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Un regard sur le monde
politique et religieux
au 8 août 2008
N° 179
Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier
UNE INTERVIEW DE
MGR TISSIER DE MALLERAIS
Dans sa lettre d’information
religieuse du 5 août 2008, (Aletheia, n° 129), Yves Chiron donne la traduction française d’une
interview de Mgr Tissier de Mallerais à la revue « The Angelus »,
revue de
Comme
Yves Chiron le dit à juste titre, il est important de la faire connaître aussi aux
fidèles catholiques de France.
Je
suis, personnellement, ébahi, du ton de certaines réponses de l’interview et de
certaines affirmations de l’évêque.
Le
ton est dur, sec et cassant. Je ne reconnais plus le séminariste Bernard Tisser
de Mallerais que j’ai connu à Fribourg. Il était modeste, pondéré et mesuré. On
le trouvait même plutôt « silencieux » et peu loquace. Attentif, il écoutait plus qu’il n’intervenait
dans un débat. Nul doute qu’il n’est plus le même. Comment peut-on changer à ce
point de caractère ? Cela ne me
parait pas normal ! Pense-t-il devoir adopter ce ton pour se dresser contre
la barbarie ? Serait-ce alors surnaturel ? J’ai du mal à le croire.
Il s’est durci ? Sans aucun doute dans son caractère. Lorsque j’étais au séminaire
d’Ecône, j’avais coutume de dire à certains de mes élèves « aussi très
durs », « trop durs » : « Faites attention, la dureté
n’est pas une bonne chose. Ni un signe
de solidité. Voyez ! Plus un pont est rigide plus facilement il casse. La
souplesse est signe de force. La dureté, signe de faiblesse ».
Certaines
des affirmations de « notre évêque » me paraissent inconvenantes.
Yves Chiron dans ses premières réflexions,
en retient, à juste titre, quelques unes.
Tout
d’abord, son jugement sur le Pape Benoît XVI est manifestement outrancier :
« le modernisme, comme c’est le cas avec Benoît XVI, dit-il, un vrai moderniste, avec la théorie
complète du modernisme mis à jour ! C’est si grave que je ne peux pas exprimer
mon horreur. Je me tais. Mgr Lefebvre, donc, crierait : « Hérétiques, vous pervertissez
Voyons !
Comment osez écrire cela ? Il vous suffit de lire le discours de Benoît
XVI prononcé pour l’ouverture de « l’Année paulinienne » que je vous
donne dans «
Voyez
également le discours de Benoît XVI aux évêques et séminaristes en Australie,
le 18 juillet dernier. Je vous l’ai donné dans Item, n° 178.
Tout
ce qui est excessif est sans valeur !
Oser
même affirmer que ce serait le jugement de Mgr Lefebvre. Qu’il le «hurlerait » !.
Tout de même ! Je ne le crois pas. Mgr Lefebvre ne parlait jamais comme
cela de l’autorité ecclésiastique, surtout pas du pape. Voyez sa déclaration du
21 novembre 1974, pourtant particulièrement sévère. Il n’attaque pas de plein
fouet l’autorité du Pontife suprême (1 :voir la note 1). Il est bien plus
habile et déférent malgré son intransigeance doctrinale. C’est du reste ce
qu’il me faisait remarquer lorsque j’organisais, avec M l’abbé Coache et
Monsieur François Brigneau, la défense
de la mémoire de nos martyrs, lors de la commémoration du bi centenaire de
Qu’il
se souvienne aussi, je ne peux imaginer autrement, des conseils que M l’abbé Luc
Lefebvre a du lui donner. C’était son directeur spirituel. ..
Enfin,
réduire aussi la restauration de l’Eglise, presque, au seul travail apostolique de
Et que
pensez du rôle qu’il attribue à la femme et à la jeune fille : « Pour
les jeunes filles, des livres de cuisine, de couture, et pour aménager la
maison »? Exprime-t-il vraiment la pensée de l’Eglise. Pie XII a une
autre pensée sur le rôle de la femme. Ce pape développe certes leur rôle
d’épouse et de mères, de mères aux foyers, d’éducatrices, mais aussi leur rôle
dans le monde politique, social. Il les encourage même à
sortir de la famille pour s’engager dans des grandes causes nationales.
