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Un regard sur le monde
politique et religieux
au 7 mars 2008
N° 162
Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier
LE
CANON DE
II
Dans le numéro précèdent, nous avons publié le
commentaire que Dom Guillou nous a
laissé de « notre beau » Canon
romain. J’espère que vous l’avez apprécié. Il faut l’apprécier, le goûter pour
le garder plus sûrement. C’est vraiment la plus belle prière de l’Eglise par sa
beauté intrinsèque, par son ancienneté.
Elle nous vient des âges apostoliques. C’est avec ces prières que les
apôtres, que les anciens, que les papes, les saints prêtres ont renouvelé le
sacrifice du Christ Seigneur. Elles ont sanctifié des générations de fidèles.
Elles nous ont gardé inviolé le trésor de la foi. Elles sont la « lex
credendi ». Elles ont nourri la piété des fidèles, des prêtres. Elles
sont la « lex orandi ». Il faut les garder intégralement. Et
la « réforme de
C’est dans cet esprit que nous poursuivons la
publication du commentaire de Dom Guillou, son commentaire de la deuxième
partie du Canon.
UNDE ET MEMORES
UNDE ET MEMORES, DOMINE, NOS SERVI TUI SED ET PLEBS TUA SANCTA EJUSDEM
CHRISTI FILA TUI DOMINI NOSTRI TAM BEATAE PASSIONIS, NEC NON ET AB INFERIS
RESURRECTIONIS SED ET IN CELOS GLORIOSE ASCENSIONIS, OFFERIMUS PRAECLARE
MAJESTATI TUE, DE TUIS DONIS AC DATIS, HOSTIAM PURAM, HOSTIAM SANCTAM, HOSTIAM
IMMACULATAM, PANEM SANCTUM VITE AETERNE ET CALICEM SALUTIS PERPETUAE.
C'est pourquoi, Seigneur, nous, vos serviteurs et, avec nous, votre peuple saint, nous rappelant la bienheureuse Passion de ce même Christ votre Fils, Notre Seigneur et sa Résurrection des enfers et aussi sa glorieuse Ascension au Ciel, nous offrons à votre divine Majesté, de vos dons et de vos bienfaits, l'Hostie pure, l'Hostie sainte, l'Hostie sans tache, le Pain sacré de la vie qui ne finira point et le Calice du salut éternel.
UNDE ET MEMORES
MEMORIAM FECIT
MIRABILIUM SUORUM MISERATOR ET
MISERICORS DOMINUS
Ps. 110, 4.
La prière qui suit la
consécration s'appelle anamnèse,
d'un terme grec qui signifie mémoire,
parce qu'elle rappelle les mystères conjoints de
Mais il convient de noter ici (parce que l'on n'a pas craint de défigurer le canon lui‑même) que la néo‑liturgie a inséré entre le « récit de l'Institution » et l'anamnèse une acclamation du peuple que voici :
« Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus,
Nous célébrons ta résurrection,
Nous attendons ta venue dans la gloire. »
La traduction exacte du latin qui
fait loi devrait être : « Nous célébrons ta résurrection en attendant ton
retour. » Pour des gens qui n'ont pas voulu souligner, dans les paroles de
Voici donc, après le soulignement indu de l'acclamation, pour détourner de la présence réelle de Jésus descendu sur l'autel l'attention de l'assistance, voici la contradiction au principe du respect de l'Ecriture, voici enfin une répétition inutile ‑ (ailleurs redoutée partout) ‑ car cette proclamation fait double emploi avec la nouvelle prière qui suit ... où il est encore question de la venue désirée. Cela fait vraiment beaucoup et mérite une médaille encore ininventée .
Heureusement, la défiguration imposée
au canon romain n'a pas
atteint l'UNDE ET MEMORES, le rappel
de la glorification du Seigneur par « sa bienheureuse mort, sa résurrection du
séjour des morts et sa glorieuse ascension dans le Ciel. » Il s'agit‑là
d'un même grand mystère que la messe prolonge sacramentellement pour nous en
dispenser les grâces.
L'anamnèse des nouvelles prières est fort courte. Après avoir cité Passion et Résurrection, elles s'embarquent à toute voile pour Cythère ! Elles se mettent au diapason de la précédente proclamation pour souhaiter, pour attendre la future glorieuse venue.
L'anamnèse a pourtant de quoi occuper pleinement notre esprit, car la messe n'est pas autre chose que l'aboutissement sacramentel des trois mystères qui ne font qu'un, de la « bienheureuse passion » du Fils de Dieu, Jésus‑Christ, notre Seigneur « de sa résurrection du séjour des, morts et de sa glorieuse ascension dans le ciel. »
La belle expression contrastée d'« heureuse passion » s'explique par les deux mystères qui s'ensuivent et qui font apparaître la croix comme l'instrument de la victoire du Christ. Le DE SACRAMENTIS dit de saint Ambroise est même explicite ; il parle de GLORIOSISSIME PASSIONIS : de passion très glorieuse. Le triomphe de la croix sera plénier, quand elle paraîtra sur les nuées du ciel et que le nombre des rachetés sera complet. Mais la gloire et la seconde venue du Seigneur ne feront que confirmer en clair une victoire déjà acquise et que le canon romain confesse comme telle par l'expression de « glorieuse ascension. » Jésus n'a pas attendu pour dire : j'ai vaincu le monde ; et à la veille de sa mort, il prie ainsi : « Père, glorifie‑moi de la gloire que j'ai auprès de toi. » Rien n'est plus normal alors que la solennisation de la messe, expression sacramentelle de la victoire du Christ.
