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Un regard sur le monde
politique et religieux
au 3 avril 2009
N° 210
Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier
Mgr Lefebvre
et
le Cardinal Seper
Dans ce numéro d’Item et de sa rubrique « Regard sur le monde »
nous voulons poursuivre la publication des documents historiques échangés entre
le cardinal Seper, préfet de
Nous avons jusque là publié la lettre du Cardinal Seper du 28 janvier
1978 adressée à Mgr Lefebvre contenant une longue annexe qui résumait les
critiques de la hiérarchie romaine sur les prises de positions doctrinales et
pratiques de Mgr Lefebvre sur des sujets particuliers, comme la « liberté
religieuse », la « messe nouvelle » et d’autres problème
liturgiques ainsi que sur des points plus généraux comme son jugement sur le « Concile »
et sur « l’autorité du Souverain Pontife » en cette matière
« d’aggiornamento » qui a suivi la période du Concile Vatican II.
Nous avons donné les réponses très intéressantes de Mgr Lefebvre
expliquant sa position sur la « nouvelle messe ». C’est le numéro
d’Item du 20 mars 2009.
Nous avons également donné sa position sur le Concile du Vatican II ainsi
que son jugement sur l’autorité pontificale ainsi que sur toute autorité dans
l’Eglise. Ce fut l’objet de notre numéro du 27 mars 2009.
Mgr Lefebvre avait donné ces réponses d’abord par écrits à la demande du
Cardinal Seper dans « le temps utile d’un mois ». La lettre-réponse de Mgr Lefebvre était datée du 26 février
1978.
Dès la réponse reçue par Rome et à peine lecture faite, et l’examen des
réponses entrepris, le Cardinal Seper écrivit de nouveau à Mgr Lefebvre, lui
demandant des précisions. Sur les mêmes sujets. Nous étions le 16 mars 1978,
donc à peine 15 jours plus tard. Les choses allaient bon train ! Le
cardinal Seper lui demandait des précisions « a propos de l’Ordo Missae » ainsi que sur « l’œuvre
conciliaire ». Mgr Lefebvre donna sa réponse le 13 avril 1978. Il confirmait sa pensée.
Elle est claire. Il ne biaisait pas.
Elle est franche.
Il la redonnait même avec plus de force encore. C’est pourquoi nous
pensons utile pour faire connaître la véritable pensée de Mgr Lefèvre sur le
Concile Vatican II et ses réformes - qui
seront, vous dis-je, les points des conversations prochaines de
Relire tout cela est vraiment
passionnant. Ces réponses montrent la
« gravité doctrinale » de la crise que connaît l’Eglise. Un
Pontificat ne suffira pas à en régler le formel tant de précautions devant être
prises pour ne pas aggraver les choses. Pour régler le problème canonique de
Dans ce sens, nous remarquerons plus particulièrement la conclusion de la
lettre de Mgr Lefebvre du 16 mars 1978. Elle est merveilleuse : « Nous
demandons une chose très simple et très légitime : que l’on reconnaisse à
ce qui a été l’Eglise de toujours et celle de notre enfance le droit de
continuer. C’est un droit fondé sur l’Ecriture,
A- Lettre du Cardinal Seper à Mgr Lefebvre. Le 16 mars
1978.
Sacra Congregatio
Pro Doctrina Fidei.
Prot. N. 1144/69
In responsione fiat mentio hujus numeri.
OO193, 16 mars 1978
Piazza del S. Uffizio,
11
Excellence,
Le 28 février dernier, vous avez bien voulu apportez vous-même à
Je vous remercie vivement de cette réponse et de la rapidité avec la
quelle vous l’avez remise. Il va sans dire que votre long texte sera étudié
avec attention par notre Dicastère. Auparavant toutefois, j’estime nécessaire
de vous demander ici quelques compléments. Je le fais d’autant plus facilement
que vous-même vous êtes déclaré prêt à en fournir au besoin.
En effet, d’un premier examen de votre réponse confrontée aux demandes
adressées par notre Congrégation, il ressort que plusieurs des points qui vous
ont été contestés n’ont pas reçu de réponse précise. Je me permets donc de les
énoncer à nouveau brièvement, avec les références nécessaires à ma lettre du 28
janvier dans l’annexe ci-jointe, en vous demandant comme précédemment de bien
vouloir me faire parvenir votre nouvelle réponse dans le temps utile d’un mois.
