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Un regard sur le monde  politique et religieux

Au 8 mai  2005

 

N°41

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

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Entretien

avec

M. l’abbé Paul Aulagnier

 

Propos recueillis par Fabien Viellefosse,

 

dans « Le Baptistère » n°14

 

 

 

Vous trouverez dans ce numéro d’Item, « Regard sur le monde au 8 mai », n° 41,  le texte de l’entretien  que Fabien Vieillefosse, directeur de la revue « Le Baptistère », a eu avec moi, voilà bien un mois, en tout cas avant le décès de Jean-Paul II et l’élection de Benoît XVI. Je crois même que cette entretien eut lieu pendant la Semaine Sainte.




Vous n'êtes pas inconnu de nos lecteurs et des catholiques attachés à la Messe traditionnelle. Pouvez-vous vous présenter ?

 

 

Je veux bien me présenter. Je suis prêtre, prêtre  catholique de l’Eglise catholique romaine.  Fidèle, je l’espère, à sa Foi, à son Credo et à sa Tradition, à sa Tradition liturgique ancestrale. Formé  à Rome pendant de belles années de ma vie, à l’Université Grégorienne des Jésuites, au séminaire français, à Santa Ciara, en pleine période conciliaire, j’ai gardé de Rome, un vif amour. Un immense respect. Rome est pour moi  le siège de Pierre. Et Pierre est cet Apôtre sur lequel  Notre doux Sauveur a  édifié son Eglise. A  ce titre , cette église romaine est l’unique Eglise du Christ, l’Eglise Catholique , Son Corps mystique. Elle est dès lors le siège de la Vérité.  De ce siège,  rayonne la Vie, la Vie Eternelle, la grâce sanctifiante, une jeunesse éternelle, pleine d’espérance théologale.  Et c’est pourquoi Elle lutte « à mort », aujourd’hui, contre « la culture de mort » qui menace notre civilisation. Voilà  ce qu’est  Rome. J’y  suis attaché comme à la plus belle chose voulue par Dieu. Comme au plus beau des miracles du Christ. J’aime Rome, J’aime l’Eglise de Rome, l’unique Epouse du Christ. J’aime ses  Pontifes. J’aime cette « Ville Eternelle ». J’aime sa lumière. J’aime ses rites, j’aime sa langue, sa langue latine, langue aussi « cultuelle ».  Je célèbre « son » saint sacrifice de la messe, le « vrai ».  Je ne le « préside pas » comme hier encore , en ce beau vendredi saint, je l’entendais dire à Mgr Lalanne, secrétaire général de l’Episcopat français, interrogé sur France Info. Que d’erreurs dans ce mot sur le sacerdoce. Tout le protestantisme…- Et s’ « ils » veulent  - les évêques de France -  des vocations sacerdotales, qu’ils changent d’abord « cette »  théologie. C’est, là, une des  vraies raisons de la perte des vocations… Le prêtre n’est pas un « président » d’assemblées, ni même de communautés.  Je le célèbre, ce sacrifice, dans le rite latin  dit de saint Pie V. Voilà mon titre de gloire. Voilà ma carte de visite.

 

Et si j’ai suivi Mgr Lefebvre, rencontré à Rome dans les années 1964-1968, c’est parce que j’ai apprécié son esprit romain. Son amour de  la Rome éternelle. J’ai été ordonné, par lui,  le 17 octobre 1971, dans la  belle petite église paroissiale de Riddes,  un gros bourg du diocèse de Sion, en Suisse, en parfaite légalité canonique  - Mgr Lefebvre n’était pas encore « suspens a divinis »  -  avec les lettres « démissoriales » données par Mgr de la Chanonie, évêque du diocèse de Clermont, mais laissé au service exclusif de la FSSPX.

 

En effet par mes origines familiales  - je suis d’Ambert, la ville d’Henri Pourrat  - j’étais son « sujet »  et même incardiné dans son  diocèse depuis la réception de la tonsure. Il me fallait donc, c’est le droit de l’Eglise, son autorisation – ce qu’on appelle  les « démissoriales » – pour être  ordonné par un autre évêque que lui. Ainsi, incardiné dans le  diocèse de Clermont, - et non pas Clermont-Ferrand, comme me le précisa, lors de ma première visite, Mgr Hippolyte Simon, l’actuel évêque de ce diocèse  - je fus, toute ma vie,  membre de la FSSPX fondée par Mgr Lefebvre, le 1 er novembre 1970.  Je fus à son service. Ce fut, là aussi, mon honneur et ma gloire.