L'Eglise n'a point à rougir de ce que les oecuménistes à tout crin appellent son « triomphalisme » qu'il s'agisse de la messe, de la maison de Dieu, des processions ou saluts au T.S. Sacrement. Les néo‑liturges craignent d'être « chosistes », voire « idolâtres ». Puissent‑ils réfléchir à l'étrange contradiction de leur nouvelle liturgie ; au lieu de placer par côté le trône de l'évêque, ils le dressent face au peuple, et quel spectacle que ces concélébrateurs qui s'exposent aux regards ! Alors que la sainte liturgie traditionnelle préoccupée de la seule gloire de Dieu tourne tous les yeux vers la croix et le tabernacle, vers le symbole glorieux de la victoire du Christ, unique lumière du monde.
Au début, la glorieuse Ascension faisait corps avec Pâques. C'est, en effet,
cette exaltation que met en pleine valeur l'admirable refrain de
Le canon de la messe porte aussi le nom grec d'anaphore qui veut dire « offrande. » Ce qui est offert à la messe, comme l'exprime notre UNDE ET MEMORES, c'est la « victime parfaite, la victime sainte, la victime sans tache, le Pain sacré de la vie éternelle et le Calice de l'éternel salut » .
La prière précise que ces offrandes sont tirées des biens
que le Seigneur nous a donnés : DE TUIS
DONIS AC DATIS. Par ces choses qui nous appartiennent, c'est nous‑mêmes
que nous offrons, dont nous faisons retour à Dieu. Les apparences du pain et du
vin qui subsistent après la consécration et que nous appelons : « les saintes
espèces », restent toujours présentes dans le canon romain et c'est une de ses
caractéristiques précieuses. Nous ne
devons jamais oublier que le Seigneur vient à la messe pour nous entraîner dans
son oblation sacrificielle. Saint
Thomas a noté la chose dans
SUPRA QUAE
SUPRA QUAE PROPITIO AC SERENO VULTU RESPICERE DIGNERIS, ET ACCEPTA
HABERE SIC UTI ACCEPTA HABERE DI GNATUS ES MUNERA PUERI TUI JUSTI ABEL ET
SACRIFICIUM PATRIARCHE NOSTRI ABRAM ET Q UOD TIBI OBTULIT SUMMUS SACERDOS TUUS
MELCHISEDECH, SANCTUM SACRIFICI UM, IMMACULATAM HOSTIAM.
Jetez un regard de complaisance et de bonté sur ces offrandes, et daignez les agréer, comme il Vous a plu d'agréer les présents du juste Abel, votre serviteur, le sacrifice de notre patriarche Abraham et celui que Vous offrit Melchisedech votre grand‑prêtre, Sacrifice Saint, Hostie sans tache.
SUPRA QUA ET ANTIQUUM DOCUMENTUM NOVO CEDAT RITUI.
Saint Thomas d'Aquin
Saint Thomas se reportait à la loi mosaïque pour préciser la
notion de sacrifice. Car les sacrifices antérieurs que mentionne le SUPRA QUAE répondent aux mêmes
conditions, ainsi que le montre clairement le sacrifice d'Abraham : le Seigneur
désigne la victime, le mode d'immolation, le pays et la montagne où il faut se
rendre. Il s'agit d'une obéissance et par là, l'obéissance du Christ jusqu'à la
mort de la croix est figurée. « En ta postérité seront bénies toutes les
nations de la terre, parce que tu as obéi à ma voix », dit Dieu. De ce sublime
sacrifice du grand « patriarche », le SUPRA
QUAE rapproche celui d'Abel et celui de Melchisédech, non moins
significatifs. Ils appartiennent tous les trois à la période qui a précédé
Moïse parce que ce qui a été aboli par la mort de
Il y va tout bonnement de l'existence et de la nature même du
Christianisme. Le SUPRA QUAE situe
donc notre messe dans la ligne des plus antiques et vénérables sacrifices, il
la donne comme leur réalisation définitive et parfaite, SANCTUM SACRIFICIUM, IMMACULATAM HOSTIAM .
Le sacrifice offert par le prêtre qui agit au nom de l'Eglise et en place du Christ, ‑ (toujours le caractère concret de la liturgie traditionnelle) ‑ est vraiment celui de la victime parfaite et sans tache rassemblant et sublimant les sacrifices d’Abel , d'Abraham et de Melchisédech. Le nouvel Abel a été tué par son frère aîné comme Jésus par le peuple élu ; le nouvel Isaac, unique fils de son père, a été le premier d'une multitude de frères et le nouveau Prêtre et Roi a inauguré l'oblation pure et offerte en tous lieux, de l'Orient à l'Occident, prédite par le prophète.
