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Un regard sur le
monde
politique et
religieux
au 1 mai 2009
N° 214
Par Monsieur l’abbé
Paul Aulagnier
Monseigneur Lefebvre
et
Dans nos
réflexions sur les raisons du « différend » entre Rome et Mgr Lefebvre
et ses disciples, différend qui touche
essentiellement le Concile Vatican II, nous avons jusqu’ici considéré le différend
concernant le texte conciliaire « Nostra
Aetate » et plus particulièrement le problème des Juifs ; nous
avons également étudié le différend concernant le texte conciliaire
« Gaudium et Spes ». Il nous faut
également étudier le problème de la liberté religieuse, sujet annexe du problème
de l’Eglise dans le monde. Mais nous le ferrons dans un prochain ITEM.
Je
voudrais aujourd’hui, pour changer un peu, aborder le problème liturgique, le problème de
Ce sera
aussi, vous l’imaginez bien, un sujet
important dans les discussions entre Rome et
Avec
l’arrivée, sur le trône de Pierre, du
cardinal Ratzinger, le problème liturgique a pris une lumière nouvelle. Avec
lui, nous n’avons plus cet ostracisme contre la messe ancienne. Dans de
nombreux ouvrages, avant son élection, il affirmait en effet, son opposition à cet ostracisme ;
il disait qu’il était même incompréhensible, inintelligible. Aussi exprimait-il
son désir de voir « revenir » dans l’Eglise, la pratique de ce rite. Il le dit clairement en 2001 au
monastère de Fongambault. Il n’est pas étonnant alors que deux ans après son
élection, il restaura, de fait, le droit
de la messe tridentine dans l’Eglise reconnaissant qu’elle ne fut jamais abolie
et qu’il fut, dès lors, toujours possible, en principe, - si ce ne fut pas le
cas en pratique - de la célébrer pour tout prêtre en règle canoniquement. C’est
son Motu Proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007. Il a réjoui tous les cœurs
« traditionalistes ».
Mais tout
est-il aplani pour autant en cette affaire liturgique? Les prêtres de
Mais
qu’est-ce que nous proposait le Cardinal Ratzinger dans sa « Réforme de la
réforme » ? Il l’expliqua très
clairement dans une conférence tenue au monastère de Fontgombault les 22 et 24 juillet
2001. Elle est peu connue. Et pourtant capitale. Vous la trouverez
ci-dessous.
En ce
mini congrès, autour du cardinal, se
trouvaient réunis à Fontgombault, quelques moines de Fontgombault, de Randol,
du Barroux, quelques professeurs universitaires, le professeur Robert Spaemann,
le professeur Roberto de Mattei et deux évêques, Mgr Léonard, évêque de Namur
en Belgique et Mgr Eric Aumonier, évêque de Versailles. Le cardinal fit le
premier exposé sur la « Théologie de la liturgie », puis, à la fin, il reprit la parole, présentant non une
synthèse des conférences prononcées, mais seulement quelques considérations au
sujet de trois interventions. C’est dans
cette dernière « prise de parole » qu’il parla de la « Réforme
de la réforme » et du nécessaire retour de la messe de 1962. Il dit
clairement sa pensée. Tout cela sera-t-il suffisant pour
Puis vous
lirez l’intervention très intéressante du professeur Roberto de Mattei. Ce
dernier est titulaire de la chaire
d’histoire moderne à la faculté de Lettres et de philosophie de l’Université de
Cassino, en Italie. J’attire plus particulièrement votre attention sur ses
trois remarques finales. Elles seront, je pense, aussi celles des prêtres de
A- L’intervention du Cardinal Ratzinger
« Bilan et
Perspectives »
Sous le
titre « Bilan et perspectives » le cardinal Ratzinger a tenu le
discours suivant. J’intercalerai quelques remarques chemin faisant :
« Révérends
Pères Abbés et chers frères,
Je n’ose
pas proposer de conclusions ; je n’avais pas le temps ni la capacité
intellectuelle et physique de préparer quelque chose. Je peux seulement
proposer quelques remarques. Mais surtout je veux dire mon merci très profond à
vous, cher Père Abbé, pour l’esprit de ce monastère qui nous a inspiré la paix
de l’Eglise, la paix de NSJC, et nous permet donc de chercher ensemble cet
œcuménisme catholique dans lequel il peut y avoir une réconciliation à l’intérieur
de l’Eglise, dans ces différences qui sont profonds et douloureuses.