 

 Après quelques années au séminaire d’Ecône, de 1973 à 1976, - j’en étais même le sous-directeur  - ce qui me permit de bien comprendre l’esprit de notre fondateur, je ne ratais pas une seule de ses conférences spirituelles qu’il donnait très fréquemment, le soir,  je fus nommé supérieur du District de France. Avec mes confrères, tous,  nous l’avons créé. Avec générosité, avec fougue, nous nous sommes lancés dans l’apostolat, dans l’apostolat paroissial, dans la fondation des prieurés, des chapelles, puis des églises  , dans la fondation des écoles, de l’Université saint Pie X, dans la création de  revues, « Fideliter », « Marchons droit », « Vu de haut », « Pactes », « Controverses », … , dans les éditions avec le merveilleux premier livre de Monsieur l’abbé Bonneterre, dans la fondation de librairies, dans la fondation de maisons de retraites spirituelles et même de retraites pour personnes âgées. Tout nous passionnait, la vérité surtout,  l’amour de notre Patrie aussi et lorsqu’il fut question de commémorer la « Révolution française », son bi-centenaire, nous avons senti l’appel de nos martyrs et la légitime fierté d’en rappeler la Mémoire – « pour Dieu et pour le Roi »  - pour les générations nouvelles face à la Laïcité toujours aussi sectaire.  Alors, avec la plume  brillante de François Brigneau, nous voilà partis, avec « L’anti 89 » sous le bras, rappeler les atrocités de la « guillotine ». Nous avons guerroyé pour le pèlerinage de Chartres, son maintien. Que de querelles autour de cette œuvre pourtant toujours nécessaire. - Le démon est toujours là pour détruire les œuvres les plus utiles  - plus utiles  que jamais avec cette suppression du lundi de Pentecôte…Et  aujourd’hui, ce n’est pas un seul, mais  bien  deux pèlerinages  qui existent,  toujours vivants… Après tout, n’est-ce pas la réponse de la Providence et la défaite, ici, de Satan, le diviseur ?  Je rêve d’un prochain dimanche de  Pentecôte où les fidèles des deux pèlerinages assisteront ensemble à la même messe pontificale.  Il le faudrait…Regardez les familles et leurs enfants…C’est la même foi, le même idéal de part et d’autre…les mêmes familles…

 

 



- Vous avez été "écarté" de la Fraternité Saint Pie X dans des  circonstances difficiles. Que pouvez-vous nous dire de vos contacts avec Rome ? Vous  a-t-on demandé des concessions ?

 

 

Oui, j’ai été « écarté » de la FSSPX, en octobre 2003, je crois.  Ce fut la plus grande douleur de ma vie. Elle est toujours vive. Je n’en comprends pas encore très bien les raisons…Jamais je n’aurais pu l’imaginer, le penser. Comment cela fut-il possible ? J’en reste encore tout  coi.

Je reconnais, il vrai, avoir soutenu des positions  qui n’ont pas eu l’heur de plaire à la Maison Générale. Je ne sais toujours pas trop pourquoi. Alors que je me trouvais en Normandie, dans le bulletin Saint Jean Eudes, -  à qui j’essayais de donner  le maximum de diffusion,  - nous avons pu le tirer, vers la fin de mon séjour, à près de 13 000 exemplaires,  - j’ai fini par comprendre que cela déplaisait au Supérieur de District   J’empiétais… Je ne voyais que l’aspect missionnaire…- j’ai soutenu des positions qui me paraissaient raisonnables.  J’en étais convaincu. Je souhaitais que nous soyons plus « missionnaires », plus conquérants, plus actifs, plus imaginatifs dans l’apostolat. Que nous prenions des initiatives plus « conquérantes », que notre attachement à la messe  dite de Saint Pie V soit plus « combatif », que nous soyons plus proches des autorités épiscopales pour les obliger à nous  prendre davantage « en compte ». C’était pour moi, une manière pratique d’éviter le schisme, notre danger. Que nous sortions de nos « ghettos », de nos « donjons » - nos prieurés  -   pour « guerroyer » avec l’autorité…et obtenir ainsi la reconnaissance de notre bon  droit en matière liturgique, la messe dite de saint Pie V, en matière doctrinale…nos critiques légitimes du Concile Vatican II…Voilà pourquoi, j’ai mené avec mes confrères du prieuré de Gavrus et les fidèles normands,  le beau combat que j’appellerais volontiers  « le beau combat de la Messe », au Chamblac,  à Lisieux. Ce pèlerinage avait pour but de faire triompher auprès de l’épiscopat  le droit à la messe. Imaginez, que nous ayons  réuni 10 000, 20 000, 30 000 fidèles de la Tradition aux pieds de Sainte Thérèse   - et nous en prenions année après année le chemin…l’épiscopat français aurait bien dû s’asseoir à une table d’autant que la position de Rome sur la messe de saint Pie V évoluait formidablement avec surtout les prises de position du cardinal Ratzinger, du  cardinal Stickler qui finit par influencer le cardinal Medina, toujours consulteurs à la Congrégation des rites. 

