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Un regard sur le monde

politique et religieux

 

 

au 11 janvier  2008

 

N° 154

 

 

Benoît XVI et la question de la liberté.

 

 

Comme il le fait chaque année, Benoît XVI s’est adressé, le 7 janvier, à 11h00 dans la salle royal au corps diplomatiques près le Saint Siège. Vous pouvez en lire le texte dans Flash-Info du même jour. Nous suivons de près l’actualité religieuse et politique…

 

Après avoir parcouru, dans une première partie, les problèmes politiques, moraux et humains qui agitent les peuples de tous les continents, le pape en est venu, dans une deuxième partie, à des considérations plus philosophiques touchant davantage  la doctrine politique de l’Eglise. Je les ai notées dans la présentation que j’ai faite de ce texte dans Flash-In fo du 7 janvier. Je me permets de les reprendre ici, pour les analyser plus a fond. Sous le titre : les grands moments de la pensée de Benoît XVI, je résumais cette pensée de cette façon :

 

 

a- Au sujet de  la liberté humaine, je faisais remarquer que « le pape rappelais qu’elle n’est pas un bien absolu mais un bien relatif qui ne doit se concevoir que dans sa relation à « l’ordre et au droit » et que le droit ne peut « être une force de paix » que « solidement ancré dans le droit naturel ». C’est pourquoi on ne  peut finalement dissocier la liberté humaine de Dieu. Le pape rappelle ainsi le lien entre trois notions – une vraie « catena aurea » : la liberté, le droit naturel et Dieu, pour conclure très heureusement que Dieu doit rester au cœur de l’homme. Voici ce beau passage : « la liberté humaine n'est pas absolue, mais (…) il s'agit d'un bien partagé, dont la responsabilité incombe à tous. En conséquence, l'ordre et le droit en sont des éléments qui la garantissent. Mais le droit ne peut être une force de paix efficace que si ses fondements demeurent solidement ancrés dans le droit naturel, donné par le Créateur. C'est aussi pour cela que l'on ne peut jamais exclure Dieu de l'horizon de l'homme et de l'histoire. Le nom de Dieu est un nom de justice ; il représente un appel pressant à la paix » (n° 8).

 

b-Au sujet du dialogue interreligieux, je résumais de la façon suivante sa pensée : « Le pape rappelle l’engagement de l’Eglise en cette affaire. Il en profite pour rappeler que ce dialogue ne doit être ni syncrétiste, ni relativiste, mais « véridique ». Le « vrai » doit en être le cœur. Il déclare : «  Pour être vrai, ce dialogue doit être clair, évitant relativisme et syncrétisme, mais animé d'un respect sincère pour les autres et d'un esprit de réconciliation et de fraternité. L'Eglise catholique y est profondément engagée ». Sur ce sujet, il fait une claire allusion à la lettre qu’il a reçu en octobre dernier des 138 personnalités musulmanes : « il m'est agréable d'évoquer à nouveau la Lettre que m'ont adressée, le 13 octobre dernier, cent trente-huit personnalités musulmanes et de renouveler ma gratitude pour les nobles sentiments qui y sont exprimés ». (Voir le dossier Benoît XVI et l’Islam. Les dossiers d’Item). Et pendant ce temps, les massacres des chrétiens se poursuivent toujours en terre musulmane ! J’ai peur qu’il y ait bien ici une illusion ! Et de la part des musulmans, une hypocrisie, profitant de la faiblesse de l’Occident !

 

c-Au sujet de la dignité de la personne humaine, je disais que :  « Le pape rappelle ce grand principe qui est au cœur des grandes préoccupations de l’Eglise en matière sociales et politiques. Il rappelle que cette dignité  est basée sur le fait que l’homme a été créé « à l’image de Dieu ». Ce rappel est important (car ce n’est pas le sens que le politique donne généralement à cette expression, ni celle de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, ni celle de l’ONU de 1945). Et de là, le pape va en profiter pour rappeler le respect que l’on doit à la vie humaine. Ce respect est bafoué dans tous les continents. Il va rappeler que la science est pour la vie et son progrès et nullement le contraire. Il a une très belle phrase sur ce sujet :  « je ne peux pas ne pas déplorer une fois encore les attaques continuelles perpétrées, sur tous les continents, contre la vie humaine. Je voudrais rappeler, avec tant de chercheurs et de scientifiques, que les nouvelles frontières de la bioéthique n'imposent pas un choix entre la science et la morale, mais qu'elles exigent plutôt un usage moral de la science » (n° 11). Il en profite pour se féliciter du moratoire qui vient d’être signé aux Nations Unies contre la peine de mort. Et il dit cela au nom du respect que l’on doit à la vie. Ce n’est pas ce qu’enseignait l’Eglise encore juste avant le Concile Vatican »

