Un regard sur le monde
politique et religieux
au 10 juillet 2009
N° 224
Par Monsieur l’abbé Paul Aulagnier
« Caritas
in veritatem »
L´amour dans
Lors de l’audience générale à Rome du
mercredi 8 juillet 2009, le pape Benoît XVI a
présenté lui-même aux fidèles sa récente
Encyclique « Caritas in veritatem » sur « le progrès
humain », ou plus exactement sur « le développement véritable de
chaque personne et de l'humanité tout entière ». Nous ne saurions en
faire un meilleur commentaire. Vous
pouvez lire aussi le texte de l’Encyclique en cliquant ici. Nous
attirons votre attention à la fin du texte du pape sur son appel à la création
« d’une autorité politique mondiale ».
Ce sera le sujet qui risque d’être retenu par les « medias ».
* * *
Chers frères et sœurs !
Ma nouvelle encyclique Caritas in veritate, qui a été
présentée officiellement hier, s'inspire, dans sa vision fondamentale, d'un
passage de la lettre de saint Paul aux Ephésiens, où l'apôtre parle de l'agir selon
la vérité dans l'amour : « Au contraire - nous venons de l'entendre - , en
vivant dans la vérité de l'amour, nous grandirons dans le Christ pour nous
élever en tout jusqu'à lui, car il est
Comme d'autres documents du Magistère, cette encyclique poursuit
et approfondit aussi l'analyse et la réflexion de l'Eglise sur des thématiques
sociales d'intérêt vital pour l'humanité de notre siècle. Elle se rattache de
manière particulière à ce qu'écrivit Paul VI, il y a plus de quarante ans, dans
Populorum progressio, pierre
milliaire de l'enseignement social de l'Eglise, dans laquelle le grand pape
trace quelques lignes décisives, et toujours actuelles, pour le développement
intégral de l'homme et du monde moderne. La situation mondiale, comme le révèle
amplement l'actualité des derniers mois, continue à présenter des problèmes
importants et le « scandale » d'inégalités éclatantes, qui demeurent malgré les
engagements pris dans le passé. D'une part, on enregistre des signes de graves
déséquilibres sociaux et économiques ; de l'autre, on invoque de plusieurs
côtés des réformes qui ne peuvent plus être renvoyées pour combler l'écart dans
le développement des peuples. Le phénomène de la mondialisation peut, dans ce
but, constituer une réelle opportunité, mais pour cela il est important de
mettre la main à un profond renouveau moral et culturel et à un discernement
responsable à propos des choix à faire pour le bien commun. Un avenir meilleur
pour tous est possible, si on le fonde sur la redécouverte des valeurs éthiques
fondamentales. Un nouveau programme économique qui redessine le développement
de manière mondiale, en se basant sur le fondement éthique de la responsabilité
devant Dieu et l'être humain comme créature de Dieu, est donc nécessaire.
L'encyclique ne cherche certes pas à offrir des solutions
techniques aux vastes problématiques sociales du monde actuel - cela n'est pas
du ressort du Magistère de l'Eglise (cf. n. 9). Elle rappelle cependant les
grands principes qui se révèlent indispensables pour construire le
développement humain des prochaines années. Parmi ceux-ci, en premier lieu, se
trouve l'attention à la vie de l'homme, considérée comme le centre de tout
véritable progrès ; le respect du droit à la liberté religieuse, toujours
étroitement lié au développement de l'homme ; le rejet d'une vision
prométhéenne de l'être humain, qui le considère comme l'artisan absolu de son
propre destin. Une confiance illimitée dans les potentialités de la technologie
se révélerait à la fin illusoire. Nous avons besoin d'hommes droits,
sincèrement attentifs au bien commun, aussi bien dans la politique que dans
l'économie. En particulier, si l'on considère les urgences mondiales, il est
urgent de rappeler l'attention de l'opinion publique sur le drame de la faim et
de la sécurité alimentaire, qui touche une partie considérable de l'humanité.
