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Un regard sur le monde

politique et religieux

 

au 6 mars   2009

 

N° 206

 

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

De la « judaïsation » de l’Eglise  catholique

 

 

 

 

Richard Prasquier, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (le CRIF) fut interviewé, le matin du 2 mars 2009 , sur France-Info, vers 8h15, à l’occasion de la tenue, ce jour,  de leur grand repas annuel où toutes les personnalités politiques de France, de Droite ou de Gauche, et religieuses sont invitées. Toutes se font « honneur » d’y assister.  Il affirma que le Président de la République, Nicholas Sarkosy, serait, malgré son emploi du temps particulièrement chargé, présent et prononcerait probablement le discours attendu. Il ne fut pas très net. Il ne devait pas en être très sur.  Il expliqua ensuite pourquoi Madame Buffet n’a pas été invitée cette année, en raison de son attitude dans la « guerre » de Gaza .  Sa réponse donnée, il fut tout de suite interrogé par le journaliste, une femme,  sur « l’affaire Williamson ». Il déclara, sans  ambages, que ce n’est pas « l’affaire Williamson » qui, finalement,  fait problème - encore qu’il l’ « assassina » moralement, en fin du dialogue -  mais bien  la réhabilitation des quatre évêques de la FSSPX  dans l’Eglise par le pape Benoît XVI alors qu’il est de notoriété publique qu’ils refusent, eux et les autres membres, le document conciliaire « Nostra aetate ». Cette déclaration conciliaire, on le sait, aborde le problème des relations avec les religions  non chrétiennes, avec l’Hindouisme, le Bouddhisme, l’Islam et en particulier, avec le « Judaïsme ». Ce refus de la FSSPX semblait, pour lui, vraiment insupportable, inimaginable. A travers ses propos, c’était manifestement la décision de Benoît XVI  réintégrant dans l’Eglise de tels « personnages » qui lui paraissait inacceptable. Il le laissait bien entendre.

 

Ce qui est sur, c’est que le CRIF et son président attachent  une importance considérable à cette « déclaration »  conciliaire  Nostra aetate. La refuser c’est refuser l’évolution qu’a voulu le Concile. Ce qui est absolument condamnable et condamné, je vous prie, par M Richard Prasquier.  

 

Ces propos m’ont donnait envie de relire le texte.  

 

Le Judaïsme est l’objet du 4éme  chapitre de la Déclaration. Il vient après une introduction où vous pouvez lire entre autres choses que  notre époque, « est une époque où le genre humain devient de jour en jour plus étroitement uni ». C’est une vue des choses particulièrement optimiste …Puis le document fait quelques considérations sur l’Hindouisme, sur le Bouddhisme , en deux cours petits chapitres.  Il insiste un peu plus longuement sur l’Islam. C’est le chapitre 3. Un seul paragraphe d’une quinzaine de lignes.  Puis viennent les considérations sur le Judaïsme avec le chapitre 4 et ses 6 ou  7 paragraphes. Le document conciliaire se termine par un chapitre 5 qui est une réprobation par l’Eglise de « toute discrimination ou vexation opérée envers des hommes en raison de leur race, de leur couleur, de leur classe ou de leur religion »

 

Fixons notre attention sur le chapitre 4,  sur le Judaïsme.

En voici le texte. On ne pourra pas dire que les fidèles de Rolleboise ne connaissent pas les textes du Concile et qu’ils critiquent sans savoir.

 

«  Scrutant le mystère de l'Eglise, le Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lignée Abraham.

L'Eglise du Christ, en effet, reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent, selon le mystère divin du salut, dans les patriarches, Moïse et les prophètes. Elle confesse que tous les fidèles du Christ, fils d'Abraham selon la foi (6), sont inclus dans la vocation de ce patriarche et que le salut de l'Eglise est mystérieusement préfiguré dans la sortie du peuple élu hors de la terre de servitude. C'est pourquoi l'Eglise ne peut oublier qu'elle a reçu la révélation de l'Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans sa miséricorde indicible, a daigné conclure l'antique Alliance, et qu'elle se nourrit de la racine de l'olivier franc sur lequel ont été greffés les rameaux de l'olivier sauvage que sont les Gentils (7). L'Eglise croit, en effet, que le Christ, notre paix, a réconcilié les Juifs et les Gentils par sa croix et en lui-même des deux a fait un seul (8).