 

Je vous assure que je n’ai pas laissé dormir en paix les quatre évêques des diocèses de Normandie. Toutes les circonstances étaient pour moi l’occasion de me rappeler à leur bon souvenir. Un enterrement avait-il lieu avec demande, par testament, que les obsèques du défunt, ait lieu dans sa paroisse, avec la messe tridentine…je faisais tout pour que l’évêque respecte, à la lettre, le testament de notre fidèle. Mgr Dubijon, l’évêque de Sées, de l’époque, en a su quelque chose… L’affaire fut portée même devant le tribunal…en référé.  Je ne me faisais  pas aimé des autorités ecclésiastiques…Et pourtant, s’ils savaient…Mgr Pican dut régler le difficile problème de la Messe lors des pèlerinages de Lisieux… Je le trouvais très rude…Il devait penser la même chose de moi. Et le recteur du séminaire de Caen était précisément à l’époque M. l’abbé Hippolyte Simon, aujourd’hui, archevêque de Clermont… Il s’en souvient bien. C’est aussi ce qu’il me rappela lors de notre première rencontre…Il a grande mémoire. Meilleure que moi ! Que dire de Mgr David avec notre affaire du Chamblac…Un pèlerinage était organisé au Mont Saint Michel… je voulais dire la messe saint Pie V dans le sanctuaire. L’évêque était informé.. . Une décision s’en suivait…Les autorités de la FSSPX à Suresnes ne devaient pas voir d’un bon œil cette manière de faire…Ils devaient, tous, penser que de telles opérations étaient un danger pour «  l’ordre public »… Ils devaient nourrir des craintes que l’autorité administrative en tire quelques  conclusions graves et que la FSSPX  soit peut-être même interdite sur le sol français. Allez y voir !  Connaissant bien les affaires et pour cause…on aurait pu me faire un peu plus confiance. Il y a des craintes qui sont aussi pusillanimités…Et puis, l’affaire des prêtres de Campos est arrivée. Je n’ai vu, là encore, que l’affaire de la messe.  Les deux documents officiels,  qui règlent le problème,  étaient manifestement en faveur du droit de la messe tridentine. Cela a suffi pour m’enthousiasmer et prendre leur défense. Ce fut un nouveau motif de litige entre la Maison Générale et moi-même. Alors, je suis devenu un « désobéissant ». Il fallait mon silence et mon éloignement. Ce fut d’abord Bruxelles et ensuite  Québec, au Canada.

 

Et puis au Canada, j’ai eu l’occasion de répondre à un interview du journal « The Wonderer », alors que j’étais, je crois,  interdit d’écriture…Cela englobait-il les interviews ? …Je dis cela en souriant.  La coupe était pleine. Il me fut demandé de quitter  la FSSPX. Les règles canoniques ne furent point suivies. La décision, il est clair, est  illicite. Je l’ai fait remarquer aux autorités. Si donc, pour eux,  je ne suis plus membre de la FSSPX, je le reste toujours de « droit » et de toute façon de « cœur ». On ne peut  renier ce que l’on a tant aimé. Quoi qu’il en soit,  la discussion n’était plus possible. Elle m’était refusée. Il fallait me retirer. Je me suis donc éloigné discrètement.

 

J’ai rencontré le Cardinal Castrillon Hoyos, dans le cadre du dicastère du Clergé. Il est aussi, vous le savez, président de la Commission « Ecclesia Dei Adflicta ». « Sunt idem ».  Cela peut faciliter les choses…Je le rencontrai en tant que Préfet… Me recevait-il en tant que président  .Je ne sais…Il le sait.  Je fus très gentiment reçu, une première fois. Il me tint des propos tout à fait respectueux et élogieux sur Mgr Lefebvre. Puis je fus de nouveau, cette fois convié  à la Congrégation du Clergé, par le directeur de cabinet du cardinal, le père Guimarrez, le 14 février 2004. Là, une solution fut élaborée par la Congrégation. Je devais demander, à Mgr Hippolyte Simon, de « réactualiser » mon incardination dans le diocèse de Clermont. Et que, fort de ma « déclaration de foi », et mon désir loyal de « collaborer », il était proposé, à l’archevêque, que me soit dévolue, dans le diocèse, une « église personnelle », avec l’usage exclusif de la messe dite de Saint Pie V. Telle était le désir expresse de la Congrégation. Le dossier fut transmis à la Nonciature de Paris.  Je devais aller me présenter au Nonce, que je connaissais déjà. Ce que je fis ponctuellement. C’était même le  26 février 2004. Il y a des dates qui restent en mémoire. 