L'évocation d'Abel, d'Abraham et de
Melchisédech donne à notre SUPRA QUAE une exquise saveur d'antiquité. Dieu sait
si les néo‑liturges ont donné dans l'archaïsme, malgré la défense de
l'encyclique de Pie XII sur la liturgie ! Mais ils ont oublié de perpétuer une
prière qui nous apportait avec tant de fraîcheur la piété des premiers siècles,
l'expression de la foi eucharistique qui inspirait encore, au tout début du
XVIIIème siècle, les artistes sculptant le tabernacle (hélas disparu!) de la
chapelle de Versailles .
Le thème remonte aux «Constitutions Apostoliques
» et aux catacombes ; il a été ensuite merveilleusement illustré par les
mosaïques de Ravenne. On y montre même les deux représentations d'Abel et
de Melchisédech d'une part et de l'autre, du sacrifice d'Abraham en relation
avec la mystérieuse visite des trois anges annonçant à notre « patriarche »,
malgré la vieillesse de Sara, une postérité plus nombreuse que le sable de la
mer. Sara dit : « Dieu m'a donné de quoi rire ; quiconque l'apprendra rira à
mon sujet. » Elle ajouta : « Qui eût dit à Abraham : Sara allaitera des enfants
? Car j'ai donné un fils à sa vieillesse ! » Combien plus miraculeuse fut la
naissance du fils de Marie ! Et si Abraham, partant pour le sacrifice, n'a pas
voulu en parler à Sara qui ne l'eût pas supporté, Dieu a permis que Marie fût
au pied de la croix, s'unissant au supplice destiné à susciter une multitude
d'enfants de Dieu .
Le sacrifice d’Abraham a atteint le sommet de la foi et de l'obéissance ; mais que dire de l'amour du Père des Cieux livrant à la mort son fils pour la vie du monde ?
Il y a dans cette évocation du sacrifice du « patriarche », « père de notre foi » un insondable mystère. C'est à qui du Père ou du Fils aura le plus d'amour. Oui, la messe qui perpétue le sacrifice de la croix nous plonge en plein infini : on n'en mesure ni la hauteur, ni la largeur, ni la profondeur. C'est par l'amour sans limite qu'il porte à son Père que le Christ s'est fait prêtre et victime ; il entendait que l'homme, séparé de Dieu par le péché, puisse oser désormais dire avec lui : « Notre Père. »
Au sacrifice d'Abraham, Dieu n'a demandé que l'obéissance de
foi : Isaac n'a pas été immolé. Un bélier s'est présenté dans un buisson pour
le remplacer. C'était l'annonce de l'Agneau qui, lui, a été immolé et couronné
d'épines. C'est aussi par référence aux immolations d'Abel, à la différence de
l'offrande de Caïn faite des « fruits du travail de l'homme », qu'a été
signifiée par avance, et jusque dans son propre sang, la rédemption qui allait
s'accomplir sur une croix ensanglantée ; sacrifice tel,
d'une telle plénitude, d'une telle perfection, d'une telle puissance de rachat
et de salut, qu'une fois réalisé, il ne se répète plus. Son renouvellement est
d'ordre réel mais sacramentel et non sanglant, sous les espèces du pain et du
vin selon l'ordre de Melchisédech.
L'évocation du mystérieux prêtre et roi ne s'expliquerait pas si la messe catholique était, comme le protestantisme ose le prétendre, une répétition proprement dite. Pareille accusation ne peut s'expliquer que par le rejet du sacerdoce.
Cette prière du SUPRA QUAE dont nous n'en finirions pas de méditer tous les aspects, est un des joyaux de l'admirable canon romain ; rien de pareil ne se trouve dans les récentes compositions de bureau appelées « prières eucharistiques. »
Le SUPPLICES qui suit est aussi une pure merveille.
SUPPLICES
TE ROGAMUS
SUPPLICES TE ROGAMUS,
OMNIPOTENS DEUS: JUBE HIEC PERFERRI PER MANUS SANCTI ANGELI TUI IN SUBLIME
ALTARE TUUM, IN CONSPECTU DIVINIE MAJESTATIS TUAE : UT QUOTQUOT, EX HAC ALTARIS
PARTICIPATIONE, SACRO‑SANCTUM FILII TUI CORPUS ET SANGUINEM SUMPSERIMUS,
OMNI BENEDICTIONE CAELESTI ET GRATIA REPLEAMUR. PER EUMDEM CHRIST UM DOMINUM NOSTRUM. AMEN.
Nous Vous en supplions, Dieu tout-puissant, commandez que cette oblation soit portée par les mains de votre Saint Ange, sur votre autel sublime, en présence de votre divine Majesté afin que nous tous qui, participant à cet autel, aurons reçu le Corps saint et sacré et le Sang de votre Fils, nous soyons comblés de toutes les grâces et de toutes les bénédictions du ciel. Par le même Jésus‑Christ Notre Seigneur. Ainsi soit‑il.