Qu’est-ce
que je veux dire ? J’avais pensé parler sur quatre points : un premier
point une remarque encore sur la physionomie intellectuelle et spirituelle du
Mouvement liturgique comme je l’ai connu ; ensuite un mot sur les
propositions du P. Folsom et du Professeur Spaemann sur la pluriformité de
l’intérieur du rite romain, sur des rites romains dans le rite romain ; un
mot sur « la réforme de la réforme » ; et un mot aussi, en
discussion avec mon ami Spaemann, sur l’avenir du Missel de 62.
(Nous
passerons tout de suite à la deuxième considération) :
2 le
problème des rites romains dans le rite romain.
Le fait
de cette coexistence est évidente, comme la très bien montré, et d’une manière
très convaincante, le Père Folsom et aussi le Professeur Spaemann. Le Père
Folsom en a énoncé clairement deux conséquences : il n’y a pas de raison
liturgiques contre cette pluralité, mais il y a le problème des critères
canoniques et – comme il dit – politiques ; je dirai plutôt pastoraux. Et c’est là réellement le problème
pour l’autorité de l’Eglise : quels sont les critères ?
Personnellement
j’ai été dès le début pour la liberté de continuer à user de l’Ancien Missel, pour
un motif très simple ; on commençait déjà alors de parler de rupture avec
l’Eglise pré-conciliaire, et la formation de modèles différents
d’églises : une église préconciliaire dépassée et une église nouvelle,
conciliaire. C’est d’ailleurs maintenant le slogan des lefévristes d’affirmer qu’il y a deux
églises, la grande rupture étant visible pour eux dans l’existence de deux
Missels qui seraient en rupture entre eux. Il me semble essentiel et
fondamental de reconnaître que les deux
Missels sont des Missels de l’Eglise et de l’Eglise qui reste toujours la même.
La préface de
En
observant les développements de l’application du nouveau Missel, j’ai trouvé
très tôt une seconde raison, dont a parlé aussi le pro. Spaemann : l’ancien
missel est un point de référence, un critère - il a dit un sémaphore. Cela me semble pour
tous très important que, par sa présence – signe de l’identité fondamentale des
deux Missels, même s’ils sont des expressions rituelles différentes - ce Missel de l’Eglise donne un critère
de référence et devienne un refuge pour des fidèles qui, dans leur paroisse, ne
trouvent plus une liturgie célébrée réellement selon les textes autorisés de
l’Eglise.
D’une
part, s’il n’y a pas de doute qu’un rite vénérable comme le rite romain en
vigueur jusqu’en 69 est un rite de l’Eglise, un bien de l’Eglise, un trésor de
l’Eglise, et donc à conserver dans l’Eglise.
Il reste,
d’autre part, quand même un problème : comment régler l’usage des deux
rites ? Il me semble clair que, dans le droit, le Missel de
Paul VI est le Missel en vigueur, et que son usage est normal. On doit donc
étudier de quelle manière permettre et conserver pour l’Eglise le trésor de
l’ancien Missel. J’ai souvent parlé dans le même sens que notre ami
Spaemann : s’il y avait le rite dominicain, s’il y avait – et il y a
encore – le rite milanais, pourquoi pas aussi le rite – disons – « de
saint Pie V » ! Mais il y a un problème très réel : si l’ecclésia lité devient une question de
choix libre, s’il y a dans l’Eglise des églises rituelles choisies selon un
critère de subjectivité, cela crée un problème. L’Eglise est construite sur les
évêques selon la succession des apôtres, dans la forme des Eglises locales,
donc avec un critère objectif. Je suis dans cette Eglise locale et je ne
cherche pas mes amis, je trouve mes frères et mes sœurs ; et les frères et
sœurs, on ne les cherche pas, on les trouve. Cette situation de non arbitrarité de l’Eglise dans laquelle je
me retrouve, qui n’est pas une église de mon choix mais l’Eglise qui se
présente à moi, est un principe très important. Il me semble que les lettres de
saint Ignace vont très fortement dans cette ligne que cet évêque c’est
l’Eglise ; ce n’est pas mon choix comme si j’allais avec tel groupe d’amis
ou avec tel autre ; je suis dans l’Eglise commune, avec les pauvres, avec
les riches, avec les personnes sympathiques et non sympathiques, avec les intellectuels
et les stupides : je suis dans l’Eglise qui me précède. Ouvrir maintenant
la possibilité de choisir son Eglise « à
la carte », cela pourrait réellement blesser la structure de l’Eglise.