 

Et tout cela, je le précise, puisque vous me le demandez, sans aucune concession. La Congrégation, de fait,  ne me demanda aucune « concession ». Aucun « compromis ». Au sujet du Concile, au sujet de la Messe, j’ai dit très clairement que j’acceptais ce que Mgr Lefebvre avait accepté de signer avec le cardinal Ratzinger, lors de la signature du « protocole d’accord » du  5 mai 1988. Et dans cet esprit, j’acceptais de signer les quatre points proposés à Mgr Lefebvre ainsi que plus tard aussi, à Mgr Rangel et à  Mgr Rifan, aujourd’hui, nouvel administrateur de l’Administration Apostolique Personnelle  « Saint Jean Marie Vianney »au Brésil. Dès lors, je reconnaissais le Souverain Pontife et son  autorité apostolique, Jean-Paul II. Je reconnaissais la validité de la nouvelle Messe si elle est célébrée dans l’esprit de l’Eglise. – Cela vaut aussi pour la messe tridentine. -  Je  reconnaissais la légitimité du Concile  Vatican II, Concile œcuménique, tout en l’interprétant à la lumière de la Tradition et donc pouvant en discuter certaines « appréciations ».  Je ne vois en cela aucun concession, ni compromission. J’ai toutefois demandé à l’autorité, de pouvoir proposer un autre texte plus adapté à la situation présente et locale. Ce qui me fut accordé. 

 

Nous nous sommes quittés dans la joie et l’amitié sacerdotale profonde.

Et me voilà chez le Nonce, à Paris  - Nous étions le jeudi 26 février, vous dis-je  -,  puis, sachant que le dossier avait été transmis chez Mgr Hippolyte Simon, me voilà  à Clermont.

 

Vous êtes maintenant incardiné dans le diocèse de Clermont-Ferrand. Quels ont été les contacts que vous avez eus avec votre Evêque ?

 

 

Oui, vous dis-je, je suis incardiné au diocèse de Clermont. Comme je le fus depuis toujours.

 

 

« Comment cela s’est-il passé » ?

 

 

Vous êtes curieux ?

Je lui téléphone. J’ai son secrétariat. Nous prenons date d’un rendez-vous. Pour le mercredi 3 mars 2004, à 14h30. Quelques jours plus tôt, la secrétaire de l’archevêque me rappelle : « Mgr Simon vous invite à sa table, pour le repas de midi ».  « Très bien ! Vous l’en remerciez. Dites lui que j’y suis sensible ».

 

Le jour dit, me voici à l’archevêché. Je suis conduit dans le parloir. L’archevêque ne tarde pas. Nous nous mettons à table. Nous sommes face à face. Il me met gentiment à l’aise. Le repas fut bon. Nous parlons de choses et d’autres. Il ne voulut pas aborder le sujet à table. Ce fut cependant un  peu difficile. Je remarque un beau tableau dans la salle à manger. Il représente sa mère faisant du crochet… « C’est la seule chose, me dit-il,  que j’ai amené de Normandie ». Il est d’Avranches de parents paysans. Je lui en fais compliments…Le café pris, nous nous trouvons sans retard dans son bureau.

 

La conversation  est franche et directe. Ce n’est pas la moindre qualité de l’évêque…

Il avait réfléchi à sa réponse…avant même notre entretien. Il acceptait mon incardination, mais, pour des raisons propres au diocèse et en raison de ma « mauvaise réputation dans le diocèse »  -  il me rappela et me donna copie de la lettre que Mgr de la Chanonie avait écrite au chanoine Ouvry, du diocèse de Clermont, ami de mes parents, lui disant sa grande déception de m’avoir vu suivre Mgr Lefebvre, dans sa « suspens a divinis », contrairement à mon engagement….- il ne pouvait me donner le moindre ministère. D’église « personnelle », il n’en était même pas question. Il me lut la lettre qu’il adressait en ce sens au cardinal Castrillon Hoyos. L’affaire était conclue…négativement. Il est maître chez lui !Et Rome accepta, sans plus, la décision de l’archevêque.

 

Toutefois, je gardais - et garde -  bons contacts avec le « Père » Simon… Il me donna lui-même  ce qu’on appelle le « celebret », un soir, lors d’une conférence que donnait Mgr Jordan,  l’évêque de Reims, le 15 mars 2004. Le « celebret »… c’est important pour un prêtre. C’est un peu la « carte d’identité » du prêtre. Il  lui permet d’authentifier son sacerdoce ; il  est la preuve de la juridiction du prêtre, dans son diocèse ; il peut célébrer la sainte messe, entendre les confessions selon les normes du droit et c’est l’assurance qu’il n’est frappé d’aucune peine canonique. Vous voyez, ce n’est pas rien. J’ai au moins obtenu cela…Il vient de me le renouveler. Et écrivit  même, « sans condition ». Il me précisa un peu plus tard que je pouvais célébrer la messe saint Pie V, dans le diocèse,  dans la paroisse  d’Ambert, mon origine, pour un groupe  familial ainsi qu’au monastère de Randol, monastère bénédictin, tout près de Clermont Ferrand.