 

d- Au sujet de la famille, « le pape se prononce très fort en faveur de la famille, « cellule de base de la société » : « Je regrette une fois encore les atteintes préoccupantes à l'intégrité de la famille, fondée sur le mariage entre un homme et une femme. Les responsables de la politique, de quelque bord qu'ils soient, devraient défendre cette institution fondamentale, cellule de base de la société. »(n° 12)

 

e- Au sujet de la liberté religieuse, « on retrouve, chez le pape,  malheureusement, la notion de « liberté religieuse » telle que définie au Concile Vatican II : « Même la liberté religieuse, « exigence inaliénable de la dignité de tout homme et pierre angulaire dans l'édifice des droits humains » (Message pour la Célébration de la Journée mondiale de la Paix 1988, Préambule), est souvent compromise. Il y a en effet bien des endroits où elle ne peut s'exercer pleinement. Le Saint-Siège la défend et en demande le respect pour tous. Il est préoccupé par les discriminations contre les chrétiens et contre les fidèles d'autres religions. »

 

Voilà les sujets sur lesquels j’aimerais revenir dans les prochains « Regards sur le monde ». Ce sont là les problèmes modernes sur lesquels il convient d’avoir une pensée vraie.

 

Abordons aujourd’hui le problème de la liberté humaine.

 

Le pape s’exprime très clairement sur ce sujet, mais d’une manière qui pourrait choquer les esprits modernes. Il affirme que « la liberté humaine n’est pas absolue » mais relative. Ainsi prend-il à contre courent le monde moderne pour qui la liberté est un « bien absolu » ne pouvant supporter aucune limitations, aucune interdiction.

 

Mais qu’est-ce que la liberté ?

 

Pour répondre à cette question nous utiliserons l’encyclique de Léon XIII : Libertas praestantissimus du 2 juin 1888 et nous suivrons le commentaire que Mgr Lefebvre en fait dans son livre « C’est moi l’accusé qui devrait vous juger », les pages 142 à 158.

 

La première partie de ce document donne une exacte définition de la liberté. On se fait souvent des idées fausses à ce sujet.

 

« On compte un grand nombre d’hommes, écrit le pape,  qui croient que l’Eglise est l’adversaire de la liberté humaine. La cause en est dans l’idée défectueuse et comme à rebours que l’on se fait de la liberté. Car par cette altération même de sa notion et par l’extension exagérée qu’on lui donne, on en vient à l’appliquer à bien des choses dans lesquelles l’homme, à en juger par la seule raison, ne saurait être libre ».

 

Pourquoi cette accusation contre l’Eglise ? Parce que l’Eglise tient à la loi ; or la loi dirige la liberté, oriente la liberté en orientant la volonté. Alors les gens qui veulent une liberté totale, sans limite, estiment que l’Eglise, étant pour le décalogue, pour des lois morales précises, est contre la liberté. Comme si la loi par elle-même allait contre la liberté ! Ils croient que la liberté est une chose absolue et que, lorsqu’on la limite, elle n’est plus la liberté. Ils s’imaginent que la liberté est une faculté donnée par la nature et qui permet de faire tout ce que l’on veut.

 

Benoît XVI en rappelant aux ambassadeurs près le Saint Siège, le 7 janvier dernier, que la liberté n’est pas un bien absolu s’inscrit dans cette pensée ecclésiale.

 

 

D’où l’importance de savoir exactement comment se définit  la liberté et pourquoi Dieu nous l’a donnée. La liberté est une notion relative, comme d’ailleurs l’obéissance ; elle est bonne dans la mesure où elle recherche le bien. Et elle n’est plus liberté dans la mesure où, au contraire, elle conduit au mal. La liberté ne nous  a pas été donnée pour elle-même, mais afin que nous poursuivions le bien d’une manière qui ne soit pas déterminée.