Enfin
critiquer l’attitude des « communautés « ecclesia Dei » comme il le fait, avec un certain mépris
« …
Et
lui-même a-t-il toujours manifesté le meilleur des jugements et la meilleure clairvoyance
et dans sa direction du séminaire d’Ecône, et dans ces contactes avec Rome en
mai 1988 et dans son jugement sur l’opportunité de procéder aux sacres
« sauveurs » ? Quant aux sacres, il s’en fait le chaud
défenseur. Je m’en réjouis. Mais ce ne fut pas le cas le 28 mai ou 30 mai 1988…Un
peu d’humilité serait appréciable.
« Ne
cherchez pas de « réconciliation », mais combattez ! »
nous dit Mgr Tissier de Mallerais. Certes ! Mais tout en combattant, Mgr
Lefebvre ne cherchait-il pas une « réconciliation », une « normalisation », « une régularisation ». J’en veux
pour preuve la lettre remise par lui au cardinal Gagnon à l’issue de la visite
apostolique en décembre 1987. Ce fut, sans cesse, sa grande préoccupation Ces deux attitudes ne sont pas incompatibles.
Voilà ce que j’ai appris auprès de Mgr Lefèvre. Etait-il libéral ?
Certains, à l’époque, l’ont pensé. Ont-ils aujourd’hui le pouvoir ? Ou sont-ils
proches du pouvoir ?
Enfin
dire que le Motu Proprio de Benoît XVI, tout en le louangeant, est « un miracle inattendu », c’est n’avoir rien lu des ouvrages que le
cardinal Ratzinger nous a donnés sur la liturgie, avant son élection à la
papauté. . Il était évident que sur le trône de Pierre, il rappellerait le
droit de cette messe de saint Pie V et la redonnerait à l’Eglise. Il suffisait
de lire ces livres. Mais faut-il encore les lire ! Ou avoir trois sous de
« jujotte ».
Cette
interview, émouvante sous certains points, manque de mesure.
Je
suis confus de dire tout cela…Mais l’amour que je porte à Mgr Lefebvre et à son
œuvre m’y pousse et m’y contraint.
.
Voici le texte de Mgr Tissier de Mallerais publié dans
The Angelus et dont la traduction française est paru dans Alethia, n° 129, sous le titre :
UNE INTERVIEW DE
MGR TISSIER DE MALLERAIS
« Mgr Bernard Tissier de Mallerais a répondu aux
questions de la revue américaine The Angelus. Il est utile de faire connaître intégralement
ses déclarations aux lecteurs francophones. La traduction publiée ici est parue
sur internet. Je l’ai retouchée en quelques
endroits d’après l’original américain.
The Angelus : Après 20 ans d'épiscopat, que pensez-vous
de l'état de l'Eglise?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Jean-Paul II n'a rien fait pour reconstruire
grande
apostasie s'est amplifiée, la jeunesse est presque entièrement perdue dans l'impureté
et dans les drogues. La liberté religieuse et les droits de l'Homme ont
complètement détruit la royauté sociale du Christ. Nous vivons la grande
apostasie dont parle saint Paul aux Thessaloniciens : “venerit discessio primum”
(II Thess. 2,3).
The Angelus : Quelque chose a-t-il changé dans
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
De quelle société parlez-vous ? De
The Angelus : Combien de pays avez-vous visités depuis
votre sacre ?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
À peu près tous les pays dans lesquels nos prêtres
travaillent,
sauf le Japon et
The Angelus : Qu'est-ce qui vous a impressionné chez
les fidèles, quand vous voyagez pour
confirmer ?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Le grand nombre de familles nombreuses, bien sûr.
Parfois
plus de 10 enfants - c'est merveilleux ! C'est l'effet de
--------------------------------------------------------
1
En
anglais, la « Fraternité Saint-Pie X » est appelée « Society of Saint Pius X ».
D’où la réponsed’abord hésitante à la question.
--------------------------------------------------------
The Angelus : Qu'aurait-il pu se passer sans les sacres
?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Nous serions morts : des prêtres âgés, seulement des
prêtres
âgés, des Frères âgés, des Sœurs âgées, des séminaires vides et morts ; et pas
de
Fraternité
Saint-Pierre ni tout le reste. La tradition serait morte. Les sacres d'évêques
ont été
un
"acte sauveur" [en français dans le texte]. L'"opération
survie" a été un succès complet,
grâce
à Dieu et grâce à l'acte héroïque de Mgr Lefebvre.
The Angelus : La situation avec Rome est-elle plus
encourageante vingt ans après ?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Non, rien n'a changé. À part le motu proprio du 7 juillet
2007,
qui est un miracle inattendu, et qui
change radicalement la pratique du Saint-Siège
vis-à-vis
de la messe traditionnelle. Mais en pratique, peu de prêtres reviennent à la
Tradition.