L'Eglise a toujours devant les yeux les paroles de l'apôtre Paul sur ceux de sa race "à qui appartiennent l'adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses et les patriarches, et de qui est né, selon la chair, le Christ" (Romains, 9, 4-5), le fils de la Vierge Marie. Elle rappelle aussi que les apôtres, fondements et colonnes de l'Eglise, sont nés du peuple juif, ainsi qu'un grand nombre des premiers disciples qui annoncèrent au monde l'Evangile du Christ.

Au témoignage de l'Ecriture sainte, Jérusalem n'a pas reconnu le temps où elle fut visitée (9); les Juifs, en grande partie, n'acceptèrent pas l'Evangile, et même nombreux furent ceux qui s'opposèrent à sa diffusion (10). Néanmoins, selon l'Apôtre, les Juifs restent encore, à cause de leurs pères, très chers à Dieu, dont les dons et l'appel sont sans repentance(11). Avec les prophètes et le même Apôtre, l'Eglise attend le jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples invoqueront le Seigneur d'une seule voix et "le serviront sous un même joug" (Sophonie, 3, 9) (12).

Du fait d'un si grand patrimoine spirituel, commun aux chrétiens et aux Juifs, le Concile veut encourager et recommander entre eux la connaissance et l'estime mutuelles, qui naîtront surtout d'études bibliques et théologiques, ainsi que d'un dialogue fraternel.

Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé (en latin : urserunt)à la mort du Christ (13), ce qui a été commis durant sa passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. S'il est vrai que l'Eglise est le nouveau peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Ecriture. Que tous donc aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la parole de Dieu, de n'enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l'Evangile et à l'esprit du Christ.

En outre, l'Eglise qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu'ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu'elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l'Evangile, déplore les haines, les persécutions et toutes les manifestations d'antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs.

D'ailleurs, comme l'Eglise l'a toujours tenu et comme elle le tient, le Christ, en vertu de son immense amour, s'est soumis volontairement à la passion et à la mort, à cause des péchés de tous les hommes et pour que tous les hommes obtiennent le salut. Le devoir de l'Eglise, dans sa prédication, est donc d'annoncer la croix du Christ comme signe de l'amour universel de Dieu et comme source de toute grâce. »

Rome, près Saint-Pierre, le 28 octobre 1965.


(6) Cf. Gal., 3, 7. ; (7) Cf. Rom., I l, 17-24. ;(8) Cf. Eph.. 2, 14-16 ; (9) Cf. Lc, 19, 44; (10) Cf. Rom., 1 l, 28; (11) Cf. Rom., 1 l, 28-29; Conc. Val. II, Const. Dogm. Lumen Gentium, AAS 57 (1965), p. 20; (12) Cf. Is., 66, 23; Ps. 65, 4; Rom., 11, 11-32.

 

 

Il faut savoir l’histoire de ce texte.

 

A- De l’influence des Organisations Juives sur le Concile

 

Ralph M. Wiltgen, S.V.D, nous l’explique dans son ouvrage traduit par M Louis Salleron : « Le Rhin se jette dans le Tibre » (Ed du Cèdes). Les considérations qui suivent sont tirées de ce livre : p164-172.

 

Il eut une première déclaration sur les Juifs votées par les Pères conciliaires, le 20 novembre 1964. 1650 Pères conciliaires votèrent « oui », 242 votèrent « oui » avec réserves, contre 99 « non ». Mais ce texte ne fut pas ratifié par le pape Paul VI à la suite de la réaction des Etats musulmans. Le président indonésien Soekarno vint rendre visite au Pape et attira son attention sur les conséquences très graves que ce vote aurait pour l’Eglise catholique en pays musulmans en ce qui concerne ses missions et œuvres d’enseignement, etc.

 

La déclaration fut de nouveau révisée entre la troisième et la quatrième session par suite des interventions du Cardinal Bea, d’origine juive.  Pendant la quatrième session, à la mi octobre 1965, 1763 Pères conciliaires exprimèrent leur satisfaction pour la façon dont les « modi » avaient été incorporés dans le texte et 250 se déclarèrent insatisfaits. Le texte fut alors renvoyé au Souverain Pontife qui décida qu’il serait définitivement mis aux voix, le 26 octobre, en séance publique. Le résultat du vote donna 2221 voix pour et 88 contre. Le Pape promulgua aussitôt la déclaration.

