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Un regard sur le monde
politique et religieux
Au 6 avril
2005
N°38
Le Testament
Le Pape Jean-Paul II nous donne,
dans ce livre, qui est son testament spirituel et politique, sa pensée sur
l’Occident, ou mieux sur « l’Europe en Occident » dans le
chapitre 9 de la deuxième partie du
livre qui a pour titre « Liberté et responsabilité ».
Il décrit cet occident
chrétien. Ce qu’il fut. Ce qu’il est. Il en a « belle » estime. Ce sera
notre § 1
Mais il parle tout de suite
après de ce qui le menace dans son identité. C’est notre §2
Enfin s’il reconnaît que des puissances financières
« énormes » soutiennent un
travail destructeur, il confesse aussi et surtout que le « libéralisme philosophique et
moral » qui plonge ses racines dans
« la philosophie des Lumières », mais , au-delà, dans
« l’ individualisme » protestant,
est la cause du mal présent. Oublieux de
Dieu, et même « agnostique », l’homme, dans sa propre liberté
dévoyée, se fait la mesure de toutes choses : du bien et
du mal. Ce qui peut exercer « une influence potentiellement
dévastatrice » : autrement
dit : la ruine. (Mémoires et
identité. P. 48). C’est notre §3.
Je pense que nous trouvons là
de très beaux sujets de réflexion.
Ne l’oublions pas : les
idées mènent le monde.
1 – « L’Europe occidentale ».
« Les pays de
l’Europe occidentale ont une tradition chrétienne ancienne : c’est
ici que la culture chrétienne a atteint ses sommets. Ce sont des peuples
qui ont enrichi l’Eglise d’un grand
nombre de saints. En Europe occidentale ont fleuri des œuvres d’art
superbes : les majestueuses cathédrales romaines et gothiques, les
basiliques de
Le Saint-Père voit ainsi dans
le Christ et dans le mystère de
Retenons : les
« trois âges de la vie intérieure », à savoir la vie purgative, la
vie illuminative et la vie unitive, seraient, pour Jean-Paul II, comme le
chemin de toute chrétienté et de
l’Occident chrétien. .
Il développe cette idée dans
son chapitre VI.
« Le
« suis-moi ! » est une
invitation à entreprendre le chemin sur lequel nous conduit la dynamique
intérieure du mystère de
« Lorsque le jeune homme
demande : « Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie
éternelle ? le Christ lui répond : « Si tu veux entrer dans la
vie , observe les commandements » (Mt 19 16-17). Et quand le jeune homme continue à lui demander :
« Lesquels ? », le Christ lui rappelle simplement les principaux
commandements du Décalogue, en particulier ceux de la « seconde
table », c’est-à-dire ceux qui concernent les rapports avec le prochain.
On sait toutefois que, dans l’enseignement du Christ, tous les commandements se
trouvent résumés dans le commandement d’aimer Dieu par dessus-tout et le
prochain comme soi-même. Il le dit expressément à un docteur de
« En même temps, cela
permet de découvrir des valeurs. On peut donc conclure que la voie purgative
débouche tout naturellement sur la voie
illuminative. Les valeurs sont en effet des lumières qui éclairent l’existence
et qui, au fur et à mesure que l’homme travaille sur lui-même, brillent
toujours plus intensément à l’horizon de sa vie. Donc parallèlement à
l’observance des commandements - qui a
avant tout une signification purgative
-, les vertus se développent en l’homme. Ainsi, par exemple, en
observant le commandement : « Tu ne tueras pas ! », l’homme
découvre la valeur de la vie sous divers aspects et apprend à avoir un respect
toujours plus profond pour elle. En observant le commandement : « Tu
ne commettras pas d’adultère ! », l’homme fait sienne la vertu de
pureté, et cela signifie qu’il découvre toujours mieux la beauté gratuite du
corps humain, de la masculinité et de la féminité. C’est précisément cette beauté
gratuite qui devient la lumière de ses actes. En observant le
commandement : « Tu ne feras pas de faux témoignage ! », l’homme apprend la
vertu de vérité. Non seulement il exclut de sa vie tout mensonge et toute hypocrisie,
mais il développe en lui-même une sorte d’instinct de la vérité », qui
guide tout son agir. Et en vivant ainsi dans la vérité, il acquiert dans
son humanité même une
« véracité » connaturelle.
