ITEM
80,
rue de Normandie . 92400 Courbevoie.
Port. .06 80 71 71 01 ; e-mail : abbe_aulagnier@hotmail.com.
Site : http://la.revue.item.free.fr/
Un regard sur l’actualité
politique et religieuse
Au 9 mai 2006
N°88
Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier
et
l’Islam
On
sait que l’Islam a été l’un des quatre sujets abordés par Benoît XVI et les
cardinaux pendant la journée « de réflexion et prière » du dernier
consistoire, le 23 mars dernier. Pape et cardinaux ont abordé ce sujet et
planché sur « la position, aujourd’hui, de l’Église catholique, et du
Saint-Siège en particulier, face à l’Islam ».
Les
discussions se sont déroulées en secret, mais certains cardinaux ont rapporté que des jugements
beaucoup plus «durs » que dans le passé par rapport au défi de l’Islam au
Christianisme et à l’Occident y ont été émis, et qu’il a eu un appui général à
Benoît XVI pour son opposition énergique au terrorisme et aux violations de la
liberté religieuse.
On
sait en effet que Benoît XVI, lors de son voyage en Allemagne, à Cologne, lors
des JMJ avait reçu les représentants de l’Islam., le samedi 20 août 2006. Là il
avait particulièrement condamné, tout terrorisme. Le terrorisme islamique. Il
leur avait dit : « Je suis sûr d'interpréter aussi votre pensée en
mettant en évidence, parmi les préoccupations, celle qui naît du constat
de l'expansion du phénomène du terrorisme. …Des actions terroristes continuent
à se produire dans diverses parties du monde, jetant les personnes dans les
larmes et le désespoir. Ceux qui ont pensé et programmé ces attentats
démontrent leur désir de vouloir envenimer nos relations et détruire la
confiance, en se servant de tous les moyens, même de la religion, pour
s'opposer à tous les efforts de convivialité pacifique et sereine. Grâce à
Dieu, nous sommes d'accord sur le fait que le terrorisme, quelle qu'en soit
l'origine, est un choix pervers et cruel, qui bafoue le droit sacro-saint à la
vie et qui sape les fondements mêmes de toute convivialité sociale. Si nous
réussissons ensemble à extirper de nos coeurs le sentiment de rancoeur, à nous
opposer à toute forme d'intolérance et à toute manifestation de violence, nous
freinerons ensemble la vague du fanatisme cruel qui met en danger la vie de
nombreuses personnes, faisant obstacle à la progression de la paix dans le
monde. La tâche est ardue, mais elle n'est pas impossible. Le croyant - et nous
tous en tant que chrétiens et musulmans sommes croyants - sait en effet qu'il
peut compter, malgré sa fragilité, sur la force spirituelle de la
prière ».
Un
mois avant, le lundi 20 février, lors de la réception du nouvel ambassadeur du
Maroc auprès du Saint-Siège, le Pape avait réclamé de nouveau avec force le refus
de la violence et le plein respect de la liberté religieuse « de manière
réciproque dans toutes les sociétés » :
« Monsieur l’Ambassadeur, vous avez
souligné la contribution de votre pays à la consolidation du dialogue entre les
civilisations, les cultures et les religions. Pour sa part, dans le contexte
international que nous connaissons actuellement, l’Église catholique demeure
convaincue que, pour favoriser la paix et la compréhension entre les peuples et
entre les hommes, il est nécessaire et urgent que les religions et leurs
symboles soient respectés, et que les croyants ne soient pas l’objet de
provocations blessant leur démarche et leurs sentiments religieux. Cependant,
l’intolérance et la violence ne peuvent jamais se justifier comme des réponses
aux offenses, car ce ne sont pas des réponses compatibles avec les principes
sacrés de la religion; c’est pourquoi on ne peut que déplorer les actions de
ceux qui profitent délibérément de l’offense causée aux sentiments religieux
pour fomenter des actes violents, d’autant plus que cela se produit à des fins
étrangères à la religion. Pour les croyants comme pour tous les hommes de bonne
volonté, la seule voie qui peut conduire à la paix et à la fraternité est celle
du respect des convictions et des pratiques religieuses d’autrui, afin que, de
manière réciproque dans toutes les sociétés, soit réellement assuré pour chacun
l’exercice de la religion librement choisie ».
Et le 22 mars, par l’intermédiaire du
secrétaire d’Etat Angelo Sodano, le Pape avait envoyé au Président
d’Afghanistan une demande urgente de libération du citoyen afghan Abdul Rahman
condamné à mort pour cause de conversion au christianisme. Rahman a été, en
effet, libéré et transféré, sous protection, en Italie. Et il a exprimé pour
tout cela sa reconnaissance à Benoît XVI.