En vous exprimant à l’avance ma gratitude, je vous présente l’assurance de ma
prière et vous prie d’agréer, Excellence, l’expression de mes sentimenst
respectueux et tout dévoués en Notre Seigneur.
Franc. Card. Seper
Pref.
Annexe à la lettre du 16 mars 1978.
1-
A propos de l’Ordo Missae.
a) un fidèle ne peut mettre en doute la
conformité avec la doctrine de la foi d’un rite sacramentel promulgué par le
Pasteur Suprême (p. A 3) ;
b) le caractère sacrificiel et propitiatoire de
c) vos déclarations au sujet de l’Ordo Missae et votre opposition à son
usage répandent la défiance, et le désarroi, voire la rébellion parmi les
fidèles (ibid)
2-
Vos déclarations générales (sur l’autorité du Concile Vatican II et du
Pape Paul VI) s’unissent à une praxis qui amènent à se poser la question :
ne se trouve-t-on pas devant un mouvement schismatique ? (p. A 6). En
effet, vous ordonnez des prêtres contre la volonté formelle du Pape et
sans les « litterae demissoriae » requises par le Droit canonique - et vous avez continué après votre suspens
a divinis - vous envoyez ces
prêtres dans des prieurés où ils exercent leur ministère sans l’autorisation de
l’Ordinaire du lieu ; vous faites des discours propres à répandre vos
idées dans des diocèses dont l’évêque vous refuse son consentement ; avec
des prêtres que vous avez ordonnés, vous commencez, que vous le vouliez ou non,
à former un groupement propre à devenir une communauté ecclésiale dissidente
(pp. A 7 et 8)
3-
Vous
estimez que les prêtres ordonnés par vous ont la juridiction prévue par le
Droit canonique pour le cas de nécessité. N’est-ce pas raisonner comme si
4-
Le Pape a
la « potestats suprema iuridictionis »
« non solum in rebus quae ad fidem
et mores sed etiam in iis quae ad disciplinam et regimem Ecclesiae per totum
orbem diffusae pertient » (Con . Vati. 1 Const. Pastor Aeternus) p. A 9), ainsi l’obéissance qui lui est due
n’est-elle pas limitée aux matières doctrinales.
5-
Par vos
déclarations sur la soumission au Concile et aux réformes post-conciliaires de
Paul VI - déclarations auxquelles
s’accordent tout un comportement et en particulier des ordinations sacerdotales
illicites - vous êtes tombé dans une désobéissance
grave dont la logique propre conduit au schisme (p. A 10)
Franc. Card. Seper. Pref.
B- lettre de Mgr Lefebvre au Cardinal Seper du 13
avril 1978.
Séminaire International saint Pie X. Ecône, le 13 avril 1978
Eminence Révérendissime,
.
Je ne puis croire que vous ne compreniez pas les motifs exacts de mon
attitude qui est celle de milliers de catholiques et de nombreux prêtres parmi
les plus fidèles à l’Eglise catholique et à
Le problème de fond de notre persévérance dans
Notre Seigneur et l’Eglise à sa suite se sont situés par rapport au monde
d’une manière très précise. Il faut convertir
et baptiser le monde pour le soumettre au doux Règne de NSJC. C’est la
seule et unique voie de salut. « Allez, enseigner toutes les
nations ». C’est clair. Il faut envoyer des apôtres à toutes les nations
afin qu’elles deviennent catholiques et acceptent le Règne de Notre Seigneur.
Mais il y a dans ce
monde des forces ennemies de Notre Seigneur, de son Règne. Satan et tous les auxiliaires de Satan,
conscients ou inconscients, refusent ce Règne, cette voie de salut et militent
pour la destruction de l’Eglise.
Ainsi l’Eglise est
engagée avec son Divin Fondateur dans un gigantesque combat. Tous les moyens ont été et sont employé par
Satan pour triompher.
L’un des derniers stratagèmes extrêmement efficace est de ruiner l’esprit
combatif de l’Eglise en la persuadant qu’il n’y a plus d’ennemis, qu’il faut
déposer les armes et entrer dans un dialogue de paix et d’entente.
Cette trêve fallacieuse permettra à l’ennemi de pénétrer aisément partout
et de corrompre les forces adverses.
Cette trêve c’est l’œcuménisme libéral, instrument diabolique de
l’autodestruction de l’Eglise.
Cet œcuménisme libéral exigera la neutralisation des armes, qui
sont
L’œcuménisme dans l’enseignement, c’est la recherche théologique, les
dogmes mis en doute.
C’est aussi le pluralisme appliqué aux Etats catholiques et donc
leur suppression pour devenir Etats œcuméniques.
