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 Un regard sur l’actualité politique et religieuse

 Au 2 décembre 2005

 

N°68

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

 

Mgr Bugnini et la nouvelle Messe. Son rôle.

Témoignage de Mgr Marcel Lefebvre.

 

 

 

On sait que les éditions « Clovis » viennent de publier un livre intitulé « La messe de toujours ». C’est un recueil de textes de Mgr Lefebvre, bien ordonnés sur la sainte messe, réalisé par M l’abbé Troadec de la FSSPX.

 

Dans une première partie, il   réunit des textes où Mgr Lefèbvre commente la belle messe de l’Eglise, la messe romaine, où il explique les prières, les rites divers. Il en donne le sens symbolique. Il en  donne le sens théologique. Son commentaire sur le Canon de la messe est particulièrement riche. . Nous en avons parlé dans le « Regard sur le Monde «  du 25 novembre.

 

Aujourd’hui je voudrais parler de la deuxième partie de ce livre. Elle a pour titre : « Le Novus ordo missae ».  C’est la  critique de la nouvelle Messe.

 

Il est vraiment fort intéressant de retrouver dans un exposé ordonné la critique que Mgr Lefebvre faisait de la réforme liturgique. Ce qui me frappe c’est son esprit surnaturel.

 

On trouvera là tous les arguments qui expliquent  et légitiment   le combat de la tradition.

Je conseille vivement de lire ce commentaire.

 

Mais je voudrais surtout attirer l’attention,  dans le « Regard » de ce jour, sur le jugement que Mgr Lefebvre portait sur Mgr Bugnini et son rôle dans la réforme liturgique.

 

Mgr Bugnini eut un rôle déterminant et dans le « Concilium » - dont il était la cheville ouvrière -  et auprès de la personne du pape Paul VI, mais aussi un rôle pervers et nuisible au bien de l’Eglise

 

Mgr Lefebvre n’est pas le seul, du reste, à donner un tel témoignage sur ce personnage néfaste

 

Jugement du cardinal Antonelli.

 

On sait que le cardinal Antonelli, dans ses « mémoires » publiées post-mortem par le Père Nicolas Giampiertro, capucin,  parle de même. Il écrit « A propos du Père Bugnini : j’aurais beaucoup à dire sur cet homme. Je dois ajouter qu’il a toujours été soutenu par Paul VI. Je ne voudrais pas me tromper, mais la lacune la plus notable chez le Père Bugnini, c’est le manque de formation et de sensibilité théologiques. Manque et lacune grave parce que dans la liturgie, chaque mot, chaque geste traduisent une idée qui est une idée théologique. J’ai l’impression qu’on a fait beaucoup de concession en matière de sacrements surtout, à l’esprit protestant ».

 

Mgr Lefebvre ne dit rien de plus. Il le disait  franchement et surtout, il en tirait les conclusions. Il refusa toute sa vie cette réforme. Il faudra bien ou que Benoît XVI la corrige, la réforme…ou qu’il l’abolisse. Et le plus tôt sera le mieux…Je suis toujours dans ces dispositions et prie pour qu’il en soit ainsi…L’Eglise ne se relèvera de sa « décadence » qu’à cette condition…C’est l’affaire de la Hiérarchie…Certes…A notre place, nous avons à garder le trésor de la messe et à travailler hardiment à son rayonnement … En ce sens la messe de « Nanterre »du dimanche 27 novembre 2005, premier dimanche de l’Avent, m’a réjoui…Son succès va faire réfléchir…les « curés ». Souhaitons-le. C’est une date.

 

Témoignage de Mgr Lefebvre

 

Quel est donc le témoignage de Mgr Lefèvre sur ce triste personnage :  Mgr Bugnini ? Je reprends les passages que vous trouverez vous-même en lisant ce livre passionnant.

 

« Présentation de  la nouvelle messe par Mgr Bugnini »

 

« J’étais, en ce temps-là, tout de suite après le concile, Supérieur général de la Congrégation des Pères du Saint-Esprit et nous avions à Rome une association des Supérieurs généraux. Nous avons demandé au père Bugnini de nous expliquer ce qu’était sa nouvelle messe, parce qu’enfin tout de même, ce n’était pas un petit événement. Après le concile, tout de suite on entend parler de messe normative, messe nouvelle, Novus Ordo. Qu’est ce que c’est que cette affaire ? On n’a pas parlé de cela au concile. Qu’est-ce qui se passe ? Alors, nous avons demandé au père Bugnini de bien vouloir l’expliquer lui-même au quatre-vingt-quatre Supérieurs généraux qui se sont réunis, au nombre  desquels j’étais, par conséquent.