SUPPLICES TE ROGAMUS
« En vérité, je vous le dis : vous verrez le Ciel ouvert et les Anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l'Homme. »
(St Jean, I, 51).
Le SUPPLICES TE ROGAMUS qui suit le SUPRA QUAE a été admiré de tout temps par les vrais liturgistes, depuis Florus de Lyon et Yves de Chartres au XIème siècle, jusqu'au R.P. Bouyer de nos jours.
La prière commence par la profonde inclination qui accompagnait déjà le mot de SUPPLICES au début du canon ; de même que venait d'être évoquée par le triple SANCTUS la majestueuse vision d'Isaïe, c'est plutôt ici, grâce à l'idée d'autel, l'Agneau immolé de l'Apocalypse qui nous est présenté debout, parce que vivant pour interpeller sans cesse pour nous et recevant l'hommage « d'une multitude d'anges, des myriades et des milliers de milliers », chantant : « A celui qui est assis sur le trône et à l'Agneau louange, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles ! »
Le SUPPLICES relie donc l'autel céleste à celui de la terre où l'Agneau se voile sous les humbles « espèces » qui nous représentent. Il se fait un échange sublime. Les Anges montent et descendent pour porter notre oblation unie à celle de Jésus et pour nous rapporter « toute bénédiction et toute grâce » par l'union au Corps très saint, au Sang très pur de Notre Seigneur Jésus‑Christ, le Fils de Dieu.
On s'est interrogé sur l'Ange dont il est question dans cette prière. Que ce soit saint Michel, « le prévôt du Paradis », ne pose pas de problème. Mais pourquoi tout seul ? Le DE SACRAMENTIS qui très tôt nous fait connaître au moins des fragments du canon romain met ici l'Ange au pluriel. Il est apparu à Jeanne d'Arc, chacun le sait ; or, dans son procès, la sainte parle aussi des Anges qui l'accompagnaient.
N'est‑ce pas d'ailleurs l'idée, qu'impose la finale de toutes les préfaces aussi bien que le SANCTUS du Seigneur SABAOTH, Dieu des armées célestes. Les Anges participent au saint sacrifice comme nous les voyons présents au Calvaire. Qui ne connaît l'admirable Bréa de Nice avec ses Anges gracieux qui partagent l'extrême douleur de Marie tenant sur ses genoux son Fils mort. L'existence angélique est une des grandes vérités catholiques, antithèse d'une autre, non moins certaine, celle des « esprits mauvais répandus dans le monde pour la perte des âmes » .
A partir de ce SUPPLICES qui nous a
ouvert le Ciel, la pensée des
cieux inspire le reste du canon, dans le MEMENTO
des défunts et le NOBIS QUOQUE
PECCATORIBUS où, à la faveur d'une nouvelle liste de saints martyrs, la
miséricorde divine est suppliée de nous donner part à leur béatitude, malgré
notre indignité.
MEMENTO
DES DEFUNTS
MEMENTO
ETIAM, DOMINE, FAMULORUM FAMULARUMQUE TUARUM ... QUI NOS PRAECESSERUNT CUM
SIGNO FIDEI ET DORMIUNT IN SOMNO PALIS.
IPSIS, DOMINE, ET OMNIBUS IN CHRISTO QUIESCENTIBUS, LOCUM REFRIGERII,
LUCIS ET PALIS UT INDULGEAS, DEPRECAMUR. PER EUMDEM CHRISTUM DOMINUM NOSTRUM. AMEN
Souvenez‑Vous aussi, Seigneur, de nos défunts, vos serviteurs et vos servantes qui nous ont précédés marqués du sceau de la foi et dorment du sommeil de la paix.
Nous Vous supplions, Seigneur, de les admettre, eux et tous ceux qui reposent dans le Christ, au lieu du rafraîchissement, de la lumière et de la paix. Par le même Jésus‑Christ Notre Seigneur. Ainsi soit‑il.
MEMENTO DES DEFUNTS
SIGNAT UM EST SUPER NOS LUMEN VULT US T UI, DOMINE.
Ps, IV, 7.
Quand le bienheureux et bien nommé Fra Angelico nous décrit le paradis et qu'il y montre les Anges tenant la main des élus pour une ronde sacrée dans un printanier paysage verdoyant et fleuri, on se demande s'il n'a pas pénétré dans les cieux ; non, il ne fait que continuer une tradition très antique dont une des plus belles réalisations est la mosaïque de saint Apollinaire à Ravenne. Notre MEMENTO relève du même esprit, il traduit la même antiquité. Comment Paul VI pouvait‑il dire à Jean Guitton que par sa réforme liturgique avait été « retrouvée la source qui est la tradition la plus ancienne, la plus primitive, la plus proche des origines. Or cette tradition a été obscurcie au cours des siècles et particulièrement au Concile de Trente. » Merci pour le Concile de Trente, dont les effets furent si bénéfiques, traité si légèrement par un pape qui veut nous faire respecter le sien aux fruits empoisonnés. Son Annibal, touchant aux oraisons du Vendredi‑Saint s'est contenté de verser de joyeuses larmes sur des textes qui, pendant des siècles, « ont alimenté la piété chrétienne avec tant d'efficacité et qui ont encore aujourd'hui le parfum spirituel des temps héroïques de l'Eglise primitive » (cf. Celier, p. 34). L'Eglise n'a plus besoin de héros?