On doit chercher- il me semble – un critère non subjectif, pour ouvrir la possibilité de l’ancien Missel. Cela me semble très simple s’il s’agit d’abbayes : c’est une bonne
chose ; cela correspond aussi à la tradition selon laquelle il y
aurait des ordres avec un rite spécial, par exemple les dominicains. Donc des
abbayes qui garantissent la présence de ce rite, ou aussi des communautés comme
les dominicains de Saint Vincent Ferrier, ou d’autres communautés religieuse,
ou aussi des fraternités : cela me semble être un critère objectif. Naturellement,
le problème se complique avec les fraternités, qui ne sont pas des ordres
religieux, mais des communautés de prêtres non diocésains et cependant exerçant
dans les paroisses. Peut-être la paroisse
personnelle est une solution, mais n’est pas non plus sans problème. En
tout cas, le Saint Siège doit ouvrir à tous les fidèles cette possibilité et
conserver ce trésor, mais d’autre part, il doit aussi conserver et respecter la
structure épiscopale de l’Eglise.
Cette considération très importante du cardinal, que
l’on pourrait résumer de deux mots : l’ecclésiologie et le rite, rejoint la première partie de la première
conclusion du professeur Mattei. Ce dernier écrit : « Du point de vue
des catholiques fidèles à
A mon
avis, ce point ne ferra pas de difficulté pour les fidèles de Mgr Lefebvre.
L’Eglise est au cœur de leurs considérations. Et ils fuient tout
« subjectivisme ».
.
3-
La « Réforme de la
réforme ».
(Premier point : supprimer « la fausse créativité)
Le
Professeur Spaemann a raison : « La réforme de la réforme » se
réfère naturellement au Missel réformé, pas au Missel précédent. Qu’est-ce
qu’on peut faire, étant donné que finalement notre but commun - me semble-t-il – est la réconciliation
liturgique et non pas l’uniformisme ?
Je ne suis pas pour l’uniformisme ;
mais naturellement nous devons être contre le chaotisme, contre la fragmentation de la liturgie, et, dans ce
sens, aussi pour l’unité dans l’observance du Missel de Paul VI. Cela me semble
un problème prioritaire : comment retourner à un rite commun réformé – si
vous voulez – mais pas fragmenté ou
laissé à l’arbitraire des communautés
locales, ou de quelques groupes de commissions ou d’experts ? Donc
« la réforme de la réforme » est une question qui concerne le Missel
de Paul VI, toujours avec cette finalité d’une réconciliation à l’intérieur de
l’Eglise, parce que, pour le moment, il y a plutôt une opposition douloureuse,
et nous sommes encore loin d’une réconciliation, même si les jours que nous
avons vécus ici ensemble sont un pas important vers cette réconciliation.
Pour le
missel en vigueur, le premier point serait, à mon avis, de rejeter la fausse créativité qui n’est pas une
catégorie de la liturgie. On a rappelé plus d’une fois, ce que le Concile dit
réellement à ce sujet : c’est seulement l’autorité ecclésiastique qui
décide, ce n’est pas le droit d’un prêtre ou de quelques personnes de changer
la liturgie. Mais dans le Nouveau Missel nous trouvons assez souvent des
formules comme : sacerdos dicit sic…
vel simili modo…ou bien : Hic
sacerdos poteste dicere…Cette formule du Missel officialise en fait la
créativité ; le prêtre se sent presque obligé de changer un peu les
paroles, de montrer qu’il est créatif, qu’il rend présent à sa communauté cette
liturgie ; et avec cette fausse liberté qui transforme la liturgie en catéchèse pour cette communauté, on
détruit l’unité liturgique et l’ecclésialité de la liturgie. Donc, il me
semble, ce serait déjà une chose très importante pour la réconciliation que le
Missel soit libéré de ces espaces de créativité
qui ne répondent pas à la réalité profonde, à l’esprit de la liturgie.