 

Liberté psychologique et liberté morale.

 

Léon XIII commence par distinguer entre liberté psychologique ou naturelle (le libre arbitre) et liberté morale (l’usage bon ou mauvais du libre arbitre) :

 

« Ce que nous avons directement en vue, c’est la liberté morale considérée soit dans les individus, soit dans la société. Il est bon cependant de dire tout d’abord quelques mots de la liberté naturelle ».

 

On distingue en effet la liberté morale qui concerne les actes bons ou mauvais, et la liberté naturelle qu’on appelle aussi la liberté psychologique : cette dernière est celle de l’acte libre, de l’acte accompli sans être déterminé par une cause interne. Mais dès que l’on ajoute à cet acte l’idée du bien ou du mal, la liberté doit être orientée. La liberté morale ne peut pas s’étendre à tout, justement parce qu’elle regarde le bien et le mal ; elle ne peut s’étendre qu’au bien, car si elle s’étend au mal, elle n’est plus véritable liberté, elle devient licence.

 

La liberté, marque de l’intelligence.

 

Donc Léon XIII commence par exposer la liberté psychologique ou naturelle « ou libre arbitre) de l’homme :

 

« Cette liberté, le jugement et le sens commun de tous les hommes, qui certainement est pour nous la voix de la nature, ne la reconnaissent qu’aux êtres qui ont l’usage de l’intelligence et de la raison ».

 

En effet ne sont considérés comme libres, bien sûr, que les êtres spirituels qui ont une intelligence ou une raison et non les animaux qui, eux, n’obéissent qu’à l’instinct.

 

« Il n’en saurait être autrement car, tandis que les animaux n’obéissent qu’aux sens et ne sont poussés que par l’instinct naturel à rechercher  ce qui leur est utile ou à éviter ce qui leur seraient nuisible, l’homme dans chacune des actions de sa vie a la raison pour guide. Or la raison, à l’égard des biens de ce monde, nous dit de tous et de chacun qu’ils peuvent indifféremment être ou ne pas être, d’où il suit qu’aucun d’eux ne lui apparaissant comme nécessairement à prendre, elle donne à la volonté le pouvoir d’option pour choisir ce qui lui plait ».

 

C’est cela la liberté psychologique. Et le pape poursuit :

 

«  Cette doctrine de la liberté comme celle de la spiritualité et l’immortalité de l’âme humaine,  nul ne la prêche plus haut, ni ne l’affirme avec plus de constance que l’Eglise catholique : elle l’a de tout temps enseignée, et elle la défend comme un dogme. Bien plus, devant les attaques des hérétiques et des fauteurs d’opinions nouvelles, c’et l’Eglise qui a pris la liberté sous son patronage et qui a sauvé de la ruine ce grand bien de l’homme (…) Elle a combattu pour la liberté de l’homme ne laissant en aucun temps et en aucun lieu, le fatalisme prendre pied ».

 

 

Au contraire des musulmans qui, eux, enseignent le fatalisme.

 

« La liberté est comme nous l’avons dit, le propre de ceux qui ont reçu la raison et l’intelligence en partage ; et cette liberté, à en examiner la nature, n’est autre chose que la faculté de choisir entre les moyens qui conduisent à un but déterminé ».

 

Telle est l’exacte définition de la liberté psychologique.

La liberté morale.

 

Maintenant, si nous considérons que le but, la fin ultime de l’homme est le Bon Dieu, but qu’Il a assigné à notre vie, à notre existence, alors notre liberté doit choisir entre les moyens qui nous conduisent à cette fin et non à une autre.

C’est là qu’entrent en jeu le bien et le mal. Notre liberté, contrairement à celle de Dieu, peut conduire au mal, à cause de la faiblesse de notre intelligence qui peut se tromper sur la bonté des choses particulières. Nous risquons d’en choisir qui soient contraires à notre fin, nous agissons ainsi par erreur, parce que nous convoitons un bien apparent qui est en réalité un mal pour nous :

 

« Chacune de ces deux facultés ne possédant point la perfection, il peut arriver et il arrive souvent que l’intelligence propose à la volonté un objet qui, au lieu d’une bonté réelle n’en a que l’apparence, une ombre de bien, et que la volonté pourtant s’y applique.. mais, de même que pouvoir se tromper réellement est un défaut qui accuse l’absence de la perfection dans l’intelligence, ainsi s’attacher à un bien faux et trompeur, tout en étant l’indice du libre arbitre, comme la maladie l’est de la vie, conctitue néanmoins un défaut de liberté. Pareillement la volonté par le seul fait qu’elle dépend de la raison ; dès qu’elle désire un objet qui s’écarte de la droite raison, tombe dans le vice radical qui n’est que la corruption et l’abus de la liberté ».

