Vers l’abolition de la peine de mort.


Un premier congrès mondial pour l’abolition de la peine de mort aura lieu à Strasbourg (France) du 21 au 23 juin 2001.

Il sera également l’occasion de lancer un appel pour l’adoption d’un moratoire des exécutions capitales.

Le président Chirac s’est prononcé dans ce sens lors de son voyage à genève.

Je conseille de relire sur ce sujet l’étude du professeur Amerio dans son livre « Iota Unum » :

LA PEINE DE MORT

La peine de mort.

Il y a des institutions de la société qui dérivent des principes du droit naturel et qui, comme tels, jouissent de la perpétuité sous diverses formes. Tels sont la famille, l'Etat, le sacerdoce. Et il y en a d'autres qui, engendrées par un certain degré de réflexion sur ces principes et par des circonstances historiques, doivent tomber quand la réflexion passe à un échelon ultérieur ou quand cessent ces circonstances. Tel fut, par exemple, l'esclavage. Jusqu'en des temps récents, la peine de mort a été à la fois justifiée théoriquement et pratiquée dans toutes les nations comme la sanction suprême dont la société frappe le mauvais dans le triple but de réparer l'ordre de la justice, de se défendre et de détourner du mal les autres hommes.

La légitimité de la peine capitale est fondée sur deux propositions

1° la société a le droit de se défendre ;

2° la défense comporte tous les moyens qui y sont nécessaires. La peine capitale est donc incluse dans la seconde proposition à condition que supprimer la vie d'un membre de l'organisme social soit devenu nécessaire à la conservation du tout.

La disposition croissante de nos contemporains à mitiger les peines est pour une part l'effet de l'esprit de clémence et de mansuétude propre à l'Evangile, contredit pendant des siècles par des coutumes judiciaires barbares. Il est pourtant vrai que l'horreur du sang a persisté dans l'Eglise, par une inconséquence qu'il n'y a pas lieu d'étudier ici. En effet, il faut rappeler que le droit canon frappait d' « irrégularité » non seulement le bourreau, mais aussi le juge qui condamne à mort selon les règles du droit (juxta ordinem juris), et même les plaideurs et les témoins d'une cause capitale si mort d'homme s'en est suivi (CIC, 985, 4°).

La controverse ne porte pas sur le droit de la société à se défendre, qui est l'inattaquable prémisse majeure du syllogisme pénal. Elle ne porte que sur la nécessité de supprimer l'offenseur pour s'en défendre, ce qui en est la mineure. La doctrine traditionnelle, de saint Augustin à saint Thomas et à Taparelli d'Azeglio est que l'appréciation de la nécessité, qui conditionne la légitimité de la peine, est un jugement historique qui varie selon le degré d'unité morale de la communauté politique et selon le plus ou moins de force que doit déployer le bien commun qui l'unifie contre l'individualisme qui le désagrège. Même les systèmes proposant l'abolition de la peine de mort, à commencer par celui de Beccaria, une fois établie la majeure du syllogisme, donnent à la mineure un caractère purement historique, car ils admettent dans les cas exceptionnels, la guerre par exemple, la suppression de l'auteur de l'infraction. Durant la dernière guerre mondiale (1940-1945) même la Suisse a condamné à être fusillées dix-sept personnes coupables de haute trahison.