Si avec une telle « réforme de la réforme » on pouvait revenir à une
célébration fidèle, ecclésiale, de la liturgie ce serait, à mon avis, déjà un
pas important, parce que l’ecclésialité
de la liturgie apparaîtrait de nouveau clairement.
(Deuxième point : revoir les traductions).
Le
deuxième point dont on a parlé, ce sont les traductions : le chanoine Rose
nous a dit des choses importantes….Il y a un nouveau document du Saint Siège
sur ce problème, qui, me semble-t-il, constitue un progrès très ré&el.
J’ajouterai ceci : on devrait aussi conserver quelques éléments de latin
dans la liturgie normale ; une certaine présence du latin, comme lien de
communion ecclésiale, me semblerait important.
(Le troisième point : la célébration « ad Orientem » ou du moins retour le
Le
troisième problème est la célébration versus
populum. Comme je l’ai écrit dans mes livres, je pense que la célébration
vers l’orient, vers le Christ qui vient est une tradition apostolique.
Cependant je suis contre la révolution permanente dans les églises ; on a
restructuré maintenant tant d’églises, que recommencer de nouveau en ce moment
ne me semble pas du tout opportun. Mais s’il y avait toujours sur l’autel
une croix, une croix bien en vue, comme point de référence pour tous, pour le
prêtre et pour les fidèles, nous aurions notre orient, parce que finalement
le Crucifié est l’orient chrétien ; et, sans violence, on pourrait, me
semble-t-il, faire ceci : donner comme point de référence le Crucifié,
Je résume la pensée du cardinal Ratzinger.
La réforme de la
réforme est nécessaire pour chercher à créer la réconciliation in sinu ecclesiae suite à la division
qui est née entre catholiques après la promulgation du Nouveau Missel de 1969
de Paul VI.
La réforme de la
réforme devrait pouvoir y contribuer
-en éliminant toute créativité dans la liturgie. La liturgie
est la « chose » de l’autorité ecclésiale.
-en revoyant le problème des traductions. La chose est en
cours.
-en permettant
la célébration du sacrifice liturgique « ad orientem » et si la chose n’est plus possible, en obligeant
le retour du crucifié, de la croix sur l’autel bien en vue et pour le prêtre et
pour le peuple. C’est ce que Benoît XVI a fait dans ses dernières célébrations,
par exemple, lors de son voyage en France en 2008.
Ces trois
réformes sont certainement très importantes et permettront certainement un
retour à un peu plus de « piété ». Ce qui manque grandement dans les
célébrations liturgiques actuelles.
Mais ces trois réformes seront-elles considérées comme
suffisantes par les disciples de Mgr Lefebvre ? Pour eux, c’est le rite en
lui-même, telle qu’il nous est donné dans
4-
L’Avenir du Missel de saint Pie V.
Je connais très bien la
sensibilité des fidèles qui aiment cette liturgie – c’est aussi un peu ma
propre sensibilité. Et dans ce sens, je comprends bien ce que nous a dit le
professeur Spaemann en affirmant : si on ne connaît pas le but d’une
réforme, si petite soit-elle, si on doit penser que c’est seulement un pas
intermédiaire vers une révolution parfaite, cela sensibilise les fidèles. Et
dans ce sens, on doit être très prudent avec des éventuels changements.
Cependant, il a dit aussi – je le souligne - : ce serait fatal si
l’ancienne liturgie se trouvait comme dans un frigidaire, comme dans un parc
national, un parc protégé pour une certaine espèce de personnes à qui on
laisserait ces reliques du passé. Ce serait – comme l’a dit le professeur
de Mattei – une espèce d’inculturation : « Il y a aussi des
conservateurs, laissez à ce groupe leur inculturation ! » Avec une telle
réduction au passé, on ne conserverait plus ce trésor pour l’Eglise
d’aujourd’hui et de demain. Il me semble qu’on doit en tous cas éviter que cette
liturgie se trouve gelée dans un frigidaire pour une certaine espèce de
personnes.
