Paroisse catholique Saint Michel

Dirigée par

 Monsieur l'abbé Paul Aulagnier

 

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Du 23 au 29 janvier

4iéme dimanche de l'Epiphanie

 

 

A-Homélie. Le sens de l’Epiphanie


« Vous avez remarqué, Mes Bien Chers Frères, que les messes des 3, 4, 5,6èmes dimanches après l’Epiphanie ont le même Introït, le même Graduel, le même Alleluia et le même Offertoire. Toutes ces messes nous donnent donc le même enseignement, cherchant à l’expliciter, chaque dimanche, de différentes manières, par des textes différents de l’Epître et de l’Evangile.

Quel serait donc l’enseignement ? Quel serait le sens de ces messes des dimanches « après l’Epiphanie » ?
Il me semble l’avoir indiqué, dimanche dernier, alors que j’analysais les textes de la messe du troisième dimanche après l’Epiphanie.

Le thème fondamental de cette messe et donc de ces messes – puisque l’Introït est le même et que l’Introït donne habituellement le thème de la messe – est la joie, la joie chrétienne, une joie exultante.

C’est, nous l’avons remarqué, le sens de l’Introït tiré du psaume 96 : « Sion se réjouit ; les filles de Juda sont dans l’allégresse ». « laetata est Sion et exsultaverunt filiae Judae ». « Dominus regavit… ». « Le Seigneur régna ». « Exsultet terra, laetentur insulae multae ». « Que la terre exulte ». « Que la multitude des îles se réjouissent ».

« laetare », « exsultare » : ce sont des verbes qui expriment, avons nous dit, la joie, non pas une joie quelconque, mais une joie surabondante.

L’âme chrétienne, qui a l’intelligence de sa foi, doit être telle : joyeuse.

Nous avons également insisté, dimanche dernier, sur la raison de cette joie chrétienne. La raison en est la venue du Royaume de Dieu, établi par NSJC, le vrai Messie. La joie est liée nécessairement à la venue du Messie qui établit le Royaume de Dieu. Elle est liée au salut communiqué dans la foi au Christ Seigneur, Roi et Sauveur.

Voilà, je pense, le sens liturgique des dimanches après l’Epiphanie : manifester la joie de la venue du Royaume de Dieu.

C’est cette joie qui est annoncée par l’Ange de la Nativité. : « Ne craignez point, car je vous annonce une nouvelle qui sera pour tout le peuple une grande joie. Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur » (Lc 2 10)

C’est la joie qui est exprimée par sainte Elisabeth alors qu’elle accueille Notre Dame, la Mère du Dieu Sauveur. « Votre voix, lorsque vous m’avez saluée, n’a pas plus tôt frappé mon oreille, que mon enfant a tressailli de joie dans mon sein » (Lc 1 44)

C’est cette même joie qui est chantée par Notre Dame alors qu’elle donne son Fiat à la parole de l’Ange Gabriel. « Mon âme glorifie le Seigneur et mon esprit tressaille de joie en Dieu, mon Sauveur…sa miséricorde se répand d’âge en âge sur ceux qui le craignent…Il a pris soin d’Israël, son serviteur, se ressouvenant de sa miséricorde… » (Lc 1 46)

Et à l’occasion de ces trois manifestations, l’Ecriture Sainte utilise le même verbe pour exprimer cette joie. Le verbe « exsultare » qui signifie : « bondir de joie ». La venue du Sauveur, au milieu de nous, l’installation de son Royaume… est la raison de la joie chrétienne.

« Un Sauveur » nous est donné.
C’est ce que chante l’Ange de la Nativité.
C’est ce que chante aussi, à sa manière, dans un style poétique, l’offertoire de nos messes après l’Epiphanie. L’Epiphanie est bien dans le prolongement liturgique de la Nativité…

« La droite du Seigneur a fait des prodiges » chante l’Offertoire. La « droite » - « dextera Domini » - c’est-à-dire sa puissance a fait des prodiges, mieux, a manifesté sa puissance…Comment ? Par le salut apporté. « Il m’a sauvé ». « Dextera Domini exaltavit me : non moriar…Non je ne mourrai pas…Mais je vivrai…Non moriar sed vivam »… grâce au Sauveur…Mon âme échappera aux griffes mortifères de Satan…pour connaître enfin, grâce aux mérites de NSJC, acquis en sa Nativité, en sa Passion , en sa Résurrection…la vie éternelle et son bonheur et sa « régénérescence ».