Le père Bugnini, avec beaucoup de bonhomie, nous a expliqué ce qu’était la messe normative. On va changer ça, on va changer ça, on va mettre un autre offertoire, on pourra choisir les Canons, on pourra réduire les prières de la communion, on pourra avoir plusieurs schémas pour le début de la messe. On pourra dire la messe en langue vernaculaire. Nous nous regardions en nous disant : ce n’est pas possible !

Il parlait absolument comme s’il n’y avait jamais eu de messe dans l’Eglise avant lui. Il parlait de sa messe  normative comme d’une invention nouvelle.

Personnellement, j’ai été tellement bouleversé, alors que je prends d’habitude assez facilement la parole pour m’opposer à ceux avec lesquels je ne suis pas d’accord, que je suis resté muet. Je ne pouvais pas sortir un mot. Ce n’est pas possible que ce soit à cet homme qui est là devant moi qui est confiée toute la réforme de la liturgie catholique, du saint sacrifice de la messe, des sacrements, du bréviaire, de toutes nos prières. Où allons-nous ? Où

va l’Eglise ?

Deux Supérieurs généraux ont eu le courage de se lever. Et l’un d’eux a questionné le père Bugnini : « Est-ce une participation active, est-ce une participation corporelle, c’est-à-dire des prières vocales, ou bien est-ce que  c’est la participation spirituelle ? En tout cas, vous avez tellement parlé de la participation de fidèles, qu’il semble que vous ne justifiez plus la messe sans fidèles, puisque toute votre messe a été faite en fonction de la participation des fidèles. Nous, bénédictins, nous célébrons nos messes sans fidèles. Alors est-ce que nous devons continuer à dire nos messes privées, puisque nous n’avons pas de fidèles qui y participent ? »

Je vous répète exactement ce qu’a dit le père Bugnini, je l’ai encore dans les oreilles tant cela m’a frappé : « A vrai dire, on n’y a pas pensé » a-t-il dit !

Après un autre s’est levé et a dit : « Mon révérend père, vous avez parlé : on va supprimer ceci, supprimer cela, remplacer ceci par cela, et toujours des prières plus courtes, j’ai l’impression que votre nouvelle messe, on va la dire en dix, douze minutes, un petit quart d’heure. Ce n’est pas raisonnable, ce n’est pas respectueux pour un  tel acte de l’Eglise. » Eh bien ! Il lui a répondu ceci : « On pourra toujours ajouter quelque chose ». Est-ce sérieux ? Je l’ai entendu moi-même. Si quelqu’un me l’avait raconté, j’aurais presque douté, mais je l’ai entendu moi-même » (La messe de toujours. p 267).

 

Le jugement du cardinal Antonelli

 

A cette lumière, le témoignage du même Cardinal Antonnelli sur le Concilium prend toute son ampleur :

 « Ce dont souffre le plus vivement tout le « Concilium », c’est le manque de théologiens. On dirait qu’ils ont été exclus. Et c’est là un aspect dangereux (…) Ce qui est triste pourtant (…) c’est une donnée de fond, une attitude mentale, une position pré-établie, à savoir que beaucoup de ceux qui ont influé sur la réforme (…) et d’autres, n’ont aucun amour, aucune vénération pour ce qui a été transmis. Ils n’ont, au départ, aucune estime pour tout ce qui existe actuellement. Un esprit négatif, injuste et nuisible. Hélas le pape Paul VI lui-même, est un peu de ce côté. Ils ont peut-être les meilleures intentions mais avec cet esprit, ils sont poussés à démolir plus qu’à restaurer ». (23 juillet 1968)

 

 « Il y a un esprit de critique et d’intolérance à l’égard du Saint Siège qui ne peut conduire à de bons résultats » (le 20 juin 1964) Quel témoignage !

 

On comprend qu’il ait pu  encore écrire sur cette réforme liturgique.  « étude toute rationnelle de la liturgie et aucun souci de la vraie piété. Je crains qu’un jour, on ne doive dire de toute cette réforme ce qui  a été dit de la réforme des hymnes au temps d’Urbain VIII : accepit latinitas reccessit pietas ; et ici, accepit liturgia recessit devotio. J’aimerais me tromper ».