« De la sorte, sur le
chemin de la vie intérieure, l’étape illuminative émerge graduellement de
l’étape purgative. Avec le temps, dans la mesure où l’homme suit avec
persévérance le Maître, qui est le Christ, il ressent toujours moins à
l’intérieur de lui-même le poids de la lutte contre le péché, et il jouit
toujours plus de la lumière divine, qui envahit toute la création. Cela est
extrêmement important, car il est ainsi permis à l’homme de sortir d’une
situation où il est constamment exposé intérieurement au risque de pécher - ce qui toutefois, sur cette terre, reste
dans une certaine mesure toujours
présent -, afin de se mouvoir avec une
liberté toujours plus grande au milieu de tout le monde créé. Il conserve également cette liberté et
cette simplicité face aux êtres humains, y compris ceux de l’autre sexe. La
lumière intérieure éclaire ses actes et lui montre tout le bien du monde créé
comme provenant de la main de Dieu. De cette façon, la voie purgative et, à son
tour, la voie illuminative constituent l’entrée naturelle dans la voie appelée
unitive. C’est l’ultime étape du chemin intérieur, celle où l’âme fait
l’expérience d’une union particulière à
Dieu. Cette union se réalise dans la contemplation de l’Etre divin et dans
l’expérience de l’amour qui en jaillit avec
une intensité croissante. On anticipe ainsi, en quelque sorte, ce que sera la part de l’homme
dans l’éternité, au-delà de la limite de la mort et de la tombe. Le Christ, en effet, en tant que souverain
Maître de vie spirituelle, et aussi tous ceux qui se sont formés à son école,
enseignent qu’en cette vie on peut déjà être introduit dans la voie de l’union
à Dieu. ». ( Mémoire et identité p. 41-44)
C’est donc bien, pour
Jean-Paul II, les « commandements
de Dieu » qui sont la base de toute civilisation, comme la vie de la grâce
sanctifiante, jusqu’à la vie unitive,
en est la fleur, je veux dire l’épanouissement, la beauté. C’est
pourquoi Jean-Paul II donne à
II- Les puissances destructrices sont à l’œuvre dans l’Europe chrétienne. Les craintes de Jean-Paul II.
« Mais en même temps on
ne peut pas ignorer la réapparition
persistante du refus du Christ. Sans
cesse, se manifestent à nouveau les signes d’une civilisation différente de
celle dont la « pierre angulaire » est le Christ - une civilisation qui, si elle n’est pas
athée de manière programmée, est assurément positiviste et agnostique, puisque
le principe dont elle s’inspire est de penser et d’agir comme si Dieu
n’existait pas.
« On note facilement une
telle disposition dans ce qu’on appelle la mentalité scientifique, ou plutôt
scientiste, d’aujourd’hui, de même dans la littérature, et spécialement dans
les médias. Vivre comme si Dieu n’existait pas veut dire vivre en dehors des
repères du bien et du mal, c’est-à-dire en dehors du cadre de valeurs dont Dieu
lui-même est la source. On prétend au contraire qu’il appartient à
l’homme de décider de ce qui est bon ou mauvais. Et une telle perspective est suggérée de diverses façons
et de différents côtés.
« Si d’un côté,
l’Occident continue à donner un témoignage de l’action du ferment
évangélique ; d’un autre côté les courants de l’anti-évangélisation
n’en sont pas moins forts. Cette dernière ébranle les bases mêmes de la
morale humaine, impliquant la famille et propageant la permissivité
morale : les divorces, l’amour-libre, l’avortement, la contraception, la
lutte contre la vie dans sa phase initiale comme dans son déclin, sa
manipulation. Ce programme se développe avec d’énormes moyens financiers,
non seulement dans chaque nation, mais aussi à l’échelle mondiale. Il peut en
effet disposer de grands centres de pouvoir économique, par lesquels il tente
d’imposer ses conditions aux pays en voie de développement. Face à tout
cela, on peut légitimement se demander si ce n’est pas une autre forme de
totalitarisme, sournoisement caché sous les apparences de la démocratie »
(Memoire et identité p. 63-64).
III – La liberté, le bien et le mal.
Comme il y a un lien
ontologique entre les commandements de Dieu et
« La dangerosité de la situation dans laquelle on vit aujourd’hui réside dans le fait que, avec l’usage de la liberté, on prétend faire abstraction de la dimension éthique, c’est-à-dire de la considération du bien et du mal moraux. Une certaine conception de la liberté, qui trouve présentement un large écho dans l’opinion publique, détourne l’attention de l’homme de sa responsabilité éthique. Ce sur quoi on s’appuie aujourd’hui est la liberté seule. On dit : ce qui importe, c’est d’être libre, d’être délivré de tout frein et de tout lien, de manière à se mouvoir selon ses propres jugements qui, en réalité, ne sont souvent que des caprices. Il est clair qu’un libéralisme de ce genre ne peut être qualifié que de primitif. Son influence est donc potentiellement dévastatrice. » (Mémoire et identité p. 48)
IV – « L’exaltation du moi » ou « la perte de son moi en Dieu » : voilà les principes de deux cités. L’une engendre pour l’Eternité. L’autre pour l’Enfer.