Car le « Royaume de Dieu est parmi nous ».

C’est ce qu’annonce Jean Baptiste dès le début de sa mission : « En ces jours là, parût Jean Baptiste, prêchant dans le désert de Judée et disant : « Faites pénitence car le royaume des cieux est proche ». (Mt 3 2).

C’est ce que Notre Seigneur lui-même annonce : « Dès lors Jésus commença à prêcher, en disant : « Faites pénitence, car le Royaume des cieux est proche » (Mt 4 17) ou encore « Que si c’est par l’Esprit de Dieu que je chasse les démons, le royaume de Dieu est donc venu à vous » (Mt 12 28)

Et le royaume de Dieu ou des cieux est ce lieu de toute « régénération ». Telle sa raison, sa finalité : créer toute chose nouvelle. Rétablir en Dieu toute chose.

Le Graduel y insiste fortement : « Les Nations révèrent ton nom, Seigneur…car le Seigneur a rebâti Sion », « Quoniam aedificavit Dominus Sion ». Il vient instaurer son Royaume, l’ « aedificare ». Ce verbe veut dire en effet : « édifier, construire, bâtir ». « Quoniam aedificavit Dominus Sion » C’est un passé simple… « et videbitur in majestate sua », « Et il s’y montrera dans sa gloire ».

Oui, la raison de la joie chrétienne est la venue du Messie qui vient sauver toutes choses et restaurer toutes choses en Dieu.

Et voilà pourquoi, nous avions dimanche dernier, les récits des miracles du lépreux et de la guérison de l’enfant - puer – du Centurion…Miracles qui sont, nous vous le disions comme la preuve tangible de la venue du Royaume de Dieu parmi nous. Car, nous le savons, Isaïe l’avait ainsi annoncé : le Messie, celui qui établira le Royaume des cieux, sera thaumaturge.

La preuve !

Vous vous souvenez de ce beau récit évangélique de saint Luc.
Les disciples de Jean le Baptiste viennent, de sa part, interroger Jésus pour savoir s’il est le Messie. Comme seule réponse, Jésus leur dit : « Allez dire à Jean, ce que vous voyez et entendez : les boiteux marchent, les aveugles voient, les muets parlent, les morts ressuscitent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres » (Lc 7 22 23)
Et la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres est précisément le salut, le pardon des péchés apporté par NSJC.

Voilà du reste le témoignage formel si solennellement donné par Saint Jean Baptiste.

Il faut le rappeler tellement c’est beau et réconfortant :

« Or voici le témoignage que rendit Jean lorsque les juifs envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander qui êtes vous ? Il déclara et ne le nia pas, il déclara : « Je ne suis pas le Christ ». Et ils lui demandèrent. Quoi donc ! Etes-vous Elie ? Il dit : « Je ne le suis pas. Etes vous le prophète ? Il répondit : non… « Je suis la voix de celui qui crie au désert : Aplanissez le chemin du Seigneur, comme la dit le prophète Isaïe…Moi je baptise dans l’eau, mais au milieu de vous il y a quelqu’un que vous ne connaissez pas, c’est celui qui vient après moi, je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure… »

« Le lendemain, Jean vit Jésus qui venait vers lui, et il dit : « Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde. C’est de lui que j’ai dit : Un homme vient après moi, qui a été fait plus grand que moi, parce qu’il était avant moi. Et moi je ne le connaissais pas, mais c’est afin qu’il fût manifesté en Israël, que je suis venu baptiser dans l’eau. Et Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il s’est reposé sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas ; mais celui qui m’a envoyé pour baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et se reposer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint. Je l’ai vu et j’ai rendu témoignage que c’est lui qui est le Fils de Dieu ».

