A-Homélie.
« Oh, Mes bien chers frères, que
cette messe de la Septuagésime est belle. Elle est comme
un prélude à ce temps de Carême qui vient.
Quel est donc son sens, sa profondeur,
sa « mystique » ? Si vous le voulez bien, cherchons-le
ensemble.
Et comme à l’accoutumer,
partons de l’Introït.
« Les liens de la mort m’enlaçaient,
m’environnaient. Les filets du séjour des morts
m’emprisonnaient, m’entouraient, me serraient de
près ». C’est le même verbe latin qui
est utilisé : « Circumdederunt ». Ces deux
versets expriment la détresse de la nature humaine, la
triste réalité du genre humain…voué
à la mort, à l’enfer, à la faiblesse…
Mais l’âme chrétienne, loin de sombrer dans
la désespérance, s’enfermant en elle-même,
raison de sa tristesse, se tourne, au contraire, vers Dieu et
l’exprime devant Lui : « Dans ma détresse,
j’invoquai le Seigneur » nous dit le psalmiste,
« et dans son temple, il entendit ma voix ». Cette
faiblesse, elle l’exprime devant Dieu, avec toute la force
de l’espérance chrétienne qui se fonde sur
« l’appel de Dieu » au Royaume céleste,
sur la Rédemption, sur « l’appel à
venir à la vigne du Seigneur ». C’est la
raison de l’Evangile de ce dimanche : Venez « oeuvrer
» à cette vigne…y œuvrer avec énergie.
C’est la raison du choix de l’Epître de ce
dimanche.
Ainsi, la réalité
humaine, en soi, n’est que tristesse et misère.
Mais considérée en Dieu, elle n’est pas
sans espérance puisque Dieu entend la voix du fidèle
qui l’appelle dans sa tristesse. Plus même, Dieu
lui-même l’appelle à sa vigne pour y travailler…Que
craindrai-je, puisqu’il est mon refuge, mon libérateur,
mon rocher « firmamentum meum ». Et puisque Dieu
se montre sensible à mon cri, puisqu’il est mon
rocher qui me donne assurance, ma reconnaissance est grande
et s’exprime en un amour très grand : « Diligam
te Domine ». Je t’aime Seigneur, toi qui es ma force
« fortitudo », toi qui est mon rocher, mon libérateur
Voilà les idées exprimées
dans cette messe. Finalement, les textes de ce dimanche explicite
l’attitude fondamentale des sujets du Royaume de Dieu.
Ils sont au milieu du mal, dans ce combat du mal, du mauvais
dont on nous parlait, dimanche dernier, dans la parabole du
semeur qui, au milieu du champ, jette aussi l’ivraie.
Devant le mal, devant ma faiblesse, devant mon péché,
loin de me décourager, j’invoque le Seigneur. Je
le peux. Je le dois. Il est, du reste, lui-même celui
qui m’appelle à la vigne ; il est ainsi la raison
de mon espérance, de mon combat, de ma lutte : «
Je peux tout en celui qui me fortifie », dira un jour
Saint Paul.
Aussi sachons apprécier
cette idée de la faiblesse humaine qui trouve finalement
sa force et son espérance dans la protection divine.
C’est tout le sens du Psaume
17 choisi dans l’Introït, le sens du Psaume 9 choisi
pour le Graduel et du psaume 129, pour le chant du Trait.
Détresse humaine, misère
humaine qui trouve son salut, son espérance en la particulière
attention, faite de délicatesse et de force, de Dieu.
La connaissance de cette misère est, du reste, la condition
sine qua non pour que ce cri - cette prière à
Dieu - soit fervent, zélé, sincère, ardent.