Rome semble ainsi prendre une position plus
énergique…
Mais,
est-ce que cette approche plus énergique de la question islamique se trouve
aussi dans l’analyse qu’en fait l’Église ?
La
réponse semble être positive.
Une
preuve éclatante de cela est un « essai » paru dans le dernier numéro
de « Studium », un influent bimestriel italien de culture catholique
fondé en 1906, publié par la maison d’édition du même nom, et dirigé
aujourd’hui par deux savants d’un grand prestige : Vincenzo Cappelletti,
philosophe de la science et directeur de l’Institut de l’Encyclopédie
Italienne, et Francesco Paolo Casavola, juriste, ancien président de
Cet
essai a pour titre « La question islamique », il s’étend sur une
trentaine de pages de la revue. Il est
accompagné d’un large appareil de notes et se trouve suffisamment mis en valeur
à la une de couverture du magazine : un minaret qui se détache parmi les
gratte-ciels d’une ville occidentale.
Mais
l’élément intéressant à noter, ce sont les rédacteurs de cet essai :
Roberto A.M.Bertacchini et surtout le
Père Piersandro Vanzan.. Le père Vanzan est jésuite, professeur de théologie
pastorale à l’Université Pontificale Grégorienne, à Rome. Et surtout, il fait
partie du comité de rédaction de «
A cause de son contenu
explosif, il est impensable que l’essai de Bertacchini et Vanzan soit publié
par une revue si étroitement liée de par ses statut au Saint-Siège, et si représentative
de la ligne officielle.
Mais
le fait que l’auteur principal de l’article soi, en plus, un jésuite lié à «
Tout
ceci est à noter de prêt.
Qui
a lu « La rage et l’orgueil » et les autres écrits sur l’Islam
d’Oriana Fallaci, comme « La force de la raison » —auteur de
célébrité mondiale qui habite depuis de nombreuses années à New York— trouvera de
nombreux points communs avec l’essai de Bertacchini et Vanzan.
Or
Oriana Fallaci est une critique acharnée des raisons religieuses et culturelles
qui, selon elle, nourrissent le défi que le monde musulman pose à l’Occident et
à
Elle
est aussi une grande admiratrice de Benoît XVI qui a lu beaucoup de ses livres.
Il ne faut pas oublié que Benoît XVI l’a reçue en audience privée à
Castelgandolfo, le 1 août de l’année
dernière.
Le
seul point important qui sépare l’analyse d’Oriana Fallaci de celle que font
Bertacchini et Vanzan est que, tandis que la première considère l’Islam comme
irréformable et incompatible avec l’Occident chrétien, ces derniers admettent
qu’une intégration entre les deux civilisations peut être possible même si elle
est extrêmement difficile.
Nous
savons, aussi, que Benoît XVI admet cette dernière possibilité.
Je
crains que les faits donnent raison à Oriana Fallaci…
Voici
un extrait de l’essai, beaucoup plus long, publié par « Studium »
dans son numéro de janvier-février 2006.
Cet
essai m’a été envoyé par un ami et traduit par lui.
La question islamique
Par Roberto A.M.Bertacchini et Piersandro Vanzan
S.I.
Le
terrorisme islamique est une réponse assez complexe à la rencontre avec
l’Occident, perçu comme une menace dévastatrice, mortelle.
A
la fin des années 80 il y a eu dans le camp islamiste une confrontation serrée
entre les positions d’Abdulla Azzam et celles, plus outrancières, d’Ayman
Al-Zawahiri, vrai idéologue du jihad dans sa forme actuelle qui inclut, même,
dans la catégorie d’ennemis les « hérodiens », c'est-à-dire les
collaborateurs avec l’Occident. Le 24 novembre 1989, Azzam tomba victime d’un
attentat à Peshawar et le «zélote » Al-Zawihiri eut le champ libre.
Pour
les zélotes tout ce qui vient de l’étranger est un poison pour leurs formes
traditionnelles de vie, c’est pourquoi il n’y a pour eux qu’un moyen d’éviter
la catastrophe culturelle : expulser l’envahisseur et fermer
hermétiquement les frontières, de façon que rien ne puisse polluer et corrompre
leur macrocosme. Celle-là est, en partie, la position d’Ossama Bin Laden,
contraire à la présence américaine non seulement en Irak mais même en Arabie
Saoudite.