« Le lendemain, Jean se trouvait encore là, avec deux de ses disciples. Et ayant regardé Jésus qui passait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu ».Ces deux disciples l’entendirent parler ainsi et ils suivirent Jésus » (Jn 1 20-35)

Ainsi grâce à Lui, je suis sauvé si je lui donne ma foi.
« La droite du Seigneur m’a sauvé », nous dit le Psaume 117 de l’Offertoire de ces messes après l’Epiphanie. Je peux dire avec le palmiste : « Non je ne mourrai pas. Je vivrai » grâce à lui : « Non moriar, sed vivam »

« Si tu le veux, tu peux me purifier », lui disait, dimanche dernier, le lépreux. « Je le veux, sois purifié ». Il le peut. Il est Dieu. Il peut tout. Il est Bon et sa puissance est au service de sa bonté. « Je le veux, sois purifié ». Le temps du Royaume de Dieu est le temps de la purification. C’est aussi le lieu de la purification.
Le centurion, vient à son tour : « puer meus jacet in domo paralyticus … ». Jésus de lui dire : « Moi, je viendrai et je le guérirai »… ». Non point Seigneur, non point car « je ne suis pas digne de te recevoir »… « Non dites seulement une parole et il sera guéri », « Sed tantum dic verbo et sanabitur puer meus ». « Va et qu’il te sois fait selon que tu as cru ».
Le Royaume de Dieu est le lieu de toute guérison…Il est le temps de la « sanatio » comme nous l’avons fait remarquer, le 2ème dimanche après l’Epiphanie.
Le Messie, l’auteur de ce Royaume, le peut. Il est Dieu. Il a changé l’eau en vin à Cana. C’était aussi le miracle du 2ème dimanche après l’Epiphanie.

Il le peut. Il est Dieu.

Il est celui qui calme la tempête. C’est le récit évangélique de ce 4ème dimanche après l’Epiphanie.
« Pourquoi avez-vous peur, gens de peu de foi. Alors se levant, il menaça les vents et la mer et il y eut un grand calme. Et les gens furent dans la stupeur ». En latin, nous avons :« homines mirati sunt » : « Quel est donc celui là que même les vents et la mer lui, obéissent ». « Mirari » veut dire : s’étonner, être surpris de… », mais aussi « voir avec admiration », « admirer ». Dans la scène de la tempête apaisée, il y a certainement les deux sentiments de stupeur mélangée d’admiration.

Mais que la stupeur et l’admiration du miracle accompli, ne nous fassent pas oublier la demande instante des disciples…leur demande instante, mieux, leur cri : « Seigneur, Sauve nous, nous périssons », « Domine salva nos, perimus ».

N’oublions pas cette supplique…car c’est la raison de « sa venue »…Comme nous le disons dans notre Credo : « Et propter nostram salutem descendit de caelo… »

« Sauve nous »…Tu le peux. Tu es Dieu, le Tout Puissant
Mais surtout, « tu es Bon ».

Et si donc la Bonne Nouvelle est annoncée…Si donc « le Royaume de Dieu est parmi nous »…le salut apporté, dont ces guérisons sont le symbole, ce royaume a aussi sa propre constitution, sa propre loi. …Il n’y a pas de royaume parmi les hommes sans lois constitutionnelles. Ainsi en est-il du Royaume de Dieu. Il a sa loi. Et quelle est la loi, sa loi ? Dimanche dernier, l’Eglise nous rappelait qu’en ce royaume, il ne fallait pas rendre le mal pour le mal. Il fallait « avoir le souci du bien, non seulement devant Dieu, mais aussi devant les hommes…parce que les sujets de ce royaume sont « la lumière du monde ». Il fallait aussi « vivre en bonne intelligence avec chacun », « ne pas se faire justice soi-même, ne pas être vaincu par le mal mais être vainqueur du mal par le bien ».

Aujourd’hui, nous en apprenons davantage encore.

La loi de ce royaume finalement est essentiellement la loi de la charité : « Qui aime son prochain accomplit la loi ». Certes, là, il ne faut ni commettre l’adultère, ni tuer ni voler ni faire de faux témoignage ni convoiter le bien du prochain…Cela va de soi car la loi fondamentale de ce royaume c’est la loi de Charité et la loi de charité m’empêche de faire du tort à quelqu’un comme le fait l’adultère et le meurtre et le vol et le faux témoignage et la convoitise du bien d’autrui. Le Décalogue est bien la loi de ce Royaume. Mais, comme le dira un jour Notre Seigneur, ce décalogue se résume dans la loi de charité. La charité en est comme la meilleure expression, Elle en est la synthèse, la forme, même la raison ».


B- Benoît XVI et le Sacerdoce.