Non seulement le Concile de
Trente a eu le souci de
Q UAM OBLATIONEM, le QUI
PRIDIE QUAM PATERETUR. Rien n'est plus clair dans le MEMENTO des défunts. Comme le nard précieux que Marie‑Madeleine
répandit sur la tête et les pieds du Seigneur en « signe de sa sépulture »,
l'antique parfum émanant de cette prière embaume la sépulture de ceux qui
meurent dans le Christ, « marqués du sceau de la foi et qui dorment du sommeil
de la paix. » La paix évoquée deux fois,
le « sommeil de la paix », Dom Guéranger pense tout de suite aux Catacombes, à l'IN PACE qu'on y trouve partout et que
nous recherchons en vain dans
Quant à l'idée de
sommeil, elle‑même très primitive, elle nous rappelle le mot de Notre
Seigneur parlant de la fille de Jaïre qu'il allait ressusciter : « Elle n'est pas morte, elle dort. » Même
expression pour parler de Lazare. Nos
cimetières, comme l'indique l'origine grecque du mot, sont les champs du
sommeil en attendant la résurrection. Cette image de sommeil annonce donc
avec le sens poétique et la discrétion des Anciens, le retour à la vie de nos
corps eux‑mêmes. Mais comme l'âme n'existe plus néo‑liturgiquement,
il y a quelque chose d'étrange dans l'insistance actuelle sur la résurrection.
D'après la prière II, nos agonisants s'endormiraient « dans l'espérance de la
résurrection », un point c'est tout. Dans le texte latin il y a : « Souvenez‑vous
(pardon, souviens‑toi) dans votre miséricorde, IN TUA MISERICORDIA. Dans une anaphore
pourtant si brève, ces mots ont disparu ! ... Et la prière ajoute (ça il ne
faut pas le manquer !) : « Souviens‑toi aussi de tous les hommes qui ont
quitté cette vie. » Voilà quelque chose de tout à fait nouveau et qui ne se
rattache pas, quoi qu'en dise Paul VI, à la « tradition la plus ancienne, la
plus primitive, la plus proche des origines,
obscurcie au cours des siècles.
» Non, la manière première et toujours
maintenue, a été de prier pour ceux qui ont fait profession de la foi
catholique et apostolique et qui sont morts baptisés. L'âme qui est au
Purgatoire fait partie de l'Eglise, « l'Eglise souffrante » ici évoquée après
l'Eglise militante et triomphante au début du canon. L'innovation de la prière III est tout de même plus discrète ; on y
prie « pour les hommes qui ont quitté ce monde et dont tu connais la droiture.
» La droiture, nous l'avons vu plus haut, est‑ce que cela suffit ? En
tout cas, cela traduit mal le TIBI PLACENTES
du latin (ceux qui t'ont plu).
Enfin, IVème prière : « Souviens‑toi de nos frères qui sont morts dans la paix du Christ et de tous les morts dont toi seul connais la foi. » ...Et qui ne seraient pas morts dans la paix du Christ qui n'auraient pas fait partie du divin bercail où le Bon Pasteur a eu le soin constant de préserver du loup et des mercenaires ses brebis : « Père, ceux que tu m'as donnés, je les ai gardés. » Elle était vraiment belle cette image du bercail dont se sont enchantés les premiers siècles chrétiens. Ils ont aimé représenter le compatissant Berger portant sur ses épaules sa brebis. Ils ont compris le Dieu d'Ezéchiel : « Je retirerai du milieu des peuples mes brebis et les rassemblerai de partout. Je les ferai paître sur les montagnes d'Israël, au bord du ruisseau, dans les pâturages les plus fertiles... Là, elles se reposeront au milieu d'herbages verdoyants ... C'est moi-même qui ferai paître mes brebis et qui les ferai se reposer, dit le Seigneur ».