Seuls de jeunes prêtres, quelques-uns parmi eux, sont intéressés. Mais pour ce
qui
est de la liberté religieuse, des droits de l'Homme, de l'intérêt que Rome
porte à notre
travail
: rien n'a changé - induratio cordium !
Un endurcissement des cœurs, un aveuglement
des
esprits.
The Angelus : Que voudriez-vous dire à ceux qui
prédisaient, en 1988, que
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Je vous réponds : où est l'Eglise, mes chers ?
Reconnaissez
l'arbre à ses fruits. Là où sont les fruits, là est l'Eglise. Je ne veux pas
dire que
l'Eglise
se réduit à
l'enseignement
vrai, les sacrements non abâtardis (the
non-bastard sacraments) : tout cela est dans
libéralisme
et de la faiblesse d'esprit. L'Eglise parallèle, c'est la néo-Eglise de Vatican
II : son
esprit,
sa nouvelle religion ou non-religion (her
new-religion or no-religion).
The Angelus : Quel est le développement le plus
important des vingt dernières années ? La mort de Monseigneur [Mgr
Lefebvre] ? L'élection de Benoît XVI ? Le
Motu Proprio ?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
La réponse, c'est notre persévérance, notre existence. La continuation
miraculeuse de
The Angelus : Beaucoup de catholiques qui s'étaient
d'abord battus aux côtés de Monseigneur, il y a des années, sont maintenant
enclins à unir leurs forces avec Rome qui semble plus conservatrice, en
s'alliant à des instituts dont le statut canonique est plus
"régulier" au sein de l'Eglise.
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Oui, il y a eu beaucoup de pertes. À cause du manque
de
principes, de l'infidélité au combat de
l’aspiration
à la paix, du désir d'une victoire avant le temps que Dieu à prévu. Ces pauvres
gens
(des prêtres, des religieux, des laïcs) sont
des libéraux et des pragmatiques. Ils sont
séduits
par les sourires des gens du Vatican, je veux dire des prélats de
Mais
ce combat durera encore trente ans. Donc : ne cessez pas, ne cherchez pas de
"réconciliation,",
mais combattez !
The Angelus : Quel est votre souvenir le plus marquant
de Monseigneur ?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Le 13 octobre 1969, quand il nous a accueilli au 106,
route
de Marly, à Fribourg, en Suisse, il était seul et recevait 9 séminaristes dans
deux
appartements
qu'il louait aux Salésiens. Seul et âgé 63 ans, et commençant tout à zéro avec
nous,
pauvres jeunes gens ! C'était émouvant de voir comment il prenait soin de nous,
nous
donnant
des conférences spirituelles, très simples, théologiques, à l'aide de saint
Thomas
d'Aquin
et de son expérience de missionnaire. Un archevêque, ancien supérieur général
[d’une
congrégation] de 3.000 membres, ancien délégué Apostolique, et maintenant seul
avec neuf jeunes gens à commencer quelque chose pour le bien du sacerdoce,
quelque chose dont il ignorait le futur. Réalisez sa Foi !
The Angelus : Quel est le moment le plus marquant de
votre séminaire ?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Fabuleux ! Mon premier contact avec
The Angelus : Direz-vous que le combat pour la messe a
complètement changé depuis les sacres?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Absolument pas. Rien n'a changé ! La persécution contre les jeunes prêtres
d'aujourd'hui qui retournent à la vieille messe est la même que la
persécution
contre les bons prêtres, des prêtres qui, il y a 40 ans, restaient fidèles à la
messe de leur ordination. À quelques très rares exceptions, les évêques
détestent la messe
traditionnelle.
Leur nouvelle religion s'oppose à la vraie messe, et la vraie messe détruit
leur
fausse
religion, une religion sans sacrifice, sans expiation, sans satisfaction, sans
justice
divine,
sans pénitence, sans renonciation à soi-même, sans ascétisme ; la religion du
soi-disant "amour, amour, amour" qui n'est que des mots.
The Angelus : D'un autre côté, ne diriez-vous pas
qu'aujourd'hui le combat pour la doctrine est devenu plus important ?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
C'est le même combat : ratio
cultus, ratio fides. La loi de
lex credendi, lex orandi.