Un drame de telles proportions interpelle notre conscience : il faut
l'affronter avec décision, en éliminant les causes structurelles qui le
provoquent et en promouvant le développement agricole des pays les plus
pauvres. Je suis certain que cette voie solidaire du développement des pays les
plus pauvres aidera certainement à élaborer un projet de résolution de la crise
mondiale en cours. Le rôle et le pouvoir politique des Etats doit sans aucun
doute être attentivement réévalué, à une époque où existent de fait des
limitations à leur souveraineté à cause du nouveau contexte économique,
commercial et financier international. Et d'autre part, la participation
responsable des citoyens à la politique nationale et internationale ne doit pas
manquer, également grâce à un engagement renouvelé des associations des
travailleurs appelés à instaurer de nouvelles synergies au niveau local et
international. Dans ce domaine, un rôle de premier plan est également joué par
les moyens de communication sociale pour le renforcement du dialogue entre les
cultures et les différentes traditions.
Si l'on veut donc programmer un développement libéré des
dysfonctionnements et des déformations largement présentes aujourd'hui, une
sérieuse réflexion s'impose de la part de tous sur le sens même de l'économie
ainsi que sur ses finalités. C'est ce qu'exige l'état de santé écologique de la
planète ; c'est ce que demande la crise culturelle et morale de l'homme, qui
ressort avec évidence dans toutes les parties de la planète. L'économie a
besoin de l'éthique pour fonctionner correctement ; elle a besoin de retrouver
la contribution importante du principe de gratuité et de la « logique du don »
dans l'économie de marché, où la règle ne peut être le seul profit. Mais cela
n'est possible que grâce à l'engagement de tous, économistes et responsables
politiques, producteurs et consommateurs, et présuppose une formation des
consciences qui donne force aux critères moraux dans l'élaboration des projets
politiques et économiques. On rappelle à juste titre de plusieurs côtés le fait
que les droits présupposent des devoirs correspondants, sans lesquels les
droits risquent de devenir arbitraires. On répète de plus en plus que
l'humanité tout entière doit adopter un mode de vie différent, dans lequel les
devoirs de chacun envers l'environnement sont liés à ceux envers la personne
considérée en soi et en relation avec les autres. L'humanité est une seule
famille et le dialogue fécond entre foi et raison ne peut que l'enrichir, en
rendant plus efficace l'œuvre de la charité dans le domaine social, et constituant
le cadre approprié pour encourager la collaboration entre croyants et
non-croyants, dans la perspective commune d'œuvrer pour la justice et la paix
dans le monde. Comme critère d'orientation en vue de cette interaction
fraternelle, j'indique dans l'encyclique les principes de subsidiarité et de
solidarité, étroitement liés entre eux.
Enfin, j'ai signalé, face aux problématiques si vastes et profondes du monde
d'aujourd'hui, la nécessité d'une autorité politique mondiale régie par
le droit, qui respecte les principes mentionnés de subsidiarité et de
solidarité et qui soit fermement orientée vers la réalisation du bien commun,
dans le respect des grandes traditions morales et religieuses de l'humanité.
L'Evangile nous rappelle que l'homme ne vit pas seulement de pain
: les biens matériels seuls ne suffisent pas à satisfaire la soif profonde de
son cœur. L'horizon de l'homme est
indubitablement plus élevé et plus vaste ; c'est pourquoi chaque programme de
développement doit avoir présente, à côté de la croissance matérielle, la
croissance spirituelle de la personne humaine, qui est précisément dotée d'une
âme et d'un corps. Tel est le développement intégral, auquel fait
constamment référence la doctrine sociale de l'Eglise, un développement qui
trouve son critère d'orientation dans la force de propulsion de l'« amour dans
la vérité ». Chers frères et sœurs, prions afin que cette Encyclique puisse
aider l'humanité à se sentir une unique famille engagée à réaliser un monde de
justice et de paix. Prions afin que les croyants, qui travaillent dans le
domaine de l'économie et de la politique, comprennent combien leur témoignage
évangélique cohérent est important pour le service qu'ils rendent à la société.
En particulier, je vous invite à prier pour les chefs d'Etat et de gouvernement
du G8 qui se rencontrent ces jours-ci à L'Aquila. Que de cet important sommet
mondial puissent jaillir des décisions et des orientations utiles au véritable
progrès de tous les peuples, en particulier des plus pauvres. Nous confions cette
intention à l'intercession maternelle de Marie, Mère de l'Eglise et de
l'humanité.