 

Sinon, il faudrait dire que le Bon Dieu nous aurait donné  une faculté, une qualité attachée à notre volonté et qui serait mauvaise, à savoir la faculté de faire le mal ! Ce n’est pas possible. Il nous a donné la volonté pour faire le bien et non le mal, c’est évident.

 

« Voilà pourquoi Dieu, la perfection infinie, qui étant souverainement intelligent et la bonté par essence, est aussi souverainement libre, ne peut en aucune façon vouloir le mal moral, pas plus que les bienheureux du ciel, à cause de leur contemplation du souverain bien ».

 

La faculté de faire le mal, défaut de notre liberté.

 

Si cette faculté de faire le bien et le mal était un bien, une perfection, nous aurions l’impression de pouvoir faire encore plus qu’en choisissant seulement les choses bonnes : nous pourrions aussi choisir les mauvaises. A première vue, ce serait une faculté plus étendue. Eh bien non ! Car si c’était là une perfection, elle le serait aussi en Dieu qui, dès lors, pourrait aussi faire le mal ! Or Dieu est souverainement libre. Il possède la liberté à une degré infini et pourtant, Il ne peut pas faire le mal. C’est évidemment inconcevable. Dieu serait alors moins parfait que les hommes.

 

Insistons un peu : choisir le mal ne peut être qu’un défaut. Comparons avec la maladie : qu’y-a-t-il de plus parfait ? Pouvoir être malade ou ne le pouvoir pas ? Si pouvoir être malade est mieux que ne le pouvoir pas, alors les élus ne peuvent plus être malades, mais les hommes sur la terre, eux, pourraient « choisir » entre la santé et la maladie. C’est ainsi qu’on serait plus parfait sur la terre qu’au ciel ! C’est ridicule.

Choisir le mal est un défaut et ne peut être qu’un défaut : on choisit, au fond, sa propre destruction, on se suicide. Rechercher ce qui est péché, c’est rechercher sa propre imperfection, donc le néant. Comment Dieu pourrait-il rechercher son propre mal ? C’est impossible ; il ne serait plus Dieu. Il faut bien se mettre cela dans l’esprit : la faculté de faire le mal est un défaut de la liberté. Voilà ce qui condamne le libéralisme. Pour les libéraux, justement, l’homme est libre, nous sommes libres, donc nous pouvons faire le bien et le mal, et si nous ne pouvons  pas faire le mal, alors nous ne sommes plus libres. Tel est leur raisonnement.

 

Et c’est là le principe qui dirige nos sociétés actuelles, nos sociétés dites libérales : l’homme est libre, il doit pouvoir exercer sa liberté, faire tout ce qu’il veut.

 

Et voilà pourquoi Benoît XVI a bien fait, vraiment,  de dire aux ambassadeurs et par eux, à leurs gouvernements : la liberté n’est pas un bien absolue », sans limite.

 

Mais quelles limites ?

 

Il faut bien toutefois mettre une limite à cette liberté dans la vie sociale ; sinon les conséquences seront très graves, on tuera, on mettra le feu…Alors on peut dire : la limite ? C’est « l’ordre public ». Libres, vous l’êtes « dans la limite de l’ordre public ».  Ce qui peut être très large selon les gouvernements. Il y a, par exemple, tout ce qui n’est pas contre l’ordre public ; des défauts inavouables comme l’homosexualité, le divorce qui est pourtant contre la vie de la famille, contre l’ordre naturel, contre l’ordre moral….Mais puisque cela ne gêne personne, cela doit être libre…Voilà ce que l’on pense dans les sociétés actuelles ! On croit que cela ne gêne pas l’ordre public, mais comment expliquer qu’il y ait tant de crimes, que la criminalité augmente chaque jour dans les statistiques et que les criminels soient de plus en plus jeunes ? C’est parce que la famille est détruite : ces jeunes n’ont plus de famille, les parents sont divorcés, sont remariés, ils ont abandonné les enfants ; c’est le désordre complet. Ces enfants n’ont plus de morale ; ils ont vu le mal chez eux ; ils n’ont plus de notion de rien du tout.

