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Un regard sur le monde
politique et religieux
au 9 mai 2008
N° 169
Par Monsieur l’abbé Paul
Aulagnier
« La
question de la messe nouvelle »
(Ii)
Dans
le numéro précédent de « Regard sur le monde » du 2 mai 2008, nous
vous avons dit que nous protestions fort contre l’affirmation de Christophe
Geffroy affirmant comme allant de soi,
que « la mouvance traditionnelle avait enfin compris la nécessité
d’accepter la nouvelle messe telle quelle », l’influence de Dom
Gérard n’étant pas mince en cette affaire. Cela ne correspond ni à la vérité
d’hier ni à la vérité d’aujourd’hui. Nos « anciens » se sont dressés
contre. Vous vous souvenez de la conclusion de M l’abbé Dulac. On ne pouvait être plus clair : « Nous
refusons de suivre le Nouvel Ordo Missae ». Nous poursuivons toujours ce
« refus » Pour justifier notre réaction véhémente nous vous avons donner
à lire l’étude de M l’abbé Dulac sur
Voici
le résumé que l’on peut faire de sa longue conférence qu’il donna en Autriche,
son pays d’origine en décembre 2001. Vous verrez que ces observations ne sont pas
tendres. Elles seront tôt ou tard prises en compte par l’autorité. Elles sont,
du reste, déjà prises en compte dans une note importante de
Prise
de position
du
Cardinal STICKLER
Sa
conférence en Autriche – en 2001.
Le Cardinal Stickler exprima sa pensée sur la réforme liturgique
issue du concile Vatican II, dans une conférence, entre autres, qu’il donna en Autriche, en Décembre 2001. Cette conférence
fut connue en France grâce à la traduction que le C.I.E.L en fit et qu’il
publia dans un petit « livret blanc », un recueil des conférences et
homélies du Cardinal sur le sujet de la messe et sa réforme. Son témoignage est tardif, certes. Il a du
poids cependant vu l’autorité de son auteur à Rome. Ce n’est pas en effet le premier
venu.
Pensez !
En poste à Rome depuis
1937, le Cardinal était canoniste, canoniste reconnu. Il fut professeur d’Université,
puis recteur de l’Université salésienne, puis préfet de
On ne peut avoir meilleur témoin de la pensée conciliaire, surtout en matière liturgique.
Or voilà le jugement général qu’il donnait sur la réforme liturgique de la messe issue du Concile «Ma stupéfaction (fut grande) lorsque, prenant connaissance de l’édition définitive du Nouveau Missel Romain, je fus bien obligé de constater que, sur bien des points, son contenu ne correspondait pas aux textes conciliaires qui m’étaient si familiers, que beaucoup de choses avaient été changées ou élargies, ou allaient même directement au rebours des instructions données par le Concile ».
Que s’était-il donc passé ?
Inquiet, il demanda une audience au Cardinal Gut,
alors préfet de
: « Comme j’avais précisément vécu tout le
déroulement du Concile, les discussions souvent très vives et longues et
toute l’évolution des modifications jusqu’aux votes répétés qui eurent
lieu jusqu'à leur adoption définitive, et que je connaissais aussi très
bien les textes contenant les prescriptions détaillées pour la réalisation
de la réforme souhaitée, vous pouvez vous imaginer mon étonnement, mon
malaise croissant et même ma fureur devant certaines contradictions
particulières, surtout considérant les conséquences nécessairement
graves que l’on pouvait en attendre. C’est ainsi que je décidais d’aller
voir le Cardinal Gut qui, le 8 mai 1968, était devenu préfet de
Mais quel est donc ce Mgr Bugnini, sur lequel reposa toute la responsabilité de la réforme de la messe ? Le cardinal laisse planer une grande « suspicion » !
Ce préambule fait, le Cardinal donne le thème de sa conférence : il veut juger « de la concordance ou de la contradiction entre les dispositions conciliaires et la réforme effectivement appliquée » (p. 35).
Le thème est intéressant. Enfin, une « critique » qui ne vient pas de « chez nous ». Une critique hors « sérail ».
Tout au début, le
Cardinal rappelle quelques grands principes liturgiques heureusement soulignés
par
Qui ne serait d’accord avec ce principe ? C’est un point fondamental. C’est la finalité de la liturgie : nous conduire à Dieu dans une adoration profonde : du visible à l’invisible.