 

Il faut noter que la Déclaration du 20 novembre 1964 avait été précédée de propositions beaucoup plus favorables aux  thèses soutenues par les Juifs, lesquelles furent finalement édulcorées ou écartées.

 

Parmi ces propositions et ces interventions juives, rappelons notamment celles-ci :

1) Ralph Wiltgen, fondateur et directeur d'une agence de presse du Concile rapporte que le 12 novembre 1963, il organisa une conférence de presse pour M. Schuster, directeur pour l'Europe de « l'American Jewish Committee » (le comité juif américain).

Ce dernier affirma que la distribution du projet ayant donné lieu à la déclaration du 20 novembre 1964, qui finalement ne fut pas adoptée par Paul VI (comme nous venons de le dire) sur les relations entre Catholiques et Juifs était « sans conteste l'un des plus grands moments de l'histoire juive ». Il ne doutait pas que « les Juifs de cette génération s'estimeraient heureux d'avoir été les témoins de cette mesure historique prise par l'Église ». Il était spécialement satisfait de ce que le document comportât « un rejet catégorique du mythe de la culpabilité des Juifs dans la Crucifixion ».

 

2) Ralph Wiltgen rapporte également (op. cit., p. 169) que le 31 août 1964, deux semaines avant l'ouverture de la troisième session du Concile, il reçut la visite de M. Lichten, directeur du département des affaires interculturelles de « l'Anti-Defamation League of B'nai B'rith ». « Celui-ci était fort inquiet de ce que la phrase qui disculpait les Juifs de la Crucifixion du Christ venait d'être supprimée du document conciliaire et soutenait « que cette phrase était pour les Juifs l'élément le plus important du document ». « Il me dit avoir rendu visite à plusieurs cardinaux européens et être en contact avec les milieux romains; il ajouta que le cardinal Béa  préparait un amendement relatif à cette regrettable décision et qu'il le présenterait dans l'aula conciliaire ».

 

Ces demandes prouvent l'importance que les groupements juifs internationaux attachaient au Concile Vatican II. Les déclarations de M. Richard Prasquier, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (le Crif) le confirme  amplement, quelques années après. C’était le 2 mars 2009.

 

B- De la « purification de l’Eglise par la Synagogue »

(1) les considérations qui suivent sont tirées du livre « Dieu est-il antisémite » de Le Caron de Choqueuse que j’ai publié lorsque j’étais aux affaires de Fideliter.

 

Dans son excellente brochure publiée en 1965: « Le problème juif face au Concile », M. Léon de Poncins a démontré que le vote des Pères conciliaires, « sous une apparence innocente d'unité œcuménique, de charité chrétienne, de filiation spirituelle commune, de réconciliation des Églises avait une portée très grave car il revient à dire que depuis deux mille ans, l'Église s'est trompée, qu'elle doit faire amende honorable et réviser son attitude à l'égard des Juifs ».

Ce vote, précise M. de Poncins, donnait satisfaction aux campagnes tenaces menées ces dernières années par les porte-parole de grandes organisations internationales juives (les B'nai B'rith, le Congrès juif mondial, etc..) en vue « du redressement et de la purification de l'enseignement chrétien vis-à-vis du Judaïsme ».

Cette prétendue « purification » de l'Église catholique par la Synagogue qui est en réalité une tentative de « judaïsation », n'est rendue possible que parce que la Sainte Église traverse la crise la plus grave de son histoire.

1- Un syncrétisme religieux

Cette tentative ne date pas d'aujourd'hui, mais nous ne citerons que des textes importants qui remontent au xixème et au xxème siècle.

« L'Alliance israélite universelle, écrivait Benjamin Crémieux, son fondateur, commence à peine (1861) et déjà son influence salutaire se fait sentir au loin... Elle ne s'arrête pas à notre culte seul, elle s'adresse à tous les cultes. Elle veut pénétrer toutes les religions, comme elle pénètre dans toutes les contrées. Que les hommes éclairés, sans distinction de culte, s'unissent dans cette association israélite universelle, dont le but est si noble, si largement civilisateur. Donner une main amie à tous ces hommes qui nés dans une autre religion que la nôtre nous tendent leur main fraternelle, reconnaissent que toutes les religions dont la morale est la base, dont Dieu est le sommet, doivent être amies entre elles, faire ainsi tomber les barrières qui séparent ce qui doit se réunir un jour, voilà, messieurs, la belle, la grande mission de notre Alliance Israélite Universelle » ([1]).