 

 

Mgr Bugnini et la « participation active » des fidèles

 

 

Dans sa critique sur « la nouvelle messe et le sacerdoce », et tout particulièrement sur la « participation des fidèles, sujet qui tenait tant à coeur de Mgr Bugnini, nous venons de le voir,  Mgr Lefebvre donne la pensée du secrétaire du Concilium  sur  ce sujet,il écrit :

 

« Dans son livre La Réforma liturgica, Mgr Bugnini écrit : « La voie ouverte par le concile est destinée à changer radicalement le visage des traditionnelles assemblées liturgiques dans lesquelles, par une coutume déjà multiséculaire, le service liturgique est accompli quasi exclusivement par le clergé. Le peuple y assiste trop souvent comme étranger et spectateur muet ».

Le leitmotiv de Mgr Bugnini, c’était la participation active des fidèles…Toutes ces réformes ont été faites pour la participation actives des fidèles, comme si les fidèles n’avaient jamais participé activement au sacrifice avant toutes ces réformes. Quelle est cette participation active ? Que veut dire active ? Pour Mgr Bugnini, la participation active est une participation sensible et non la participation de l’esprit et du cœur par la foi…Or c’est la participation par la foi la véritable action, l’action spirituelle. Ce n’est pas une action purement matérielle ; « participation active » des fidèles, mais qu’est-ce que cela veut dire ? Les fidèles vont faire les lectures ? Désormais même les femmes font les lectures, et c’est autorisé….

 

Mgr Bugnini écrit encore : « U n travail de longue éducation devra faire comprendre que la liturgie est une action de tout le peuple de Dieu. » Eh bien ! C’est une erreur. Je n e dis pas que c’est formellement hérétique, mais il y a là-dessous une hérésie. Se cache en dessous l’idée que le sacerdoce des fidèles est le même que celui des prêtres et que tout le monde est prêtre et que tout le peuple de Dieu doit offrir le saint sacrifice.

Le prêtre regroupe autour de lui les fidèles de telle manière que l’on croirait que ce n’est pas seulement le prêtre qui est le sacrificateur, qui est vraiment le prêtre, mais aussi les fidèles. De même les fidèles distribuant l’Eucharistie, le pain eucharistique, tout cela est préjudiciable à la juste notion de ce qu’est un prêtre. C’est là un très grand danger parce que l’on risque d’assimiler ce que l’on appelle le sacerdoce des fidèles au sacerdoce des prêtres » (La messe de toujours, p 286-287)

 

Quel est l’auteur de la Nouvelle Messe ?

 

Dans le paragraphe sur  l’auteur de la nouvelle messe, Mgr Lefebvre attribue à Mgr Bugnini un rôle prééminent.

 

« Quel est l’auteur de la nouvelle messe ?

Est-ce que c’est le Saint Père en personne qui est à l’origine de la nouvelle messe, ou est-ce que ce sont des hommes qu’il a placés  - comme Mgr Bugnini, à la Congrégation du culte – qui ont une influence considérable sur lui et qui ont pu mettre dans les textes ce qu’ils voulaient, en forçant sa signature ou en lui imposant leur manière de voir ?

Je ne sais ni à qui l’attribuer, ni dire si le pape en est responsable. Ce qui est stupéfiant, c’est qu’un ordo missae de saveur protestante, et donc favorisant l’hérésie, ait pu être diffusé par la Curie romaine ».

 

L’autorité de Mgr Bugnini

 

« Le cardinal Ratzinger m’écrivait dans sa lettre du 20 juillet 1983 : Vous savez également que pour l’interprétation du missel, l’essentiel n’est pas ce que disent les autorités  privés, mais seulement les documents officiels du Saint-Siège. Les affirmations du père Boyer et de Mgr Bugnini auxquelles vous faites allusion ne sont que des opinions privées ».

 

On est stupéfait de voir comment le cardinal méconnaît l’autorité de Mgr Bugnini, président de la Commission pour la liturgie, secrétaire des Congrégations réunies du culte et des sacrements. Mgr Bugnini avait toute la confiance de Paul VI, et a répondu maintes fois en son nom et au nom des Congrégations dont il était le secrétaire. On peut se demander alors ce que vaut la réforme liturgique, dont il est la cheville ouvrière, s’il s’agit d’une œuvre privée ! »

 

La pensée de Mgr Bugnini ;

 

« La réforme liturgique a été opérée, on le sait, par un père bien connu : le père Bugnini qui avait préparé cela longtemps à l’avance. Déjà, en 1955, il faisait traduire les tettes protestants par Mgr Pintonello, aumônier général des armées italiennes, qui avait passé beaucoup de temps en Allemagne pendant l’Occupation, car lui ne connaissait pas l’allemand.