Mais
contre la civilisation occidentale ce programme défensif serait, de toutes
façons, irréalisable. Elle n’est pas, en effet, à la différence de toutes les
civilisations précédentes, de type local, c'est-à-dire territorialement
circonscrite. L’invasion universelle du village global est telle qu’il n’y a
qu’un seul moyen d’échapper à son emprise : le détruire. Le programme
idéologique d’Al-Zawihiri est, précisément, celui-là, et ce programme est
poursuivi avec une stratégie complexe. A la formule « moderniser
l’Islam », Al-Zawihiri répond avec cette autre formule:
« islamiser la modernité » donc, par conséquent, l’Occident.
A
l’intérieur du monde musulman, islamiser veut dire
« desoccidentaliser » tout: et ce depuis les institutions
politiques et culturelles jusqu’aux structures économiques, au point d’arriver
à repenser le système bancaire lui-même. En dehors du monde musulman, islamiser
signifie répandre l’Islam avec une puissante action missionnaire, soit en
Europe, soit aux États-Unis : des actions soutenues, avant tout, par
l’Arabie Saoudite. Mais, si l’on suit des interprétations plus radicales, islamiser
l’Occident signifie agresser violemment le pouvoir politique et l’économie,
sans exclure les attaques contre les populations civiles.
Ce
programme panislamisant peut faire sourire, comme, dans d’autres temps,
beaucoup sourirent devant Hitler avant son ascension politique. Par contre, il
s’agit d’un programme vrai, poursuivi selon un dessein lucide et qui, même
lentement, engrange des succès.
On
peut constater, à partir de plusieurs faits, qu’il s’agit d’un vrai programme.
* * *
Le
premier
fait macroscopique est que de l’Afghanistan au Kashmir, à
Le
deuxième fait macroscopique est le terrorisme, surtout si on
a la patience de parcourir le fil rouge qui du 7 juillet 2005 arrive jusqu’à 1969,
jusqu’à l’avion parti de Rome-Fiumicino que Leila Khaled dévia et fit exploser
à Damas.
1972
fut l’année des Jeux olympiques à Moscou et du correspondant massacre. Mais
déjà le 16 août de cette même année, un vol direct à Tel-Aviv explosa à cause
d’un magnétophone à cassettes rempli de tolite, offert à deux touristes
anglaises par deux arabes qui leur faisaient la cour. Si nous y repensons
aujourd’hui, nous avons le frisson : Al Qaeda est une nouveauté très
relative. Faire
la cour à deux femmes pour provoquer un massacre, cela signifie, en fait, être
radicalement bourré d’idéologie. Et cela signifie qu’il y a une articulation
entre l’idéologie et l’organisation. Ce n’est pas chez le
quincaillier, en fait, qu’on peut acheter le magnétophone à la tolite. Encore
moins c’est par hasard que deux arabes rencontrent deux touristes qui vont à
Tel-Aviv, et ont à portée de la main un ami qui, toujours par hasard, leur
fournit leur paquet surprise. Mais, déjà, tout au long de 1970, il y eut six
cas d’avions détournés ou explosés en plein vol ou encore sur le terrain
d’atterrissage.
Les
conditions requises pour la réalisation de l’attentat du 16 août 1972 sont
tellement complexes qu’elles exigent des années de planification, d’excellentes
structures de propagande et des ressources humaines et économiques de premier
ordre. Le sens moral des personnes ne se modifie pas en cinq secondes. Il est
probable que ces jeunes filles-là étaient jolies et qu’il y eut quelque
histoire d’amour. Si l’on met en parallèle cet épisode avec la tuerie de
l’école de Beslan en 2004, avec le 550 enfants assassinés, avec les trois jours
de sévices et la torture de la soif dans le gymnase, avec les fillettes violées
avant d’être tuées, nous voyons à l’œuvre une férocité tellement opposée au sens
moral commun qu’elle exige une charge d’idéologie absolue. Et une telle
idéologie, qui a une base religieuse, suppose justement que les théoriciens de
la terreur se cachent parmi les théologiens.