 

Comme je tardais un peu à écrire le texte de ma « déclaration » dont je vous ai parlé plus haut et que Rome me demandait,   Mgr Simon m’y poussa gentiment. Me la rappelant plusieurs fois au cours de nos rencontres et par courrier. Je la lui adressais au cours des grandes vacances 2004. Il me fit connaître par lettre,  le 6 septembre 2004, la réponse  favorable du cardinal : « Le cardinal Castrillon Hoyos me fait  parvenir un fax qu’il me demande de porter à votre connaissance. Je le ferai volontiers, si vous voulez bien venir à l’évêché, à un moment que vous voudrez bien fixer avec mon secrétariat. Il me dit avoir accueilli favorablement l’envoi de votre déclaration ». J’étais aux anges.

 

Voici ce que Mgr Simon appelle « ma déclaration ».

Vous jugerez vous même si j’ai fait quelques concessions !

 

Abbé Paul Aulagnier

42 avenue de la Marne                                                                O4/07/04  

03200 Vichy                                              

 

                           Eminence,    

 

Puisque vous voulez  bien donner un cadre juridique à mon ministère et sachant les incompréhensions accumulées de part et d’autre entre les catholiques « traditionnels » et les catholiques « conciliaires », il me semble nécessaire  :

 

1°/ Que je vous précise que vous recevez avec moi un de ces prêtres dont la force ou la faiblesse, selon les points de vue, est d’avoir réagi aux secousses de l’Eglise en se voulant  fidèle à la Tradition dans l’esprit  du « Communitorium » de Lerins.

De sorte que je vous demande de ne pas douter que je reconnais, si j’ose dire plus que quiconque, la charge que le Pape Jean-Paul II a reçue,  par mandat du Souverain Pasteur,  de  paître toutes les brebis et tous les pasteurs.  Et que je lui dois, dès lors,  respect et l’assurance de mes prières.
Lorsque je discute d’un certain nombre d’options théologiques, fussent-elles prises par le Concile Œcuménique Vatican II, c’est avec et je dirais en raison d’ un sur-respect, si vous m’accordez l’expression, de l’autorité légitimement engagée.

 

Quant à la défense de la messe dite de Saint Pie V à laquelle je me suis consacré et que je célèbre uniquement selon le droit,  elle ne m’empêche nullement de reconnaître la validité du Novus Ordo Missae  promulgué par le Pape Paul VI . Et pour dire précisément et théologiquement sur quoi repose ce qu’on a pu m’imputer : le NOM me paraît offrir moins de « garde-fous » au fait que certains célébrants aient pu le célébrer sans avoir l’intention de faire ce que  fait l’Eglise.

 

2° : Que dans les circonstances ecclésiales présentes, très préoccupantes pour tous les pasteurs et tous les  catholiques de l’Eglise de France du fait notamment de la pénurie extrême de prêtres, je m’engage spécialement à favoriser humblement un esprit de respect des personnes, de charité chrétienne et sacerdotale, de souci réel du bien commun pastoral, ayant très présent à l’esprit, pour ce qui concerne les légitimes discussions, l’adage de Saint Augustin : « In principiis unitas, in dubiis libertas, in omnibus charitas ».

Je reste bien évidemment ouvert à toutes suggestions.

 

En vous remerciant  de l’attention que vous voudrez bien porter à cette « déclaration », je vous prie d’agréer, Eminence,  l’expression de ma haute considération en NSJC                                                                                                                   Abbé Paul Aulagnier. 

 

 

 

 

 

 Pour essayer d'obtenir du ministère, vous avez rencontré plusieurs  Evêques.
Que pouvez nous dire de ces contacts ? Les Evêques français sont-ils prêts à accepter notre spécificité liturgique ?

 

Oui, j’ai essayé de contacter quelques évêques de France… Mgr Faure, d’Orléans, Mgr Rolland, de Moulins, j’ai eu un contact avec le diocèse de la Rochelle… Avec  Monsieur l’abbé Lourdellais, curé de Belloy en France, paroisse de Pontoise, nous avions envisagé une succession possible dans sa paroisse. Agé, il voulait se retirer.  Il en parle à son nouvel évêque, l’évêque de Pontoise, Mgr  Riocreux.  N’ayant personne à lui proposer, il  lui répond de chercher lui-même… Je suis libre, le curé  l’apprend, nous envisageons une succession, le mode.  Une indiscrétion a lieu. Christophe Geffroy en parle dans « la Nef ». Notre bon abbé visite son évêque, lui donne le nom d’ « Aulagnier ». La réponse est immédiate. Négative…Et puis, vous vous  rendez-compte : « la Nef a annoncé la chose ».  Cela a fait mauvais effet auprès de l’évêque. Pretexte ? Je ne sais. Ce que je sais c’est que je ne suis pas aimé en France. L’ancien secrétaire général de l’Episcopat Français, aujourd’hui recteur de la Basilique de Lisieux, et qui avait en conséquence l’oreille des évêques de France, apprenant que j’étais « exilé » au Canada, dit à la personne qui l’en informait : « surtout qu’il y reste ». Sic ! J’imagine que l’extension du District de France sous mon autorité en est la raison…Quand je suis parti, j’ai laissé un district en ordre, en paix, avec plus de 120  prêtres, Jeunes…et de nombreuses écoles.…pas loin de 2000 élèves…De quoi faire rager…il est vrai….