L'opposition à la peine capitale

L'opposition à la peine capitale peut naître de deux motifs hétérogènes et incompatibles : il faut la juger selon les aphorismes moraux d'où elle procède. Elle peut provenir, en effet, de ce qu'à l'exécration du délit on joint la commisération pour la faiblesse humaine et le sentiment de la liberté de l'homme qui reste capable, tant que dure sa vie mortelle, de se relever de toute chute. Mais elle peut découler aussi de l'idée de l'inviolabilité de la personne en tant que sujet protagoniste de la vie terrestre, en prenant l'existence mortelle comme une fin en soi, que l'on ne peut supprimer sans violer la destinée de l'homme. Ce second motif de rejeter la peine de mort est considéré par beaucoup comme un motif religieux : il est irréligieux en réalité. Il oublie, en effet, qu'aux yeux de la religion la vie n'a pas statut de fin mais de moyen menant à la finalité morale de la vie, qui dépasse tout l'ordre des valeurs terrestres subordonnées. Prendre la vie d'un homme n'équivaut donc pas du tout à lui enlever définitivement la fin surnaturelle pour laquelle il est né et en laquelle consiste sa dignité. L'homme est capable de « perdre, en voulant vivre, ses bons motifs de vivre : propter vitam, vivendi perdere causas », se rendre indigne de vivre, en prenant la vie comme la valeur même au service de laquelle elle est. C'est qu'il y a en ce motif un sophisme implicite, supposant que l'homme, pratiquement l'Etat, est capable, en ôtant la vie au délinquant, de lui retrancher sa destinée, de le priver de sa fin dernière, de lui enlever la possibilité d'accom­plir son rôle d'homme. C'est le contraire qui est vrai. On peut ôter la vie au condamné à mort, on ne peut pas lui retirer sa fin dernière. Les sociétés qui nient la vie future et qui érigent en maxime le droit de vivre heureux sur terre doivent se garder de la peine de mort comme d'une injustice qui éteint dans l'homme la faculté de se rendre heureux. C'est un paradoxe véritable, parfaitement vrai, que les adversaires de la peine capitale prennent parti pour l'Etat totalitaire, puisqu'ils lui attribuent un pouvoir beaucoup plus grand qu'il n'en a, un pouvoir absolument suprême, celui de priver un homme de sa destinée 2. La mort infligée par des hommes à d'autres hommes ne pouvant porter préjudice ni à leur destinée morale ni à leur dignité humaine, elle peut bien moins encore empêcher la justice divine, ni lui porter préjudice : c'est celle-ci qui jugera en dernier ressort tous les jugements. Le sens de la devise gravée sur l'épée du bourreau de Fribourg (en Suisse) : « Sei­gneur Dieu, tu es le juge » n'est pas l'identification de la justice humaine avec la justice divine, mais au contraire l'aveu de cette justice suprême qui juge toutes les nôtres.

On objecte aussi l'inefficacité de la peine capitale pour détourner du crime, en s'appuyant sur une phrase célèbre de César disant, au procès des complices de Catilina, que la mort du scélérat, en mettant fin à son infamie et à sa misère, était pour lui un moindre mal que de survivre dans l'infamie et la misère. Mais cette objection est réfutée, d'abord, par le senti­ment universel qui a fait instituer le droit de grâce, et aussi par le fait que les scélérats se lient entre eux par des pactes scellés par la mort en cas d'infidélité. C'est confirmer par un témoignage compétent l'efficacité dissuasive de la peine capitale.

Variation doctrinale dans l'Eglise.

Même en théologie pénale, il se dessine dans l'Eglise une variation importante. Nous ne citerons que les documents de l'épiscopat français, qui a soutenu en 1979 qu'il fallait abolir en France la peine de mort comme « incompatible avec l'Evangile » ; ceux des évêques du Canada et d'Amérique du Nord; ainsi que les articles de l'Osservatore Romano du 22 janvier 1977 et du 6 septembre 1978 plaidant l'abolition de la peine de mort comme lésant la dignité humaine et contraire à l'Evangile.