Toutes ses réflexions très
heureuses du Pontife m’ont fait penser à quelques belles pages du père Garrigou
Lagrange O.P .
« L’homme ne sera
pleinement une personne, un ens per
se subsistens et un per se operans que dans la mesure où la vie de la raison et de
la liberté dominera en lui celle des sens et des passions ; sans cela, il
demeurera comme l’animal, un simple individu esclave des événements, des
circonstances, toujours à la remorque de quelque autre chose, incapable de se diriger lui-même ; il ne sera
qu’une partie, sans pouvoir prétendre être un tout…
« Développer son
individualisme, c’est vivre de la vie égoïste des passions, se faire le
centre de tout, et aboutir finalement à
être esclave des mille biens passagers qui nous apportent une misérable joie
d’un moment.
« La personnalité, au
contraire, grandit dans la mesure où l’âme, s’élevant au-dessus du monde
sensible, s’attache plus étroitement par l’intelligence et la volonté à ce qui
fait la vie de l’esprit.
« Les philosophes ont
entrevu, mais les saints surtout ont compris que le plein développement de
notre pauvre personnalité consiste à la perdre en quelque sorte en celle de
Dieu, qui seul possède la personnalité au sens parfait du mot, car seul il est
absolument indépendant dans son être et
dans son action. » (G L Le sens commun p. 332-333)
Et Jacques Maritain poursuit
cette citation :
« Personnalité bien précaire
encore et bien mêlée que celle des sages…Les privilèges de la personne, - la pure vie de l’intelligence et de la
liberté, la pure agilité de l’esprit, qui se suffit pour agir comme pour être, - sont tellement enfouis pour nous dans la
matière de notre individualité charnelle, que nous ne les pouvons dégager
qu’en acceptant de tomber en terre
et d’y mourir afin de porter un fruit divin, et que nous ne connaîtrons notre vrai visage qu’en
recevant la pierre blanche où Dieu a
inscrit notre nom nouveau. Il n’y a de personnalité vraiment parfaite que chez
les saints.
« Les saints ont acquis
en un sens, ils ont reçu par grâce ce que Dieu possède par nature :
l’indépendance à l’égard de tout le créé, non plus seulement à l’égard des
corps mais même des intelligences.
« Les saints ont leur empire, leur
éclat, leur victoire, leur lustre, et n’ont nul besoin de grandeurs charnelles
ou spirituelles, où elles n’ont nul rapport,
car elles n’y ajoutent ni ôtent : ils sont vus de Dieu et des anges et non
des corps ni des esprits curieux ; Dieu leur suffit.
« Mais quoi !
Les saints se sont-ils proposé de « développer leur
personnalité » ? Ils l’ont trouvée sans la chercher, et parce qu’ils
ne la cherchaient pas , mais Dieu seul. Ils ont compris que leur personne, en tant même que
personne, en tant même que libre, est toute dépendance à l’égard de Dieu, et
que cette maîtrise intérieure de nos actes , que nous ne pouvons abdiquer
devant homme ni ange, ils devaient la remettre elle-même entre les mains de
Dieu, par l’esprit duquel il faut être agi pour être ses fils. « Ils
ont compris que Dieu devait leur devenir
un autre moi plus intime à eux-mêmes que leur propre moi, que Dieu était plus
eux-mêmes qu’eux-mêmes, parce qu’il l’est éminemment ; » ils ont alors cherché à se faire quelque
chose de Dieu, quid Dei ». Je suis rivé à la croix avec le
Christ. Mais je vis, non pas moi, c’est le Christ qui vit en moi. Bien que
dans l’ordre de l’être ils gardent un moi distinct de celui de Dieu,
« dans l’ordre de l’opération, de la connaissance et de l’amour, ils ont
pour ainsi dire substitué le moi divin à leur propre moi, « renonçant à
toute personnalité ou indépendance à l’égard de Dieu, comprenant que le
premier-né d’entre eux, leur exemplaire éternel, n’a pas eu de personnalité
humaine, mais
« Tel est le secret
de notre vie d’homme, que le pauvre monde ignore : nous ne conquérons notre âme qu’à la
condition de la perdre ; une mort
totale est requise avant que nous puissions nous trouver. Et quand nous
sommes bien dépouillés, bien perdus, bien arrachés de nous–mêmes, alors tout
est à nous qui sommes au Christ, et le Christ même et, Dieu même, est notre
bien.
« Mais si nous
prétendons trouver notre âme, et si nous prenons notre moi pour centre, notre
substance se dissipe, nous passons au service des forces aveugles de l’univers ».
(Trois Réformateurs. P. 35-37)