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Un regard sur le monde  politique et religieux

Au 5 juillet 2006

 

N° 96

Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier

 

 

 

Encore

une nouvelle interview

du

secrétaire de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements,

Mgr Albert Malcolm Ranjith

 



A-Présentation.

 

Décidément, le secrétaire de la Congrégation pour le culte divin parle actuellement beaucoup…

Comme s’il était mandaté par le pape Benoît XVI pour préparer les esprits à quelque chose d’important dans l’Eglise  en matière liturgique…En effet,  toute nouveauté, toute décision importante pour être bien reçue par le peuple, doit être préalablement expliquée, annoncée…C’est manifestement ce que fait actuellement le secrétaire, Mgr Ranjith. Il le fait dans l’esprit du Pape...avec les nuances que doit apprécier le pape.

 

En effet Isabelle de Gaulmyn, vient de publier dans la CROIX du 25 juin 2006, une nouvelle interview du prélat romain.

 

Nous reproduisons ci-dessous le texte dans son intégralité.

 

On y retrouve tous les thèmes abordés dans la précédente interview  que j’ai commentée dans le « Regard sur le monde » du 28 juin dernier.

 

a- Il reprend le thème de la messe tridentine qui, dit-il, n’est pas « hors la loi ». Voilà un sujet qui doit bien tenir à cœur au Pape. Le pape veut sa restauration …dans l’Eglise.  Il l’a dit clairement alors qu’il était cardinal. Mais nul ne sait encore quand cela se fera…Il a soutenu cette position, indépendamment du problème de la FSSPX et de ses réclamations. Pour moi, il serait, de fait,  très judicieux et politique mais surtout très juste que cette messe tridentine soit enfin reconnue, de libre usage dans l’Eglise, par décision pontificale, indépendamment de toute négociation avec une quelconque Fraternité. Ce serait un simple acte de respect du « à l’être historique de l’Eglise, à ses coutumes légitimes et immémoriales ». Ce serait un acte d’honneur « rendu à la messe catholique traditionnelle, latine, grégorienne selon le Missel Romain de saint Pie V ». Ce serait un acte qui ferait honneur, aussi, à la fonction pétrinienne dans l’Eglise : restaurer le droit. En agissant ainsi, « Pierre » poserait un acte de justice.  La paix serait redonnée à l’Eglise. Cet acte de courage serait tout à son honneur. Si la messe tridentine revenait sur la surface comme fruit d’une négociation avec une quelconque Fraternité, ce ne serait, à mon avis, pas très heureux. Le droit est le droit. Et on se grandit toujours à la dire et à le faire respecter.

 

b- Il reprend aussi le thème de la « Réforme de la Réforme »…la liturgie réformée s’étant, nous dit-il,  trop éloigné de la Constitution Sacro Sanctum liturgicum. Il parle de nouveau, ici, de « changements » et même de « dérives ». Mais ce sont les idées très souvent exprimées par le cardinal Ratzinger…Il préparait les réflexions sur ce thème, déjà, dans son livre « L’Esprit liturgique ». Benoît XVI veut certainement y travailler. Il le fait dire par le secrétaire de la Congrégation concernée, la Congrégation des rites. A Fontgombault…en juillet 2001…ce thème de la Réforme de la réforme fut l’objet de ses considérations.

 

c- Il reprend le sujet du latin, tout en disant qu’il faut user  des langues vernaculaires pour la partie dite « liturgie de la parole ». Il me semble difficile de penser que la latin, avec Benoît XVI, ne retrouve pas ses droits dans les célébrations liturgiques…sinon totalement, du moins partiellement…

 

d- Il reprend le problème de la célébration « ad orientem » de la liturgie. Mais cette question fait l’objet de deux chapitres du livre du Cardinal Ratzinger : « L’Esprit liturgique ». Là aussi, il me semble difficile de ne pas penser que le pape encourage cette forme de célébration, ad orientem, là où ce sera possible…