Or les réformateurs,
nous dit le cardinal, ont manifestement échoué
en cette affaire. Il dit vers la fin de
sa conférence: « Ma conférence, mes souvenirs et expériences, je pense,
ont permis d’évaluer dans quelle mesure la réforme avait satisfait aux
exigences d’ordre théologique et ecclésiastique énoncées par le Concile, en
d’autres termes, de voir si, dans
Ainsi l’échec serait total.
C’est pourquoi le cardinal forme des vœux pour lancer, comme le dit le cardinal Ratzinger, « la réforme de la réforme ». La première aurait donc échoué ? « C’est précisément parce que l’on se rend toujours plus clairement compte, dit le cardinal, de la situation actuelle que se renforce l’espoir d’une éventuelle restauration que le Cardinal Ratzinger voit dans un nouveau mouvement liturgique qui éveillera à une vie nouvelle le véritable héritage du Concile Vatican II ».
Enfin, un Cardinal de l’Église romaine qui parlait et enseignait clairement.
Le Cardinal résume encore d’autres articles fondamentaux du Concile. Des rappels tout à fait évidents et traditionnels.
• L’article 21 et l’article 23 qui affirment qu’il ne faut rien changer— en matière liturgique — « avant que ne soit élaborée une soigneuse étude théologique, historique, pastorale, en s’assurant d’un développement organique harmonieux ».
Qui ne serait d’accord !
• L’article 33 rappelle
la finalité de la liturgie : « La liturgie est principalement le culte de la
majesté de Dieu ». À la bonne heure !
• L’article 34, l’article 54 sur la langue latine. Là, le Cardinal donne son témoignage. C’est fort instructif ! « Au bout de quelques jours de débats au cours desquels tous les arguments pour ou contre furent vivement discutés, on en est arrivé à la conclusion bien claire – tout à fait en accord avec le Concile de Trente, qu’il fallait conserver le latin comme langue cultuelle du rite latin, mais que des exceptions étaient possibles et même souhaitables » (p. 38-39).
Sur le chant grégorien,
sur les orgues, le Cardinal rappelle l’article 116 de
• Il rappelle l’article
108 qui souligne spécialement l’importance des fêtes du Seigneur, et surtout
celles du « propre du Temps », lequel doit avoir la priorité sur
les fêtes des saints pour ne pas affaiblir la pleine efficacité de la
célébration des mystères du salut (p. 39). Mais c’est l’enseignement que Dom
Guillou, professeur de liturgie à Ecône, dispensait aux séminaristes avec
énergie et conviction – pour toujours.
La critique de la
réforme liturgique.
Ces principes liturgiques – et d’autres encore – rappelés, le Cardinal passe à la critique de la réforme liturgique, l’œuvre conciliaire par excellence. C’est la deuxième partie de la conférence.
Sans vouloir être
exhaustif en cette affaire, le Cardinal aborde cette critique avec énergie et
fraîcheur. Sur sa bouche, on retrouve l’enseignement
de toujours. Il rappelle que la liturgie doit exprimer la foi catholique « Legem
credendi, lex statuit supplicandi » ou plus simplement dit : « Lex
orandi, lex credendi ». Le Cardinal dit : « La liturgie contient et exprime
la foi de façon juste et compréhensible » (p. 40). De sorte que « la
pérennité de la liturgie participe de la pérennité de la foi, elle
contribue même à la préserver ». Et comme la foi est immuable, la liturgie
qui l’exprime l’est aussi. « C’est
pourquoi il n’y a jamais eu de rupture, de recréation radicale dans aucun
des rites chrétiens, catholiques, y compris dans le rite romain latin »
(p 40-41). L’évolution liturgique, dès lors, est lente, nécessairement
organique. « Dans tous les rites, la liturgie est quelque chose qui
s’est développée et continue de croître lentement ; partie du Christ et
repris par les Apôtres, elle a été organiquement développée par leurs
successeurs, en particulier par les figures les plus marquantes tels les
Pères de l’Église, tout cela en préservant consciencieusement la
substance, i.e. le corpus de
L’Esprit Saint est un et véridique, dit le Cardinal, ce qu’Il inspire ne peut-être qu’un et véridique, le même à travers le temps: « C’est pourquoi, il n’y a jamais eu de rupture, de recréation radicale… dans le rite latin romain ».
Il poursuit : « Il n’y a jamais eu rupture dans le rite
romain latin à l’exception de la liturgie post-conciliaire actuelle, en
application de la réforme… bien que le Concile… ait toujours réaffirmé que
cette réforme devait préserver absolument la tradition » (p. 40-41).