 

Il faut comprendre que même pour l’ordre public, il faut l’ordre moral ; on ne peut pas laisser dire que si l’on n’est plus libre de faire le bien ou le mal, on est plus libre du tout. Notre liberté ne s’étend pas au mal. Dieu nous châtiera. Or, si l’essence de notre liberté était de pouvoir faire autant le mal que le bien, on ne devrait pas être puni ! Dieu nous punira dans la mesure où nous nous serons servis pour le mal de cette faculté qu’Il nous a donnée. Notre mérite est de pouvoir librement choisir entre les biens. Par exemple, des jeunes gens ont choisis d’être séminaristes, d’être prêtres, ils auraient pu choisir de se marier ou de rester célibataire ou d’exercer une profession. Ils ont choisi entre les biens, leur acte est méritoire, ils disposaient de la liberté pour cela, non pour choisir entre le bien et le mal.

 

Les faux principes du libéralisme sont ainsi réduits à néant. Ils disent l’homme est libre, c’est la grand principe. Les libéraux s’arrêtent à la faculté de choisir entre les moyens qui sont mis à notre disposition dans la vie sans considérer la fin due. Le pape, comme la vraie philosophie, dit « choisir entre les moyens qui conduisent non seulement à ce qu’on se propose, mais à la fin due ».

 

On commence à mieux comprendre pourquoi Benoît XVI affirme que la liberté n’est pas un bien absolu mais qu’elle postule un ordre : « l'ordre et le droit, dit-il,  en sont des éléments qui la garantissent ».

 

La liberté, faculté de choisir les moyens en observant l’ordre à la fin due.

 

Notre choix doit être délimité par le but. Et le but, par delà nos buts particuliers, c’est Dieu qui nous l’a fixé pour toujours, c’est la fin ultime de notre vie, c’est la gloire de Dieu et le salut de notre âme. Nous n’avons pas le droit d’utiliser notre liberté pour nous écarter de ce but. Nous sommes libres pour un but déterminé, pour choisir entre les moyens qui nous y mènent. Vous voulez aller à Rome ? Vous avez le droit de choisir entre les différentes routes qui mènent à Rome, votre but déterminé, mais, si, en cours de route, vous vous dites : tiens pourquoi ne changerai-je pas de route ? Alors vous allez vous diriger vers Amsterdam, vous n’avez plus le but déterminé, la fin due.

 

Benoît XVI a raison quand il dit aux ambassadeurs que la liberté exige le respect d’un « ordre ». Seul le respect de l’ordre du en  garantit son libre exercice.

 

C’est le fait d’être orienté vers la fin ultime qui constitue la moralité de nos actes Alors les lois qui nous sont données, celles du décalogue, sont comme les poteaux indicateurs de la route qui nous mène au but. Il s’ensuit que la loi n’est pas faite pour limiter notre liberté, mais pour bien l’orienter : on peut choisir le bon chemin grâce aux lois, parce qu’elles indiquent que par là on parvient au but.

 

C’est ce que refusent les libéraux : pour eux, si le but est déterminé, on n’est plus libre. Or, il faut savoir ce que l’on veut : ou bien arriver au malheur et à la punition éternelle ; ou bien arriver au bonheur que le Bon Dieu nous a préparé si nous utilisons précisément notre liberté selon sa volonté, la volonté qu’Il a mise en nous, qui est inscrite en notre nature.

 

La liberté est une espèce de miracle. Toutes les campagnes électorales se font en son  nom. On ne veut pas voir que la liberté de faire le mal conduit à la ruine de la société. On oublie pourquoi le Bon Dieu nous a donné cette faculté qui est attachée à l’intelligence et à la volonté. C’est parce que la raison est capable de connaître, le bien et de comparer les moyens à la fin à atteindre qu’elle est capable de faire le choix et ensuite de proposer à la volonté d’agir de telle ou telle manière, selon les principes de la raison et de la foi.