C’est aussi l’arrêt du combat dans les monastères, les sociétés
religieuses qui étaient les avant-gardes. C’est par le fait même leur arrêt de
mort.
A cette entreprise diabolique inaugurée au Concile spécialement par les
Documents sur « les religions non chrétiennes », « L’Eglise dans
le monde », «
Qui est l’instigateur de ce faux œcuménisme dans l’Eglise, le
responsable, ou quels sont les responsables ? Nous préférons ne pas le
savoir. Dieu le sait.
Mais on peut nous frapper de tous les interdits et de toutes les censures
que l’on voudra, nous entendons, avec la grâce de Dieu et l’assistance de
Nous demandons une
chose très simple et très légitime : que l’on reconnaisse à ce qui a été
l’Eglise de toujours et de celle de notre enfance le droit de continuer. C’est
un droit fondé sur l’Ecriture,
Je pense avoir été assez clair.
Je vous prie, Eminence, d’agréer mes sentiments très respectueux et
fraternellement dévoués in Xto et Maria.
Marcel Lefebvre.
PS. Ci-joint, la réponse à votre demande de précision avec quelques
documents.
Quelques mots de commentaire. Résumé de la pensée de
Mgr Lefebvre
Mgr Lefebvre est
particulièrement clair. Il aime
Mais le monde, pris
dans le sens évangélique de saint Jean, est hostile à NSJC. Et c’est pourquoi
« l’Eglise est engagée avec son Divin Fondateur dans un gigantesque
combat ».
Toutefois depuis le
Concile Vatican II, les autorités ecclésiastiques ne veulent plus de cette
lutte, ne veulent plus de « ce face à
face ». Elles veulent l’établissement d’une « trêve ».
C’est l’enseignement formel principalement du document conciliaire
« Gaudium et Spes », « l’Eglise dans le monde », le vrai
testament du Concile. (Nous verrons ce point très important dans le prochain Item.)
Et « cette trêve c’est l’œcuménisme
libéral, instrument diabolique de l’autodestruction de l’Eglise ». C’est cet
« oecuménisme libéral » qui est la raison de toutes les réformes post-conciliaires :
de la réforme liturgique, du pluralisme confessionnel imposé à tous les Etats encore catholiques, de la réforme de l’enseignement universitaire
qui cultive plus le doute qu’il n’enseigne la vérité du dogme, de la réforme
des ordres religieux et des Congrégations religieuses, qui les conduit à leur
perte.
Devant cet œcuménisme
libéral, destructeur de l’Eglise et principe de l’agir post conciliaire, Mgr
Lefebvre oppose « un refus formel ». Il demande, en conséquence de
« continuer comme avant ».C’est un droit légitime qui «
est fondé sur l’Ecriture,
NB : J’ai l’impression que
Benoît XVI, dans son voyage en Angola, a fait une allusion importante sur ce
sujet lorsqu’il parla sur l’esprit missionnaire. Les points de vue me semblent
se rejoindre. A voir ! J’en ai souligné le passage dans les textes de
Benoît XVI en Angola. C’est important de
le relever. C’est par petites touches successives que Benoît XVI essaye de redresser
la barre ( cf. à voir dans LNDC du 3
avril 2009)
Réponse de Mgr Lefebvre à l’annexe à la lettre du 16
mars 1978.
a- Considérations
générales sur la situation de l’Eglise depuis le Concile Vatican II qui,
seules, permettent une réponse adéquate aux questions posées au sujet de l’Ordo
Missae, au sujet de notre persévérance dans l’activité de
1- Nous ne nions rien des principes théologiques et canoniques concernant
l’Eglise, le Pape, les Evêques. Bien plus c’est parce que nous y croyons de
toute notre âme que nous ne pouvons admettre une utilisation de l’autorité
contraire à la fin pour laquelle l’autorité a été reçue. Cette fin est
explicitement affirmée dans les professions de Foi, dans les serments prononcés
maintes fois par le Pape et les Evêques. Elle consiste particulièrement dans
la transmission fidèle et exacte du dépôt de la foi.
2- Or nous sommes obligés de constater avec douleur que cette
transmission n’est plus fidèle.
L’erreur fondamentale qui mine le Concile Vatican II et les Réformes
post-conciliaires, ainsi que la plupart des écrits ou actes épiscopaux est un oecuménisme libéral qui corrompt
L’Eglise catholique est missionnaire selon
Elle va à travers les nations pour convertir les âmes à Jésus-Christ. C’est
le vrai dialogue émanant de la vraie charité.