Jamais de rupture… à l’exception de la liturgie postconcilaire actuelle !
Mais c’est le jugement que le Cardinal Ottaviani portait à l’attention du Pape Paul VI lors de la publication du nouveau rite : « Le Nouvel Ordo Missae, si l’on considère les éléments nouveaux, susceptibles d’appréciations fort diverses qui y paraissent sous-entendues ou impliquées, s’éloignent de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte Messe, telle qu’elle a été formulée à la 22e Session du Concile de Trente ».
C’est donc bien à une
« rupture » que l’on
assiste avec le Nouvel Ordo Missae. Cet éloignement est une véritable
rupture avec
Le Cardinal Stickler a
la même analyse. Avec le Nouvel Ordo Missae, on assiste à une véritable
rupture avec
Et ceci est une véritable nouveauté, la nouveauté par excellence, dans l’Eglise car « toutes les réformes antérieures adoptées par les Papes et, tout particulièrement, celle entreprise sous l’impulsion du Concile de Trente et mis en œuvre par le Pape Pie V et jusqu’à celles de Pie X, de Pie XII et de Jean XXIII, ne furent pas des révolutions, mais uniquement des corrections qui ne touchaient pas l’essentiel, des ajustements et des enrichissements » (p. 41).
C’est ce que demande, du reste, le Concile en son article 23: « Le Concile a expressément dit, à propos de la restauration souhaitée par les Pères, qu’aucune innovation ne devait être faite qui ne fût vraiment exigée par l’utilité de l’Église ».
Non! Nous n’avons rien de tel avec le Nouvel Ordo de Paul VI. Nous avons un Novus Ordo Missae. Rien de comparable.
Une « petite » remarque, au passage !
Le Pape Jean-Paul II lui-même,
alors qu’il recevait les communautés relevant du Motu Proprio Ecclesia Dei,
le 26 octobre 1998 – venues à Rome en action de grâces –, leur tenait ce langage
: « Les derniers Conciles œcuméniques (Trente, Vatican I, Vatican II)
se sont particulièrement attachés à éclairer le mystère de
Que les choses sont bizarres ! Même au plus haut niveau du gouvernement ecclésial… les jugements des autorités divergent fondamentalement sur le même objet : la réforme liturgique.
Pour les uns, nous aurions « une nouveauté radicale ». Pour les autres, « une continuité parfaite ». Le magistère est vraiment divisé. C’est un des éléments de la crise de l’Église. Qui croire ?
Mais poursuivons la
pensée de notre Cardinal. Il nous dit : « Nous allons maintenant présenter
quelques exemples marquants (sans vouloir être exhaustif) de ce qui a
été créé dans la réforme postconciliaire et en particulier dans son cœur
: l’Ordo Missae est radicalement nouveau » (p. 41).
Le nouvel offertoire.
Alors le Cardinal passe
en revue le Nouvel Ordo. Il feuillette le Nouvel Ordo. Il n’insiste pas sur
l’introduction de
Il poursuit : « Quant
aux signes hautement loués par le Concile de Trente et exigés par le Concile de
Vatican II, tels que les nombreux signes de croix qui renvoient à
Il parle ensuite du
Sacrifice qui est l’essence de
C’est ce que faisaient
remarquer à Paul VI les auteurs du Bref
Examen Critique: « La définition de
Le Cardinal Stickler est catégorique : au paragraphe 2 de la page 43 du livret, on lit ces paroles fulgurantes : « Ainsi, sont posés les fondements d’un autre détournement de fonction : à la place du Sacrifice présenté à Dieu par le prêtre ordonné en tant qu’un « alter Christus », s’instaure la communauté de repas des fidèles assemblés sous la présidence du prêtre » (p. 43).
Mais, attention, le
Cardinal poursuit : « La définition de
C’est la remarque même de Monsieur Louis Salleron. Sous la plume d’un Cardinal, l’affirmation a encore plus de valeur ! C’est cinglant, court, bref, les mots choisis particulièrement exemplaires.
On comprend que le
Cardinal Stickler puisse, lui aussi, parler « de bouleversement du cœur même du
Sacrifice de
La messe versus populum
Il insiste. Il veut
enfoncer le clou : « Ce
bouleversement du cœur même du Sacrifice de
Oh, merveille!
La formule de la
consécration du vin au sang du Christ.