« Dans ma détresse,
j’invoquai Dieu », nous dit le psalmiste, «
je criai vers mon Dieu et de son Temple, il entendit ma voix
et mon cri devant lui parvint à ses oreilles »…
… « Il étendit sa main d’en haut et
me saisit… », comme il saisit, un jour, «
au point du jour », les « ouvriers pour sa vigne
»… au point du jour, mais aussi « à
la troisième heure…Allez vous aussi à ma
vigne »…Mais aussi « la sixième heure
… Il sortit encore et il en trouva d’autres qui
étaient là…et il leur dit : Allez vous aussi
à ma vigne »
… « Il étendit
sa main », continue le psalmiste, « d’en haut
et me saisit ». « Il me retira des grandes eaux…
», comme un jour il le fit de Noé et de sa famille
pour les sauver du milieu des eaux anéantissantes…
… « Il me délivra de mon ennemi puissant…
» de Satan…C’est qu’Il est mon libérateur
… « et de ceux qui
me haïssaient, alors qu’ils étaient plus forts
que moi. Ils m’avaient surpris au jour de mon malheur…
», comme le serpent surpris Adam et Eve au jardin de l’Eden…
« Mais Dieu fut mon appui.
« Il m’a mis au large.
« Il m’a sauvé… » « Allez
travailler à ma vigne »… « parce qu’il
s’est complu en moi »….indépendamment
de mes mérites, par pure libéralité, par
simple miséricorde.
« Oui, tu fais briller mon
flambeau
« Mon Dieu éclaire mes ténèbres.
« Avec Toi, je me précipite sur les bataillons
armés.
« Avec Mon Dieu, je franchis les murailles ».
Avec Lui, pour Lui, pour la vigne,
sa vigne, pour cette couronne impérissable qu’il
me garde au Ciel…je mène le bon combat…je
courre pour remporter le prix.
« Ut compréhendatis
».
Comprehendere : c’est un
verbe très riche. Il veut dire « unir » :
Avec Lui, pour Dieu et jamais sans lui, en sa vigne, pour sa
vigne, enivré de ses délices, je travaille, je
courre pour m’unir à ce trophée : le ciel.
Comprehendere veut dire aussi «
embrasser ». Je courre, avec Lui, pour Lui, « per
Ipsum et cum Ipso »…je courre pour l’embrasser,
comme un enfant sa mère, comme un vainqueur d’un
grand prix saisit fortement et « embrasse » la coupe.
Son trophée est pourtant, à lui, périssable…le
temps d’un instant…A nous, notre couronne est impérissable…Alors
je courre doublement.
Ce verbe veut dire aussi «
s’attacher », « saisir » et même
« dévorer ». Telle doit être l’attitude
du fidèle de ce Royaume des cieux : Il doit travailler
à la vigne du Seigneur avec de les dispositions d’un
être passionné, d’un être énamouré
…
« Car tu sauves ton peuple humilié »…par
son péché.
« Toujours avec Dieu, Mon Dieu éclaire mes ténèbres
« Avec Toi…avec Toi, jamais sans Toi en raison de
ma faiblesse
« Avec Toi, je me précipite sur des bataillons
armés
« Avec Mon Dieu, je franchis les murailles
« …Dieu est mon rocher
« Alors il me ceint de force
« Il rend mes pieds semblables à ceux des biches
» - forts mais aussi habiles et souples - et me fait tenir
debout sur mes hauteurs. Il me forme mes mains au combat et
mes bras tendent l’arc d’airain…Il est ma
force ». Et seul, il me rend capable de courir pour saisir
le trophée, l’espérance du Ciel…
« Tu m’as donné le bouclier de ton salut
»….Ce trophée, je le veux, je l’acquiers.
Je le gagne…ce prix, ce ciel…Car c’est toi
qui le donne : « Venez œuvrer à la Vigne du
Seigneur » Ton appel est répété ;
incessant…
Aussi puis-je me dire, avec le
psalmiste : « Tu m’as donné le bouclier de
ton salut et ta droite - c’est-à-dire ta puissance
- me soutient »… « e serai vainqueur »
…puisqu’il faut vaincre et se battre contre soi-même
et sa misère…mais par toi. « Et ta douceur
me fait grandir ».
« Tu élargis mes pas au dessous de moi »….Aussi
aurais-je certainement ce trophée « et mes pieds
ne chancellent pas »…Aussi aurai-je cette couronne…
« Je poursuis mes ennemis et les atteins. Je ne reviens
pas sans les avoir anéantis. Je les brise et ils ne se
relèvent pas. Ils tombent sous mes pieds »…
Comme saint Paul : « Quant à moi, voilà
comment je cours : ce n’est pas sans but ; voilà
comment je frappe : ce n’est pas en cognant dans le vide.