 

J’ai aussi visité Mgr Ricard à Bordeaux. Je l’avais rencontré dans l’avion. Il revenait de Rome, de  la visite « ad limina » de la région de l’Ouest de la France. Nous étions en pleine affaire de l’Eglise Saint Eloi, à Bordeaux.  Nos abbés se débattaient dans les diverses procédures. Je lui ai demandé un rendez-vous. Très accueillant, il me reçut le 19 mai 2004 . C’était un simple contact. Je lui proposais mes services. J’ai eu l’occasion de le revoir fin Août 2004, au Barroux. Il y était venu pour conférer les ordinations sacerdotales à deux jeunes moines. Là, je lui parle de Mgr Daucourt, de Nanterre, et de ses difficultés avec « Paix Liturgie 92 ». Peut-être pourrais-je lui être utile pour lui permettre de trouver une solution ? Il s’engage à le contacter pour me faciliter la rencontre. J’ai l’occasion d’en parler à Mgr Simon. Il m’encourage. Mgr Ricard contacte personnellement l’évêque. Il me le fait dire. Alors je crois pouvoir téléphoner à l’évêque de Nanterre. Je lui téléphone, une fois, deux fois, trois fois…Toujours la secrétaire…Finalement elle me dit : « Mais envoyez une lettre pour préciser votre demande… ». Je le fais… «  C’était quelque jours avant l’assemblée annuelle de l’Episcopat Français à Lourdes…fin octobre, début novembre 2004.  Je sais qu’ils en ont parlé ensemble.  Mgr Simon me le confirma par écrit…me reprochant de n’être pas passé par lui…Je croyais lui en avoir suffisamment parlé.

Aucune nouvelle.

 

Il est clair que les évêques de France ne désirent pas  gérer dans les diocèses, le « bi-ritualisme ». Ils règlent les problèmes ponctuels qui existent éventuellement dans leur diocèse., sur ce sujet. Ils acceptent les décisions de Rome et du Motu Proprio « Ecclesia Dei »… et encore avec beaucoup d’hésitation et de peine. Les prêtres qu’ils acceptent dans leur diocèse  et qui, pour des raisons ponctuelles, peuvent dire la messe saint Pie V, doivent, eux, accepter le « bi-ritualisme », accepter les deux rites…et célébrer la nouvelle messe…et, qui plus est, accepter la concélébration… Mais ils ne veulent pas, pas  encore du moins… de leur propre chef,  faire droit exclusivement à la messe tridentine, dans telle ou telle paroisse. Le cardinal Castrillon Hoyos a beau déclarer que la messe de saint Pie V a , dans l’Eglise, « droit de citoyenneté », cela n’entraîne pas une plus grande ouverture de la part de la collégialité… Le cardinal Stickler a beau multiplier les critiques théologiques de la Nouvelle Messe, cela laisse imperturbable l’épiscopat français dans son refus universel de la messe « de toujours ». Le cardinal Ratzinger a beau, à Rome, le 24 octobre 1998, expliquer que les évêques de France n’ont rien à craindre en acceptant l’ancienne messe, rien à craindre pour  l’unité de leurs diocèses, rien n’y fait.  Il eut fallu, peut-être, qu’à l’occasion de la publication de la lettre apostolique de Jean-Paul II sur les règles liturgiques à observer dans la célébration de la messe nouvelle, un ordre soit  donné, de plus haut…et plus fermement. Nous l’aurions espéré…Rien n’est venu…Mais peut-être qu’à l’occasion du prochain synode consacré à l’Eucharistie, en octobre prochain, une décision sera prise… J’ai trouvé tout à fait intéressant dans la Lettre du pape à l’occasion du Jeudi Saint de cette année, tout le paragraphe qu’il consacre à l’étude du « mysterium fidei », expression qui se trouve expressément, et uniquement dans la  formule de la consécration du vin, dans le  rite de Saint Pie V et nullement dans le rite de Paul VI . Le pape prépare-t-il le terrain… psychologiquement… ?