Dans ce programme de syncrétisme religieux, qui date de 1861, on retrouve la même idée que celle énoncée par les Loges maçonniques.

« Il y a une religion universelle, professait déjà le Grand Orient au milieu du xix° siècle, qui renferme toutes les religions particulières du Globe, c'est celle que nous professons » ([2]).

2- Une domination de l’Eglise

Mais ce syncrétisme religieux dissimule en réalité la volonté du Judaïsme de dominer l'Église universelle.

Léon de Poncins cite à ce sujet des textes qui sont sans équivoque, émanant de grands penseurs juifs contemporains.

« Le Christianisme, écrit Jéhouda ([3]), refuse obstinément de considérer Israël comme son égal sur le plan spirituel... Croire que le Christianisme présente « la plénitude du Judaïsme, qu'il forme son point culminant, que le Judaïsme a été achevé par le Christianisme, c'est vicier à sa base même le monothéisme universel... L'heure arrive où il devient nécessaire d'opérer l'indispensable assainissement de la conscience chrétienne par la doctrine du monothéisme universel ([4]).

Ailleurs (op. cit., p. 154-160), Jéhouda précise :« L'anti-sémitisme chrétien, tout en se disant messianique, prétend remplacer le messianisme d'Israël par la foi en un Dieu crucifié qui assurerait à chaque fidèle le salut personnel. Ravalant le messianisme juif à une position païenne, le Christianisme tend à convertir tous les Juifs à un messianisme réduit... Mais tant que le messianisme monothéiste d'Israël persiste, même à l'état virtuel, le messianisme chrétien apparaît ce qu'il est en réalité, une imitation qui s'effondre à la lumière du mes­sianisme authentique... L'antisémitisme persistera tant que la Chrétienté refusera d'aborder son vrai problème qui remonte à sa trahison à l'égard du messianisme monothéiste. »

Jéhouda a encore dit: « Votre monothéisme est un faux monothéisme ; une imitation bâtarde et falsifiée du seul monothéisme, le monothéisme hébreu, et si le Christianisme ne revient pas aux sources juives, il est condamné sans appel ».

Selon Jéhouda (et c'est intéressant parce que c'est la preuve des liens étroits qui existent entre la politique et la religion), il y a eu trois tentatives de « redressement du Christianisme visant à épurer la conscience chrétienne des miasmes de la haine », trois tentatives de redressement de la théologie chrétienne devenue étouffante et paralysante, « trois brèches opérées dans la forteresse vétuste de l'obscurantisme chrétien », en fait trois étapes importantes dans l'œuvre de destruction du Christianisme traditionnel:

- la Renaissance ;

- la Réforme ;

- la Révolution de 1789.

Il précise: « La Renaissance, la Réforme et la Révolution présentent les trois tentatives de redressement de la mentalité chrétienne afin de se mettre au diapason du développement progressif de la raison et de la science... et là où le Christianisme dogmatique s'estompe, les Juifs s'émancipent graduellement » ([5]).

Josué Jéhouda constate également (p. 170-172) que la Révolution française ayant pris une attitude nettement antireligieuse se prolonge à travers le communisme russe et contribue puissamment à déchristianiser le monde chrétien.

Nous pourrions citer encore d'autres penseurs juifs par exemple Rabi :« La conversion du Juif au Christianisme est trahison et idolâtrie car elle implique le blasphème suprême, la croyance en la divinité d'un homme » ([6]).

Ou bien Benamozegh qui est une des gloires de la pensée juive contemporaine: « La religion chrétienne est une fausse religion, soi-disant divine. II n'y a pour elle et le monde qu'une voie de salut, revenir à Israël » ([7]).

Comme l'indique très justement Léon de Poncins (op. cit., p. 35), « le rêve messianique peut prendre les formes les plus diverses, le but final reste invariable : c'est le triomphe du Judaïsme, de la loi juive et du peuple juif. Sous couleur d'universalisme, il s'agit en fait d'un impérialisme juif qui prétend régir et asservir le monde ».

« Au yeux de ces penseurs juifs, la réforme conciliaire doit être une nouvelle étape dans la voie de l'abandon, de la démission, de la destruction du traditionalisme catholique qui est ainsi, peu à peu, vidé de sa substance. »

La déclaration conciliaire concernant les Juifs a bien constitué une nouvelle étape dans la voie de la démission de l'Église et dans la destruction du traditionalisme catholique.