 

La loi aide précieuse de notre liberté.

 

Alors qu’est-ce qui doit nous aider à bien user de notre liberté ? C’est la loi. Lisons Léon XIII :

« Et d’abord une loi, c’est-à-dire une règle de ce qu’il faut faire ou ne pas faire, lui était nécessaire (à l’homme). A proprement parler, il ne peut pas en avoir chez les animaux qui agissent par nécessité, puisque tous leurs actes, ils les accomplissent sous l’impulsion de la nature et qu’il leur serait impossible d’adopter par eux-mêmes un autre mode d’action ».

 

On pourrait dire, analogiquement leur instinct est leur loi.

 

Mais aux hommes, le Bon Dieu qui les a créés, a donné l’intelligence de façon qu’ils puissent connaître la loi qui les conduit vers le but et qui, avec la grâce surnaturelle, les dirige vers le bonheur éternel ? Nous atteindrons ce bonheur dans la mesure où nous appliquons nos intelligences et nos volontés à cette loi.

 

Bien orienter notre raison

 

Par exemple, la boisson est un bien dans la mesure où elle est nécessaire à la santé, mais celui qui s’enivre, la recherche d’une manière désordonnée, va au suicide ; il ne suit plus la loi. Et il en est ainsi de tous les biens, mais mesurés, donc bons dans la mesure où ils nous orientent vers la fin, laquelle est déterminée par Dieu.

D’où la nécessité de la loi pour tous, qui se résume dans la loi de charité : aimer Dieu, aimer notre prochain. Dès lors que quelqu’un, par exemple, détruit sa propre santé par l’abus de la boisson, il fait tort aux siens, il manque à la charité envers sa famille.

 

Quelle est alors la définition de la loi ?

 

Léon XIII la donne ainsi :

 

« C’est, en effet la raison qui prescrit à la volonté ce qu’elle doit chercher ou ce qu’elle doit fuir, pour que l’homme puisse un jour atteindre cette fin suprême en vue de laquelle il doit accomplir tous ses actes. Or cette ordination de la raison, voilà la loi »

 

C’est un poteau indicateur sur la route que nous devons prendre. C’est aussi ce qui justifie la loi. On pourra distinguer entre  les bonnes lois et les mauvaises lois celles qui orientent bien notre raison et celles qui l’orientent mal.

 

Une mauvaise loi n’est plus une loi ; ce n’est plus une oridinatio rationis, car elle va contre la raison. On doit lui désobéir. Lisons :

 

« Si donc la loi est nécessaire à l’homme, c’est dans son libre arbitre lui-même, c’est-à-dire dans le besoin qu’il a de ne pas se mettre en désaccord avec la droite raison, qu’il faut en chercher comme dans sa racine, la cause première. Rien ne saurait être dit ou imaginé de plus absurde et de plus contraire au bon sens que cette assertion : « l’homme, étant libre par nature, doit être exempt de toute loi ». Car, s’il en était ainsi, il s’ensuivrait qu’il est nécessaire pour la liberté de ne pas s’accorder avec la raison, alors que c’est tout le contraire qui est vrai, à savoir, que l’homme doit être soumis à la loi, précisément parce qu’il est libre par nature. Ainsi donc, c’est la loi qui guide l’homme dans ses actions et c’est elle aussi qui, par la sanction des récompenses et des peines, l’attire à faire le bien et le détourne du péché ».

 

Loi éternelle, loi naturelle et loi humaine.

 

En somme, le pape Léon XIII, dans la première partie de l’encyclique,  s’applique à expliquer la raison d’être de la loi par rapport à la liberté. C’est alors qu’apparaît la distinction entre la loi éternelle, loi naturelle et loi humaine.

 

La loi naturelle est celle :

 

« qui est écrite et gravée dans le cœur de chaque homme, car elle est la raison même de l’homme, lui ordonnant de bien faire et lui interdisant de pécher ».

 

Et la loi humaine n’est autre que l’application de cette loi naturelle à la société par l’autorité. Et le pape d’ajouter :

 

« ..de même que ce n’est pas la société qui a crée la nature humaine, ce n’est pas elle qui fait que le bien soit en harmonie et le mal en désaccord avec la nature : mais tout cela est antérieur à la société humaine elle-même et doit absolument être rattaché à la loi naturelle et partant à la loi éternelle ».