C’est Mgr Pintonello qui m’a dit à moi-même qu’il avait traduit les livres liturgiques protestants pour le père Bugnini, qui, à ce moment-là, n’était qu’un petit membre d’une commission liturgique. Il n’était rien. Après il a été professeur de liturgie au Latran. Le pape Jean XXIII l’en a fait partir à cause de son modernisme, de son progressisme. Eh bien ! il s’est trouvé président de la Commission de la réforme liturgique. C’est tout de même invraisemblable ! J’ai eu l’occasion de constater moi-même quelle était l’influence du père Bugnini. On se demande comment une chose comme celle-là a pu se passer à Rome. »( La messe de toujours, p 321)

 

 

La messe nouvelle et l’œcuménisme

 

Dans le paragraphe sur le but œcuménique de la nouvelle messe, Mgr Lefebvre rappelle quelques principes donnés par Mgr Bugnini :

 

« Mgr Bugnini lui-même a dit, le 19 mars 1965, comme on peut le lire dans l’O. R. et dans la D. C, qui ont publié la traduction de son discours : « Nous avons enlever de nos prières catholiques et de la liturgie catholique tout ce qui peut être l’ombre d’un achoppement pour nos frères séparées. C’était le 19 mars 1965, donc avant toutes les réformes. Est-il possible, poursuit Mgr Lefebvre, que nous allions demander maintenant aux protestants à propos du saint sacrifice  de la messe, de nos sacrements : en quoi n’êtes-vous pas d’accord ? Vous n’aimez pas cela, vous n’aimez pas cela…Bon, on va le supprimer. C’est pour cela qu’on a changé les formules du saint sacrifice de la messe, toutes celles aussi des sacrements ; on a modifié le bréviaire des prêtres, le calendrier. Tout cela a été fait pour éviter tout ce qui pouvait gêner les protestants. Mais à force de se demander avant chaque réforme ce que pensent les protestants, on finit évidemment par éliminer tout ce qui est proprement catholique, tout ce qui rappelle vraiment notre foi à l’encontre des erreurs protestantes » ; (p 324)

 

Les nouveautés sont des créations humaines

 

« Nous sommes obligés d’affirmer d’une manière très ferme, très nette, que le nouvel ordo missae et toutes les nouveautés qui ont été réalisées après le concile Vatican II, sont des créations humaines. Sans doute a-t-on conservé quelques vestiges de l’ancien ordo, mais si peu ! Et les instigateurs de tous ces bouleversements se sont plu à dire que c’était vraiment un nouvel ordo missae, une  nouvelle liturgie.

 

Voyez les principes de Mgr Bugnini au sujet de ce qu’il appelle la sainte tradition et le légitime progrès : « On a écrit que la vraie tradition dans les grandes choses n’est pas de refaire ce que tant d’autres ont fait mais de retrouver l’esprit qui a fait ces choses et qui en ferait d’autres complètement différentes en d’autres temps ». Avec cela , on peut tout faire. Il suffit de retrouver l’esprit de la tradition[MSOffice1] [MSOffice2]  pour faire des choses complètement différentes. Il poursuit : « retrouver l’esprit, œuvre de recherche, de révision, de spontanéité naturelle, d’étude, de méditation, de prière, retrouver l’esprit et faire parler aux rites le langage de notre temps de telle sorte que l’homme d’aujourd’hui puisse comprendre leur langage qui fut un temps mystérieux et sacré » Avec cela, c’est fini ! On fait tout ce que l’on veut. Voilà l’esprit dans lequel les libéraux parlent et agissent. Alors, fort de ces principes , Mgr Bugnini a bouleversé la liturgie et pratiquement imposé sa  réforme au pape Paul VI. Je dis imposé parce que le pape Paul VI lui-même a critiqué publiquement la réforme de Mgr Bugnini, en particulier l’absence d’exorcisme dans le baptême (…) et il a aussi exprimé des regrets au sujet des changements de l’offertoire dans la messe. »

 

 

L’aveu de l’auteur principal de la nouvelle messe

 

« Eh bien ! voici ce que Mgr Bugnini écrit dans le chapitre d’un  livre qu’il a consacré aux principes de la réforme liturgique : « Il est vrai en effet que la nouvelle messe représente par rapport à l’ancienne un réel détachement du passé ».