Le
troisième, est
l’antisionisme. Regardons la « consecutio temporum ». En
1969, nous avons eu la guerre des six jours, c'est-à-dire la grande humiliation
islamique. L’antisionisme est évident dans les premiers attentats des années
’70 : l’épisode de Moscou a fait beaucoup de bruit. En 1973, la guerre du
Kippur qui a vu capituler à nouveau des pays islamiques. Mais, le 16 et 17
octobre de cette même année, c'est-à-dire pendant la guerre
égypto-syrienne contre Israël, la
réunion de l’OPEC à Koweit a établi : a) quadrupler le prix du pétrole
brut ; b) l’embargo contre les États-Unis, le Danemark et
Le
quatrième
élément est l’activité
missionnaire, et le cinquième est l’immigration. Une italienne de
Milan convertie à l’Islam, Aisha Farina, qui a proclamé publiquement qu’elle
admire Ben Laden et le considère comme un guide sûr, a déclaré : « Il est possible que tous les italiens
finissent par se convertir. Quoi qu’il en soit, nous allons vous conquérir
pacifiquement parce que, à chaque génération, notre nombre double. Vous, par
contre, vous avez un taux de natalité zéro. »
Mais l’Islam avance aussi
d’une autre manière. En Sicile,
à Mazara del Vallo, depuis la fin des années soixante-dix, il existe une
communauté tunisienne qui a obtenu de rester telle quelle sous tous les
aspects, avec des écoles tunisiennes, des enseignants envoyés de Tunisie, des
lois tunisiennes, etc. De telle façon que, même si la polygamie reste illégale,
elle y est tolérée. Ailleurs l’Islam ouvre des écoles clandestines, sans que
l’État intervienne. L’infibulation y est pratiquée, mais aucun
procès ne s’ensuit. Dans les faits, cela conduit à une inégalité des citoyens
devant la loi, qui fait que certaines minorités, jusqu’ici protégées,
deviennent privilégiées. Et cela prouve l’incompatibilité entre multiculturalisme
radical et état de droit.
Mais
cette stratégie rencontre un obstacle : les troupes américaines sur le sol
islamique. De là découlent deux
lignes politiques dont la différence n’est pas la fin poursuivie mais la
stratégie employée. Ben Laden, en fait, mais sûrement aussi l’Iran et,
peut-être, le Pakistan, considère que la menace pétrolière finira par peser
moins que la menace atomique. C’est-à-dire que le chantage du pétrole ne pourra
durer longtemps pour deux motifs : le premier est que la hausse du prix du
cru ne peut pas aller jusqu’à rendre d’autres sources d’énergie plus rentables.
Le second est
que le jour où l’Occident se trouvera vraiment acculé il réagira par les armes.
Voilà pourquoi il existe une autre stratégie qui, portant la guerre au sein de
l’Europe et de l’Amérique, pourrait rendre impossible la riposte atomique. Mais pour mettre
en œuvre cette stratégie, il est nécessaire de disposer d’immenses sommes
d’argent et de préparer le changement des gouvernements qui se sont aujourd’hui
aux mains des musulmans moins radicaux. C’est ainsi que la ligne politique
terroriste marche dans deux directions parallèles : elle combat les
régimes islamiques « modérés » et elle commet en Occident des
attentats spectaculaires afin d’accroître son prestige dans le monde musulman
et légitimer son guide. Si
les « scenarii » possibles sont bien ceux-ci force est d’admettre que
même la politique de George W.Bush devient intelligible d’une façon tout à fait
différente. Il s’agit de la politique du contre-chantage. C’est un choix dont
nous essaierons de vérifier la validité.
Le sixième et dernière
élément est constitué par la liesse manifestée par la population islamique dans
les places, sur les sites Internet et même dans la presse, soit après le 11
septembre 2001, soit après la catastrophe produite par le Katrina, qualifié de
« soldat envoyé par Dieu » par le quotidien koweitien
« Al-Siyassa ». Si on est capable de se réjouir de choses aussi
épouvantables, cette joie-là brise la naturelle solidarité humaine et précise
le sens de l’expression « chiens infidèles ». Un massacre de chiens
ne me concerne pas, ce ne sont pas des hommes. Et cela est du racisme, et il
faudrait commencer à l’appeler par son nom, en en tirant les conséquences qui
s’imposent.
***
En somme, l’islamisation de l’Occident n’est ni un
phantasme ni une crainte : c’est une intention et un fait qui ressort de
l’examen objectif des éléments ici exposés.
L’Islam
modéré n’existe pas à proprement parler, parce qu’il n’existe pas de théologie
islamique institutionnelle et modérée. Il existe des musulmans modérés, même
parfois clairvoyants. Par contre, l’Islam, c’est-à-dire la culture
institutionnelle religieuse des musulmans, lors de sa rencontre avec la modernité,
a réagi en se retranchant sur des positions fondamentalistes. Et ce non
seulement en Iran ou au Pakistan, mais même en Égypte.