 

e- Quoiqu’il en soit, nul doute qu’avec Benoît XVI, la liturgie va retrouver sa noblesse dans l’Eglise…Le pape va, du moins, agir en ce sens…C’est ce qu’il écrit dans la préface de son livre « l’Esprit de la liturgie ». Ce livre a pour but, dit-il,  « de contribuer à une meilleure intelligence de la foi et de sa juste célébration dans la liturgie, qui est la forme privilégiée de son expression. - Notons au passage que cette expression est  très guérangerienne (Dom Guéranger) n’en déplaise  à un certain Fr P.M. qui exprime  le contraire dans une petite étude de mauvais goût intitulée « Que penser de Benoît XVI – Le cardinal poursuit : « Si ce livre pouvait donner naissance à un nouveau « Mouvement liturgique », ou aider à retrouver une manière digne de célébrer la liturgie tant dans sa forme extérieure que dans les dispositions intérieures qu’elle appelle, l’intention qui a inspiré ce travail serait  pleinement réalisée ».(p 10) 

 

C’est là un sujet constant que l’on trouve toujours sous la plume du cardinal Ratzinger. Il est vrai de dire que pour Benoît XVI, la liturgie est « une priorité ». Il est clair que la liturgie est le seule « catéchisme » qui reste à notre chrétienté…D’où son importance et l’importance de sa « restauration ».

 

f- Il faut revenir, dit-il, - c’est sa grande préoccupation -, à une juste compréhension de la liturgie.

Il le fait très bien dans « L’Esprit de la Liturgie ». Prenons un petit exemple : la « prière ad orientem ».  De cette orientation, il en fait comprendre et son symbolisme et sa signification théologique.

 

Il écrit dans le chapitre 2 intitulé le « lieu sacré » : « si l’on prie maintenant dans l’Eglise « ad orientem », c’est que la prière « a maintenant pour référence le Christ, le Logos éternel, Verbe vivant né de la Vierge Marie, véritable lumière de l’histoire qui illumine désormais le monde entier. L’Orient prend symboliquement le relais du Temple de Jérusalem et le Christ, représenté par le soleil devient le lieu du trône du Dieu vivant… »…

 

L’orientation a ainsi plusieurs significations.

 

« Elle exprime la forme christologique de notre prière : en dirigeant notre regard vers l’est, nous le tournons d’abord vers le Christ, point de rencontre de Dieu et de l’homme. Symboliser le Christ par le Soleil levant, c’est également définir la christologie de façon eschatologique. Le soleil levant symbolise le Seigneur du second avènement, l’aube finale de l’histoire ».

 

« Prier  en direction de l’est signifie donc aussi partir à la rencontre du Christ qui vient. Une liturgie tournée vers l’est nous fait en quelque sorte entrer…vers le ciel nouveau et la terre nouvelle qui viennent à notre rencontre dans le Christ. Elle est prière d’espérance, prière sur la voie ouverte par l’incarnation, la crucifixion et la résurrection du Christ ». (p 58)

 

C’est une belle explication très probante qui met en honneur le rôle unique  du Christ, Seigneur, le Logos comme l’appelle sans cesse saint Jean, dans la piété chrétienne.

 

Et le F P.M va vous dire solennellement: « on ne sent pas de piété dans ce livre. C’est un livre froid, technique, d’un professeur de faculté de la fin du XX siècle. Il y a de beaux passages, mais ce sont des citations des Pères de l’Eglise, (NDLR, cette remarque est odieuse) tandis que les considérations sur le logos … (p 125…ne porte pas particulièrement à l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ. D’ailleurs, le cardinal n’emploie jamais la formule : « Notre Seigneur Jésus- Christ. Il parle plus volontiers du Logos. Quant à la sainte Vierge Marie, c’est simplement Marie et encore est-elle à peine évoquée…(p 45)

 

En mettant ces deux citations côte à côte, le lecteur est à même de juger la valeur de cette critique….

 

B- Voici maintenant le texte de l’interview.

 

 

La Croix : On a le sentiment que, pour Benoît XVI, la liturgie est une priorité.

Mgr Albert Ranjith : A juste titre. Lorsque l’on remonte l’histoire de la liturgie à travers les siècles, on voit combien est important pour tout homme le besoin d’écoute de Dieu et de contact avec l’au-delà. L’Eglise a toujours été consciente que sa vie liturgique doit être orientée vers Dieu et comporter une atmosphère profondément mystique. Or, depuis quelques années, on a tendance à l’oublier, pour y substituer un esprit de liberté totale qui laisse tout l’espace à l’invention, sans enracinement, ni approfondissement.

– Serait-ce que la liturgie est devenue l’objet de polémiques, de débats dans l’Eglise, voire un facteur de graves divisions ?