« En effet, dit-il, il faut reconnaître qu’au cours des siècles qui ont précédé le Concile Vatican II, l’Eglise  s’est efforcée  de maintenir la tradition du rite romain » Et il reconnaît que la réforme grégorienne, et celle du concile de Trente, n’ont pas été autre chose que des actes officiels de l’Eglise pour maintenir le rite romain dans sa pureté et dans sa perfection. Et il ajoute : « Après le concile de Trente a été instituée la Congrégation du Culte divin ». Et il cite lui-même et met entre guillemets le pourquoi de cette fondation : « Pour conserver la tradition du rite romain » Et il précise encore : « En effet, depuis cette fondation jusqu’à nos jours, il y a sept volumes de décrets qui représentent cinq mille décrets : tous ont été écrits, ont été faits pour maintenir la Tradition de l’Eglise. » Voilà ce qu’affirme lui-même le père Bugnini dans son livre édité d’une manière posthume.

Lui-même[MSOffice3] , voilà qu’il dit que la nouvelle messe est un réel détachement du passé, et il confirme que l’Eglise a toujours voulu, par des milliers de décrets jusqu’avant le Concile Vatican II, maintenir fermement la Tradition. Alors comment peut-on après une telle affirmation, passer à une chose nouvelle ?

L’auteur nous précise : « Il y a à notre époque une évolution culturelle, cultuelle, sociale, humaine telle que l’on ne veut plus garder les choses du passé. Et c’est pourquoi il nous a paru nécessaire de faire un rite qui s’adapte davantage à la mentalité du monde moderne. »

Voilà ce que l’auteur dit lui-même de ce nouvel ordo missae. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est lui-même qui l’écrit explicitement, formellement. Il ne prétend plus, comme beaucoup l’ont affirmé et le répètent encore : « De même qu’il y a eu la réforme grégorienne, la réforme tridentine, de même il y a la réforme du concile Vatican II ». Bugnini reconnaît que les deux premières réformes ont été faites pour maintenir la Tradition et que la réforme issue du concile Vatican II est vraiment une nouveauté, quelque chose de nouveau, qu’elle est vraiment un détachement du passé.

C’est pourquoi nous ne pouvons pas accepter qu’aujourd’hui on arrache aux âmes ce dont elles se sont nourries pendant des siècles. Les âmes ont toujours besoin du même sacrifice de Notre Seigneur ».

 

Est-ce le pape qui a impose la nouvelle messe ?

 

- Paul VI a-t-il lu l’Institution Generalis avant de la signer ?

 

« Au moment où cette messe normative a commencé à se réaliser, j’étais tellement épouvanté que nous avons fait une petite réunion avec quelques prêtres, quelques théologiens, dont est sorti le Bref Examen critique, qu a été porté au cardinal Ottaviani. Je présidais cette petite réunion. On s’est dit ; il faut aller trouver les cardinaux. On ne peut pas laisser faire cela sans réagir.

Alors je suis allé trouver moi-même le secrétaire d’Etat, le cardinal Cicognani, et je lui ai dit : « Eminence, vous n’allez pas laisser passer cela. Ce n’est pas possible. Qu’est-ce que c’est que cette nouvelle messe ? C’est une révolution dans l’Eglise, une révolution dans la liturgie ».
Le cardinal Cicognani, qui était le secrétaire d’Etat de Paul VI, s’est pris la tête dans les mains et m’a dit : « oh ! Monseigneur, je sais bien. Je suis d’accord avec vous, mais qu’est-ce que je peux faire ? le père Bugnini peut entrer dans le bureau du Saint Père et lui faire signer ce qu’il veut. » C’est le cardinal secrétaire d’Etat qui m’a dit cela ! Donc, le secrétaire d’Etat, la personnalité numéro deux dans l’Eglise après le pape, était mis en état d’infériorité par rapport au père Bugnini. Celui-ci pouvait entrer chez le pape quand il voulait et lui faire signer ce qu’il voulait.