Discours du pape aux séminaristes romains du Capranica
Le vendredi 20 janvier 2006 Benoît XVI s’est adressé aux séminaristes du Collège « Capranica » de Rome accompagnés du cardinal Camillo Ruini, d’évêques et de prêtres, qu’il recevait en audience. Il leur a rappelé la beauté du sacerdoce

Monsieur le cardinal,
Vénérés frères dans l’épiscopat et le sacerdoce,
Chers élèves de l’Almo Collegio Capranica,

Je suis heureux de vous accueillir à cette audience spéciale, à la veille de la mémoire liturgique de sainte Agnès, votre patronne céleste. Je vous rencontre pour la première fois depuis mon élection sur la Chaire de l’Apôtre Pierre, et je profite volontiers de cette occasion pour adresser à tous un salut cordial. Je désire saluer tout d’abord le cardinal Camillo Ruini et les autres prélats qui composent la Commission épiscopale chargée de votre Collège ; je salue le Recteur, Mgr Ermenegildo Manicardi, et les autres formateurs ; je vous salue, chers jeunes qui vous préparez à exercer le ministère sacerdotal. Vous vous trouvez à une période très importante de votre vie, qui est celle de votre formation, un temps propice pour croître sur les plans humain, culturel et spirituel.

Chers jeunes, dans l’organisation du Collège tout vous aide à bien vous préparer à votre future mission pastorale : la prière, le recueillement, l’étude, la vie communautaire et le soutien des formateurs. Vous pouvez bénéficier du fait que votre séminaire, riche d’histoire, se trouve inséré dans la vie du Diocèse de Rome et que la famille du Capranica s’est toujours engagée, avec fierté, à nourrir un lien fort de fidélité avec l’Evêque de Rome. La possibilité d’effectuer des études de théologie dans notre ville vous offre à vous aussi une unique opportunité de croissance et d’ouverture aux exigences de l’Eglise universelle. Au cours de ces années, que votre souci soit de mettre à profit chaque occasion pour témoigner efficacement de l’Evangile parmi les hommes de notre temps.

Pour répondre aux attentes de la société moderne, pour coopérer à la vaste action évangélisatrice qui engage tous les chrétiens, nous avons besoin de prêtres préparés et courageux qui, sans ambitions ni craintes, mais convaincus de la Vérité évangélique, se soucient d’abord d’annoncer le Christ et, en son nom, sont prêts à se pencher sur les souffrances humaines, en permettant à tous de faire l’expérience du réconfort de l’amour de Dieu et de la chaleur de la famille ecclésiale, spécialement aux pauvres et à ceux qui traversent des difficultés. Ceci comporte, vous le savez bien, outre une maturation humaine et une ferme adhésion à la vérité révélée, que le Magistère de l’Eglise propose fidèlement, un engagement sérieux dans la sanctification personnelle et dans l’exercice des vertus, spécialement de l’humilité et de la charité ; il convient également de nourrir la communion avec les différentes composantes du Peuple de Dieu, afin que grandisse en chacun la conscience d’appartenir à l’unique Corps du Christ, membre les uns des autres (cf. Rm 12, 4-6). Afin que tout cela puisse se réaliser, je vous invite, chers amis, à garder le regard fixé sur le Christ, qui est l’auteur de la foi et qui la mène à la perfection (cf. He 12, 2). En effet, plus vous demeurerez en communion avec lui, plus vous serez en mesure de suivre fidèlement ses traces, afin que dans « la charité, en laquelle se noue la perfection » (Co 3, 14), mûrisse votre amour pour le Seigneur, sous la conduite de l’Esprit Saint. Vous avez devant les yeux des témoignages de prêtres remplis de zèle, qu’au cours des années votre Collège « Almo » a comptés parmi ses étudiants, des prêtres qui ont prodigué des trésors de science et de bonté dans la Vigne du Seigneur. Suivez leur exemple !

Chers amis, le pape vous accompagne par sa prière, demandant au Seigneur de vous réconforter et de vous combler de dons abondants. Que sainte Agnès, qui, à un jeune âge, résistant aux flatteries et aux menaces, choisit comme trésor la « perle » précieuse du Royaume, et aima le Christ jusqu’au martyre, intercède pour vous. Que la Vierge Marie fasse que vous puissiez porter des fruits abondants d’œuvres de bien, pour la gloire de Dieu et le bien de la sainte Eglise. Pour confirmer ces vœux je vous donne avec affection, à vous et à toute la communauté du Capranica, la bénédiction apostolique, que j’étends volontiers à ceux qui vous sont chers.