Je pense que c’est là un phénomène proprement occidental. La sécularisation en Occident a entraîné une forte division entre ceux qui se réfugient dans le mysticisme, en oubliant la vie, et ceux qui banalisent la liturgie, en la privant de sa fonction de médiatrice vers l’au-delà. En Asie – par exemple au Sri Lanka, mon pays –, chacun, quelle que soit sa religion, est très conscient du besoin de l’homme d’être porté vers l’au-delà. Et cela doit se traduire dans la vie concrète. Je pense qu’il ne faut pas abaisser le sens du divin au niveau de l’homme, mais au contraire chercher à hisser l’homme vers le niveau supra-naturel, là où nous pouvons approcher le Mystère divin. Or, la tentation de devenir protagoniste de ce Mystère divin, de chercher à le contrôler est forte dans une société qui divinise l’homme, comme le fait la société occidentale. La prière est don : la liturgie n’est pas déterminée par l’homme, mais par ce que Dieu fait naître en lui. Elle implique une attitude d’adoration vers le Dieu créateur.

– Avez-vous le sentiment que la réforme conciliaire est allée trop loin ?

 Il ne s’agit pas d’être anti-conciliaire ou post-conciliaire, ni conservateur ou progressiste ! Je crois que la réforme liturgique de Vatican II n’a jamais décollé. D’ailleurs, cette réforme ne date pas de Vatican II : elle a en réalité précédé le Concile, elle est née avec le mouvement liturgique au début du XXe siècle. Si l’on s’en tient au décret Sacrosanctum Concilium de Vatican II, il s’agissait de faire de la liturgie la voie d’accès à la foi, et les changements en la matière devaient émerger de manière organique, en tenant compte de la tradition, et non de manière précipitée. Il y eut de nombreuses dérives, qui ont fait perdre de vue le véritable sens de la liturgie. On peut dire que l’orientation de la prière liturgique dans la réforme postconciliaire n’a pas été toujours le reflet des textes de Vatican II, et en ce sens, on peut parler d’une correction nécessaire, d’une réforme dans la réforme. Il faut regagner la liturgie, dans l’esprit du Concile.

– Concrètement, par quoi cela passe-t-il ?

Aujourd’hui, les problèmes de la liturgie tournent autour de la langue (vernaculaire ou latin), et de la position du prêtre, tourné vers l’assistance ou tourné vers Dieu. Je vais vous surprendre : nulle part dans le décret conciliaire, on n’indique qu’il faut que le prêtre désormais se tourne vers l’assistance, ni qu’il est interdit d’utiliser le latin ! Si l’usage de la langue courante est consenti, notamment pour la liturgie de la      Parole, le décret précise bien que l’usage de la langue latine sera conservé dans le rite latin. Sur ces sujets, nous attendons que le pape nous donne ses indication.

– Faut-il dire à tous ceux qui ont suivi, avec un grand sens de l’obéissance, les réformes post-conciliaires qu’ils se sont trompés ?

 Non, il ne faut pas en faire un problème idéologique. Je remarque combien les jeunes prêtres, ici, aiment à célébrer en rite tridentin. Il faut bien préciser que ce rite, celui du missel de saint Pie V, n’est pas « hors la loi ». Faut-il l’encourager davantage ? C’est le pape qui décidera. Mais il est certain qu’une nouvelle génération est en demande d’une plus grande orientation vers le mystère. Ce n’est pas une question de forme, mais de substance. Pour parler de liturgie, il ne faut pas seulement un esprit scientifique, ou historico-théologique, mais surtout une attitude de méditation, de prière et de silence.

Encore une fois, il ne s’agit pas d’être progressiste ou conservateur, mais simplement de permettre à l’homme de prier, d’écouter la voix du Seigneur. Ce qui se passe dans la célébration de la gloire du Seigneur n’est pas une réalité seulement humaine. Si on oublie cet aspect mystique, tout se brouille, et devient confus. Si la liturgie perd sa dimension mystique et céleste, qui, alors, aidera l’homme à se libérer de l’égoïsme et de son propre esclavage ? La liturgie doit avant tout être une voie de libération, en ouvrant l’homme à la dimension de l’infini.

 

Recueilli par Isabelle de GAULMYN à Rome
La Croix du 25 juin 2006

 

C-Le mouvement « Paix Liturgie 92 a réagi à cette interview..

 

Il s’est exprimé dans sa Lettre n° 54 du 30 juin  2006.

Vous trouverez ci-dessous le texte de sa réaction.