Une "Autorité politique mondiale" ?
Que veut dire exactement le Pape ?
C’est au § 67 de l'encyclique que le pape parle de "l’autorité
politique mondiale », Le « Salon beige » dans sa parution
du 8 juillet 2009 fait justement remarquer que « l’autorité politique mondiale » réclamée par le
Pape n’est pas la même chose que la création d’un « super gouvernement
mondial : « Benoît XVI ne réclame pas un gouvernement mondial, ni la
fin de l'autorité des nations... Il y écrit notamment, après avoir
réclamé une réforme de l'ONU : "il est urgent que soit
mise en place une véritable Autorité politique mondiale
[...]. Une telle Autorité devra être réglée par le droit, se
conformer de manière cohérente aux principes de subsidiarité et de
solidarité, être ordonnée à la réalisation du bien commun,
s’engager pour la promotion d’un authentique développement humain intégral
qui s’inspire des valeurs de l’amour et de la vérité. Cette Autorité devra
en outre être reconnue par tous, jouir d’un pouvoir
effectif pour assurer à chacun la sécurité, le respect de la justice
et des droits. Elle devra évidemment posséder la faculté de faire
respecter ses décisions par les différentes parties, ainsi que les
mesures coordonnées adoptées par les divers forums internationaux. En
l’absence de ces conditions, le droit international, malgré les grands progrès
accomplis dans divers domaines, risquerait en fait d’être conditionné par les
équilibres de pouvoir entre les plus puissants. Le développement
intégral des peuples et la collaboration internationale exigent que soit
institué un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale
de type subsidiaire pour la gouvernance de la mondialisation et que
soit finalement mis en place un ordre social conforme à l’ordre moral
et au lien entre les sphères morale et sociale, entre le politique et la sphère
économique et civile que prévoyait déjà le Statut des Nations Unies."
C'est une critique à peine voilée -au
moment où s'ouvre le G8- de la confiscation et l'utilisation des organes
internationaux par quelques uns.
Voici ce qu'en écrivait le pape Jean
XXIII dans Pacem in Terris (§145), cité en note de la
nouvelle encyclique :
"Nous désirons donc vivement que
l'organisation des Nations Unies puisse de plus en plus adapter ses structures
et ses moyens d'action à l'étendue et à la haute valeur de sa mission. Puisse-t-il
arriver bientôt, le moment où cette Organisation garantira efficacement les
droits qui dérivent directement de notre dignité naturelle, et qui, pour cette
raison, sont universels, inviolables et inaliénables."
A l'heure actuelle, on sait que
différents organes de l'ONU tentent de garantir plutôt le crime de l'enfant à
naître ou le délitement de la famille...
Contrairement à ce que semblent penser
les médias, l'idée d'une Autorité mondiale n'est pas nouvelle,
elle existe déjà dans le Compendium de
Enfin, le texte fait également référence
à l'encyclique de Jean-Paul II Sollicitudo
rei socialis (§42) où l'on peut notamment lire (mais le reste
du § est également à lire) :
"Les Organisations
internationales, selon de nombreux avis, semblent se trouver à un
moment de leur histoire où les mécanismes de fonctionnement, les frais
administratifs et l'efficacité demandent un réexamen attentif et d'éventuelles
corrections. Evidemment un processus aussi délicat ne peut être mené à
bien sans la collaboration de tous. Il suppose que l'on dépasse
les rivalités politiques et que l'on renonce
à la volonté de se servir de ces Organisations à des fins particulières,
alors qu'elles ont pour unique raison d'être le bien commun. Les
Institutions et les Organisations existantes ont bien travaillé à l'avantage
des peuples. Toutefois, affrontant une période nouvelle et plus difficile de
son développement authentique, l'humanité a besoin aujourd'hui d'un degré
supérieur d'organisation à l'échelle internationale, au service
des sociétés, des économies et des cultures du monde entier."
Nous reviendrons dans les prochains
numéros d’Item sur les divers enseignements de l’ Encyclique de Benoît XVI.