Mais je meurtris mon corps et j’en fais un esclave ».
« Tu me ceints de force pour
le combat »…Aussi gagnerai-je le grand prix
« Tu fais plier sous moi mes adversaires »...mes
péchés, mes ennemis, mes vrais ennemis.
« Je les broie comme la poussière livrée
au vent. Je les balais comme la boue des rues… ».
« Je tiens toutes choses, dira lui aussi saint Paul, pour
de la balayeur »….
« Vive Dieu et béni
soit mon rocher »….Saint Paul nous dit : «
Ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les accompagnait,
et ce rocher, c’était le Christ… »
« Que le Dieu de mon salut
soit exalté
« Dieu qui me délivre de mes ennemis
« Oui tu m’élèves au-dessus de mes
adversaires
« Tu me sauves de l’homme de violence »
Tu m’appelles à ta
vigne bien fermée, à toute heure du jour
« Tu es ma force et mon salut »
Tu me fais gagner le prix, la victoire
« C’est pourquoi je te louerai parmi les nations
»
« Je chanterai à la gloire de ton nom »,
un poème d’amour : « Diligan te Domine, fortitudo
mea, firmamentum meum, refugium meum et liberator meus ».
Mais aussi un poème d’espérance
:
« de profundis clamavi ad
te Domine
Du fond de l’abîme, je crie vers toi, Seigneur,
Seigneur, écoute ma voix
Que tes oreilles soient attentives à la prière
de ton serviteur »… qui est à ta vigne, qui
est sur le stade du monde
« Si tu prends garde aux fautes, Seigneur, qui pourra
subsister
« Mais le pardon se trouve en toi »…parce
que tu es bon. Alors raisonne dans mon cœur cette phrase
de l’Evangile, du Maître : « Mon ami, je ne
suis pas injuste envers toi. N’avais-tu pas convenu avec
moi d’un denier ? prends ton bien et va. Je veux donner
à ce dernier autant qu’à toi, n’ai-je
pas le droit de faire de mes biens ce que je veux ou bien as-tu
l’oeil mauvais parce que je suis bon »
« Si tu prends garde aux
fautes Seigneur qui pourra subsister
Mais le pardon se trouve en toi…parce
que tu es bon
« Quia apud te propitiation est »
« Et à cause de ta loi, tu me soutiens, Seigneur
», « Propter legem », à cause de ta
loi qui est pure charité miséricordieuse…Tu
me soutiens, tu es mon espérance
Grâce à Toi, seul
Grâce à ton soutien, à ton secours et parce
que ta charité est finalement au delà de la simple
justice, je terrasserai mes ennemis et gagnerai le trophée…
B- De la richesse du
Sacrement de pénitence
Avec le temps liturgique de la
Septuagésime, j’ai pensé utile de vous donner
cette petite synthèse sur le sacrement de Pénitence,
pour vous aider à préparer une bonne confession
et vous encourager à la faire dans ce temps qui précède
Pâques. Ce texte est tiré de la méditation
30ème du Livre 1er du Vénérable Père
Du Pont S.J. C’est très beau.
1-Bienfait de l’Institution de ce sacrement
Je considérerai, en premier
lieu, la grâce insigne que Dieu, en instituant le sacrement
de Pénitence, a faite à son Eglise et à
moi-même, en ma qualité de membre de l’Eglise.
Quelques réflexions me découvriront la grandeur
de ce bienfait et m’exciteront à en profiter souvent.