Puis le Cardinal en arrive à la formule de la consécration du pain et du vin. Là, sur ce sujet, il était également très sévère.
Jugez vous-même !
Il parle de la très grave atteinte à la formule de consécration du vin en le Sang du Christ en raison de la suppression des mots « Mysterium fidei ». « Les mots ‘’Mysterium fidei’’, en ont été supprimés pour être ajoutés à l'appel du peuple à la prière, après la consécration, ce qui fut présenté comme un gain majeur du point de vue de la « participatio actuosa » » (p. 44 ).
Là, le Cardinal part en
guerre. C'est le Cardinal, recteur d'Université, archiviste, qui parle. Il
enseigne. Il cite ses sources. Il démontre que « Mysterium fidei » – ces
deux mots – sont d'origine apostolique. Il ne fallait en rien y toucher. Saint
Basile l’enseigne. Saint Augustin aussi. Le « Sacramentarium Gelasianum »
également. « Le ‘’Sacramentarium Gelasianum’’ qui est le livre de
Messe le plus ancien de l'Église romaine, dans le Codex Vaticanus, Reg.
Lat.
Il donne les références historiques. C'est le professeur qui enseigne. Son affirmation est incontournable. Elle est scientifique. « Vous la trouverez là, dit-il : X, III, 41, 6; Friedberg III, p. 636, sq ». C'est net.
Il continue : « Le
fait que cette décrétale qui fait partie du recueil de décrétales d'Innocent
III dans le grand recueil du liber X, établi par Raymond de Pennafort à la
demande de Grégoire IX, n'ait pas été abandonnée comme dépassée, ce qui fut le
cas de bien d'autres, mais ait continué à être transmise par
Nul doute que l'on ne pouvait toucher à ces deux mots dans la forme de
la consécration du vin, les supprimer, les déplacer en en changeant le sens. On
ne le pouvait pas sans être infidèle à la Tradition catholique et, de toute évidence,
en rupture avec elle.
C'est la pensée du Cardinal.
Il invoque aussi l'autorité de saint Thomas d’Aquin : « Saint Thomas s'exprime clairement sur cette question dans sa ‘’Somme théologique’’ (III, 78, 3 ad nonum) à propos des paroles de consécration du vin, rappelant la nécessaire discipline secrète de l'Église ancienne dont parle aussi Denys l'Aréopagite: ‘’les paroles ajoutées éternelle et mystère de foi viennent de la tradition du Seigneur qui est parvenue à l'Église par l'intermédiaire des Apôtres’’; il renvoie lui-même à 1 Cor., 10, 23 et 1 Tim, 3, 4. En note de ce texte de saint Thomas, le commentateur, se référant à DD Gousset dans l'édition Marietti de 1939 (V. p. 155),ajoute « sarebbe un grandissimo errore sustituire un altra forma eucharistiea a quella del Missale Romano… Si sopprimere ad esempio la parola aeterni et quella mysterium fidei che abbiamodella tradizione » (p. 46).
Et puis, il invoque
l’autorité du Concile de Florence — le XVIIe Concile œcuménique — «
Dans la bulle d’union avec les Coptes, le Concile œcuménique de
Florence complète expressément les formules de consécration de
On peut le vérifier. C’est bien exact. Le Concile de Florence, dans le décret pour les Grecs — qui suit celui d'avec les Arméniens — cite bien expressément le mysterium fidei dans la formule de consécration. Il y est dit : « mais parce que dans le décret des Arméniens rapporté ci-dessus, n'a pas été expliquée la formule qu'a toujours eu coutume d'employer, dans la consécration du Corps et du Sang du Seigneur, la sacro-sainte Église romaine, affermie par la doctrine et l'autorité des apôtres Pierre et Paul, nous pensons qu'il faut l'introduire dans les présentes » – en latin – « illam praesentibus duximus inserendam ». « Duximus », c'est le parfait du verbe « ducere ». Il vaudrait mieux traduire : nous estimons, nous commandons. « Nous pensons » me paraît un peu faible. « Ducere », c'est le commandement, c'est le chef qui affirme.
Mais ce n’est pas tout. Le Cardinal ne s'en tient pas pour satisfait… Il poursuit sa démonstration de théologie positive.
Là, pour le coup, il est exhaustif.