 

Et c’est pourquoi j’ai été particulièrement intéressé d’entendre le 2 mars 2009, le président du CRIF déclarer, sans ambages, l’intérêt qu’il portait au Concile Vatican II et à sa Déclaration sur les Juifs : « Nostra Aetate ». Elle  est pour lui  historique. Elle l’est aussi pour nous. Nous ne devons pas lui donner le même sens. Il la loue. Nous, nous  la critiquons. (Voir LNDC du 6 mars 2009)

 

C- Le Rôle particulier de Jules Isaac.

 

Parmi les diverses personnalités qui sont à l'origine des réformes proposées au Concile en vue de modifier l'attitude et la doctrine de l'Église à l'égard du Judaïsme (Jules Isaac, Lazel Katz, président des B'nai B'rith, Nahum Goldmann), Léon de Poncins estime que l'écrivain Jules Isaac a joué un rôle essentiel.

Cet écrivain, Juif,  d'Aix-en-Provence, auteur des manuels classiques d'Histoire de France Malet et Isaac, a été le principal théoricien et promoteur de la campagne menée contre l'enseignement traditionnel de l'Église. A la suite de la disparition de sa femme et de sa fille, mortes en déportation, il consacra les vingt dernières années de sa vie à l'étude critique des rapports entre le Judaïsme et le Christianisme.

Il est l'auteur de deux ouvrages importants : « Jésus et Israël » paru en 1946 et « Genèse de l'Antisémitisme » paru en 1948.

Léon de Poncins résume l'essentiel de la thèse de Jules Isaac : « Il faut en finir une fois pour toutes avec l'antisémitisme dont l'aboutissement a été le massacre des Juifs européens à Auschwitz et autres camps de la mort.

« Le plus redoutable antisémitisme est l'antisémitisme chrétien à base théologique. En effet, l'attitude des Chrétiens face au Judaïsme a toujours été fondée sur le récit de la Passion tel qu'il est relaté par les quatre Évangélistes et sur l'enseignement qu'en ont tiré les Pères de l'Église, saint Jean Chrysostome, saint Grégoire le Grand (pape), saint Agobard (primat des Gaules, etc..) » ([8]).

C'est donc cette base théologique fondamentale que Jules Isaac a cherché à détruire en contestant la valeur historique des récits évangéliques et en discréditant les arguments avancés par les Pères de l'Église pour préserver les Chrétiens de l'influence des Juifs accusés de nourrir en permanence des desseins subversifs contre l'ordre chrétien. Nous ne pouvons commenter ici les deux ouvrages de Jules Isaac. Notons seulement que saint Jean et saint Matthieu y sont particulièrement attaqués.

Dès la fin de la guerre, il commença à tenir des réunions nationales et internationales avec des personnalités catholiques favorables à sa thèse (Henri Marrou, le père Daniélou, futur cardinal, l'abbé Vieillard du Secrétariat de l'Épiscopat).

En 1947, il rédigea un mémoire en dix-huit points sur le « Redressement de l'enseignement chrétien concernant Israël ».

La même année, il fut invité à la Conférence internationale de Seelisberg, en Suisse, à laquelle participèrent soixante-six personnes venues de dix-neuf pays, parmi lesquelles le grand rabbin Kaplan. La conférence adopta en session plénière « les dix huit points de Seelisberg » qui suggèrent aux Églises chrétiennes les mesures à prendre pour purifier l'enseignement religieux à l'égard des Juifs. (Voir le texte en annexe)

Puis, avec des personnalités juives et catholiques, il fonda la première « Amitié  Judéo-Chrétienne », suivie de la fondation d'autres « Amitiés » à Aix, Marseille, Nîmes, Montpellier, Lyon, enfin à Lille, où il obtint le patronage du cardinal Liénart. Il en fonda plus tard en Afrique du Nord. Léon de Poncins estime que ces « Amitiés » ont constitué un piège pour ces Chrétiens candides qui se sont précipités avec enthousiasme en leur sein et que ceux-ci ont été finalement, une fois de plus, « les victimes inconscientes de la duplicité talmudique ». Ces Chrétiens n'ont pas compris que les sentiments d'amitié qui les faisaient agir réciproquement masquaient en réalité la volonté juive de faire disparaître l'exclusivisme dogmatique de l'Église et de promouvoir une religion universelle.