NB Qu’à cela ne
tienne, donnez en le libre usage au plus grand nombre de fidèles. Donnez donc
la possibilité d’entendre cette messe dans toutes les paroisses officielles de
chaque diocèse…Ainsi cessera votre crainte de voir ce rite « se trouvait comme dans un frigidaire, comme
dans un parc national, un parc protégé pour une certaine espèce de personnes à
qui on laisserait ces reliques du passé ». Cela dépend de vous et de
votre autorité puisque vous croyez nécessaire de maintenir ce « trésor »
dans l’Eglise. La création d’église personnelle est une solution, celle de
chapellenie, une autre, sans être obligé de créer dans chaque chapellenie, des
sous chapelains. C’est d’une part humiliant et d’autre part suspicieux ou peu
franc. N’aurait-il pas eux aussi
l’esprit d’ecclesialité, pour
utiliser un mot du cardinal Ratzinger?
Cela doit être
aussi une liturgie de l’Eglise, et sous l’autorité de l’Eglise ; et
seulement dans cette ecclésialité, dans cette liaison fondamentale avec
l’autorité de l’Eglise, elle peut donner tout ce qu’elle peut donner. Naturellement, on peut
dire : nous n’avons plus confiance dans l’autorité de l’Eglise après tout
ce que nous avons reçu dans les dernières trente années. C’est quand même un
principe catholique fondamental d’avoir confiance dans l’autorité de l’Eglise.
J’ai été toujours très impressionné par une parole de Harnack dans une discussion
avec Peterson – théologien protestant alors en voie de se convertir - ;
Harnack a répondu aux questions de ce jeune collègue : c’est évident que
le principe catholique - Ecriture et
Tradition- est meilleur et qu’il est le
principe juste et qu’il implique la nécessité d’une autorité dans
l’Eglise ; mais même si le principe comme tel, le principe catholique, est
juste, nous vivons mieux sans l’autorité
et sans les possibles actions de cette autorité. Il avait la confiance que la
raison libre qui étudie l’Ecriture arriverait à la vérité et que ceci était
mieux qu’être soumis à une autorité qui peut aussi faire des fautes. C’est
vrai, elle peut faire des fautes, mais l’obéissance vers cette autorité est
pour nous la garantie d’être dans l’obéissance envers le Seigneur. C’est là
certainement une admonition très forte pour les personnes qui exercent
l’autorité, de ne pas l’exercer comme un pouvoir. L’autorité dans l’Eglise est un
exercice d’obéissance. Quand le Saint Père a décidé que l’Eglise n’a pas la
faculté d’ordonner des femmes, c’était un exercice d’obéissance envers la
grande Tradition de l’Eglise et envers l’Esprit Saint. Pour moi, c’était très intéressant
de voir les progressistes les plus acharnés et les plus féroces adversaires du
Magistère nous dire : « Mais non, l’Eglise peut bien faire cela, vous
devez faire usage de vos facultés ! » Non, l’Eglise ne peut pas tout faire,
le Pape ne peut pas tout faire. Il me semble que face à une autorité qui,dans
la situation actuelle, devient encore plus consciemment un exercice de
l’obéissance, tous peuvent avoir, doivent avoir cette confiance.
Pour être plus concret,
je ne ferai rien dans ce domaine pour le moment – c’est clair. Mais dans
l’avenir, on devrait penser – me semble-t-il – à enrichir le Missel de 1962
en introduisant des saints nouveaux ; il y a maintenant des figures
importantes de saints : je pense par exemple à Maximilien Kolbe, Edith
Stein, les martyrs de l’Espagne, les martyrs de l’Ukraine et tan d’autres, mais
aussi à cette petite Bakita du Soudan, qui vient de l’esclavage et devient
libre dans la foi du Seigneur ; il y a beaucoup de figures vraiment belles
qui sont nécessaires pour nous. Donc ouvrir le calendrier de l’ancien Missel
aux nouveaux saints, en faisant un choix bien médité, cela me semble une chose
opportune qui ne détruirait rien du tissu de la liturgie.
NB. Je soutiens de mes vœux cette insertion des nouveaux
saints dans le missel de 1962.
On pourrait penser aussi aux préfaces qui proviennent
également du trésor des Pères de l’Eglise, par exemple pour l’Avent, et d’autres,
pourquoi ne pas insérer ces préfaces dans l’ancien Missel ?
NB. Très heureuse
pensée.