Il invoque, cette fois,
le catéchisme – le catéchisme « de référence », ce sont ses mots. Est-ce
le nouveau catéchisme de l'Église catholique. ? Point du
tout ! Il cite le « catéchisme du Concile de Trente ». À
la bonne heure! Il donne toutes les références. Manifestement, quand il
préparait sa conférence, le Cardinal est allé chercher dans sa
bibliothèque, ce catéchisme. Il vous dit qu'au chapitre IX, au n° 21, à propos
de l'Eucharistie… « le catéchisme enseigne que « les mots « mysterium
fidei » et « aeterna » viennent de
Le Cardinal aurait pu
poursuivi sa lecture. Il aurait alors rappelé qu'en changeant de place cette
expression très traditionnelle, les auteurs de la réforme liturgique en ont changé
le sens. Alors que le « mysterium fidei » placé dans la formule de la
consécration porte sur
Fort de cet exposé très savant, le Cardinal conclue et parle de « légèreté souveraine » d’un Lercaro, d’un Bugnini et de leurs collaborateurs. « On peut à juste titre s’interroger sur la légèreté dont ont fait preuve, ici, les collaborateurs du Cardinal Lercaro et du Père Bugnini, avec nécessairement leur accord » (p. 46).
« Ils ont purement
et simplement « ignoré », non seulement ignoré mais aussi « méprisé »,
l’obligation de procéder à une recherche historique et théologique exacte »
(p. 46). C’est ce que réclamait expressément le Concile Vatican II dans
son article 23 de
C’est terriblement
grave ! Nous nous trouvons devant une réforme infidèle à
Enfin, laissant la
théologie positive, le Cardinal s’élève à une considération doctrinale et
pastorale tout à la fois qu’on pourrait résumer ainsi : cet oubli du « mysterium
fidei » de la forme eucharistique, loin de favoriser et de développer le
sens de la piété et de la vie théologale chez le peuple fidèle, favorise, au
contraire, la « démystification » constatée aujourd’hui ainsi que l’« anthropomorphisation
». Rien ne vaut. Rien n’est vrai que ce qui est rationnel. L’Eucharistie
n’est pas à la portée de la raison. Elle est peut-être un simple symbole: « Mais
c’est aussi la raison pour laquelle l’exclusion du « mysterium fidei »
de la formule eucharistique devient, elle aussi, le symbole de la
démystification et donc de l’anthropomorphisation de ce qui constitue le
centre du culte divin :
Ce retrait du « mysterium fidei » est pour le moins malheureux.
Le Cardinal en arrive
enfin aux décisions des réformateurs quant à « la participation vivante et
active des fidèles à la célébration de
On sait qu’on se
plaignait beaucoup, avant le Concile, du manque de participation des fidèles à
Le Cardinal donne alors son jugement sur cette fameuse participation active telle qu’aménagée par nos réformateurs. Il est terrible. Il s’exprime avec une pointe d’humour sarcastique et légèrement méprisante… Le pauvre Bugnini n’a vraiment pas fait une œuvre excellente… On comprend pourquoi il est resté sur le carreau…
Lisez ! On ne peut
résumer tant ce témoignage est succulent : « Nous en arrivons ainsi au mandat donné
aux réformateurs de promouvoir la participation vivante et active des
fidèles à la célébration de
Voilà donc un jugement général du Cardinal sur la réforme liturgique « bugninienne ».
Le latin, le grégorien,
l’orgue.
Et après ce jugement général qui est une vraie condamnation de la réforme, le Cardinal aborde des points plus particuliers : le latin, le grégorien, l’orgue…
Le Cardinal exprime sur ce sujet – du latin comme langue liturgique – son étonnement. Il ne comprend pas comment, après ce que demandèrent les Pères conciliaires sur ce point, on en soit arrivé à la suppression générale et au triomphe des langues vernaculaires. Il pourrait le demander à Paul VI ! Ce passage de la conférence est fort intéressant. Je me permets de vous renvoyer à mon libre : « l’Enjeu de l’Eglise : la messe ». aux éditions Héligoland. Vous pouvez me le commander directement, au 80 rue de Normandie 92400 Courbevoie.
Enfin, le Cardinal
critique« l’introduction d'un cycle liturgique de 3 ans. C'est là un péché
contre nature » dit le Cardinal. « Il ne fallait pas abolir le
déroulement d’un cycle annuel naturel » (p. 53). Toutes ces modifications,
ces changements « ont condamné les remarquables mélodies grégoriennes
valables à une mort lente ». Ce qu'il déplore : « Au mandat donné par le
Concile de préserver et promouvoir le chant liturgique romain typique, très
ancien, a répondu une épidémie pratiquement mortelle » (p. 53).