C- L’encyclique de Benoît XVI « Deus Caritas est » et son commentaire par lui-même

Le pape a en effet reçu le lundi 23 janvier, à midi, en la salle Clémentine du Palais apostolique du Vatican, les participants de la rencontre promue par le conseil pontifical "Cor Unum». Il en a profité pour aborder le thème de son encyclique, qui sera présentée à la presse aujourd’hui

Vous trouverez ci-dessous le texte intégral
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Eminences, Excellences, Mesdames et Messieurs,

L’excursion cosmique à laquelle Dante veut convier le lecteur dans sa « Divine Comédie » s’achève devant la Lumière éternelle qui est Dieu lui-même, devant cette Lumière qui est dans le même temps « l’Amour qui meut le soleil et les autres étoiles » (Par. XXXIII, v. 145). Lumière et amour sont une seule chose. Ils sont la puissance créatrice primordiale qui meut l’univers. Si ces paroles du Paradis de Dante laissent transparaître la pensée d’Aristote, qui voyait dans l’eros la puissance qui meut le monde, le regard de Dante distingue toutefois une chose totalement nouvelle et inimaginable pour le philosophe grec. Non seulement que la Lumière éternelle se présente en trois cercles auxquels il s’adresse avec ces vers denses que nous connaissons : « O Lumière éternelle qui seule en toi reposes / Qui seule te connais et par toi connue / et te connaissant, aimes et souris ! » (Par., XXXIII, vv. 124-126) ; en réalité, la perception d’un visage humain – le visage de Jésus Christ – qui apparaît à Dante dans le cercle central de la Lumière, est encore plus bouleversante, que cette révélation de Dieu en tant que cercle trinitaire de connaissance et d’amour. Dieu, Lumière infinie dont le philosophe grec avait perçu le mystère incommensurable, ce Dieu a un visage humain et – nous pouvons ajouter – un cœur humain. Dans cette vision de Dante on peut voir, d’une part, la continuité entre la foi chrétienne en Dieu et la recherche développée par la raison et le monde des religions ; mais dans le même temps apparaît également la nouveauté qui dépasse toute recherche humaine – la nouveauté que seul Dieu lui-même pouvait nous révéler : la nouveauté d’un amour qui a poussé Dieu à prendre un visage humain, à prendre même chair et sang, l’être humain tout entier. L’eros de Dieu n’est pas seulement une force cosmique primordiale ; c’est un amour qui a créé l’homme et se penche vers lui, comme le bon Samaritain s’est penché sur l’homme blessé et que l’on avait volé, gisant au bord de la route qui descendait de Jérusalem à Jéricho.

Aujourd’hui, le mot « amour » est tellement abîmé, usé, on en a tellement abusé que l’on a presque peur de le laisser effleurer notre lèvre. Il s’agit pourtant d’un mot essentiel, l’expression de la réalité primordiale ; nous ne pouvons pas l’abandonner tout simplement. Nous devons le reprendre, le purifier et le ramener à sa splendeur d’origine, afin qu’il puisse éclairer notre vie et la conduire sur le droit chemin. C’est la conscience de cela qui m’a conduit à choisir l’amour comme thème de ma première Encyclique.

Je voulais tenter d’exprimer pour notre époque et pour notre vie un peu de ce que Dante a récapitulé de manière audacieuse dans sa vision. Il parle d’une « puissance visuelle » qui « se fortifiait » tandis qu’il regardait et qui le changeait intérieurement (cf. Par., XXXIII, vv. 112-114). Il s’agit précisément de cela : que la foi devienne une vision-compréhension qui nous transforme. J’avais le désir de souligner le caractère central de la foi en Dieu – en ce Dieu qui a pris un visage humain et un cœur humain. La foi n’est pas une théorie que l’on peut faire sienne ou mettre de côté. Il s’agit d’une chose très concrète : c’est le critère qui décide de notre style de vie. A une époque où l’hostilité et l’avidité sont devenues des superpuissances, une époque où nous assistons à l’abus de la religion jusqu’à l’apothéose de la haine, la rationalité neutre n’est pas à elle seule en mesure de nous protéger. Nous avons besoin du Dieu vivant, qui nous a aimés jusqu’à la mort.