 

Alors cela peut expliquer pourquoi le pape Paul VI aurait signé des textes qu’il n’aurait pas lu. Il l’a dit au cardinal Journet, qui était un homme très réfléchi,  professeur à l’université de Fribourg, en Suisse, un grand théologien. Quand le cardinal Journet a vu cette définition de la messe dans l’Instruction qui précède le nouvel ordo, il a dit : « On ne peut pas accepter cette définition de la messe ; il faut que j’aille à Rome voir le pape. » Il y est allé et a dit : « Très Saint-Père, vous ne pouvez pas laisser cette définition, elle est hérétique. Vous ne pouvez pas continuer à laisser votre signature sous une chose comme celle-là. » Et le Saint-Père lui aurait répondu (le cardinal Journet ne me l’a pas dit à moi-même, mais à quelqu’un qui me l’a répété) : Eh bien ! à vrai dire, je ne l’ai pas lue. J’ai signé sans lire ». Evidemment, si le père Bugnini avait une telle influence sur lui, c’est possible. Il disait au Saint-Père : « Vous pouvez signer. »- « Mais vous avez fait bien attention ? » -« Oui, vous pouvez signer. » Et il a signé.

 

Et ce n’est pas passé par le Saint-Office. Et cela, je le sais, car le cardinal Seper lui-même m’a dit qu’il était absent lorsque le nouvel ordo a été édité, et que cela n’était pas passé par le Saint-Office. Donc, c’est bien le père Bugnini qui a obtenu cette signature, qui a peut-être contraint le pape, nous ne savons pas, mais qui avait sans aucun doute une influence extraordinaire sur le Saint Père

Troisième fait dont j’ai été moi-même le témoin, à propos du père Bugnini : à l’occasion de la permission qui était en train d’être accordée de donner la communion dans la main (encore une chose horrible !), je me suis dit que je ne pouvais pas laisser passer cela. Il fallait que j’aille voir le cardinal Gut – un Suisse -, qui était préfet de la Congrégation du Culte. Je suis donc allé à Rome, où le cardinal Gut m’a reçu très aimablement, immédiatement, et m’a dit : « je vais faire venir mon second, l’archevêque Antonnelli, afin qu’il puisse entendre ce que vous dites. » Et nous avons parlé. J’ai dit : « Ecoutez, vous qui êtes responsables de la Congrégation du Culte, vous n’allez pas laisser paraître ce décret autorisant la communion dans la main. Imaginez-vous tous les sacrilèges que cela va représenter. Imaginez le manque de respect de la sainte Eucharistie qui va se répandre dans toute l’Eglise. C’est inadmissible. Déjà des prêtres commencent à donner la communion de cette manière. Il faut arrêter cela immédiatement. Et avec cette nouvelle messe, ils prennent toujours le petit Canon, le second, qui est très bref. » A ce propos, le cardinal Gut a dit à Mgr Antonelli : « Voyez, j’avais dit que cela arriverait, que des prêtres prendraient le Canon le plus court pour aller plus vite, pour en finir plus vite avec la messe.

Après le Cardinal Gut m’a dit : « Monseigneur, si on me demande mon avis ( quand il disait « on », c’était du pape qu’il s’agissait, puisque personne n’était au-dessus de lui que le pape), mais je ne suis pas sûr qu’on me le demande (lui, préfet de la Congrégation du Culte, chargé de tout ce qui touche au culte, à la liturgie !), je me mettrai à genoux, Monseigneur, devant le pape et je lui dirai «  Très Saint Père, ne faites pas cela, ne signez pas ce décret. Je me mettrai à genoux, Monseigneur. Mais je ne sais pas si « on m’interrogera, car ce n’est pas moi qui commande ici. » Cela, je l’ai entendu de mes oreilles. Il faisait allusion à Bugnini, qui était le troisième dans la Congrégation du Culte. Il y avait le cardinal Gut, l’archevêque Antonelli et le père Bugnini, président de la Commission de la liturgie. Il faut avoir entendu cela ».

 

Vice de forme dans la publication du novus ordo

 

