Un évêque de France qui défend la Passion, ce n'est pas si
fréquent.
Ne boudons pas notre plaisir.
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A propos du film de Mel Gibson La Passion du Christ
Toulon, lundi 5 avril 2004
La polémique virulente et tapageuse à propos du
fils de Mel Gibson, « la Passion du Christ », a déjà
assuré son succès commercial aux Etats Unis, après que le scénariste eût
expurgé son œuvre des scènes qui l'auraient entachée d'antisémitisme. Plus de
100 millions de spectateurs. Une recette de près de 300 millions de dollars
(pour un coût de production 10 fois moindre). Et ce n'est qu'un début ! Le scénario
est le récit dans les langues de l'époque (araméen, hébreu, latin, grec) des
onze dernières heures de la vie du Christ.
J'ai été voir le film, sans a priori. L'œuvre du
réalisateur américain, qui se définit comme un catholique traditionaliste, se
veut « réaliste », dans la ligne d'une longue tradition artistique qui remonte
au XIIIème siècle et dont la crucifixion de Grünewald
au XVème, est le plus bel exemple.
Certains commentateurs parlent à son propos de «
matraquage compulsif de la violence », « d'obscénité de la torture spectacle
dans un flot d'hémoglobine », « Un mauvais service rendu au Christianisme », «
Une œuvre antichrétienne » (P. Valadier). Et
pourtant, la violence n'excède pas ici, et de très loin, celle banalisée et
gratuite, dont des millions de téléspectateurs ou d'internautes s'abreuvent chaque jour ! Ces images coup de poing peuvent
heurter des sensibilités et conduire certains à s'abstenir d'aller voir le film
(qui est interdit aux moins de 12 ans).
Mais cette cruauté exposée sans détour à l'écran
reproduit fidèlement les brutalités subies par le Christ, telles que les
connaissances actuelles scientifiques, historiques et archéologiques nous
permettent de les reconstituer. On ne peut accuser Mel
Gibson de faire de la Passion autre chose qu'elle n'est : la mise à mort qui
est infligée à Jésus ! Le réalisateur n'invente rien. Le supplice encouru
ramène inexorablement le spectateur à la prophétie d'Isaïe concernant le
Serviteur Souffrant « Il était sans beauté, ni éclat pour attirer nos regards,
et sans apparence qui nous eut séduit… Maltraité, il s'humiliait, il n'ouvrait
pas la bouche, comme l'agneau qui se laisse mener à l'abattoir » (Is 53). L'apôtre Paul n'a-t-il pas toujours présenté la
croix comme un scandale ! (1Cor1,23).
Le lynchage qu'a subi le Christ fait ressortir, au
contraire sa détermination d'aller jusqu'au bout, son humble consentement à la
volonté du Père dans un combat spirituel où, dans le film, le Mauvais en figure
androgyne reste toujours à l'affût.
Le Christ se bat les mains nues. Il répond à la
violence par le don de soi. A la douceur du Christ fait écho celle de sa Mère.
Sa continuelle et silencieuse compassion qui accompagne son Fils tout au long
du film et le porte jusqu'au Golgotha.
Mel Gibson veut faire éprouver
au spectateur dans sa sensibilité et dans son âme, l'horreur des outrages et
l'injustice qui frappe l'Innocent. Son propos est de mettre l'esthétique d'une
dramaturgie pleine de densité et d'intériorité au service d'une contemplation
du sacrifice du Christ. Le rythme poignant, la rhapsodie des « flash-back », le
jeu somptueux des ombres et des lumières que le cinéaste dit emprunter à
l'univers du Caravage, la puissance de figuration et la qualité
d'interprétation des acteurs, les séquences successives de ralentis ou de
mélopées, la subtile symbolique des signes et des gestes distillés tout au
cours du long métrage (par exemple le lien théologique entre le sacrifice de la
croix et l'institution de l'eucharistie, ou la relation entre l'eau de Pilate
et celle du lavement des pieds, le bois de la Croix et celle du charpentier…)
font de ce film à le fois une fresque historique parfois iconique, et un
reportage pathétique sur l'offrande du Christ.
Faut-il voir le film de Mel
Gibson ?
A propos des réserves exprimées par un Comité
épiscopal, un journal titrait abusivement « l'Eglise de France déconseille
fortement le film de Mel Gibson ». Un retour à la
censure ecclésiastique… qu'aura bravée Jean-Paul II et
plusieurs évêques présents à Rome pour le lancement mondial du film !
En découvrant cette œuvre, sur bien des aspects,
bouleversante, personnellement, je conseille vivement d'en faire a posteriori
une relecture distanciée.
Certes, elle n'est pas exempte de reproches. Par
exemple, l'allusion trop furtive à la résurrection. Peu d'espace pour
l'espérance dans cette descente aux enfers au cœur de la souffrance. Ou encore,
le rajout au texte biblique de paroles ou de scènes qui relèvent de «
révélations privées… ». Certaines caricatures (la soldatesque romaine avinée et
indisciplinée) ou certains clichés. Aucune œuvre d'art ne peut avoir la
prétention de percer le mystère du Christ, et en particulier de sa Passion
rédemptrice. Seule la foi permet d'y accéder.
Néanmoins le film de Mel
Gibson, malgré les quelques limites, se présente au public français peu
coutumier du genre, comme un support efficace d'évangélisation, voir de
première catéchèse qu'il serait incongru d'ignorer.
Plusieurs témoignages attestent de son impact
missionnaire et pour le chrétien qui entre dans la Semaine Sainte, l'œuvre de Mel Gibson lui fait découvrir dans la prière, comment et
jusqu'où « le Fils de Dieu m'aime et s'est livré pour moi » (Gal 2,20).
+
Dominique REY
NB : du 3 au 17 avril, Arte
diffuse 10 heures d'émission sur « l'Origine du Christianisme ». L'intention de
« l'enquête » du tandem Mordillot-Prieur, qui avaient
déjà réalisé « Corpus Christi » en 1998, est
d'expliquer l'émergence du christianisme au sein du judaïsme. Au final, un
procès intenté au christianisme qui se transforme en réquisitoire contre
l'Eglise taxée de violente et d'antisémite !
Source
: http://www.diocese-frejus-toulon.com/la_passion_du_christ.html