Quant à ce dernier argument, il faut observer que, sans accueillir la célébration de la peine capitale faite par Baudelaire comme d'un acte hautement sacré et religieux, en la repoussant nettement, au contraire, on ne peut tout de même pas effacer d'un trait de plume la législation de l'Ancien Testament qui est une législation de sang. On ne peut davantage effacer d'un trait, je ne dis pas la législation canonique mais l'enseignement même du Nouveau Testament. Je sais bien, que le passage typique de Rom., XIII, 4, qui donne aux princes le glaive de la justice (jus gladii) et les appelle « ministres de Dieu pour châtier les mauvais » est récusé selon les canons herméneu­tiques des novateurs comme expression d'une condition histo­rique dépassée. C'est pourquoi Pie XII a rejeté explicitement! cette interprétation, en soutenant, dans son discours du 5 février 1955 aux juristes catholiques, que ce verset a une valeur durable et générale, puisqu'il se réfère au fondement essentiel du pouvoir pénal et de sa finalité immanente. De plus,: dans l'Evangile le Christ autorise indirectement la peine caps-, tale en disant que mieux vaut pour l'homme être condamné à mort par noyade que de commettre le péché de scandale (Mt, XVIII, 6). Et dans les Actes V, 1-11, il est clair que la peine de mort ne faisait pas horreur à la communauté chré­tienne primitive, puisque les époux Anne et Saphire, coupables de fraude et de mensonge au détriment des frères, compa­rurent devant saint Pierre et furent frappés de mort. Nous savons par les commentaires bibliques que cette condamnation fut taxée de cruauté par les ennemis contemporains de l'Eglise.

Le changement qui s'est opéré se manifeste en deux points. Dans la nouvelle théologie pénale, on ne fait aucune considération de justice et toute la question porte sur l'utilité de la peine et sur son aptitude à récupérer, comme on dit, le coupable' pour la société. Ici la pensée des novateurs rejoint, comme sur d'autres points, l'utilitarisme de la philosophie jacobine. L'indi­vidu est essentiellement indépendant, l'Etat peut se défendre contre le délinquant mais non le châtier pour avoir enfreint la loi morale donc pour être moralement coupable. Cette absence de culpabilité de l'auteur du mal se mue ensuite en un moindre égard pour la victime et va jusqu'à une préférence accordées au responsable sur sa victime. En Suède, l'ancien détenu este privilégié dans les concours pour obtenir un emploi public plus facilement qu'un citoyen irréprochable. La considération de lai victime s'éclipse devant la pitié pour le malfaiteur. L'assassins Buffet, en montant à la guillotine, cria son espoir « d'être le dernier guillotiné de France ». Il aurait dû proclamer celui d'être le dernier assassin. Le châtiment semble plus détestable que le crime, et la victime tombe dans l'oubli. La restauration de l'ordre moral, violé par la faute commise, est niée; le châti­ment est regardé comme un acte de vengeance. C'est pourtant une exigence de justice et il faut la poursuivre même quand il n'est pas possible d'annuler le mal commis ni d'obtenir l'amendement du coupable. N'insistons pas sur le fait que la mentalité nouvelle attaque l'idée même de la justice divine, qui frappe de peine les damnés sans aucune espérance ni possibi­lité de révision (§ 316). L'idée même de rachat du coupable est réduite à une transformation d'ordre social. Selon l'Osservatore Romano du 6 septembre 1978, le rachat est « conscience de revenir à se rendre utile à ses frères », et non plus, comme le veut le système catholique, détestation de la faute et redres­sement de la volonté, ramenée à la conformité à l'absolu de la loi morale.

Lorsqu'on argue ensuite qu'il ne faut pas supprimer la vie d'un homme parce qu'on lui enlèverait en même temps la possibilité d'expier, on néglige la grande vérité que la peine capitale est elle-même une expiation. Sans doute, dans la « religion de l'homme », l'expiation consiste avant tout pour l'homme à se vouer aux hommes. Il faut donc lui en concéder le temps, loin de l'abréger. Dans la religion vouée à Dieu, l'expiation consiste avant tout à reconnaître la majesté et la souveraineté divines. Or selon le principe de la ponctualité de la vie morale (§ 202), il faut les reconnaître à tout instant et à tout instant c'est possible.

L'Osservatore Romano du 22 janvier 1977 écrit, en combat­tant la peine de mort, qu'au délinquant « la communauté doit concéder la possibilité de se purifier, d'expier sa faute, de se racheter du mal commis, tandis que le dernier supplice ne la lui concède pas. » En écrivant cela, le journal nie la valeur expia­toire de la mort qui est le point suprême de la vie mortelle, tout comme le bien de la vie, que celui qui expie consent à sacrifier, est le plus haut bien parmi les biens relatifs d'ici-bas. D'autre part l'expiation des péchés de l'homme par le Christ est liée à sa condamnation à mort. Il ne faut pas oublier non plus les conversions de condamnés à mort obtenues par saint Joseph Cafasso, ni certaines lettres de Résistants condamnés à mort 3.