- Vous écrivez souvent que vous ne voulez aucunement entendre parler du Motu Proprio « Ecclesia Dei ». Votre situation vous a "rapproché" des différentes communautés.. Que pouvez-vous en dire ?

 

 

Ce n’est pas ma situation personnelle qui m’a rapproché des communautés dépendant d’ « Ecclesia Dei ». C’est d’une part la nécessité du « combat », il faut cette unité. Il faut le regroupement des forces. C’est urgent. La Chrétienté est aux abois.  Je constate avec beaucoup de joie  que Jean Madiran la souhaite, l’appelle de ses vœux. Je constate que Romain Marie  y travaille hardiment. Voyez son prochain congrès, voyez sa déclaration à Jeanne Smith dans « Présent » du 25 mars dernier. C’est aussi le constat que bien des prêtres de la Fraternité Saint Pierre font. Ils veulent ce rapprochement. Beaucoup  travaillent dans ce sens. Leurs convictions actuelles – beaucoup se disent et sont « mono-ritualistes » - le permettraient certainement.  Je suis bien placé pour le savoir. Certains m’ont invité, et pas seulement un, ni deux, ni trois …mais  un grand nombre à une rencontre informelle, sympathique, très amicale. J’ai pu apprécier leur fermeté… et leur amour de Mgr Lefebvre. Il sont très proches de nous. Vraiment.

 

Toutefois, je ne change pas de position sur le Motu Proprio « Ecclesia Dei Adflicta ». J’y suis très opposé. Je l’ai dit clairement à la Congrégation du Clergé. Je l’ai dit encore tout récemment dans ma lettre ouverte à Mgr Fellay. Je ne peux pas être favorable à ce Motu Proprio pour une question d’honneur. Mgr Lefebvre y fut condamné injustement… et pour les sacres faits et parce qu’il n’aurait pas eu  juste conception de la « Tradition vivante ». Faudrait-il encore   préciser ce terme. Des grands, théologiens et philosophes, - avant même l’affaire Lefebvre, nous étions du temps de Pie XII, autour de  la publication d’ « Humani generis »  - étaient déjà contre cette expression et surtout contre la théologie sous-jacente. Voyez le Père Garrigou-Lagrange, dominicain. Voyez le Père Boyer, jésuite de la Grégorienne. Quelle « guerre n’ont-ils pas menée contre cette « nouvelle théologie ». Si vous voulez vous régaler, intellectuellement,  je vous conseille de lire l’article du Père Garrigou, publié dans « Angelicum » en 1946.  le volume 23. Son titre, lui seul, en dit long : « La nouvelle théologie, où va-t-elle »? La doctrine est la doctrine.

 

A ce « Motu Proprio »,  j’y suis encore opposé  en raison de la situation faite à la « messe traditionnelle ». Certes, j’applaudis à ce que l’autorité romaine demande que l’on fasse bon accueil à ceux qui désirent cette messe de toujours…Mais  je remarque que la législation  encore en vigueur, en cette année 1988, est celle prévue par la lettre « Quattuor abhinc annos »…La messe traditionnelle était, là encore, seulement « concédée » pour des raisons purement circonstancielles…  Permettre le retour des « lefebvristes » dans le « giron »  de l’Eglise sans pour autant « pérenniser » les formes anciennes. C’était l’expression  du  cardinal Re. Monsieur de Saventhem avait alors beau jeu de lui répondre,  - j’aime cette phrase, je vous la cite : « Même ecclésiologiquement,  cette clause paraît indéfendable. La « liturgie classique »  du rite romain de la messe est déjà douée de pérennité intrinsèque en tant que monument incomparable de la foi. Son usage universel et multi-séculaire, bien avant la Constitution apostolique « Quo Primum », lui confère en outre la pérennité canonique de la « consuetudo immemorabilis ». Par conséquent, la « pérennisation » dont parle votre lettre n’est aujourd’hui ni à octroyer ni à ôter à la liturgie classique  - elle est  simplement à reconnaître et à faire respecter dans les dispositions réglant son emploi à côté des rites réformés » (p. 388 in « Enquête sur la Messe «  La Nef) . Voilà pourquoi je suis opposé à ce « Motu Proprio » et mes confrères qui ont fondé la FSPierre et les autres communautés ont eu bien tort, - eux – de l’accepter.  Cela leur a valu les pires ennuis en 1999. On n’ a jamais intérêt à accepter des situations « équivoques ». C’est là où je vois la grande force de Mgr Fellay.

 



Vous êtes un témoin privilégié des 40 dernières années. Comment  regardez-vous l'Eglise aujourd'hui ? Qu'est-ce qui a changé ? Quelles sont les sources de joies ? Des tristesses ?