A partir de 1949, Jules Isaac entre en relations avec Rome. Il eut une audience privée avec Pie XII auprès duquel il plaida la cause du Judaïsme ; il lui demanda de faire examiner les « Dix huit points de Seelisberg ». Mais, c'est sous son successeur, le pape Jean XXIII, qu'il obtint satisfaction. Lors d'un entretien avec le Saint Père, le 13 juin 1960, il demanda la condamnation de « l'enseignement du mépris » et suggéra la création d'une sous-commission chargée d'étudier ce problème. Quelque temps après, Jules Isaac « avait la joie d'apprendre que ses propositions avaient été retenues par le Pape et transmises au cardinal Béa pour étude ». Celui-ci, d'origine juive, créa un groupe de travail spécialement chargé d'examiner les rapports entre l'Église et Israël. On connaît la suite.

Monseigneur de Provenchères, évêque d'Aix, dans une conférence faite à « l'Amitié Judéo-Chrétienne », à l'occasion de l'inauguration de l'avenue Jules-Isaac qui avait eu lieu le matin même, a reconnu que l'origine du schéma sur les Juifs provenait d'une demande de celui-ci au Vatican et que la rencontre de Jules Isaac et de Jean XXIII avait été le signe de l'Amitié judéo-chrétienne ([9]).

« Mgr de Provenchères donna ensuite un récit détaillé du rôle joué par Jules Isaac, à Rome, dans la préparation du Concile. »

Voici, d'après Léon de Poncins, ce que Jules Isaac exigea du Concile. (Notons que la brochure de M. de Poncins date de 1965.)

L'Église, dit Jules Isaac, est seule coupable; les Juifs sont totalement innocents et purs de toute responsabilité; celle-ci incombe à l'Église dont l'enseignement est la source profonde et durable de l'antisémitisme qui a bouillonné pendant des siècles pour aboutir à ce lieu maudit : Auschwitz ([10]). ( NB Mais c’est Hitler et son National-Socialisme qui en est responsable avec sa doctrine sur le « racisme » et nullement l’Eglise qui, même en cette période difficile, protégea autant qu’elle le put tous les juifs. Voir le rôle de Pie XII).

C'est donc à l'Église seule qu'il appartient de faire acte de réparation en purifiant et en rectifiant son enseignement millénaire et Jules Isaac en vient aux réalisations pratiques.

Il demande, ou plutôt il exige du Concile :

- la condamnation ou la suppression de toute discrimination raciale, religieuse ou nationale à l'égard des Juifs ;

- la modification ou la suppression des prières liturgiques concernant les Juifs, celles du Vendredi Saint en particulier;

- l'affirmation que les Juifs ne sont aucunement responsables de la mort du Christ dont la faute incombe à l'humanité tout entière ; (Voir LNDC du 6 mars 2009)

- la mise en sommeil ou l'annulation des passages évangéliques relatant cet épisode crucial de la Passion, celui de saint Matthieu principalement, que Jules Isaac traite de menteur et de faussaire;

- l'aveu que l'Église porte tous les torts dans cet état de guerre latente qui persiste depuis deux mille ans entre les Juifs, les Chrétiens et le reste du monde ;

- la promesse que l'Église modifiera définitivement son attitude dans un sens d'humilité, de contrition et de pardon à l'égard des Juifs ; enfin qu'elle fera tous ses efforts pour réparer le tort qu'elle leur a causé, en rectifiant et en purifiant son enseignement traditionnel selon les directives de M. Jules Isaac.

L’Eglise, malgré la crise qu’Elle traverse, n’a quand même pas accepté toutes les suggestions de Jules Isaac.

Mais on a vu, cependant,  un pape, ce que l'on n'avait jamais vu auparavant, se rendre à la Synagogue de Rome  pour se repentir au nom de l'Église et solliciter, auprès d'elle, son pardon ; on exige à présent des Catholiques un mea culpa sans restriction; on nous demande même, à nous Catholiques, de nous joindre aux Hébreux pour attendre le Messie, comme s'il n'était pas déjà venu. C’est la déclaration du cardinal Willebrands ;

 

Vous voyez qu’il faut bien connaître le judaïsme. Nous allons nous y employer dans les prochains numéros.