Le dernier supplice, grâce aussi au ministère du prêtre qui intervient entre le juge et le bourreau, a souvent donné lieu à d'admirables transformations morales

- depuis celui de Nicolas de Tuldo, réconforté par Catherine de Sienne qui en a laissé le compte rendu dans une lettre célèbre,

- jusqu'à celui de Félix Robol, assisté sur l'échafaud par Antoine Rosmini ,

- à celui de Martin Merino, qui avait attenté en 1852 à la vie de la reine d'Espagne,

- à celui de notre contemporain Jacques Fesch, guillotiné en1957, dont les lettres de prison sont le témoignage émouvant`

d'une perfection spirituelle de prédestiné .

L'aspect donc le plus irréligieux de la doctrine qui rejette la peine capitale consiste à lui refuser sa valeur expiatoire, qui

selon les vues religieuses est justement la plus grande parce qu'elle inclut le suprême consentement à la suprême privation dans l'ordre des biens terrestres. Vient à point, à ce propos l'avis de saint Thomas, selon lequel l'exécution capitale efface

non seulement la dette envers la société humaine, mais en outre toute réparation due dans l'autre vie. Il est bon de rapporter ses paroles précises : « La mort, infligée pour châtier les crimes enlève toute la peine due dans l'autre vie pour ces crimes, oui

une partie seulement de cette peine, selon l'importance de la faute, du châtiment subi et de la contrition, ce que ne fait pas

la mort naturelle . » La force morale de la volonté qui expie explique aussi l'infatigable sollicitude avec laquelle la Compa­gnie de saint Jean le Décollé, qui accompagnait les condamnés à leur supplice, multipliait les suggestions, les instances, les

secours, pour amener au consentement et à l'acceptation celui qui allait mourir et obtenir ainsi qu'il mourût, comme l'on

disait, dans la grâce de Dieu .

Inviolabilité de la vie. - Nature de la dignité humaine. -Pie XII.

L'argument principal de la nouvelle théologie pénale demeure cependant de l'inviolable et imprescriptible droit à la vie qui serait lésé quand l'Etat inflige la peine capitale. « A la conscience moderne , dit l'article que nous avons cité, « ouverte et sensible comme elle l'est aux valeurs de l'homme, à sa position centrale et à sa primauté dans l'univers, à sa dignité et à ses droits inviolables et inaliénables, la peine de mort répugne comme étant une mesure inhumaine et barbare. n A ce texte, qui réunit tous les motifs de l'abolitionnisme, il faut avant tout opposer une constatation de fait. L'appel de l'OR à la « conscience moderne » est tout semblable à la prémisse du document des évêques français selon lesquels « le refus de la peine de mort correspond chez nos contemporains à un progrès accompli dans le respect de la vie humaine . Mais cette affirmation naît d'une propension vicieuse de l'esprit à se complaire dans les idées à la mode et à régler ses idées sur ses désirs, puisque les atroces exterminations d'innocents perpétrées en Allemagne nazie et en Russie soviétique, la violence diffuse contre les per­sonnes employée comme instrument ordinaire par les gouver­nements despotiques, la légitimation et jusqu'à l'obligation de, l'avortement passées dans les lois, l'exaspération de la délin­quance et du terrorisme mal réfrénés par les gouvernements: infligent un cruel démenti à ces propos irréalistes.