Premièrement,
Dieu à qui appartient en
propre le pouvoir de pardonner les péchés, a bien
voulu remettre ce pouvoir aux mains des prêtres, et nous
donner l’assurance qu’il ratifiera dans le Ciel
la sentence que ses ministres auront prononcée sur la
terre. (Jn 20 22-23). De plus, afin que les prêtres eussent
plus de compassion pour les pécheurs, il a appelé
à ce ministère des hommes sujets, comme les autres,
au péché, et soumis à la nécessité
de recourir au même remède. Au reste, le pouvoir
qu’il leur a conféré est si étendu,
qu’il ne s’est réservé aucun péché,
quelque grave qu’il pût être, qu’il
n’a limité ni le nombre des péchés
ni le nombre des absolutions. Il déclara même formellement
à saint Pierre que son intention était qu’il
pardonnât non pas sept fois, mais septante fois sept fois
(Mat 18 22), c’est-à-dire autant de fois que le
pécheur repentant implorera son pardon. Qui n’admirerait
ici la bonté de notre grand Dieu et le désir qu’il
a de pardonner ? O Père des miséricordes, que
les anges du Ciel vous louent soixante-dix- fois sept fois,
et des milliers de fois, de la faveur que vous nous avez faite,
à nous pauvres pécheurs qui vivons sur le terre
! Autant de fois nous pouvons pécher, autant de fois
vous voulez nous pardonner, si nous recourons à votre
clémence, parce que votre miséricorde l’emporte
infiniment sur notre misère. Je solliciterai donc en
toute confiance mon pardon, puisqu’il m’est si libéralement
offert par l’offensé lui-même.
Deuxièmement.
Le juge souverain qui doit juger
rigoureusement tous les hommes, et au moment de la mort, et
à la fin du monde, veut commuer ce jugement sévère
en un autre plein d’indulgence qui s’exerce dans
ce sacrement. De sorte que, comme l’atteste l’Apôtre,
si nous sommes jugés et absous ici-bas, nous ne serons
pas jugés et condamnés à notre mort pour
les péchés qui nous aurons été remis
(1 Cor 11 31) : vérité exprimée dans cet
autre texte de l’Ecriture : « Le pécheur
ne subira pas pour la même faute un double châtiment
» (Nahum 1, 9)
Troisièmement.
Enfin le sacrement de Pénitence,
conformément à la prophétie de Zacharie,
est une source d’eau vive que Dieu a fait jaillir au milieu
du jardin de son Eglise (Zach. 14 8), pour effacer la souillure
du péché, guérir nos infirmités
et les plaies dont nos vices sont le principe, pour nous rendre
la vie de la grâce, la beauté de la charité
et l’éclat de la vertu, avec les mérites
de nos bonnes œuvres ; en un mot, pour réparer tous
les dommages que nous a causés le péché.
Cette fontaine est toujours ouverte et elle ne tarit jamais,
afin que, si nous contractions quelque souillure, nous allions
aussitôt nous y laver. Bénie soit la divine bonté
qui, comme une source féconde en miséricorde,
répand continuellement sur nous ses eaux salutaires.
O mon âme va puiser aux sources
du Sauveur, avec une extrême douleur de tes fautes, mais
en même temps avec une joie extrême de pouvoir y
recouvrer ta première pureté. (Is 12 8)
II- Excellence des actes que l’on
pratique dans la confession.
Je considérerai, en second
lieu, pour m’exciter et m’affectionner à
la pratique de la confession fréquente, l’excellence
des actes que l’on exerce en s’approchant du sacrement
de Pénitence.
Je m’attacherai à
bien comprendre que NSJC a institué ce sacrement dans
son Eglise, afin que les fidèles trouvent dans leurs
péchés mêmes une occasion de pratiquer les
plus hautes vertus, et un moyen non seulement de regagner ce
qu’ils on perdu, mais encore de tirer de leurs pertes
les plus précieux avantages. Les principaux de ces actes
sont au nombre de sept.
Le premier est un acte de foi.
Nous croyons fermement que le pouvoir de pardonner les péchés,
pouvoir qui n’appartient en propre qu’à Dieu
seul, a été communiqué aux prêtres,
et qu’ils ont entre les mains les clefs du Ciel, afin
d’en faire descendre les grâces et les dons célestes,
qui justifient les pécheurs et les rendent dignes d’entrer
dans le royaume promis aux justes (Mat 18 18)
Le deuxième est un acte
d’espérance au-dessus de toute espérance
humaine. Car, l’aveu qui, devant les tribunaux de la terre,
est une cause de condamnation, devient, en ce tribunal du ciel,
un titre à l’absolution et au pardon.