Les anciens voyaient dans l'Eglise un bercail bien gardé
par le Bon Pasteur, avec le bâton de sa croix, dans le paysage idyllique d'une
prairie printanière où paissent des brebis d'une blancheur éclatante. Tel est le royaume « du rafraîchissement,
de la lumière et de la paix », dont parle notre MEMENTO des morts ; et de ce royaume l'Eglise est la préfigure, ce
qui explique d'ailleurs qu'il ne soit pas question dans sa liturgie de ceux qui
ne sont pas du bercail ; la messe est le bien propre des chrétiens, leur
pâturage sacré qui les nourrit et les désaltère. La prière du début du canon ne
se fait que pour ceux qui ont la
foi et sont de l'Eglise catholique et apostolique. Le MEMENTO des morts du canon
romain relie étroitement l'Eglise et le Ciel, comme le SUPPLICES unissait l'autel de la terre à celui des cieux. Les
brebis du bercail sont les baptisés, ceux qui ont reçu le signe de la foi (CUM SIGNO FIDEI). Le signe de la croix tracé
sur le front du néophyte a été dès l'origine la manière de désigner le
sacrement de l'initiation chrétienne. La croix résume toute la foi, c'est elle
qui départage les rachetés par
Et quelle assurance de prédestination ! Le nombre des élus est fixé. Le jugement final ne viendra pas « avant que les Anges n'aient marqué au front les serviteurs de Dieu », dit l'Apocalypse, « tous ceux qui viennent de la grande tribulation , qui ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau ... Ils sont devant le trône de Dieu ; ils le servent nuit et jour dans son temple.
Celui qui est assis sur le trône déploie sa tente au‑dessus d'eux ; ils n'ont plus faim ni soif ; le soleil ne les accable plus ni aucune chaleur brûlante ; car l'Agneau qui est au milieu du trône les fait paître et les conduit aux sources des eaux de la vie ... Ils ont son nom ‑ (Jésus‑Sauveur) ‑ sur leur front. Le Seigneur les illumine ... Et j'entendis une voix qui venait du ciel disant : Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur ! ‑ Oui, dit l'Esprit, qu'ils se reposent de leurs peines, car leurs oeuvres les suivent. »
Voilà dans quelle atmosphère se situe notre admirable MEMENTO du canon romain, celle des premiers âges de la sainte liturgie, depuis les Catacombes jusqu'aux basiliques des VIème et VIIème siècles.
NOBIS QUOQUE PECCATORIBUS
NOBIS QUOQUE PECCATORIBUS, FAMULIS TUIS, DE MULTITUDINE MISERATIONUM T UAR UM SPERANTIB US, PAR TEM ALIQUAM ET SOCIETATEM DONARE DIGNERIS, CUM TUIS SANCTIS APOSTOLIS ET MARTYRIBUS, CUM JOANNE, STEPHANO, MATTHIA, BARNABA, IGNATIO, ALEXANDRO, MARCELLINO, PETRO, FELICITATE, PERPETUA, AGATHA, LUCIA, AGNETE, CECILIA, ANASTASIA, ET OMNIBUS SANCTIS TUIS INTRA QUORUM NOS CONSORTIUM NON AESTIMATOR MERITI SED VENIAE, QUESUMUS, LARGITOR ADMITTE.
PER CHRISTUM DOMINUM NOSTRUM
PER QUEM HEC OMNIA, DOMINE, SEMPER BONA CREAS, SANCTIFICAS, VIVIFICAS, BENEDICIS, ET PRIESTAS NOBIS.
PER IPSUM ET CUM IPSO ET IN IPSO
EST TIBI DEO PATRI OMNIPOTENTI IN UNITATE SPIRITUS SANCTI OMNIS HONOR ET
GLORIA. PER OMNIA SECULA SAECULORUM.
Pour nous aussi, pécheurs, qui sommes vos serviteurs et espérons en la multitude de vos miséricordes, daignez aussi nous donner part au céleste héritage et nous réunir à vos saints Apôtres et Martyrs, à Jean, Etienne, Matthias, Barnabé, Ignace, Alexandre, Marcellin, Pierre, Félicité, Perpétue, Agathe, Lucie, Agnès, Cécile, Anastasie et à tous vos saints. Nous vous en supplions : recevez‑nous en leur sainte société, non point en considération de nos mérites, mais en usant d'indulgence à notre égard.
Au nom de Notre Seigneur Jésus‑Christ. Par qui, Seigneur, Vous créez sans cesse tous ces biens, Vous les sanctifiez, Vous les vivifiez, Vous les bénissez et Vous nous les donnez.
C'est par Lui, et avec Lui et en Lui, que tout honneur et toute gloire Vous sont rendus ô Dieu, Père tout‑puissant, en l'unité du Saint‑Esprit. Dans tous les siècles des siècles.
NOBIS QUOQUE PECCATORIBUS
De l'éternel printemps des cieux nous nous sentons biens indignes, quoique de la famille de Dieu par le baptême (FAMULIS) ; nous sommes de pauvres pêcheurs (PECCATORIBUS). Le but de cet ouvrage n'étant pas de faire l'histoire de la messe, il importe peu de savoir pourquoi, ici le prêtre élève la voix, ainsi qu'au début du NON SUM DIGNUS. C'est l'humilité que ce rite inspire maintenant et cette attitude convient à toute la messe, à l'exemple du publicain de la parabole évangélique, seul agréé par le Seigneur. La liturgie traditionnelle est réaliste, elle ne se berce pas d'illusions. Parce qu'elle se place devant Dieu, elle est pleine de sa révérence. Le culte de l'homme lui fait horreur. Elle préfère mépriser sans nuance les choses terrestres que de ne pas aimer de tout coeur les choses célestes.