Nous reviendrons (§ 205 à 210) sur la position axiologique, centrale de l'homme dans l'univers. En général dans les discours, sur la peine de mort on néglige la distinction entre l'état de droit de l'homme innocent et celui de l'homme coupable. On considère le droit à la vie comme inhérent à la pure existence de l'homme, alors qu'il dérive de sa finalité morale. La dignité de l'homme a pour origine sa destination aux valeurs qui transcendent la vie temporelle et ce destin est gravé dans l'esprit comme image de Dieu. Bien que cette destination soit absolue et cette image indélébile, la liberté de l'homme fait que par la faute il descend de cette dignité et dévie de ce fina­lisme. Le fondement du droit pénal est précisément la baisse du mérite du sujet qui viole l'ordre moral et qui suscite par la faute l'intervention contraignante de la société pour réparer le désordre. Ceux, qui ne donnent pour motif à cette inter­vention contraignante que le tort fait à la société, enlèvent au droit tout caractère moral et en font une précaution contre l'auteur du dommage, sans distinguer entre libre ou contraint, entre rationnel ou irrationnel. L'équation pénale, dans le sys­tème catholique, fait qu'au manquement, par lequel le délinquant a cherché une satisfaction personnelle au mépris du commandement moral, correspond une diminution de bien, de jouissance, de satisfaction. En dehors de ce contrepoids moral, la peine devient une réaction purement utilitaire, qui négligé précisément la dignité de l'homme, et qui ramène la justice à un ordre tout matériel, comme il l'était en Grèce lorsque le tribunal du Prytanée jugeait et condamnait les pierres, les arbres, les bêtes qui avaient causé quelque dommage. Là dignité humaine est, tout au contraire, un caractère imprimé naturellement dans la créature raisonnable, mais qui devient conscient et explicite sous la motion de la volonté bonne ou mauvaise et qui croît ou décroît dans cet ordre. Nul ne voudra jamais mettre sur le même plan en dignité humaine le juif d'Auschwitz et Eichmann son bourreau, ni comparer sainte Catherine à Thaïs. La dignité humaine ne peut baisser pour des faits qui ne soient pas d'ordre moral, et, contrairement au sentiment devenu courant, ce n'est pas au degré de participation aux bénéfices du progrès technique (§ 210) que se mesure la dignité humaine, donc ni à la quote-part de biens économiques, ni au degré d'alphabétisation, ni aux progrès dans le soin de la santé, ni à la distribution abondante des choses agréables de l'existence, ni à la victoire sur les maladies. Il ne faut pas confondre la dignité humaine, qui est un attribut moral, avec l'augmentation des avantages utilitaires qui revient aussi à l'homme indigne (§ 210 et 218).

La peine de mort, et toute peine afflictive si elles ne se dégra­dent pas jusqu'à être de pure défense ou une sorte d'abattage sélectif, suppose toujours un abaissement moral de la personne qui en est frappée : il n'y a donc pas atteinte portée à un droit inviolable et imprescriptible. Ce n'est pas que la société prive le coupable d'un droit, mais, comme l'a enseigné Pie XII dans le discours du 14 septembre 1952 aux neurologues : « Même quand il s'agit de l'exécution d'un condamné à mort, l'Etat ne dispose pas du droit de l'individu à la vie. Il est réservé alors au pouvoir public de priver le condamné du bien de la vie en expiation de sa faute après que par son crime il s'est déjà dépossédé de son droit à la vie p (AAS, 1952, p. 779 sqq.).

Le fait que le droit à la vie, qui est inviolable chez l'inno­cent, ne l'est pas chez le coupable, apparaît aussi si l'on regarde le droit à la liberté, qui lui est parallèle. Lui aussi estimé, invio­lable et imprescriptible. Toutefois le droit pénal reconnaît la légitimité de la privation, même perpétuelle, de la liberté pour sanctionner un délit. Elle est en usage dans toutes les nations. Il n'y a donc de droit inconditionnel à aucun des biens de la vie temporelle. L'unique droit vraiment inviolable est le droit à la fin dernière, donc à la vérité, à la vertu, au bonheur et à tous les moyens nécessaires. Mais ce droit n'est pas lésé par la peine de mort.

En conclusion, la peine capitale et même toute peine est illégitime si l'on suppose l'individu indépendant de la loi morale grâce à la morale subjective, et à l'égard de la loi civile en conséquence de cette première indépendance. La peine capitale devient barbare dans une société privée de religion, qui, enfer­mée dans l'horizon terrestre, n'a pas le droit de priver l'homme d'un bien qui, selon elle, est pour lui tout le bien.