 

Donc la loi naturelle dépend intimement de la loi éternelle, la loi qui est en Dieu, législateur suprême.

 

Il suit donc que la loi naturelle n’est autre chose que la loi éternelle, gravée chez les êtres doués de raison et les inclinant vers l’acte et la fin qui leur conviennent ; et celle-ci n’est elle-même que la raison éternelle du Dieu créateur et modérateur du monde ».

 

Voilà pourquoi Benoît XVI a raison d’écrire que la vraie liberté : « n'est pas absolue, mais (…), (que)  l'ordre et le droit en sont (nécessairement) les  éléments qui la garantissent. Et que « le droit ne peut être une force de paix efficace que si ses fondements demeurent solidement ancrés dans le droit naturel, donné par le Créateur. C'est aussi pour cela que l'on ne peut jamais exclure Dieu de l'horizon de l'homme et de l'histoire. (n° 8).

 

Nécessité de la loi humaine.

 

Ces considérations sont fort importantes, car c’est là ce qui fonde la nécessité de notre obéissance à la loi. Celle-ci n’est pas arbitraire : elle doit toujours correspondre à la loi supérieure et par conséquent à la loi éternelle. Dieu est le fondement de tout et le garant ultime de la vraie liberté humaine. On ne saurait trop remercier Benoît XVI de rappeler cela : le fondement de toute société est Dieu.  Les lois humaines  - les lois ecclésiastiques comme celles de l’autorité civile de la société – doivent être en rapport avec la loi du Créateur qui a fait la nature elle-même. Voilà ce qui doit guider notre obéissance :

 

« Ce que la raison et la loi naturelle font pour les individus, la loi humaine, promulguée pour le bien commun des citoyens l’accomplit pour les hommes vivant en société »

 

Mais les prescriptions de la puissance civile :

 

« ..ne procèdent pas immédiatement et de plein pied du droit naturel. Elles en sont  les conséquences plus éloignées et indirectes et ont pour but de préciser les points divers sur lesquels la nature ne s’était prononcée que d’une manière vague et générale. Ainsi la nature ordonne aux citoyens de contribuer par leur travail à la tranquillité, à la prospérité publique : dans quelle mesure, dans quelles conditions, sur quels objets, c’est ce qu’établit la sagesse des hommes et non la nature ».

 

Il y a donc une grande latitude qui doit être précisée par l’autorité, d’où la nécessité du code civil, comme du droit canon dans l’Eglise, qui doit avoir toujours un rapport avec la loi fondamentale qui est à la fois la loi naturelle et la loi éternelle ; la loi humaine ne peut en aucun cas prescrire des choses qui soient contraires à la loi éternelle.

 

« Dans une société d’hommes, la liberté digne de ce nom ne consiste pas à faire tout ce qui nous plaît, ce serait dans l’Etat une confusion extrême, un trouble qui aboutirait à l’oppression : la liberté consiste en ce que, par le secours des lois civiles, nous puissions plus aisément vivre selon les prescriptions de la loi éternelle ».

 

C’est bien ce que veut dire aussi Benoît XVI.

 

Retenez cette magnifique définition de la liberté morale dans la société : ce qu’on appelle la liberté civile, et notez le rapport nécessaire entre la loi humaine (civile) et la loi éternelle. Benoît XVI y insiste lourdement dans son enseignement aux ambassadeurs : « le droit ne peut être une force de paix efficace que si ses fondements demeurent solidement ancrés dans le droit naturel, donné par le Créateur. C'est aussi pour cela que l'on ne peut jamais exclure Dieu de l'horizon de l'homme et de l'histoire

 

Léon XIII, de la même manière écrit : « Et pour ceux qui gouvernent, la liberté n’est pas le pouvoir de commander au hasard et suivant leur bon plaisir : ce serait un désordre non moins grave et souverainement pernicieux pour l’Etat ; mais la force des lois humaines consiste en ce qu’on les regarde comme une dérivation de la loi éternelle ».

 

C’est ce qui fait la force des lois civiles.

 

« …Supposons donc une prescription d’un pouvoir quelconque qui serait en désaccord avec les principes de la droite raison et avec les intérêts du bien public, elle n’aurait aucune force de loi ».