Le troisième est un acte
de charité. Cette vertu inspire au pécheur un
vif regret d’avoir offensé l’infinie bonté
de Dieu et d’avoir perdu sa grâce et son amitié.
Elle lui fait en même temps concevoir le désir
de se réconcilier avec son Seigneur, afin de l’aimer
et de le servir désormais parfaitement.
Le quatrième est un acte
héroïque d’humilité. Le pécheur
s’humilie non seulement devant Dieu, mais aussi devant
les hommes. Il révèle à un homme les fautes
sécrètes les plus capables de lui causer de la
honte et de la confusion ; et cette confusion, il l’accepte
pour l’amour de Dieu, content que d’autres le connaissent
comme il se connaît lui-même.
Le cinquième est un acte
d’obéissance d’autant plus excellente qu’elle
elle est plus ardue. En effet le pécheur repentant se
soumet au confesseur comme à u n supérieur, disposé
à lui obéir en tout ce qu’il ordonnera.
Le sixième est un acte de
rigoureuse justice. Le pénitent est à la fois
accusateur, accusé, témoin, juge, exécuteur
de la sentence ; il se soumet au jugement du ministre de Dieu,
non par contrainte, mais spontanément, prêt à
venger lui-même par un saint zèle les outrages
dont il s’est rendu coupable envers la divine Majesté,
et à réparer le dommage qu’il a pu causer
au prochain.
Le septième est un acte
éclatant de courage qui consiste à se vaincre
soi-même, et à surmonter cette inclination qui
porte les hommes à cacher leurs fautes, à les
défendre, à les excuser, à l’exemple
d’Adam, dont nous sommes tous en ce point les héritiers.
Aussi celui qui triomphe de ce défaut est-il, selon la
parole de Job, plus qu’un homme. (Job. 31 33). Nous voyons
en effet qu’il faut quelque fois faire un plus grand effort
sur soi-même pour confesser humblement une faute que l’on
a commise, que pour résister à la tentation quand
elle nous porte à la commettre. C’est de même
le sentiment de Saint Grégoire, qu’il est ordinairement
nécessaire de déployer plus d’énergie
pour maintenir une faute dont on s’est rendu coupable,
que de repousser les instigations du démon pour ne point
devenir coupable, et que, par conséquent, une humble
confession n’est pas moins admirable que la pratique des
autres vertus. .
Tels sont le sept actes héroïques
qui accompagnent d’ordinaire la confession, et qui la
rendent également méritoire devant Dieu, glorieuse
devant les anges, et estimable dans l’opinion d’un
confesseur. Chacun doit donc s’efforcer de faire ces actes
avec une grande ferveur, afin d’obtenir une grâce
abondante, et d’appliquer cette parole de l’Ecclésiastique
: Donnez et recevez, pour justifier votre âme. (Eccle
14 16). Et puisque Dieu veut bien vous remettre les sept péchés
capitaux, et vous communiquer avec sa grâce les sept dons
du Saint-Esprit, offrez-lui les sept actes de vertu qui disposent
l’âme à recevoir l’infusion de ces
précieux dons. Souvenez-vous que l’enfant de la
Sunamite, ressuscité par Elisée, ouvrit sept fois
la bouche avant d’être rappelé à la
vie (IV Reg 4 35), et excitez dans votre cœur les sept
affections qui portent le Seigneur à vous accorder une
vie nouvelle, spirituelle et parfaite.
III- Les grâces que l’on
reçoit dans le sacrement de pénitence.
Je considérerai, en troisième
lieu, les grâces que Dieu répand sur ceux qui reçoivent
le sacrement de Pénitence avec les dispositions requises.
Ces grâces peuvent se réduire à trois, que
saint Paul mentionne en disant du royaume des cieux qu’il
est la justice, la paix et la joie dans l’Esprit Saint
(Rm 14 17). Ce royaume, Dieu le promet à tous ceux qui
font sincèrement pénitence.
