépasse ce que l’on voit au premier regard. Le film atteint-il ce niveau de symbolique, de richesse ? Et est-il
utile d’appuyer là-dessus auprès des enfants, ou faut-il plutôt les laisser s’en imprégner ?

— Dans le film, on ne retrouve effectivement pas toute cette richesse symbolique. En revanche, le film offre une merveilleuse entrée pour la découverte du monde de Narnia, complètement inconnu du grand public français. Il faut espérer que le grand public ne restera pas à cette première découverte du monde de Narnia, mais ira lire les livres pour s’en imprégner. C’est d’ailleurs à force de lectures qu’on découvre une richesse qu’on ne soupçonnait pas au point de départ. Petit à petit, les enfants imprégnés de christianisme feront le lien. C’est d’ailleurs pour les aider, ainsi que les adolescents et les parents, que j’ai
écrit Le Monde de Narnia décrypté. A la fois pour présenter Lewis et montrer les reflets chrétiens présents dans Les Chroniques.

— J’ai été frappée, en relisant L’Armoire magique, par la finesse psychologique de C.S. Lewis par rapport au péché et à la faiblesse. Une finesse qu’il manifeste aussi dans La
Tactique du diable.

— Selon son principal biographe, cette finesse spirituelle énervait beaucoup Tolkien, parce qu’on venait consulter Lewis de partout. En lisant Tactique du diable, nous voyons que
nous avons à faire à un véritable traité spirituel, reflet certainement de la vie spirituelle de Lewis et de la finesse de sa perception psychologique. On retrouve les mêmes qualités dans Narnia.

— Ainsi Edmund s’en va vers la sorcière, et puis il trouve qu’il fait froid, qu’il y a de la neige, et qu’il n’est pas bien, et pour lui, finalement, c’est la faute de Peter.

— Oui, Edmund accuse par jalousie son frère Peter, alors qu’il est le seul responsable de la situation dans lequel il se trouve. La sorcière l’a attiré par le biais de la gourmandise. Elle compte le faire revenir à Narnia par le biais de l’envie, suscitée par sa jalousie. Dans Les Chroniques, comme je l’explique dans mon livre, on retrouve la présence de ce que saint Grégoire le Grand résumait par l’acronyme latin saligia. Autrement dit, les sept péchés capitaux.

— Qu’est-ce qui vous a le plus frappé, touché, réjoui dans ce film ?

— Lucy ! Je reste émerveillé par cette petite fille qui a joué le rôle de Lucy. Je me demande si elle n’a pas vécu tout simplement cette histoire, plutôt que de l’interpréter. J’ai l’impression
qu’elle n’a pas composé son rôle ; ou alors c’est une actrice absolument merveilleuse, parce qu’elle garde cette fraîcheur enfantine qui est vraiment la marque propre de Lucy, telle qu’on la retrouve dans la plupart des chroniques.

— J’ai été un peu gênée par les animaux qui parlent. J’ai trouvé Aslan en deçà de ce qu’il est dans le livre – cela dit ce n’était pas facile de restituer sa force, sa chaleur, sa bonté. Ces aspects techniques vous ont-ils gêné ?

— J’ai également été un peu gêné au début par cet aspect. Puis, je m’y suis habitué. En revanche, je suis complètement tombé sous le charme de M. et Mme Castor. On retrouve chez eux un aspect typiquement britannique. Je trouve que c’est une parfaite réussite.

— Les petits Français, qui n’ont pas tous lu Narnia, loin s’en faut, ne vont-ils pas prendre ce film pour un Harry Potter 5, plutôt que d’y voir l’incarnation d’un rêve ?