La devise est vraie dans les deux sens. La messe traditionnelle est
l'expression
la plus magnifique de la royauté du Christ alors que regnavit a ligno Deus –
Dieu
a
régné par le bois de
surabondante
des péchés, s’exprime dans
est
obscurci et estompé par
En
conséquence, le combat contre la liberté religieuse ne peut pas être séparé du
combat
pour
Dieu,
Il est capable par Sa passion d'apporter expiation et satisfaction, pour tous
les péchés;
de
même, Lui seul a le droit de conformer les lois civiles à l'Evangile. Je ne
vois pas de
séparation
entre le combat pour la messe, le combat pour l'esprit chrétien du sacrifice,
et le
combat
pour la royauté sociale du Christ. Les modernistes ne voient pas de différence
entre
leur
nouvelle messe, leur refus du mystère de
royauté
sociale de Jésus-Christ. Tout se tient.
The Angelus : À part Mgr Rifan, Rome n'a pas donné
d'évêque traditionnel aux communautés "Ecclesia Dei". Que cela
signifie-t-il ? Cela ne justifie-t-il pas la décision de Monseigneur ?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Oui, bien sûr. À Rome (à quelques exceptions près), ils
ne
veulent pas d’évêques traditionnels ! Ils n’en veulent toujours pas.
peut
pas se permettre d’avoir des évêques traditionnels dans l’Eglise. Ce serait la
destruction de leur destruction ! Mgr Rifan a eu le cerveau bien lavé, avant
d’être « réconcilié ». Il garde la sainte messe traditionnelle, mais ne se bat
plus contre la nouvelle messe, la liberté religieuse, et ainsi de suite. Il a
dû arrêter le combat.
Les
communautés « Ecclesia Dei » ont dû accepter de ne jamais critiquer le Concile
de
Vatican
II ni la nouvelle messe. Ils ont été réduits au silence et ont accepté de se
taire. Tel a
été
le prix de leur « réconciliation ».
Mgr
Lefebvre avait donc entièrement raison quand il disait que seuls des évêques
entièrement
catholiques et entièrement libres, libres de l’influence libérale de Rome,
pouvaient
travailler pour le bien de l’Eglise en attendant la conversion du Pape.
The Angelus : Quels sont, selon vous, les plus grands
défis auxquels
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
D’abord, notre persévérance à refuser les erreurs du
concile
de Vatican II. Deuxièmement, la force de notre refus de toute « réconciliation
» avec
The Angelus : Quel regard pensez-vous que Monseigneur
porterait sur la crise, vu l’état des
choses en 2008 ?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Il dénoncerait non seulement le libéralisme – comme
c’était
le cas avec Paul VI – mais le
modernisme, comme c’est le cas avec Benoît XVI : un vrai moderniste, avec la
théorie complète du modernisme mis à jour ! C’est si grave que je ne peux pas
exprimer mon horreur. Je me tais. Mgr Lefebvre, donc, crierait : «
Hérétiques, vous pervertissez
The Angelus : Quel conseil donneriez-vous aux parents
qui élèvent leurs enfants dans le monde d’aujourd’hui ?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Ne vous contentez pas d’avoir des enfants, beaucoup
d’enfants,
mais élevez-les, éduquez-les ! Ne vous contentez- pas de les nourrir, de leur
donner
à manger ! Et envoyez-les dans des écoles vraiment catholiques, où ils seront
non
seulement
protégés de la corruption du monde, mais seront formés pour être des chrétiens.
The Angelus : Quel conseil donneriez-vous à des jeunes
gens et des jeunes filles qui envisagent la vie religieuse ?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Ne l’ « envisagez » pas, ne l’essayez pas non plus, mais entrez-y avec
détermination et persévérance ! Mon Dieu, combien de volontés faibles !
The Angelus : Quels sont les livres les plus
essentiels, selon vous, pour les fidèles aujourd’hui ?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
Pour tous, leur missel (le livre de messe) et leur
catéchisme.
Pour les jeunes gens, des livres sur la royauté sociale du Christ. Pour les
jeunes
filles,
des livres de cuisine, de couture, et pour aménager la maison.
The Angelus : Que voyez-vous dans les 20 ans qui
viennent ?
Mgr Bernard Tissier de Mallerais :
En Europe, des républiques islamiques en France, en
Grande-Bretagne,
en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Aux Etats-Unis, la
banqueroute
et la guerre civile. À Rome, l’apostasie organisée avec la religion juive. En
nous, de l’héroïsme, de l’héroïsme chrétien. Dans
. . .