Premièrement,
Il leur accorde la grâce de la justification par laquelle
il les purifie de tous leurs péchés ; il les reçoit
au nombre de ses amis, de ses enfants adoptifs et des héritiers
de son royaume céleste ; il répand dans leurs
cœurs la charité, les vertus infuses, les dons du
Saint-Esprit et la vraie beauté de l’âme
qui nous est toujours rendue par une humble confession. Si celui
qui s’approche du sacrement est juste, il reçoit
toujours un accroissement de grâce sanctifiante, et accomplit
en lui ce qui est dit dans l’Ecriture : Que celui qui
est juste, se justifie encore ; et que celui qui est saint,
se sanctifie encore (Apoc 22 11). Et ailleurs : Ne cessez point
de vous avancer dans la justice jusqu’à la mort
». (Eccl 18 22)
Deuxièmement.
Dieu leur fait goûter une
profonde paix surnaturelle. Non seulement il les réconcilie
avec lui, mais il les rend encore victorieux de trois sortes
d’ennemis, en récompense de la glorieuse victoire
qu’ils ont remportée sur eux-mêmes, en surmontant
les difficultés de la confession. De ces ennemis, il
détruit les premiers, il met en fuite les seconds, il
leur assujettit les derniers. Ceux qu’il détruit,
ce sont les péchés ; il les jette au fond de la
mer, ainsi que parle un prophète (Mich 7 19). Ceux qu’il
met en fuite, ce sont les démons avec leurs tentations
; car rien ne les épouvante autant que les manifestations
des plaies de la conscience au médecin qui doit les guérir.
Ceux qui les assujettit, ce sont les convoitises de la chair
qui commencent à obéir à l’esprit
; car lorsque les voies de l’homme, dit le sage, plaisent
au Seigneur, il force ses ennemis à le laisser en paix
(Prov 16 7). C’est donc un moyen puissant de vaincre les
tentations et les passions, que de les manifester à son
confesseur. Aussi longtemps que nous les tenons caches, le démon
est en paix, et nous sommes en guerre avec nous-mêmes
; mais aussitôt que nous les découvrons, le démon
prend la fuite, et nous demeurons dans une paix que rien ne
saurait troubler.
Troisièmement.
Le troisième fruit du sacrement
de Pénitence est la joie dans l’Esprit Saint. Ce
divin Esprit dissipe les craintes et bannit les tristesses qui
naissent d’une mauvaise conscience en même temps
qu’il remplit l’âme d’allégresse
par l’assurance du pardon. O mon Dieu, disait David pénitent,
vous ferez entendre à mon cœur une parole qui le
remplira de joie et de conscience et mes os humiliés
tressailleront d’allégresse (Ps 50 10). En effet,
lorsque nous sommes délivrés du poids du péché
qui nous accablait, et de la tristesse qui nous desséchait
et nous consumait, nous reprenons une nouvelle vigueur et nous
osons relever la tête, enhardis par l’espérance
du pardon et par les gages que nous recevons de la vie éternelle.
Ces considérations doivent
me déterminer à ne rien omettre de ce qui est
nécessaire pour faire une bonne confession, quelque difficile
et quelque humiliante qu’elle me paraisse. Car la peine
et la honte qui accompagnent cette action sont peu de chose
en comparaison des biens infinis que Dieu me promet et des maux
éternels dont il me délivre. Si je considère
ce que NSJC a fait pour m’obtenir le pardon de mes péchés,
et ce qu’il a souffert de douleurs et d’outrages,
j’estimerai bien léger ce qu’il demande de
moi pour me pardonner. Que ne pourrait-il pas exiger s’il
voulait user de rigueur envers moi qui ai mérité
des humiliations et des tourments éternels ? Je puis
donc m’appliquer les paroles que disaient Naaman, le lépreux
quelques-uns de ses serviteurs : « Maître, si le
prophète vous avait prescrit une chose difficile, vous
devriez l’exécuter pour obtenir votre guérison,
combien plus devez-vous lui obéir lorsqu’il vous
dit : Lavez-vous sept fois dans le Jourdain et vous serez guéri
(IV Reg 5 13).