Comme il déplore la disparition de l’orgue « remplacé par une multitude d'instruments (qui) ont favorisé l’introduction dans la musique religieuse d'éléments reconnus comme diaboliques » (p. 55).
Les variantes autorisées
du Nouveau rite.
Comme il déplore enfin
les nombreuses « variantes autorisées » – vrai principe constitutif de
la réforme liturgique et pourtant anarchique. Le cardinal est formel : ce
qui risque « de mener à l’anarchie qu'avait toujours si bien maîtrisé
l'ancien ordo latin » (p. 56). « C'est ainsi que le nouveau
garant de l'ordre – le Cardinal veut dire : le Nouvel Ordo Missae – devient,
de soi, facteur de désordre. Aussi ne faut-il pas s'étonner que chaque
paroisse, pour ne pas dire chaque église, semble avoir adopté un ordo
différent. C’est là une constatation que l'on peut faire partout » (p.
55). Et qui entraîne l'irrévérence actuelle, la perte du sens du sacré
et la superficialité. Tout cela étant grandement dommageable à la
dignité de la liturgie.
Certes, le cardinal Stickler ne conclut nullement à l’invalidité de cette réforme de la messe. Mais l’ensemble des ces réformes sont peut-être pires qu’un rite proprement « hérétique » :elles sont « équivoque ». C’est ce que craignait M l’abbé Dulac qui écrivait :
« L’hérésie formelle et claire agit à la
manière d’un coup de poignard. L'équivoque agit à la manière d'un poison lent.
« L’hérésie attaque
un article précis du dogme. L'équivoque, en lésant l' « habitus » lui-même de
la foi, blesse ainsi tous les dogmes.
« On ne devient
formellement hérétique qu’en le voulant. L'équivoque peut ruiner la foi d'un
homme à son insu.
« L’hérésie affirme
ce que nie le dogme ou nie ce qu'il affirme. L'équivoque détruit la foi aussi
radicalement en s'abstenant d'affirmer et de nier : en faisant de la certitude
révélée, une opinion libre.
« L’hérésie est
ordinairement un jugement contradictoire à l’article de la foi. L'équivoque est
dans l'ordre de ce que les logiciens appellent « le disparate ». Elle est à
côté de la foi. A côté même de la raison, de la logique.
« Eh bien, nous
oserons le dire : il y a pire encore peut-être que l'équivoque. Il y a le
substitut de la foi théologale, sa contrefaçon, son ersatz : son succédané
sentimental ».
« Et le plus détestable de ces succédanés,
c'est celui qui dissimulerait l'artifice sous le vernis mystique, celui qui,
dans le cas de
Appliquez ces principes au nouvel Ordo Missae, conclut notre bon abbé Dulac, vous le condamnez d'une façon irrémédiable (Courrier de Rome, n° 47).
Le Cardinal conclue
enfin son exposé en évoquant quelques « réactions
officielles négatives, quoique dans une mesure limitée, à la réforme de
Il reconnaît que certains
ont reproché « la hâte incompréhensible » dans laquelle cette réforme a été « expédiée et rendue obligatoire ».
Il cite le témoignage
du Cardinal Döpfner, Archevêque de Munich (p. 57). Il invoquait l'autorité du
Cardinal Ratzinger et tout spécialement ses jugements exprimés dans son dernier
livre : Ma vie (Fayard, 1998) et Le Sel de
Il évoque également
l'épiscopat allemand et surtout « le responsable des questions liturgiques
auprès de
Il évoque le Cardinal
Danneels. En Italie, il évoque aussi l'auteur de
Il évoque le témoignage
de Max Thurian « ancien prieur calviniste de Taizé, passé au Catholicisme et
ordonné prêtre » (p. 61). Celui-là même qui, au temps de la réforme,
avait déclaré que les Protestants pourraient bien célébrer
Il avait bien évolué !
Il évoque le témoignage de Mgr Gamber. Vous en connaissez beaucoup de lui. Nous y reviendrons la semaine prochaine.
Puis, il termine évoquant l'attitude pratique du Pape en cette affaire liturgique.
Il y a une évolution de
l'autorité indéniablement en faveur de l'ancienne Messe. Le Cardinal pensait le
voir dans les textes récents du Pontife :
Le Motu Proprio Sommorum Pontificum de Benoît XVI en est la preuve. Mais on n’en restera pas là. Ce n’est pas possible !