Quelques remarques
Un tel
document est révélateur d’une situation — celle de
vingt
ans après les sacres accomplis par Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer — et
elle
témoigne de l’état d’esprit de celui qui a répondu aux questions de la revue
américaine.
Mgr
Tissier de Mallerais fut un des quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre en juin
1988.
Il avait été, en mai précédent, un de ceux qui pensaient que le fondateur de la
FSSPX
devait accepter l’accord proposé par Rome. Pourtant il se rangea à l’avis,
finalement,
contraire de Mgr Lefebvre et consentit, le mois suivant, à recevoir de ses
mains
la consécration épiscopale.
On
comprend les motivations qui ont conduit Mgr Lefebvre à choisir l’abbé Tissier
de Mallerais
pour être un des quatre prêtres appelés à lui succéder. Outre ses
éminentes
qualités spirituelles — qui apparaissent à quiconque entre en relations
avec
lui —, l’abbé Tissier de Mallerais avait été, en 1984 et 1985, le principal
collaborateur
de Mgr Lefebvre dans la rédaction des « Dubia » sur la liberté
religieuse qui furent présentés à
Depuis
sa consécration, il parcourt le monde pour exercer une « juridiction
extraordinaire
» ou « de suppléance » : confirmations, ordinations, confessions. Plus
discrètement,
et toujours dans l’esprit de la juridiction de suppléance qu’il a
théorisée3, Mgr
Tissier de Mallerais rend des sentences qui ont « valeur obligatoire ».
Il le
fait dans le cadre de
d’empêchement
de mariage, des annulations de mariage ou des absolutions de
censures.
On
ajoutera que Mgr Tissier de Mallerais est l’auteur de la première biographie
historique
de Mgr Lefebvre, publiée en 2002, aux éditions Clovis, et saluée comme
telle,
y compris par les revues historiques scientifiques.
Sans
m’autoriser à faire un commentaire exhaustif de telles déclarations
épiscopales,
je me permettrai quelques remarques immédiates :
--------------------------------------------------
2
Ces
«
Dubia », d’un volume de 138 pages, ont connu d’abord une diffusion
restreinte, en 1987, par les
soins du
séminaire d’Ecône, en Suisse. En 2000, ils ont été réédités par les éditions
Clovis sous le titre
Mes doutes
sur la liberté religieuse.
cardinal
Ratzinger, avait répondu par écrit à Mgr Lefebvre. Ces réponses n’ont jamais
été rendues
publiques, ni
par
3
Sa
longue justification sur le sujet a été publiée, en brochure, aux Etats-Unis
sous le titre : Supplied
jurisdiction and traditional priests, Angelus Press, 2007.
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• le
ton général de cet entretien est plus que pessimiste. Il témoigne, chez son
auteur, d’une radicalisation qui n’est
pas nouvelle mais qui s’amplifie. Est-ce là la position personnelle d’un
des quatre évêques de
• les
analyses et positions exprimées par Mgr Tissier de Mallerais sont à lire
comme
une réponse à ce qu’a demandé le cardinal Castrillon Hoyos le 4 juin dernier
(cf. Aletheia,
25.6.2008). Le président de
« L’engagement d’éviter toute
intervention publique qui ne respecte pas la personne du Saint-Père et qui
serait négative pour la charité ecclésiale ». En disant de Benoît XVI qu’il est
« un vrai moderniste, avec la théorie complète du modernisme mis à jour », Mgr
Tissier de Mallerais refuse de se plier aux demandes de Rome.
Ces demandes, Mgr Fellay les avait déjà
qualifiées d’ « ultimatum » (« shut up » avait
aussi traduit Mgr Fellay pour le
public américain).
L’accusation
de modernisme portée contre le Pape actuel est l’accusation la plus
grave
que puisse porter
nouvelle.
Mgr Tissier de Mallerais avait déjà prétendu faire la démonstration du
modernisme
de Benoît XVI dans une conférence qui, à ce jour, n’a pas été publiée.
• Il
ne peut y avoir d’entente avec un pape « moderniste ». C’est ce que dit
expressément
Mgr Tissier de Mallerais : « Refus de toute “réconciliation“ avec
• Le
ton de Mgr Tissier de Mallerais est plus que pessimiste, il a une tonalité
apocalyptique
(au sens commun du terme). Il prévoit que des « républiques
islamiques
» existeront dans cinq pays d’Europe d’ici vingt ans. La chose lui apparaît
inéluctable.