« Je pense sincèrement que lorsque le Saint-Père a accordé le nouveau missel, dans son esprit il établissait un  nouveau rite, mais il n’abolissait pas l’ancien rite. C’est Mgr Bugnini qui, lui, a voulu absolument supprimer l’ancien rite, parce qu’il s’est bien rendu compte que si on ne supprimait pas l’ancien rite, on n’arriverait jamais à faire passer le nouveau. Il y  a eu, dans la publication de la loi demandant la célébration du nouveau rite, et dans son application, des vices de forme tels qu’on peut  vraiment douter de sa validité (Mgr Lefebvre veut parler  de la législation). Certainement. Dans les Acta Apostolicae Sedis, il y a eu deux éditions de la même Constitution Apostolique du pape Paul VI. Et c’est bien la même Constitution, puisque la date est la même. Il y a donc eu deux éditions différentes des A.A.S., dans deux livres différents : une première édition, datée du 3 avril 1969, et une deuxième, aussi datée à Rome du 3 avril 1969. Donc c’est bien la même Constitution. Or dans cette même Constitution qui est reproduite, il y a un  article qui est ajouté. Et qui l’a ajouté ? S’il est ajouté, il faudrait le dire explicitement ; il devrait être notifié et signé à nouveau par le pape. Par ailleurs, personne n’a le droit de modifier une Constitution sinon celui qui l’a signée, donc  le Saint-Père lui-même. Donc il aurait fallu une modification explicite de la Constitution par le pape lui-même. Alors est ajouté : « Nous ordonnons que les prescription de cette Constitution entrent en vigueur le 30 novembre prochain de cette année, premier dimanche de l’Avent ». Donc on a précipité[MSOffice4]  l’obligation de cette Constitution sans aucune explication : ce sont des choses invraisemblables dans le droit pontifical, invraisemblable ! »[MSOffice5] 

 

Comment le N.O.M. a été imposé.

 

« J’ai eu entre les mains un document très intéressant. C’était la réponse que Mgr Bugnini avait faite au cinq mille prêtres espagnoles qui refusaient la nouvelle messe – qu’ils qualifiaient d’hérétique – et manifestaient leur volonté de continuer à dire la messe traditionnelle. Mgr Bugnini leur a répondu en substance : « le pape désire d’une manière formelle que l’on dise cette nouvelle messe. Vous devez vous soumettre à la volonté du pape et lui obéir ».

« Si vous dites que la nouvelle messe est hérétique, c’est donc que le pape qui l’a signée est hérétique. S’il est hérétique, il n’est pas pape. Devant la gravité d’une telle attitude, je vous demande de réfléchir et de vous soumettre au désir du Saint-Père. »

 

Il est remarquable de constater que Mgr Bugnini n’a pas écrit : l’ancienne messe est supprimée. Non, il a simplement affirmé : c’est un désir formel du pape. Malheureusement, tous ces prêtres ont obéi. » (p 387-389)

 

 

Vice de forme dans son application, contraire au droit canonique

 

« La conférence épiscopale italienne a été forcée au bout d’un mois d’appliquer la Constitution, alors que les évêques avaient pris légitimement la décision de ne l’appliquer qu’au bout de deux ans pour donner le temps de faire les traductions, et d’expliquer aux fidèles comment se font les changements. On les a forcés par un article paru dans l’Osservatore Romano, non signé, et qui disait : « Les évêques d’Italie appliqueront la constitution dans un  mois ». Alors que la décision d’attendre avait été prise à l’unanimité de la conférence épiscopale. Or l’application était officiellement laissée au libre choix de la conférence épiscopale selon la Congrégation du Culte.

J’ai téléphoné personnellement à Mgr Carli pour lui demander : « Mais enfin êtes-vous au courant de cela ? J’au vu cela à Rome. » Il m’a dit : « Oui, en effet, je suis au courant mais j’ai téléphoné moi-même : je ne comprends pas, je ne sais pas comment cela peut se faire, c’est absolument inadmissible. Je viens d’ailleurs de déposer une plainte en règle à la Congrégation de la Rote pour demander qu’on juge cette affaire-là, parce que c’est vraiment contraire à la loi qui a été édictée. » Alors il a ajouté : « J’ai téléphoné au président de la Conférence épiscopale à Bologne, le cardinal Poma, qui m’a répondu qu’il n’était au courant de rien. J’ai ensuite téléphoné au secrétaire de la conférence épiscopale, qui est le cardinal Pelegrino de Turin. Celui-ci m’a fait également la même réponse. » En réalité c’est Mgr Bugnini qui s’est avisé qu’attendre deux ans ferait peut-être réfléchir les évêques italiens. Il y en a qui n’accepteraient pas, etc. Il y aurait des difficultés d’application, alors mieux vaudrait appliquer tout de suite. Et ils ont appliqué ! Toujours cela au nom du pape évidemment ! Est-ce que le pape en a même été informé ? on n’en sait rien ! Tout cela, ce sont de petits exemples qui montrent bien que ce qui s’est passé est inadmissible ». (La messe de touours, p. 389-390)