— Je ne sais pas comment la jeunesse d’aujourd’hui va prendre ce film. Il est probable qu’il va s’inscrire dans cette mode du fantastique, dans cette attirance pour des mondes parallèles,
dans ce goût pour la magie avec tous ses aspects dangereux. Ce fait même doit nous mobiliser. Comme chrétiens, nous avons un devoir immense. D’où ma question : prêtres, religieux ou évêques ; catéchistes ou parents, mesurons- nous l’occasion providentielle qui nous est offerte ? Des milliers de jeunes vont aller voir ce film. Ces jeunes sont des néo-païens, ils ne connaissent pas le Christ, mais ils vont être émerveillés par cette œuvre.
Nous avons vraiment une occasion extraordinaire de toucher la jeunesse par le biais de ce qui l’intéresse : le fantastique. Je pense ici à tous ces enfants qui ne vont pas au catéchisme,
tous ces enfants qui ne connaissent pas Dieu, qui ne savent pas qui est Jésus- Christ, qui ne connaissent pas l’Eglise catholique ou en ont une image complètement faussée. L’histoire de Narnia est une belle histoire qui va les toucher. Aslan est une figure à la fois de force et de bonté. Les enfants Pevensie sont des êtres proches d’eux. Nous devons aller vers les enfants de notre siècle pour leur dire que le vrai Narnia existe, et que c’est une histoire encore
plus belle parce que c’est une histoire réelle. Il faut proclamer qu’ils peuvent rencontrer Aslan, sous son vrai nom : Jésus-Christ. Lewis le laisse entendre dans L’Odyssée du passeur d’aurore, quand Lucy demande à Aslan : « Estce qu’on vous reverra dans l’autre
monde ? » Il répond: « Oui, mais dans l’autre monde, je porte un autre nom. » Ce nom, c’est Jésus-Christ. Nous pouvons toucher la jeunesse néopaïenne à partir du monde de Narnia.

La Passion de Mel Gibson, notre ami Daniel Hamiche nous l’a répété, a permis de parler du Christ publiquement. Mais il n’y a qu’un film. Avec l’adaptation
des Chroniques de Narnia, il y aura plusieurs films et donc plusieurs occasions, pendant plusieurs années de faire le lien avec le Christ et le christianisme. Allons-nous rester les bras
croisés ? ce n’est pas pensable ! Pour nos enfants de culture chrétienne, Narnia reste aussi important. Si l’imagination n’a pas été nourrie sainement, l’intelligence ne fonctionnera
pas sainement, ni de manière droite et féconde. Les œuvres d’imagination ne sont pas neutres. La formation de l’imagination est importante. Dieu nous a créés avec nos sens, une imagination et une intelligence. Une saine formation de l’imagination permet de former de belles intelligences. Les Chroniques de Narnia nous offrent cette possibilité.

— Qu’est-ce qui sépare Narnia de toute une littérature fantastique aujourd’hui très répandue ?

— La magie est présente dans Narnia. Mais elle est employée en vue du mal. Et il s’agit de sauver un monde qui est sous l’emprise du mal pour le restaurer dans le sens du bien. Il s’agit
également de héros qui doivent faire des efforts sur eux-mêmes. Par leur dévouement, ils vont pouvoir coopérer à la rédemption du monde de Narnia comme le leur demande Aslan. Nous
sommes dans un univers complètement différent du monde glauque, noir, perverti de Harry Potter qui donne une part importante à la magie. A Narnia, la magie est secondaire : les
enfants Pevensie doivent faire des efforts sur eux-mêmes pour aider au sauvetage de Narnia.

— A la fin du Neveu du Magicien et dans L’Armoire magique, lorsque le royaume est établi, c’est au profit des gens simples et d’un mode de vie tranquille.

— Absolument. C’est l’idéal rural et campagnard de Lewis, qui détestait par-dessus tout le monde moderne dans sa version industrielle. Lewis se définissait comme un réactionnaire ; il
était en réaction contre la modernité, dans son incarnation la plus palpable à son époque avec l’industrialisme, qui défigurait la belle Angleterre. Ce n’est pas par hasard si Les Chroniques
de Narnia font revivre tout un monde médiéval et l’esprit de la chevalerie chrétienne.

— Certaines critiques ont été horrifiées par le « dolorisme chrétien », le « sacrifice obligatoire », l’art d’enfoncer celui qui a tort et de lui faire porter la culpabilité du sacrifice…

— C’est l’inverse. On ne fait rien porter du tout à qui que ce soit. C’est vrai, le monde de Narnia n’est pas un monde sucré, un monde rose ; c’est un monde où le bien s’affronte au mal, et le mal au bien. Cette frontière traverse chacun des personnages, même Peter. Il y a même un moment où Peter peut flancher. De même notre monde est traversé par le bien et par le mal, et il nous faut constamment – c’est notre liberté – choisir le bien et refuser le mal.
C’est le premier point.