O mon âme si Dieu, pour te guérir de la lèpre
du péché, t’imposait les obligations les
plus pénibles, tu devrais même alors t’y
soumettre ave empressement : comment donc balances-tu à
lui obéir lorsqu’il te dit simplement : Confesse
tes péché et tu seras guéri ? Lave toi
donc sept fois dans le Jourdain, c’est-à-dire purifie
–toi dans le sacrement de Pénitence, par l’exercice
des sept vertus que je t’ai marquées, et la lèpre
dont tu es couverte disparaîtra au même moment.
Glorifie-toi, à l’exemple de Job, de ne point cacher,
comme un homme fragile, ton péché, et de ne point
renfermer dans ton sein tes iniquités. Sois fidèle
à suivre ce conseil du Sage : « A cause de ton
âme, ne rougis pas de confesser la vérité
; car il y a une confusion qui amène le péché,
et il y a une confusion qui attire l’honneur et la gloire
(Eccle 4 2’ 25). Si, vaincue par une mauvaise honte, tu
cèles ton péché, tu l’aggraves ;
mais si tu te confesses pénétrée d’une
juste confusion tu obtiendras une glorieuse couronne, récompense
de la victoire que tu auras remportée en découvrant
ta faute.
C- L’enseignement spirituel de
Benoît XVI
Nous publions ci-dessous le texte
intégral de la catéchèse que le pape Benoît
XVI a prononcée au cours de l’audience générale
du mercredi 1 février 2006
Lecture: Psaume 144, 1-2.4-5.8-9
1. Je t'exalterai, mon Dieu, mon
Roi,
je bénirai ton nom toujours et à jamais !
2. Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais.
3. Il est grand, le Seigneur, hautement
loué ;
à sa grandeur, il \'est pas de limite.
4. D\'âge en âge, on
vantera tes oeuvres,
on proclamera tes exploits.
5. Je redirai le récit de
tes merveilles,
ton éclat, ta gloire et ta splendeur.
6. On dira ta force redoutable
;
je raconterai ta grandeur.
7. On rappellera tes immenses bontés
;
tous acclameront ta justice.
8. Le Seigneur est tendresse et
pitié,
lent à la colère et plein d'amour ;
9. la bonté du Seigneur
est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses oeuvres.
10. Que tes oeuvres, Seigneur,
te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
11. Ils diront la gloire de ton
règne,
ils parleront de tes exploits,
12. annonçant aux hommes
tes exploits,
la gloire et l'éclat de ton règne :
13. ton règne, un règne
éternel,
ton empire, pour les âges des âges.
Le Seigneur est vrai en tout ce q\'il dit,
fidèle en tout ce qu'il fait.
Chers frères et sœurs,
1. C'est à présent
le Psaume 144 qui est devenu notre prière, une joyeuse
louange au Seigneur qui est exalté comme un souverain
aimant et plein de tendresse, préoccupé par toutes
ses créatures. La liturgie nous propose cet hymne en
deux moments distincts, qui correspondent également aux
deux mouvements poétiques et spirituels du Psaume lui-même.
A présent, nous nous arrêterons sur la première
partie, qui correspond aux versets 1-13.
Le Psaume est élevé
au Seigneur invoqué et décrit comme le «
Roi » (cf. Ps 144, 1), une représentation divine
qui domine les autres hymnes des Psaumes (cf. Ps 46; 93; 95-98).
Le centre spirituel de notre Psaume est même précisément
constitué par une célébration intense et
passionnée de la royauté divine. Dans celle-ci,
on répète à quatre reprises — comme
pour indiquer les quatre points cardinaux de l'être et
de l'histoire — la parole hébraïque malkut,
« règne » (cf. Ps 144, 11-13).
Nous savons que ce symbolisme royal,
qui aura également un caractère central dans la
prédication du Christ, est l'expression du projet salvifique
de Dieu: il n'est pas indifférent à l'histoire
humaine, il a même à son égard le désir
de réaliser avec nous et pour nous un dessein d'harmonie
et de paix. L'humanité tout entière est également
convoquée pour accomplir ce dessein, pour qu\'elle adhère
à sa volonté salvifique divine, une volonté
qui s'étend à tous les « hommes »,
à « chaque génération » et
« à tous les siècles ». Une action
universelle, qui arrache le mal du monde et qui y installe la
« gloire » du Seigneur, c'est-à-dire sa présence
personnelle efficace et transcendante.