 

Ce ne serait pas une loi. Elle ne pourrait pas obliger. On devrait lui désobéir.

 

« Donc supposons une prescriptions d’un pouvoir quelconque qui serait en désaccord avec les principes de la droite raison et avec les intérêts du bien public ; elle n’aurait aucune force de loi parce que ce ne serait pas une règle de justice et qu’elle écarterait les hommes du bien pour lequel la société é été formée ».

 

La vraie liberté postule la loi.

 

« Par sa nature même et sous quelque aspect qu’on la considère, soit dans les individus, soit dans les sociétés, et chez les supérieurs non moins que chez les subordonnés, la liberté humaine suppose la nécessité d’obéir à une règle suprême et éternelle ; et cette règle n’est autre que l’autorité de Dieu nous imposant ses commandements ou ses défenses ; autorité souverainement juste qui, loin de détruire ou de diminuer la liberté des hommes, ne fait que la protéger et l’amener à sa perfection, car la vraie perfection de tout être, c’est de poursuivre et d’atteindre sa fin ; or la fin suprême vers laquelle doit aspirer la liberté humaine, c’est Dieu ».

 

On retrouve bien là la pensée de Benoît XVI. Il dit de même que « le droit ne peut être une force de paix efficace que si ses fondements demeurent solidement ancrés dans le droit naturel, donné par le Créateur. C'est aussi pour cela que l'on ne peut jamais exclure Dieu de l'horizon de l'homme et de l'histoire »

 

Nous n’avons pas le droit de faire quoi que ce soit qui nous éloigne de Dieu ; sinon nous n’usons pas de notre liberté, nous nous livrons à la licence. Il faut bien voir la distinction : la licence s’étend à n’importe quoi, c’est faire tout ce que l’on veut. La liberté, au contraire, c’est la faculté de se mouvoir dans le bien. C’est ce que l’Eglise a toujours enseigné, rappelle Léon XIII :

 

« Ce sont les préceptes cette doctrine très vraie et très élevée, connus même par les seules lumières de la raison, que l’Eglise, instruite par les exemples et la doctrine de son divin Auteur, a propagés et affirmés partout, et d’après lesquels elle n’a jamais cessé de mesurer sa mission et d’informer les nations chrétiennes ».

 

La loi nouvelle de l’Evangile.

 

Léon XIII ne manque pas d’ajouter un mot sur la supériorité de la loi nouvelle promulguée dans l’Evangile par Notre Seigneur :

 

« En tout ce qui touche les mœurs, les lois évangéliques, non seulement l’emportent de beaucoup sur toute la sagesse païenne, mais elles appellent l’homme et le forment vraiment à une sainteté inconnue des anciens, et en le rapprochant de Dieu, elles le mettent en possession d’une liberté plus parfaite ».

 

Ici le pape Léon XIII choisit un bel exemple de libération vraie apportée par la loi évangélique : l’abolition progressif de l’esclavage, non pas une révolution violente, mais par la vraie fraternité des hommes en Jésus-Christ :

 

« C’est ainsi qu’a toujours éclaté la merveilleuse puissance de l’Eglise pour la protection et le maintien de la liberté civile et politique des peuples. Ses bienfaits en ce genre n’ont pas besoin d’être énumérés. Il suffit de rappeler l’esclavage, cette veille honte des nations païennes, que ses efforts surtout et son heureuse intervention ont fait disparaître ».

 

Qu’il suffise d’évoquer la belle lettre de saint Paul à Philémon, son disciple.

 

Ainsi Léon XIII peut-il conclure cette première partie de l’Encyclique de ces mots :

 

« …Si dans les discussions qui ont cours sur la liberté, on entendait cette liberté, légitime et honnête, telle que la raison et Notre parole viennent de la décrire, nul n’oserait plus poursuivre l’Eglise de ce reproche qu’on lui jette avec une souveraine injustice, à savoir qu’elle est l’ennemi de la liberté des individus et de la liberté des Etats » parce qu’elle ne veut pas en faire un bien « absolu ».

 

Cette rapide étude montre le lien parfait  qu’il y a entre Léon XIII, Benoît XVI et Mgr Lefebvre. Il est bon de le souligner.