Deuxièmement, Edmund ne pousse pas Aslan à se sacrifier. C’est justement cette liberté du Christ que la modernité
refuse, comme elle refuse la liberté d’Aslan à se sacrifier volontairement pour racheter une faute qui n’est pas la sienne. C’est la grande lutte entre le monde et le christianisme. Volontairement, librement, Aslan accepte de porter le poids de la faute, il se livre et c’est pour cette raison qu’il revient à la vie. Il revit au nom d’une loi plus ancienne que la loi qui exigeait le sacrifice de celui qui avait trahi. Ce sacrifice est ordonné à la vie, pas à la mort. Comme dans le sacrifice du Christ, il est ordonné à la vraie vie. Toutes ces raisons font que le monde
de Narnia est fondamentalement antimoderne, non moderne. Le plus drôle est de voir le monde technique se mettre au service d’une conception contraire. C’est un joyeux pied de nez
à la modernité. Chesterton aurait bien ri. Faisons la même chose, c’est profondément sain.

— La « magie plus ancienne » qui justifie la résurrection d’Aslan marque une différence avec la résurrection du Christ, qui se ressuscite ?

— Vous avez raison. Mais cette loi plus ancienne vient de l’Empereur audelà des mers, le père d’Aslan, le maître de toute chose, de la vie et de la mort. Le vrai maître ! Le retour à la
vie s’opère parce qu’il le veut, au nom d’une loi qu’il a édictée.
— On dit que Lewis ne pensait pas même à la religion chrétienne en les rédigeant.
— Il est clair que, au point de départ, il ne pensait pas au christianisme. Cependant, puisqu’il était profondément chrétien, le christianisme a fini par se refléter dans ces histoires. Une jeune Américaine lui a écrit pour demander comment s’appelle Aslan dans notre monde. Dans sa réponse Lewis dit : comment n’as-tu pas deviné ? Aslan arrive à notre époque en même temps que le Père Noël, il va se livrer en sacrifice, etc. Il donne ainsi un certain nombre d’indices, sans jamais répondre clairement. Mais tous ces indices concourent à montrer que, si Aslan n’est pas le Christ, il est une figure christique. Lewis refuse catégoriquement de dire que c’est une allégorie, au sens où il entend ce terme : la matérialisation d’une idée. Il donne l’exemple de l’amour, qui est une réalité immatérielle et que l’on représente allégoriquement par Cupidon. Lewis a refusé de réaliser la même chose avec le Christ. Il ne s’est pas dit qu’il allait
représenter le Christ par un lion. Mais, ayant créé le monde de Narnia, il s’est demandé comment le Sauveur pouvait s’y incarner. Dans un tel monde, selon Lewis, il a pris la figure d’un lion.

— Où se fait la différence entre Lewis et Tolkien ?

— Tolkien était un ami très cher de Lewis – ils lisaient mutuellement leurs œuvres, recevaient les critiques l’un de l’autre. Lewis a encouragé l’écriture du Seigneur des anneaux. Pourtant
Tolkien a porté un jugement très sévère sur Narnia. Il estimait, par exemple, qu’une mythologie ne doit pas s’adresser spécifiquement à des enfants. Deuxièmement, il reprochait
à Lewis d’insérer dans son monde des éléments pris dans d’autres mythologies. Par exemple, les personnages du Père Noël ou de Bacchus. Il refusait le mélange de genres. Tolkien a bâti une œuvre avec une logique très forte. Alors que Lewis a écrit son œuvre de façon moins construite… L’Armoire magique a eu du succès. Il a continué. Finalement, il lui a fallu expliquer l’origine de Narnia. Il a écrit alors Le
Neveu du magicien. Mais de ce fait, le lecteur trouve des incohérences. Pour Tolkien c’était intolérable. Selon lui, il aurait fallu remettre l’ouvrage sur le métier plutôt que de publier.

— Quel est le parallèle entre Lewis et Chesterton ?

— Pour ces Anglais, l’imaginaire est un monde qui permet de réintroduire le surnaturel. C’est l’enfance de l’homme, cela le prédispose à recevoir les vérités surnaturelles de la Révélation.
C’est le premier point. Deuxièmement, dans la conversion de Lewis, le premier pas, qui l’a ramené à l’idée de l’existence d’un Dieu unique, c’est la lecture de Chesterton et plus précisément de L’Homme éternel, qui lui a montré que l’histoire de l’humanité trouvait sa fin dans l’existence d’un Dieu unique.
Propos recueillis par
Jeanne Smits et Olivier Figueras
_ Philippe Maxence vient de publier aux
Presses de la Renaissance Le Monde de
Narnia décrypté.