Ainsi, dans cette Encyclique, les thèmes « Dieu », « Christ » et « Amour » fusionnent ensemble comme guide central de la foi chrétienne. Je voulais montrer l’humanité de la foi, dont fait partie l’eros – le « oui » de l’homme à sa corporéité créée par Dieu, un « oui » qui dans le mariage indissoluble entre l’homme et la femme trouve sa forme enracinée dans la création. Et là, il advient également que l’eros se transforme en agape – que l’amour pour l’autre ne se cherche plus lui-même, mais devient préoccupation pour l’autre, disponibilité au sacrifice pour lui et également ouverture au don d’une nouvelle vie humaine. L’agape chrétienne, l’amour pour le prochain à la suite du Christ n’est pas une chose étrangère, en marge, voire même en opposition à l’eros ; au contraire, dans le sacrifice que le Christ a fait de lui-même pour l’homme, elle a trouvé une nouvelle dimension qui s’est développée toujours davantage, dans l’histoire du don de soi plein de charité des chrétiens à l’égard des pauvres et des personnes souffrantes.

Une première lecture de l’Encyclique pourrait peut-être donner l’impression que celle-ci se divise en deux parties ne possédant guère de lien entre elles : une première partie théorique, qui parle de l’essence de l’amour, et une seconde qui traite de la charité ecclésiale, des organisations caritatives. Mais ce qui m’intéressait c’était justement l’unité de ces deux thèmes qui ne sont bien compris que s’ils sont considérés comme une seule chose. Tout d’abord, il fallait parler de l’essence de l’amour tel qu’il se présente à nous dans la lumière du témoignage biblique. En partant de l’image chrétienne de Dieu, il fallait montrer comment l’homme est créé pour aimer et comment cet amour qui au départ apparaît surtout comme eros entre un homme et une femme, doit ensuite se transformer intérieurement en agape, en don de soi à l’autre – et cela précisément pour répondre à la vraie nature de l’eros. Sur cette base il fallait ensuite expliquer que l’essence de l’amour de Dieu et du prochain décrit dans la Bible est le centre de la vie chrétienne, le fruit de la foi. Ensuite cependant, dans une deuxième partie, il fallait mettre en évidence que l’acte totalement personnel de l’agape ne peut jamais rester une chose uniquement individuelle, mais qu’il doit également devenir un acte essentiel de l’Eglise comme communauté : c’est-à-dire qu’il a également besoin de la forme institutionnelle qui s’exprime dans l’action communautaire de l’Eglise.

L’organisation ecclésiale de la charité n’est pas une forme d’assistance sociale qui s’ajoute par hasard à la réalité de l’Eglise, une initiative que l’on pourrait également laisser à d’autres. Au contraire celle-ci fait partie de la nature de l’Eglise. De même qu’au Logos divin correspond l’annonce humaine, la parole de la foi, à l’Agape, qui est Dieu, doit correspondre l’agape de l’Eglise, son activité caritative. Cette activité, au-delà de sa signification première très concrète d’aider le prochain, possède également et de manière fondamentale celle de communiquer aux autres l’amour de Dieu, que nous avons nous-mêmes reçu. Celle-ci doit rendre d’une certaine manière visible le Dieu vivant. Dans l’organisation caritative, Dieu et le Christ ne doivent pas être des noms étrangers l’un à l’autre ; ceux-ci indiquent en réalité la source originelle de la charité ecclésiale. La force de la Caritas dépend de la force de la foi de tous ses membres et collaborateurs.

Le spectacle de l’homme souffrant touche notre cœur. Mais l’engagement caritatif a un sens qui va bien au-delà de la simple philanthropie. C’est Dieu lui-même qui nous pousse au plus profond de nous-mêmes à soulager la misère. Ainsi, en définitive, c’est Lui-même que nous portons dans le monde souffrant. Plus nous porterons notre amour consciemment et clairement comme don, plus cet amour changera de manière efficace le monde et réveillera l’espérance – une espérance qui va au-delà de la mort et qui est seulement ainsi véritable espérance pour l’homme. Que le Seigneur bénisse votre Symposium ».