--------------------
Donc une grande
sensibilité, une grand compréhension pour les préoccupations et pour les peurs,
en contact avec les responsables, on devrait comprendre que ce Missel est
aussi un Missel de l’Eglise et sous l’autorité de l’Eglise, que ce n’est
pas une chose protégée du passé, mais une réalité vivante dans l’Eglise, très
respectée dans son identité et dans sa grandeur historique, mais aussi
considérée comme une chose vivante, non comme une chose morte, une relique du passé. Toute
la liturgie de l’Eglise est toujours une chose vivante, une réalité qui se
trouve au-dessus de nous, non pas
soumise à nos volontés et à nos intentions arbitraires. Voilà quelques
remarques que je voulais faire. »
Il me semble que les disciples de Mgr Lefebvre devraient
être d’accord et avec l’affirmation que la liturgie, quelle soit de Pie V ou de
Paul VI, est la chose de l’Eglise. Nous
l’avons dit : la liturgie n’est nullement propre à une interprétation
personnelle et subjective. Ils devraient être aussi d’accord avec la
modification du calendrier des saints et avec l’insertion de nouvelles Préface
dans le rite de saint Pie V.
La lecture de la
communication du professeur de Mattei intéressera les lecteurs d’Item comme
elle a intéressé le Cardinal Ratzinger qui la site. Nous retiendrons plus particulièrement les
trois conclusions
B- Considérations sur
par Roberto de Mattei
Il s'agit du texte de
l'intervention de Roberto de Mattei à l'occasion du Congrès Liturgique de
Fontgombault, 22-24 juillet 2001.
Eminence,
T. R. Pères Abbés,
Révérends Pères,
Mon intervention, comme vous
pouvez bien vous l'imaginer, ne sera pas celle d'un liturgiste ni d'un
théologien, mais celle d'un homme de culture, d'un historien, d'un catholique
laïque qui essaie de situer les problèmes de l'Eglise dans l'horizon de son
propre temps.
Dans cette perspective, je me
propose de développer certaines considérations sur les racines historiques et
culturelles de
Tout problème, et la liturgie
ne fait pas exception, pour être saisi dans son essence, doit être en effet
situé dans un contexte plus vaste. Celui qui voudrait étudier l'architecture
gothique, par exemple, ne pourrait négliger son rapport avec
Dans ses formules, dans ses
rites, dans ses symboles, la liturgie catholique doit refléter le dogme. Le
dogme, a-t-on dit, est pour la liturgie ce que l'âme est pour le corps, la
pensée pour la parole. Il est donc nécessaire de rendre intime et
profond le rapport entre la liturgie et la foi, que l'on a traditionnellement
exprimé dans la formule lex orandi, lex credendi. Dans cet axiome nous pouvons
aussi trouver une clé de lecture de la crise actuelle. L'axiome Lex orandi, lex
credendi dans la théologie du XXe siècle Au début du XXe siècle, les
théologiens modernistes re-interprétèrent l'axiome lex orandi, lex credendi
selon les catégories de leur pensée qui, sous l'influence des idéologies alors
dominantes, se nourrissait d'un évolutionnisme de matrice simultanément
positiviste et irrationaliste. Georges
Tyrrell, en particulier, considéré par Ernesto Buonaiuti comme le personnage
"le plus intimement imprégné de foi et d'enthousiasme pour la cause
moderniste", identifia la révélation avec l'expérience vitale (religious
experience), qui se réalise dans la conscience de chacun. C'est donc la lex
orandi qui doit dicter les normes à la lex credendi et non l'inverse, vu
que "le credo est contenu de façon implicite dans la prière et doit être
extrait d'elle avec beaucoup de peine; et que toute formulation doit être mise
à l'épreuve et expliquée par la religion concrète qu'elle formule".