 

Voici maintenant les « dix huit points de Seelisberg »

 

Un enseignement chrétien digne de ce nom devrait :

 

  1. donner à tous les chrétiens une connaissance au moins élémentaire de l'Ancien Testament ; insister sur le fait que l'Ancien Testament, essentiellement sémitique - fond et forme, était l'Écriture sainte des Juifs, avant de devenir l'Écriture sainte des chrétiens ;
     
  2. rappeler qu'une grande partie de la liturgie chrétienne lui est empruntée ; et que l'Ancien Testament, œuvre du génie juif (éclairé par Dieu), a été jusqu'à nos jours une source permanente d'inspiration pour la pensée, la littérature et l'art chrétiens ;
     
  3. se garder d'omettre le fait capital que c'est au peuple juif, élu par Lui, que Dieu s'est révélé d'abord dans sa Toute-Puissance ; que c'est par le peuple juif que la croyance fondamentale en Dieu a été sauvegardée, puis transmise au monde chrétien ;
     
  4. reconnaître et dire loyalement, en s'inspirant des enquêtes historiques les plus valables, que le christianisme est né d'un judaïsme non pas dégénéré mais vivace, comme le prouvent la richesse de la littérature juive, la résistance indomptable du judaïsme au paganisme, la spiritualisation du culte dans les synagogues, le rayonnement du prosélytisme, la multiplicité des sectes et des tendances religieuses, l'élargissement des croyances ; se garder de tracer du pharisaïsme historique une simple caricature ;
     
  5. tenir compte du fait que l'histoire donne un démenti formel au mythe théologique de la Dispersion - châtiment providentiel (de la Crucifixion), puisque la dispersion du peuple juif était un fait accompli au temps de Jésus et qu'à cette époque, selon toute vraisemblance, la majorité du peuple juif ne vivait plus en Palestine ; même après les deux grandes guerres de Judée (1er et 2ème siècles), il n'y a pas eu dispersion des Juifs de Palestine ;
     
  6. mettre en garde les fidèles contre certaines tendances rédactionnelles des Évangiles, notamment dans le quatrième Évangile l'emploi fréquent du terme collectif "les Juifs" dans un sens limitatif et péjoratif - les ennemis de Jésus : les grands prêtres, scribes et pharisiens, - procédé qui a pour résultat non seulement de fausser les perspectives historiques, mais d'inspirer l'horreur et le mépris du peuple juif dans son ensemble, alors qu'en réalité ce peuple n'est nullement en cause ;
     
  7. dire très explicitement, afin que nul chrétien ne l'ignore, que Jésus était juif, de vieille famille juive, qu'il a été circoncis (selon la Loi juive) huit jours après sa naissance ; que le nom de Jésus est un nom juif (Yeschouha) grécisé, et Christ l'équivalent grec du terme juif Messie ; que Jésus parlait une langue sémitique, l'araméen, comme tous les juifs de Palestine ; et qu'à moins de lire les Évangiles dans leur texte original qui est en langue grecque, on ne connaît la Parole que par une traduction de traduction ;
     
  8. reconnaître - avec l'Écriture - que Jésus, né "sous la Loi" juive, a vécu "sous la Loi" ; qu'il n'a cessé de pratiquer jusqu'au dernier jour les rites essentiels du judaïsme ; que, jusqu'au dernier jour, il n'a cessé de prêcher son Évangile dans les synagogues et dans le Temple ;
     
  9. ne pas omettre de constater que, durant sa vie humaine, Jésus n'a été que "le ministre des circoncis" (Romains, XV,8) ; c'est en Israël seul qu'il a recruté ses disciples ; tous les apôtres étaient des juifs comme leur Maître ;
     
  10. bien montrer, d'après les textes évangéliques, que, sauf de rares exceptions, et jusqu'au dernier jour, Jésus n'a cessé d'obtenir les sympathies enthousiastes des masses populaires juives, à Jérusalem aussi bien qu'en Galilée ;
     
  11. se garder d'affirmer que Jésus en personne a été rejeté par le peuple juif, que celui-ci a refusé de le reconnaître comme Messie et Fils de Dieu, pour la double raison que la majorité du peuple juif ne l'a même pas connu, et qu'à cette partie du peuple qui l'a connu, Jésus ne s'est jamais présenté publiquement et explicitement comme tel ; admettre que, selon toute vraisemblance, le caractère messianique de l'entrée à Jérusalem à la veille de la Passion n'a pu être perçu que d'un petit nombre ;
     