 

 

Qu’est-ce qui a changé dans l’Eglise, me demandez-vous ? Je vous dirais : l’attitude de l’Eglise de Rome par rapport à la messe traditionnelle. Elle en confesse « doctrinalement » son bon droit dans l’Eglise. Oui, je constate une évolution à ce  sujet.  Même une grande évolution. Et  cela est, pour moi, un motif de joie. Voyez : entre 1974, exactement entre le  24 mai 1974, -  date du Consistoire tenu par Paul VI où le pape, de son autorité apostolique, demandait que seule la messe nouvelle, sa messe, soit célébrée pieusement par toutes les communautés et que sa messe n’était pas laissée au libre choix des personnes …-  et le 24 mai 2003,  - où le cardinal Castrillon Hoyos, célébrait, au nom du pape Jean-Paul II, la messe tridentine à Sainte Marie Majeure, déclarant de plus qu’elle avait « droit de citoyenneté » dans la sainte Eglise  -   Oui, entre ces deux dates,  que de chemin parcouru. Nous aurons l’occasion, n’est-ce pas, d’en parler encore dans vos colonnes.  Le droit de la messe de toujours est affirmé. Il suffit de le faire reconnaître par les épiscopats. La chose semble assez facile dans les pays des USA, plus difficile en France. Mais, remarquez-le bien,  ce problème  relève  de la « politique » et non plus, maintenant de la « doctrine ». Cette distinction est très importante.  Le mouvement va dans le bon sens. Si la victoire n’est pas encore obtenue, elle n’est plus loin. C’est l’intime conviction du cardinal Stickler. C’est l’opinion aujourd’hui du cardinal Medina. J’ai eu l’occasion de le rencontrer lors de mes deux voyages romains. Il me l’a dit explicitement. C’est ma conviction. C’est pourquoi ce n’est pas le moment de baisser les bras.

 

Et c’est là où je vois le grand intérêt de l’affaire de saint Eloi à  Bordeaux. Voilà une situation qui, certainement, va évoluer dans le bon sens et tout à l’avantage de la messe tridentine et de son droit dans l’Eglise et là, en l’occurrence,  par une  reconnaissance de l’épiscopat français. Après ce que je vous ai dit plus haut, vous comprenez l’intérêt de l’affaire. Je vous donne rendez-vous dans quelque temps. Et c’est bien dommage que les jeunes autorités actuelles de la FSSPX n’aient  pas vu l’opportunité de cette affaire et n’y aient vu, encore une fois ,  qu’une affaire d’autorité et d’obéissance, se « focalisant » sur ce point, certes important, mais mineur par rapport au bien commun et à l’ensemble du combat que nous menons avant même qu’ils n’étaient….Cette victoire sera à mettre au compte des abbés de Bordeaux et de l’habileté de Mgr Ricard. Le fait qu’il soit président de l’épiscopat français, que la Providence ait permis qu’il reste à Bordeaux…tout cela n’est pas sans intérêt. Le Bon Dieu a ses vues…Mais acceptez, je vous prie, ma discrétion…

 

Pouvez nous dire en quoi consiste votre Ministère actuel ? Quels sont les projets que vous avez ?

 

 

Mon ministère ? Je vous l’ai dit, plus haut,  je n’ai pas de ministère…Et c’est une grande douleur. .Ah ! Si !  j’oubliais… Je passe mon temps sur mon « site »,  Item . Je vous y invite. Son animation me prend tout mon temps.  J’en profite, aussi,  pour réfléchir, pour travailler ma théologie. Je prie. Je me console en prenant le  Père de Foucault comme exemple. Il  est resté bien seul. Et vous croyez que son existence fut sans raison ?

 

Ah, Si ! j’oubliais encore.  Faute de paroisse en « chair et en os », j’ai créé une paroisse « virtuelle », la paroisse saint Michel. Dans ce cadre, à l’occasion du Jubilé du Puy, j’invite ma famille. Elle sera nombreuse…Je n’y peux rien… à venir, avec moi, essayer de  gagner l’indulgence plénière… Les samedi et dimanche 9 et 10 juillet 2005.  Tout est en ordre…Même pour la célébration de la messe saint Pie V à la Cathédrale, dans la belle chapelle du Saint Sacrement.

La dame charmante du secrétariat ayant eu quelque crainte en apprenant qui j’étais, me remit dans les mains du curé de la cathédrale. Il me dit : « Oh du moment que vous êtes en communion avec le Souverain Pontife, je ne vois pas de difficulté à ce que vous célébriez la messe saint Pie V en latin, dans la cathédrale ». Je l’en ai vivement remercié. Il y a dans notre chemin de croix toujours quelques consolations et rayons de lumière…Une raison de plus qui me fait penser qu’une « normalisation » de notre situation  avec Rome aurait bien quelques intérêts ». Il y a des moments où il vaut mieux être dedans que dehors…