On doit encore écrire l'histoire
du modernisme après sa condamnation; mais il est certain que plusieurs de ces
instances pénétrèrent à l'intérieur du "Mouvement liturgique", à tel
point que Pie XII se vit contraint d'intervenir avec son importante encyclique
Mediator Dei du 20 novembre 1947, pour en rectifier les déviations. Le
Pape condamna, en particulier, "l'erreur de ceux qui prétendirent que
Après la constitution
Sacrosanctum Concilium du 4 décembre 1963,
La thèse de fond que
j'essaierai d'exposer synthétiquement est celle-ci: le rapport lex credendi-lex
orandi, implicite dans
En théorie, le Novus Ordo de
Paul VI établit un ensemble de normes et de prières qui réglaient la
célébration du Saint Sacrifice de
La distinction, proposée par
Rahner, entre la "sécularisation", qui devrait être positivement
admise en tant que phénomène inévitable, et le " sécularisme "
anti-chrétien, qui ne serait qu'une forme déviée de la sécularisation, est
clairement captieuse. De fait, le mot sécularisation, tout en ayant une
quantité de sens différents, est communément compris, de même que sécularisme,
comme un processus de " mondanisation " irréversible de la réalité
qui s'est progressivement libérée de tout aspect transcendant et métaphysique.
La sécularisation se présente en effet non seulement comme une acceptation de
facto d'une sécularisation toujours croissante du monde actuel, mais aussi
comme l'idée d'un processus irréversible et, en tant qu'irréversible, vrai. La
sécularisation est " vraie " car la vérité est de toute façon
immanente à l'histoire; le sacré est "faux" pour son illusion de
transcender l'histoire et d'affirmer une distinction qualitative entre la foi et
le monde, entre transcendant et transcendantal. La foi en la puissance de
l'histoire prend ainsi la place de la foi en
La théologie progressiste,
surtout après le Concile, a voulu substituer à la philosophie traditionnelle la
philosophie "moderne", en se subordonnant inévitablement au marxisme.
Ce dernier représentait pour le progressisme catholique la première philosophie
qui avait réussi à transporter son critère de vérité dans la praxis et qui,
dans le succès de cette praxis, semblait démontrer la vérité de sa pensée. On a
remarqué l'affinité entre la vision théologique de Tyrrell, fondée sur le
primat de la lex orandi sur la lex credendi, et le concept d'
"auto-réalisation" de l'Eglise dans la pastorale et dans la liturgie
de Karl Rahner. Cependant, les instances du premier modernisme sont développées
par la théologie progressiste à l'intérieur d'un horizon de pensée qui n'est
plus simplement positiviste mais marxiste, un horizon de pensée qui parachève
un processus, jugé nécessaire, qui enfonce ses racines dans
A travers
En se subordonnant à ce
projet culturel, la nouvelle théologie progressiste se propose la
"déconstruction" de tout ce qu'elle avait "fabriqué" au
cours de ces trente dernières années, en commençant par une Réforme liturgique
qu'elle considère aujourd'hui construite selon un modèle abstrait et
"bureaucratique". Ainsi, au schéma "monoculturel moderne"
du nouvel Ordo Missæ, on oppose l'"inculturation" postmoderne de la
liturgie qui est laissée à la "créativité" des églises locales.
L'éloignement de la liturgie romaine est décrit par Anscar J. Chupungo selon
les phases de l' "acculturation", de l' "inculturation" et
de la "créativité liturgique", à travers un processus dynamique qui
du terme a quo du Rite romain traditionnel puisse aboutir, comme terme ad quem,
aux "valeurs, rituels et traditions" propres aux églises locales . A
l'intérieur de cet horizon de "tribalisme liturgique", on pourrait
donc aussi prévoir la création d'un "ghetto" traditionaliste reconnu
canoniquement et considéré comme "l'église locale" de ceux qui
veulent rester "inculturés" au passé.
Cependant, ce
"multiritualisme" postmoderne n'a rien à voir avec la pluralité de
rites reconnue traditionnellement par l'Eglise à l'intérieur d'une même unité
de foi et d'une seule lex credendi dont les différents rites sont l'expression.
Aujourd'hui, la fragmentation des rites risque de déboucher sur une
parcellisation des visions théologiques et ecclésiologiques destinées à entrer
en conflit. Le chaos liturgique se présente comme un reflet du désordre
institutionnalisé que l'on voudrait introduire dans l'Eglise pour en
transformer
Proposition de solutions.
Suite à ces considérations, on peut en déduire des conclusions pratiques que je
me permets d'exposer en esprit d'amour envers l'Eglise et
Une reconquête catholique de
la société est impossible sans esprit de pénitence et de sacrifice, et sans
cette reconquête des principes et des institutions chrétiennes, il est
difficile de pouvoir imaginer un retour à