2. C'est vers ce cœur du Psaume,
placée précisément au centre de la composition,
que va la louange de prière du Psalmiste, qui se fait
la voix de tous les fidèles, et qui voudrait être
aujourd'hui notre voix à tous. En effet, la prière
biblique la plus élevée est la célébration
des œuvres de salut qui révèlent l'amour
du Seigneur à l'égard de ses créatures.
On continue, dans ce Psaume, à exalter « le nom
» divin, c'est-à-dire sa personne (cf. vv. 1-2),
qui se manifeste dans son action historique: on parle précisément
d'« œuvres », de « merveilles »,
d'« exploits », de « puissance », de
« grandeur », de « justice », de «
patience », de « miséricorde », de
« grâce » de « bonté »
et de « tendresse ».
C\'est une sorte de prière
litanique qui proclame l'entrée de Dieu dans les événements
humains pour conduire toute la réalité créée
à une plénitude salvifique. Nous ne sommes pas
en proie à des forces obscures, ni solitaires face à
notre liberté, mais nous sommes confiés à
l'action du Seigneur puissant et aimant, qui a un « dessein
» à notre égard, un « règne
» à instaurer (cf. v. 11).
3. Ce « règne »
n'est pas fait de puissance et de domination, de triomphe et
d'oppression, comme, malheureusement, cela se produit souvent
pour les règnes terrestres, mais il est le siège
d'une expression de pitié, de tendresse, de bonté,
de grâce, de justice, comme on le répète
à plusieurs reprises tout au long des versets qui contiennent
la louange.
La synthèse de ce portrait
divin se trouve dans le v. 8 : le Seigneur est « lent
à la colère et plein d'amour ». Ce sont
des mots qui évoquent la présentation que Dieu
lui-même avait faite de sa propre personne au Sinaï,
où il avait dit: «Yahvé, le Seigneur, Dieu
tendre et miséricordieux, lent à la colère,
plein d'amour et de fidélité » (Ex 34, 6).
Nous avons ici une préparation de la profession de foi
de saint Jean l'Apôtre à l'égard de Dieu,
nous disant simplement qu'Il est amour: « Deus Caritas
est » (cf. 1 Jn 4, 8.16).
4. Outre sur ces belles paroles,
qui nous montrent un Dieu « lent à la colère,
riche en grâce », toujours disponible à pardonner
et à aider, notre attention se fixe également
sur le très beau verset suivant, le verset 9: «
La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour
toutes ses œuvres ». Une parole à méditer,
une parole de réconfort, une certitude qu'Il apporte
dans nos vies. A ce propos, saint Pierre Chrysologue (380 env.-450
env.) s\'exprime ainsi dans le Deuxième discours sur
le jeûne: « «Grandes sont les œuvres
du Seigneur» : mais cette grandeur, que nous voyons dans
la grandeur de la Création, ce pouvoir est dépassé
par la grandeur de la miséricorde. En effet, le prophète
ayant dit: «Grandes sont les œuvres de Dieu»,
il ajouta dans un autre passage: «Sa miséricorde
est supérieure à toutes ses œuvres».
Chers frères, la miséricorde remplit le ciel,
remplit la terre... Voilà pourquoi la grande, généreuse,
unique miséricorde du Christ, qui réserva tout
jugement pour un seul jour, assigna tout le temps destiné
à l'homme à la trêve de la pénitence...
Voilà pourquoi le prophète qui n\'avait pas confiance
dans sa propre justice se précipite tout entier vers
la miséricorde: «Pitié pour moi, mon Dieu
— dit-il —, dans ton amour, selon ta grande miséricorde»
(Ps 50, 3)» (42, 4-5: Sermons 1-62bis, Scrittori dell\'Area
Santambrosiana, 1, Milan-Rome 1996, pp. 299.301). Et ainsi,
nous aussi, nous disons au Seigneur: « Pitié pour
moi, ô Dieu, selon la grande miséricorde ».