A l'occasion de la seconde liste de saints et de saintes ‑ (sept martyrs
et sept martyres à la suite de saint Jean‑Baptiste) ‑ le prêtre ne
demande plus leur secours et leur protection comme dans le COMMUNICANTES, il prie humblement le Seigneur que nous ayons tous
part avec eux dans la lumière, non pas à CAUSE de nos mérites qui sont minces,
mais par l'effet de cette libéralité dans le pardon qui convient à Dieu : LARGITAS ! Oui, Seigneur, selon
l'expression de votre Serviteur David pécheur mais repentant (Ps. MISERERE, 2), c'est dans le seul espoir
« de l'abondance de vos miséricordes » (DE MULTITUDINE
MISERATIONUM TUARUM) que nous pouvons accéder à la société de pareils
martyrs dans le Ciel.
L’œil exercé
du liturgiste dans l'âme que fut le Père Calmel a vu dans la finale de
(PREX IVa) « A nous qui sommes tes enfants, accorde, Père très bon, l'héritage de la vie éternelle auprès de .... et de tous les Saints, dans ton Royaume, où nous pourrons, avec la création tout entière enfin libérée du péché et de la mort, Te glorifier par le Christ, Notre Seigneur par qui tu donnes au monde toute grâce et tout bien. » Quelle merveille cette réminiscence du chapitre VIII de l'Epître aux Romains : « La création elle‑même sera délivrée de la servitude de la corruption. »
Le Dominicain ne s'en laisse pas conter (Itinéraires n° 206, p. 136). « Les auteurs des nouvelles PRECES ont fait endosser le péché à toute la création, mais l'homme
pécheur n'existe plus. Ils se refusent à dire que les pécheurs, c'est nous NOBIS PECCATORIB US. »
Il y a un autre utile
recours à
Les bénédictions qui suivent rappellent sans doute
qu'autrefois les fidèles apportaient des fruits sur l'autel comme pour unir à
la table du Seigneur celle de la famille. Encore maintenant, dans les
monastères, les raisins nouveaux sont apportés à ce moment du canon, le jour de
la saint Sixte, coïncidant la plupart du temps avec la fête de
Avant d'aborder l'admirable conclusion de la prière eucharistique romaine, il faut signaler son plein accord avec le PATER que saint Grégoire le Grand a été bien inspiré de placer à sa suite. « Abrégé de tout l'Evangile », comme disait Tertullien, l'oraison dominicale résume en même temps toute la messe. Elle en constitue, si je puis dire, la charnière sacrée : tout y est orienté d'abord à la gloire de Dieu, proclamée par la fin du canon ; et, à partir du PANEM NOSTRUM qui fait penser au « Pain supersubstantiel », tout prépare à la communion. A cette intime rencontre nous ne pouvons aller que l'âme pardonnée, c'est‑à‑dire remettant les propres offenses qui nous ont été faites. ‑ (Ici, la traduction officielle est étrange : il faudrait pardonner « aussi » à ceux qui nous ont offensés ; alors nous pardonnons à ceux qui ne nous offensent pas ?) ‑ Munis du pain des forts, nous pouvons surmonter les tentations du démon ‑ (non pas celles de Dieu ! C'est une grave injure que de s'exprimer ainsi dans le nouveau PATER). Libérés du mal nous serons dans la paix du Christ, celle que le monde ne donne pas, assimilés à Celui que nous avons reçu dans l'humilité et le ferme désir d'être toujours plus à lui.
Dans cette suite logique, que vient faire l'acclamation : « A toi le règne, à toi la puissance et la gloire dans les siècles des siècles ! » A la fin de la prière qui s'articule à la dernière demande du PATER : LIBERA NOS A MALO, libérez‑nous du mal ?
Puisque cette invention, belle en soi, tenait tant au cœur des
néoliturges, ils pouvaient la situer aussitôt le canon, comme une sorte
d'explication du grand AMEN final.
C'eût été ne pas contrevenir à leur grand principe de non‑répétition. En
tout cas, la maladie du changement a troublé l'harmonie d'un développement
normal.
Mais il est une harmonie autrement grave, dangereusement troublée depuis Vatican II, par la raréfaction du Saint‑Sacrifice, à cause de la concélébration. A la concélébration, il n'y a qu'une seule messe. L'ordre du monde et le bien de l'Eglise réclament contre pareilles pratiques quand il s'agit de l'oblation salvatrice. Comment ne le voit‑on pas ? ne le crie‑t‑on pas et quels hommages ravis à Dieu ! .
Au contraire, quelle
assurance de grâces, d'ordre et de paix sur le pays quand partout dans le
choeur de tant d'églises et de chapelles, les cierges s'allumaient chaque matin
et les cloches annonçaient la venue du Christ parmi nous ! Quelle image de
Paradis sur terre que ces premières heures monastiques qui émerveillaient
Suger, le grand abbé de Saint‑Denis, quand les abbatiales devenaient des
ruches bourdonnantes de prière par ces messes célébrées dans la couronne des
chapelles rayonnantes pendant que le soleil s'élevait dans le ciel enflammant
la mosaïque des verrières !