Il
y a donc une convergence objective entre le courant théologique islamique et
l’idéologie des terroristes.
Heureusement, tous les imams n’ont pas le même zèle jihadiste, mais le problème est
que l’islam modéré n’existe pas, c'est-à-dire, il n’existe pas de théorie
islamique ayant intégré la modernité. Voilà
pourquoi il ne serait pas seulement prudent, comme le soutenait déjà le
cardinal Giaccomo Biffi, de décourager l’immigration islamique en Europe, mais
ce serait carrément masochiste que de l’encourager sans exiger une contrepartie
en termes d’intégration.
L’Islam n’est pas compatible avec la démocratie
libérale pour des raisons plus fortes et profondes qu’on ne le pense
habituellement : ce n’est pas seulement question de polygamie, de voile,
du vendredi, etc. C'est-à-dire ce n’est pas seulement un problème de règles de
comportement, morales ou religieuses. On voit cela dans le fonctionnement de
l’Islam chez lui. En Iran, il y a des mollahs chargés du contrôle de la
moralité. Et plus
que de regarder dans les chambres à coucher, il contrôlent beaucoup plus le
cinéma, la presse et les livres : c’est la surveillance systématique de
l’expression publique de la pensée, qui est censurée si elle n’est pas conforme
à la charia ou au Coran et à son interprétation officielle. Un enseignant ne peut pas dire à l’école ce qu’il
veut, un intellectuel qui publie ses opinions assume des risques.
Pour mieux comprendre ce que nous disons, c’est vrai
que seulement avec le Concile Vatican II l’Église a aboli l’Index, mais cette
institution n’avait, avant d’être abolie, aucun pouvoir sur la vie civile. Ce n’est pas le
cas dans l’Islam. Une censure religieuse y devient ipso facto une censure
civile, parce que les autorités religieuses ont une autorité civile et
vice-versa.
L’ensemble de ces faits et d’autres similaires
interpelle alors notre honnêteté intellectuelle, parce que nous ne pouvons pas
les considérer comme des cas isolés privés d’une signification générale. Et si
ce ne sont pas des cas isolés, il faut en tirer une seule conséquence : en arabe le mot
« liberté » n’a pas existé pendant des siècles, parce que la
civilisation islamique ne la prévoit même pas (il fut introduit,
avec le sens de « hurriyya », affranchissement, seulement en 1774, à
cause du besoin de signer des traités avec les occidentaux). Et donc
l’absolutisme saoudite et des autres émirats, l’infériorité juridique de la femme,
etc., ne sont pas des bizarreries qu’on puisse corriger. Ce sont des effets
d’une cause radicale que l’on ne peut éliminer sans détruire l’Islam. Voilà
pourquoi ont tient tellement à de telles bizarreries. Parce que elles ont un
rapport avec l’identité islamique, et donc une certaine intégration pourra se
faire avec des musulmans pris individuellement, mais non pas avec l’Islam.
Malheureusement, la société libérale se
heurte à l’aporie quand elle est
confrontée à une civilisation fermée non compatible. Le problème de la
tolérance fut posé au sein de la civilisation chrétienne pour affaiblir ses
conflits intestins. Mais sa formulation avait un sens parce que la tolérance
était une valeur que les uns et les autres pouvaient reconnaître, dans la
mesure où elle pouvait être théologiquement justifiée.
Par
contre, dans l’Islam la tolérance n’a pas de justification théologique dans le
sens large qui caractérise nos sociétés laïques. La liberté de la presse n’a
pas de sens. Le Moyen Âge a Boccace et
***
La
nécessité d’une grande autocritique sur les rapports avec l’Islam, qui échappe
finalement à un « angélisme » aveugle et suicidaire, est donc
inéluctable.
Dialoguer
avec qui a l’arrière-pensée de nous islamiser et de nous réduire à la condition
de dhimmis, de sujets de second ordre, tout simplement n’a pas de sens. Le
dialogue avec les musulmans modérés doit être non seulement poursuivi mais
approfondi, et ils doivent être soutenus de toutes les façons comme ont été
soutenus les dissidents soviétiques. Mais parallèlement à une telle ouverture
il faut une politique de la défiance et du soupçon qui serre dans la mesure du
possible les mailles du filet et décourage au maximum la présence des
islamisateurs en Europe. Ceux-ci sont, en fait, la colonne idéologique du
terrorisme : on ne peut pas combattre celui-ci sans contrecarrer ceux-là.
(Traduit de l’italien par M.A.F et C.C.)