  12. se garder d'affirmer qu'à tout le moins Jésus a été rejeté par les chefs et représentants qualifiés du peuple juif ; ceux qui l'ont fait arrêter et condamner, les grands-prêtres, étaient les représentants d'une étroite caste oligarchique, asservie à Rome et détestée du peuple ; quant aux docteurs et aux pharisiens, il ressort des textes évangéliques eux-mêmes qu'ils n'étaient pas unanimes contre Jésus ; rien ne prouve que l'élite spirituelle du judaïsme se soit associée à la conjuration ;
     
  13. se garder de forcer les textes pour y trouver la réprobation globale d'Israël ou une malédiction qui n'est prononcée nulle part explicitement dans les Évangiles ; tenir compte du fait que Jésus a toujours pris soin de manifester à l'égard des masses populaires des sentiments de compassion et d'amour  ;
     
  14. se garder par-dessus tout de l'affirmation courante et traditionnelle que le peuple juif a commis le crime inexpiable de déicide, et qu'il en a pris sur lui, globalement, toute la responsabilité ; se garder d'une telle affirmation non seulement parce qu'elle est nocive, génératrice de haines et de crimes, mais aussi parce qu'elle est radicalement fausse ;
     
  15. mettre en lumière le fait, souligné par les quatre Évangiles, que les grands-prêtres et leurs complices ont agi (contre Jésus) à l'insu du peuple et même par crainte du peuple ;
     
  16. pour ce qui est du procès juif de Jésus, reconnaître que le peuple juif n'y est pour rien, n'y a joué aucun rôle, n'en a même probablement rien su ; que les outrages et brutalités qu'on met à son compte ont été le fait des policiers ou de quelques oligarques ; qu'il n'y a nulle mention d'un procès juif, d'une réunion du sanhédrin dans le quatrième Évangile ;
     
  17. pour ce qui est du procès romain, reconnaître que le procurateur Ponce Pilate était entièrement maître de la vie et de la mort de Jésus ; que Jésus a été condamné pour prétentions messianiques, ce qui était un crime aux yeux des Romains, non pas des Juifs ; que la mise en croix était un supplice spécifiquement romain ; se garder d'imputer au peuple juif le couronnement d'épines qui est, dans les récits évangéliques, un jeu cruel de la soldatesque romaine ; se garder d'identifier la foule ameutée par les grands-prêtres avec le peuple juif tout entier ou même avec le peuple juif de Palestine dont les sentiments antiromains ne font pas de doute ; noter que le quatrième Évangile met en cause exclusivement les grands-prêtres et leurs gens ;
     
  18. en dernier lieu, ne pas oublier que le cri monstrueux : "Son sang soit sur nous et sur nos enfants" ne saurait prévaloir contre la Parole : "Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font".

 

Il faut déjà une bonne connaissance du Judaïsme et du Catholicisme pour pouvoir répondre à toutes ses questions très intéressantes. Nous allons nous y employer.

 

Et nous répondrons aujourd’hui, dans ce numéro d’Item sur la question fondamentale de la responsabilité des Juifs dans la Crucifixion de NSJC. Allez voir la réponse que nous donne saint Thomas que vous trouverez aujourd’hui dans LNDC du 6 mars 2009.



[1]             Archives israélites universelles, + XXV, p. 514. J. Ploncard d'Assac « L'Église occupée ».

[2]             Bulletin du G.O. de France, juillet 1956. « L'Action française », 15 août 1907.

[3]             José Jéhouda : « L'Antisémitisme, miroir du monde », p. 10-11.

[4]             ibid.

[5]             C'est un Juif doctrinaire qui le constate. D'où la nécessité pour les catholiques de demeurer attachés à leurs dogmes, sans donner dans une religion sentimentale. Voir « De Rome et d'Ailleurs », n° 71.

[6]            Rabi :. Anatomie du Judaïsme français », Éditions de Minuit, 1962.

[7]             « Israël et l'humanité », Albin Michel, 1961 (réédition de celle de 1914).

9      A noter que l'antisémitisme de Hitler et des nazis n'était pas fondé sur la religion à laquelle ils ne croyaient pas, mais sur la croyance en l'existence d'une race supérieure. Cette race supérieure devait anéantir les races inférieures parmi lesquelles figuraient les Juifs.

[9]             Le compte rendu de la conférence de Mgr de Provenchères a été reproduit par l'hebdomadaire « Terre de Provence », 23 janvier 1965.