 

 

► Les réactions de Paix Liturgique :

 

– Merci Monseigneur Albert Malcolm Ranjith Patabendige Don pour vos paroles de paix, pleines de bon sens ! Merci de parler de ce magnifique sujet qu’est la liturgie sans arrière-pensée doctrinaire, sans hypocrisie, sans préjugés et amalgames honteux. Cette attitude courageuse nous touche profondément et mérite d’être saluée.

 

– Non, il ne faut pas faire de la liturgie un problème idéologique ! Voilà ce que les familles attachées à la liturgie traditionnelle de l’Eglise ne cessent de répéter depuis des années. Ces familles, souvent jeunes et nombreuses, demandent simplement de pouvoir vivre leur foi au rythme d’une liturgie reconnue par l’Eglise.

 

– Oui, de nombreux jeunes prêtres aiment célébrer dans le rite tridentin. Nous l’avons souvent constaté, notamment lors de nos actions de sensibilisation dans les paroisses. Nous avons en effet pu y rencontrer plusieurs jeunes (et moins jeunes) prêtres qui célèbrent régulièrement leur messe privée dans cette liturgie. Tous nous ont dit devoir le faire en secret tant cette question reste polémique dans les diocèses. Quelle tristesse pour nous, jeunes catholiques, de constater que la liturgie traditionnelle est à ce point honni et rejetée par certains clercs, que ceux-là mêmes qui veulent la célébrer doivent se cacher comme s’ils étaient des prêtres de seconde catégorie, des pestiférés à la sensibilité liturgique méprisable. Les jeunes foyers attachés à la liturgie traditionnelle ne veulent plus de ces guerres fratricides et souhaitent une Eglise moins autoritaire et plus ouverte.

 

– Le rite de Saint Pie V n’est pas « hors la loi ». Merci Monseigneur de le rappeler. Toutefois si cette affirmation est exacte en théorie, elle l’est hélas peu, dans un peu plus d’un tiers des diocèses de France, où malgré une forte demande, strictement aucun lieu de culte n’existe pour les familles attachées à la liturgie traditionnelle de l’Eglise qui supplient leurs évêques d’appliquer le Motu Proprio Ecclesia Dei. Concrètement, le rite de Saint Pie V n’est il pas « hors la loi » à Reims alors que malgré une demande respectueuse vieille de plus de 15 ans, ni Monseigneur Thierry Jordan, ni son prédécesseur n’acceptent d’accueillir les familles du diocèse de Reims attachées à la liturgie traditionnelle de l’Eglise en leur octroyant un lieu de culte ? Et cette situation n’est pas rare, c’est celle que l’on retrouve à Orléans, à Annecy ou à Metz… Plus que le rite, ne sont-ce pas les familles attachées à ce rite elles-mêmes qui sont traitées dans de nombreux diocèses comme des « hors la loi » avec qui on ne discute pas et que l’on n’hésite pas à calomnier ou à disqualifier par toutes sortes de procédés déloyaux ? La culture du mépris a fait déjà trop de dégâts, il est temps de bâtir une authentique paix liturgique.

 

– Cette affirmation n’est pas non plus exacte dans tous les diocèses où le Motu Proprio est appliqué de manière incompréhensiblement restrictive et souvent depuis de longues années, par exemple à Troyes. Selon les diocèses, cela se traduit ainsi : messe mensuelle ou toutes les deux semaines, messe célébrée à un horaire impraticable pour des familles avec enfants ou dans un lieu particulièrement inadapté, ou par des prêtres qui ne désirent pas assumer cet apostolat, refus de célébrer les autres sacrements ou encore refus de prendre en compte les réalités géographiques en accordant un seul lieu de culte dans le diocèse fut il très éloigné…

 

– Tant que la question de la célébration de la liturgie traditionnelle – tant pour la messe que pour les autres sacrements – sera traitée par nos pères les évêques comme un problème à éradiquer ou un moindre mal à tolérer plutôt que comme une richesse nous permettant de « prier et d’écouter la voix du Seigneur », alors les blessures demeureront. Il est plus que temps que cesse la douloureuse contradiction de certains de nos pasteurs qui tout en parlant d’accueil, d’écoute ou de charité ne cessent de faire preuve du contraire envers les familles de leurs diocèses attachées à la liturgie traditionnelle de l’Eglise.

 

– Le défi de la nouvelle évangélisation est urgent et immense et nous n’avons qu’un seul souhait y participer à toute notre place.

 

 

 Sylvie Mimpontel