L’œcuménisme libéral suppose que les autres religions, les autres idéologies
ont aussi la vérité, que l’Eglise a à apprendre quelque chose d’elles, ce
qui est un manque de foi en NSJC.
Cet œcuménisme dialogue avec l’erreur sur un pied d’égalité et traite donc
l’erreur avec les mêmes égards que
C’est l’erreur
libérale, tant de fois condamnée par les Papes précédents.
3-De cette erreur libérale sortent toutes les initiatives nouvelles,
toutes les Réformes post-conciliaires ; toutes les attitudes des hommes
d’Eglise acquis à cette erreur s’en ressentent, tous les écrits de même.
C’est un empoisonnement général.
Les réformes
liturgiques sont réalisées dans cet esprit oecuménique de l’aveu même des
Réformateurs.
La catéchèse, les Séminaires, les Universités catholiques diffusent cet
esprit œcuménique, en recherchant
Cet esprit de
compromission s’étend
nécessairement aux idées politiques, sociales, économiques et rejoint les
principes de la franc-maçonnerie et les principes marxistes. Le pluralisme est
alors appliqué à tous les Etats catholiques sous le couvert de la « Liberté
religieuse ».
4-C’est l’abandon de l’esprit catholique de Mission et de Conversion à
NSJC et donc de la vraie charité envers Dieu et envers le prochain basée sur
l’humilité, l’esprit de pauvreté et la mortification. Ce n’est plus Notre
Seigneur et Notre Seigneur crucifié qui est prêché mais un faux évangile de la
licence, sous prétexte de Liberté.
C’est donc notre foi catholique qui est dénaturée et compromise par les
autorités ecclésiastiques elles-mêmes.
5-Conclusion : Nous avons fait serment maintes fois de garder
intacte notre foi catholique, quoiqu’il arrive. Nous ne voulons pas être
parjures. Les catholiques fidèles sont désemparés, leurs âmes, celles de leurs
enfants surtout sont en danger, notre
devoir est de venir à leur secours en les mettant en garde contre le poison
de l’œcuménisme libéral, et en leur apportant tous les secours de l’Eglise
catholique.
Dussions-nous être frappés, morigénés, persécutés par nos frères à cause
de notre foi catholique, nous ne sommes pas les premiers à souffrir ce genre de
persécution.
Nous avons résolu qu’avec la grâce de Dieu nous continuerons à former des
prêtres catholiques, des religieux et religieuses catholiques, espoir de
l’Eglise de demain. Ainsi continue la vraie mission de l’Eglise catholique de
toujours, celle d’amener les âmes à Jésus-Christ et d’étendre son Règne partout
afin que « Sa Volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».
6-Nous souhaitons de
tout cœur nous retrouver en pleine communion avec les autorités dans l’Eglise,
mais ne pouvons le réaliser que dans l’unité de la foi catholique et non dans
l’œcuménisme libéral.
b- Considérations plus
particulières.
-
Ce
changement de conception de
-
L’autorité
ecclésiastique perdant de vue sa véritable fin, prend nécessairement la voie
des abus de pouvoir et de l’arbitraire.
-
Les
promulgations des lois sont douteuses, falsifiées. Les Droits de la défense ne
sont plus respectés. Les procédures ne sont plus conformes au droit. C’est
l’injustice qui prend la place de la justice.
-
C’est le
cas de la promulgation des décrets liturgiques.
-
C’est le
cas de notre condamnation où tout a été arbitraire et contraire au droit.
-
Les
principes élémentaires de morale et de droit rappelés si clairement par le Pape
Léon XIII dans son Encyclique « Libertas
praestantissimum » nous apprennent que dans ces cas l’autorité perd
son droit à l’obéissance.
-
Dans ce
cas ce n’est pas mépriser l’autorité que de ne pas obéir, c’est au contraire
lui rappeler le respect qu’elle doit avoir de l’autorité qu’elle a reçue de
Dieu et qui l’oblige à agir selon le droit établi par Dieu.
-
En ce
qui concerne la juridiction, nous faisons appel aux circonstances
extraordinaires prévues par le Droit et à l’extrême nécessité dans laquelle se
trouvent les âmes des fidèles.
-
Ci-joint,
quelques documents récents qui confirmeront ce que nous avons exposé
ci-dessus :un article de Rivarol ; un extrait de
Ecône,
le 14 avril 1978
Marcel Lefebvre.