PER IPSUM ET CUM IPSO ET IN IPSO
Soli Deo
honor et gloria
(St Paul I,
Tim. 1, 17)
« Maintenant donc, ô notre Dieu, nous Vous louons et nous célébrons votre Nom glorieux. Car qui suis‑je et qui est mon peuple pour que nous ayons le pouvoir et la force de faire de pareilles offrandes ? »
(I Par. XXIX, 13‑14, cantique de David).
Pour la troisième fois pendant le canon romain, le prêtre va tracer cinq petits signes de croix, mais cette fois après avoir fait la génuflexion et pris l'Hostie sacrée dans la main. Il dit alors solennellement : « Par Lui, avec Lui et en Lui ; ‑ (le Christ présent sous les saintes espèces) ‑ sont rendus au Père Tout‑Puissant, dans l'unité du Saint‑Esprit tout honneur et toute gloire ! » A ces derniers mots il élève l'Hostie ainsi que le Calice comme pour signifier « qu'une fois élevé le Sauveur attire tout à Lui. »
Ici, à la messe, au terme de la grande
prière sacrificielle, les cinq croix tracées par le prêtre et répondant à
celles qui sont représentées sur la pierre d'autel évoquent les cinq plaies qui
ont été ouvertes sur la croix et d'où le sang rédempteur s'est répandu jusqu'à
la dernière goutte dans une immolation pleine et entière d'obéissance et
d'amour, pour la rémission des péchés. Car c'est du renouvellement sacramentel
de cette parfaite oblation que dépendent à jamais gloire et honneur à l'Auguste
Trinité.
Cette conclusion de l'Eucharistie romaine est d'une extraordinaire grandeur, d'une profondeur abyssale, d'une largeur sans limite. En l'empruntant et en la traduisant la néo‑liturgie a trouvé le moyen d'en affaiblir le sens.
Après avoir supprimé les signes
de croix qui l'accompagnent, elle a omis de traduire l'indicatif présent, comme
s'il ne s'agissait que d'un souhait. Or il s'agit d'une réalité qui s'opère HIC ET NUNC et qui est proprement
inouïe. Elle était appelée dès le dialogue de
Pourtant l'ordre l'exige ; il incombe à l'homme d'être la voix de toute la création merveilleuse restaurée plus merveilleusement encore. Eh bien, c'est chose faite, vraiment réalisée. Quelle joie pour le prêtre, quelle joie pour nous, pour toute l'Eglise, pour le monde entier ! Oui, honneur et gloire sont rendus à Dieu grâce à la messe, par Lui (le Christ immolé, qui seul le peut), avec Lui et en Lui. Sans la messe tout serait désordonné, déséquilibré, désorienté. Par la messe tout est rétabli qui ne pouvait l'être par les anciens sacrifices. Unis au Fils de Dieu, une multitude de fils osent maintenant s'adresser à un Père qui les agrée et qui les aime, à travers son Fils, dans l'unité du Saint‑Esprit. Par le Christ Jésus, Notre Seigneur, avec Lui et en Lui, le nom du Dieu trois fois saint est sanctifié sur la terre comme au Ciel ; sur la terre comme au Ciel son règne est perpétué, sur la terre comme au Ciel, sa volonté est faite. Le Prêtre, agent du Prêtre souverain, vient de réaliser une action qui unit vraiment le Ciel à la terre et la lui subordonne. L'AMEN qui se fait entendre ensuite, serait‑il prononcé par un simple servant, retentit comme l'AMEN des cieux, pareil à la voix d'une foule immense, au bruit des grandes eaux, au fracas de puissants tonnerres.
« Alleluia ! Il règne, le
Seigneur notre Dieu, le Tout‑Puissant ! Réjouissons‑nous,
tressaillons d'allégresse et rendons Lui gloire
! AMEN. »
EPILOGUE
« Si le sacrifice de la messe s'éteignait, nous ne tarderions pas à retomber dans l'état dépravé où se trouvaient les peuples souillés par le paganisme, et telle sera l'oeuvre de l'Antéchrist ; Il prendra tous les moyens d'empêcher la célébration de la sainte messe, afin que ce grand contre‑poids soit abattu, et que Dieu mette fin alors à toute chose, n'ayant plus de raison de les faire subsister. Nous pouvons facilement le comprendre, car depuis le protestantisme, nous voyons beaucoup moins de force au sein des sociétés. Des guerres civiles se sont élevées, portant avec elles la désolation, et cela uniquement parce que l'intensité du sacrifice de la messe est diminuée. C'est le commencement de ce qui arrivera lorsque le diable et ses suppôts seront déchaînés par toute la terre, y mettant le trouble et la désolation, ainsi que Daniel nous en avertit. »
Dom Guéranger