Il prône un repli communautariste réduit au minimum : les chapelles
traditionalistes,
les prieurés, les écoles.
Quand
on l’interroge sur les conseils de lecture « pour les fidèles », là aussi il
énumère
une sorte de minimum vital. Il semble réduire le rôle de la jeune fille et de
la
femme
chrétienne à la cuisine, à la couture et à l’aménagement de la maison. Cela
rappelle
les trois K de l’Allemagne bismarckienne (Kinder,
Küche, Kirche : les enfants, la cuisine, l’église). Sans évoquer la
légitimité ou la nécessité du travail des femmes, même dans une vision vraiment
traditionnelle de la place et du rôle des femmes dans l’Eglise militante, il
est clair que les siècles passés et la situation actuelle ne cantonnent pas les
femmes chrétiennes aux travaux domestiques. On ne citera pas Jeanne d’Arc ou
ces pieuses laïques qui furent à l’origine des principales et considérables
œuvres d’aide aux missions au XIXe siècle. Pour nous en tenir à notre XXe
siècle si troublé, la militance féminine chrétienne a été bellement illustrée
par un nombre considérable de femmes « engagées ». Travailler au Règne social
de Jésus- Christ n’est certainement pas l’apanage des seuls hommes chrétiens :
que l’on songe à Cristina Campo ou à Katharina Tangari, femmes d’énergie et
d’initiatives, qui furent si proches de
• Mgr Tissier de Mallerais déplore « l’endurcissement
des cœurs, l’aveuglement des esprits » qui règneraient à Rome. Le jugement est
sévère et risque d’être renvoyé à celui qui le prononce.
Yves
Chiron
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(1) La déclaration de Mgr Lefebvre
- 21 novembre 1974 -
Nous adhérons de tout cœur, de toute notre âme à
Nous refusons par contre et avons toujours refusé de
suivre
Toutes ces réformes, en effet, ont contribué et contribuent encore à la démolition de l'Église, à la ruine du Sacerdoce, à l'anéantissement du Sacrifice et des Sacrements, à la disparition de la vie religieuse, à un enseignement naturaliste et teilhardien dans les Universités, les Séminaires, la catéchèse, enseignement issu du libéralisme et du protestantisme condamnés maintes fois par le magistère solennel de l'Église.
Aucune autorité, même la plus élevée dans la hiérarchie, ne peut nous contraindre à abandonner ou à diminuer notre foi catholique clairement exprimée et professée par le magistère de l'Église depuis dix-neuf siècles.
« S'il arrivait, dit saint Paul, que NOUS-MÊME ou un Ange venu du ciel vous enseigne autre chose que ce que je vous ai enseigné, qu'il soit anathème. » (Gal. 1, 8.)
N'est-ce pas ce que nous répète le Saint-Père aujourd'hui? Et si une certaine contradiction se manifestait dans ses paroles et ses actes ainsi que dans les actes des dicastères, alors nous choisissons ce qui a toujours été enseigné et nous faisons la sourde oreille aux nouveautés destructrices de l'Église.
On ne peut modifier profondément la « lex orandi » sans modifier la « lex credendi ». A messe nouvelle correspond catéchisme nouveau, sacerdoce nouveau, séminaires nouveaux, universités nouvelles, Église charismatique, pentecôtiste, toutes choses opposées à l'orthodoxie et au magistère de toujours.
Cette Réforme étant issue du libéralisme, du modernisme, est tout entière empoisonnée ; elle sort de l'hérésie et aboutit à l'hérésie, même si tous ses actes ne sont pas formellement hérétiques. Il est donc impossible à tout catholique conscient et fidèle d'adopter cette Réforme et de s'y soumettre de quelque manière que ce soit.
La seule attitude de fidélité à l'Église et à la doctrine
catholique, pour notre salut, est le refus catégorique d'acceptation de
C'est pourquoi sans aucune rébellion, aucune amertume, aucun
ressentiment nous poursuivons notre oeuvre de formation sacerdotale sous
l'étoile du magistère de toujours, persuadés que nous ne pouvons rendre un
service plus grand à
C'est pourquoi nous nous en tenons fermement à tout ce qui a
été cru et pratiqué dans la foi, les mœurs, le culte, l'enseignement du catéchisme,
la formation du prêtre, l'institution de l'Église, par l'Église de toujours et
codifié dans les livres parus avant l'influence moderniste du concile en
attendant que la vraie lumière de
Ce faisant, avec la grâce de Dieu, le secours de
Mgr Marcel Lefebvre